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liser l'Angleterre et l'Ecosse, occupe encore aujourd'hui la place que lui assigne le Gallia christiana. Bien qu'oblitérée par le frottement, on parvient cependant encore à lire l'inscription suivante sur sa tombe:

CUSTOS HONESTATIS VERUS, JACET HIC PIETATIS

ARCA, LATOR LEGIS, FORMULA FACTA GREGIS :
VERMIBUS ESCA DATUS, CINCTI QUO TENDIMUS IVIT
ABBAS EUSTACHIUS CUI DEUS ESTO PIUS.

Au bas des marches du chœur actuel, qu'on a agrandi de plusieurs travées au détriment de la nef primitive, on voit la pierre tumulaire de Villiers de Lisle Adam, dernier abbé régulier du monastère, qui compromit par la cession qu'il fit au roi, les services signalés dont l'abbaye lui était redevable. Voici l'épitaphe qu'on lit sur son tombeau : « Hic jacet reverendus in Christo pater dominus Guido de « Villiers L'Isle Adam monachus et abbas hujus cœnobii qui <«< obiit anno domini MDXXXVI, die XXIII junii, Requi<«<escat in pace. » Autrefois on pouvait lire son éloge sur une plaque de bronze encastrée dans le mur.

Cette description bien imparfaite suffit, Messieurs, pour vous donner une idée du magnifique monument sur lequel j'appelle aujourd'hui votre attention; mais il faut le voir pour être en mesure de l'apprécier à sa juste valeur. Vous seriez étonnés si je vous disais que cette église n'est pas classée parmi les monuments historiques, et cependant si l'on s'en rapporte à une délibération récente du conseil municipal, il en est ainsi les voûtes du collatéral, au nord, menacent ruine; plusieurs contreforts sont minés à leur base et se lézardent; une chûte partielle peut, d'un moment à l'autre, occasionner un ébranlement général compromettant pour l'édifice entier; la vie des paroissiens n'est pas en sûreté, aussi les conseillers municipaux, dont les faibles res

sources ne permettent pas de faire face aux dépenses qu'entraînerait la réparation de l'église, poussent un cri d'alarme et viennent de s'adresser au prefet de l'Oise en le priant d'appuyer leurs réclamations près de M. le Ministre. S'ils ne peuvent pas obtenir une restauration complète, ils demandent qu'on entreprenne au moins les travaux de réparation urgente, de consolidation. M. le Préfet s'est empressé d'appuyer cette légitime requête de sa recommandation, et M. le Ministre a répondu que cette église est abandonnée et vouée à une ruine prochaine; ainsi cet édifice qui est l'une des gloires de la France monumentale, dans vingt ans n'existera plus. C'est peut-être le plus beau spécimen de l'architecture du XI. siècle par l'harmonie de l'ensemble, la richesse des détails et l'originalité de la construction; cette église ogivale dans sa partie inférieure et en plein-cintre dans toutes les zones supérieures; cette église, avec son magnifique triforium originairement voûté dans toutes ses parties, avec ses fenêtres carrées, les nervures si riches et si harmonieuses de son abside, ses chapelles autour du sanctuaire, la constitution si élégante et si majestueuse à la fois de ses colonnes, avec sa tablette saillante à la retombée des voûtes; cette église aussi intéressante à l'intérieur qu'à l'extérieur par la finesse de sculpture de ses corniches, les essais timides encore des arcsboutants et les colonnettes qui rampent le long de son chevet ; cette église est vouée à une ruine prochaine !!!.

Depuis bien des années le ministre a toujours témoigné un intérêt si vif et si efficace pour les monuments historiques et religieux, qu'on a lieu de s'étonner d'une telle réponse, d'autant plus qu'en 1844 le Ministre des cultes écrivait à Mgr. l'Evêque de Beauvais : « Il résulte des renseignements qui « viennent de m'être transmis par M. le Préfet de l'Oise, « que déjà, d'après les ordres de M. le Ministre de l'Intérieur « on a préparé le travail relatif à la restauration de l'église de

«Saint-Germer et que l'insuffisance du crédit destiné à la « conservation des monuments historiques est le seul motif

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qui ait obligé mon collègue à ajourner toute allocation pour « l'exécution des travaux.

« C'est à M. de Ministre de l'Intérieur qu'il appartient plus particulièrement de concourir à cette dépense; d'après les

« mesures qu'il a déjà prescrites, je ne doute pas qu'il ne « seconde l'intérêt que vous portez à cette église. »

Comment concilier le langage contradictoire du ministère en 1844 et en 1846 ? Cela tient à un rapport alarmant présenté à M. le Ministre de l'Intérieur par une commission spéciale nommée à l'effet de vérifier l'état des lieux. Le rapport de cette commission concluait à l'abandon de l'église et à la restauration complète de la chapelle et de son couloir, construits au XIIIe siècle, à la suite de l'église, et c'est en s'appuyant sur cette conclusion que M. le Ministre refuse aujourd'hui toute espèce d'allocation.

Messieurs, permettez-moi quelques insinuations qui n'auront rien de désobligeant pour personne. M. Boeswilvald, rapporteur de la commission, qui devait être l'architecte chargé de la restauration de Saint-Germer, arrive en présence de deux monuments qui tous deux avaient besoin d'une réparation importante à la seule inspection il peut présumer avec ses collègues que si on fait un devis exact des dépenses qu'entraînerait la restauration complète des deux monuments, on effraira le ministère par l'énormité du chiffre qui dépassera de beaucoup les ressources du budget, et l'on n'obtiendra que des sommes médiocres qui, éparpillées ça et là, pourraient consolider l'édifice, mais sans procurer de gloire à l'architecte; on prit donc le parti d'opter pour la chapelle, sauf à s'occuper de l'église plus tard s'il y avait lieu, et je sais très-pertinemment que ce parti ne fut pas pris à l'unanimité. La minorité de la commission prit en main la défense de l'an

tique basilique; un architecte célèbre, consulté depuis, a déclaré que l'église pouvait être réparée sans absorber des sommes exorbitantes; dans tous les cas, le conseil municipal de Saint-Germer, en appelant l'attention et la bienveillance du gouvernement sur cette église, n'a pas la prétention d'obtenir une restauration complète, il demande une simple consolidation voici ce que je lis dans le procès-verbal de la séance du 9 août 1846.

:

« Le conseil municipal de la commune de St.-Germer, lé"galement convoqué et réuni selon la loi ;

« Le maire expose que l'église exige impérieusement des « travaux de consodidation, tels que pans de murs à refaire,

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reprises de contreforts, carrelage, terrassement pour <«< écouler les eaux, etc., que cet édifice est menacé d'une ruine prochaine, si les travaux ne sont promptement << et utilement exécutés. »

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Vous voyez, Messieurs, d'après cet extrait, que les conseillers municipaux ne s'occupent que des réparations d'urgence; ils ne demandent pas que l'édifice recouvre sa fraîcheur et sa jeunesse primitive, mais ils demandent un appui pour soutenir sa vétusté. Il ne m'appartient pas de vous tracer le chemin que vous avez à tenir; en me bornant à conclure à la demande d'un vou en faveur de ce monument, j'ai la confiance que la Société française pour la conservation des monuments historiques suivra, dans cette circonstance, comme toujours, ses généreuses inspirations et adoptera toutes les mesures qu'elle jugera convenables pour conserver l'antique église de Saint-Germer à la religion, aux arts et à l'histoire.

Un membre dit qu'avant toutes choses ou simultanément avec l'émission du vœu proposé, il faudrait adresser au ministre de l'Intérieur une demande pour lui recommander l'église de St.-Germer.

Cette proposition est adoptée et la rédaction d'une lettre au ministre est confiée à M. l'abbé Bourgeois pour être signée à la séance du lendemain.

Un autre membre demande que la somme de 500 francs mise à la disposition de l'assemblée par le bureau central de la Société soit immédiatement appliquée en tout ou en partie à cette destination, à titre de secours et comme démonstration qui ne doit pas être sans influence sur la détermination du gouvernement.

Sur l'observation de M. le docteur Rigollot, on pense qu'à la vérité le monument en question semble à la fois le plus nécessiteux et le plus digne d'intérêt pour le moment mais que d'autres besoins pouvant être signalés d'ici à la prochaine séance, il serait prudent de ne pas prendre une résolution immédiate. En conséquence le vote est renvoyé au lendemain.

Une troisième proposition est faite sur ce sujet, par M. Jourdain, tendante à ce que la Société provoque une contreenquête, celle-ci officieuse, dans le but de ramener l'attention du gouvernement sur l'église de St.-Germer et d'examiner si vraiment elle est aussi peu susceptible de réparation que l'enquête officielle l'a affirmé d'abord, du moins dans l'opinion de la majorité des membres de la commission. M. Jourdain complète sa proposition en demandant que les frais de déplacement des membres de la nouvelle commission soient faits par la caisse de la Société, à moins que la commune de St.-Germer ne s'offre à les faire elle-même, ce qu'on a tout lieu d'espérer suivant M. Bourgeois.

M. Jourdain raconte que le rétable d'autel, représentant, en scuplture enluminée d'un beau travail, la légende de St.Germer, avait été long-temps perdu et oublié lorsque, grâce à l'esprit investigateur de M. l'abbé Bourgeois, il fut retrouvé enfoui et mutilé parmi les remblais du cimetière voisin. A

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