Page images
PDF
EPUB

pans qui surmontent les arcades géminées sont ornés de roses et de quatre-feuilles ; aux transepts quelques colonnettes sont liées l'une à l'autre par des violettes ou des zig-zags d'une grande élégance. Au-dessus de ce triforium règnent autour de l'édifice des fenêtres carrées oblongues dont la disposition est fort singulière; la baie de ces fenêtres est maintenant bouchée par une maçonnerie : plus haut on remarque une autre particularité qu'il est important de signaler, c'est une tablette fort saillante soutenue par des consoles et formant corniche autour de l'édifice. Cette corniche pose immédiatement sur les tailloirs des chapiteaux et sert de support aux arceaux des voûtes; comme le mur éprouve une retraite sensible à cette hauteur, des ouvertures ont été pratiquées dans l'épaisseur de ces arceaux, de sorte qu'on peut entreprendre une promenade aérienne dans le pourtour intérieur de l'église, quand on n'est pas sujet au vertige. Dans chaque travée au-dessus de la corniche et au-dessous de la carène renversée que dessine l'intrados, des fenêtres romanes simples sont inscrites dans une archivolte ogivale.

La voûte principale est divisée par des travées qui sont déterminées par des axes parallèles dont la retombée repose sur la principale colonne du pilier; ces arcs sont au nombre de dix jusqu'au rond-point, les cinq premiers du côté de l'entrée sont en bois ainsi que le reste de la voûte qui leur correspond, par suite d'un accident qu'entraîna la démolition des tours du temps des Bourguignons; les autres sont en pierre, la nervure a pour profil une plate-bande ornée de deux tores; des arcs transversaux coupent chaque travée en diagonale, et leur arête a pour moulure deux boudins et un canal; au transept, ce canal est orné d'étoiles, de violettes, de têtes de clous, etc. Les clefs des voûtes représentent des couronnes fort ouvragées, les arêtes qui viennent butter contre les clefs de voûte de la travée centrale du transept sont ornées chacune

d'une tête grimaçante; une tête grimaçante orne aussi la clef de voûte du chœur; au collatéral septentrional, un dragon se replie sur lui-même pour mordre une de ses aîles. La clef de voûte de l'abside est un demi-cercle appuyé contre l'axe de la dernière travée, c'est là qu'aboutissent les quatre arceaux qui déterminent la voûte à pans coupés de l'abside : le sculpteur a déployé dans cette partie de l'édifice toute la magnificence de son art, dragons, lozanges avec une rose épanouie, guirlandes ornées de croix grecques, fleurons, bandelettes croisées sur un fond de feuillage, rien n'a été épargné pour saisir l'œil et l'imagination du spectateur; quelques-uns des médaillons de la corniche intérieure, quelques-unes des retombées des arceaux offrent des têtes grimaçantes, des êtres fantastiques, des serfs accroupis qui semblent se venger du poids qui les accable par un rire moqueur et insultant. Les voûtes latérales sont du même style que les voûtes centrales, mais elles sont comparativement très-basses avec des ogives romanes bien prononcées; le collatéral nord a conservé ses voûtes primitives, le collatéral sud a été refait dans presque toute sa longueur vers la fin du XIV. siècle; une seule fenêtre avec ses colonnettes romanes et son archivolte est restée. Dans les chapiteaux le système végétal règne partout; un seul présente un animal fantastique, les autres sont comme une réminiscence du chapiteau corinthien: presque partout la corbeille est fortement accusée, souvent elle est séparée du tailloir par un creux assez profondément fouillé; les campanes sont, en général, bien marquées. L'ornement le plus ordinaire est deux rangs de larges feuilles roulées vers le haut en volute, quelquefois simples, quelquefois découpées, mais simples; elles sont souvent inachevées l'un d'eux présente une complication d'arabesques et de rinceaux dont les formes sont tellement douteuses et indécises qu'il serait difficile de dire si ce sont des feuilles ou des serpents; plusieurs ont des fruits qui poussent entre des

feuilles lancéolées et dont on aurait peine à déterminer l'espèce. (Ne serait-ce pas des plantes de la famille des aroïdes dont M. Eugène Woillez a montré dernièrement l'importance dans la sculpture romane.)

Quand on pense que l'église de St.-Germer a été bâtie dans la première moitié du XI. siècle, sur un plan invariable et bien conçu, on est étonné de voir des chapelles rayonner autour du chœur ; ce fait exceptionnel semblerait démentir nos théories, si cette église n'offrait pas dans toutes ses parties de phénomènes archéologiques scientifiquement et chronologiquement inexplicables qui témoignent du génie de l'architecte auquel nous devons ce précieux monument.

Ces chapelles pratiquées entre les contreforts du chevet se divisent à l'intérieur en trois compartiments avec des voûtes à arêtes et trois fenêtres en plein-cintre surmontées d'une archivolte; mais il y a une certaine timidité dans la conception et un peu de maladresse dans l'exécution. Les lignes semblent gauchir, tout indique que c'était un coup d'essai ; l'une de ces chapelles possède un vrai trésor archéologique: c'est un autel roman en pierre de l'époque même de la construction. Adossé contre le mur dans la première des chapelles méridionales, entre les deux piliers du centre, il forme un carré long et ne s'élève guère à plus de 1". 20 c. au-dessus du sol; le noyau en moyen appareil est entouré d'une colonnade surmontée de petits arceaux assez élégants (1): les feuilles et les arcs croisés qui servent de base à l'ornementation de cet autel ne sont qu'une reproduction fidèle de la sculpture adoptée dans les modillons et les corniches à l'extérieur. Cet autel endommagé par les hommes et par le temps est en voie de restauration et va être très-prochainement remis à neuf. Le chœur est entouré de grilles en fer battu qui rappelle la facture du XIII®. siècle,

(4) V. le Cours d'antiquités de M. de Caumont, pl. XC, fig. 3.

et les chapelles conservent encore de nombreux vestiges d'un ancien pavage de petits carreaux en terre cuite vernissée, dont l'ensemble dessinait des compartiments curieux.

La façade, depuis la destruction des tours, n'offre rien de remarquable; au lieu de portail elle n'a plus qu'une porte moderne qui présente toutes les parties et toutes les proportions du toscan à peu près, avec ses pilastres, ses piedsdroits, une archivolte ayant pour clef au milieu de ses voussoirs des anges bouffis ornés de guirlandes; le côté méridional presque jusqu'au transept, avec ses fenêtres, ses cordons ornés de figures grotesques mutilées, ses arcs-boutants, a le caractère d'une réparation qui daterait de la fin du XIVe siècle. Les fenêtres, destinées originairement à éclairer la galerie, étaient en plein-cintre, si l'on en juge d'après ce. qui reste; la base de l'abside, à cette hauteur, présente seule une ogive à deux meneaux, inscrite dans un plein-cintre ; mais cette disposition paraît être postérieure à la construction primitive les fenêtres supérieures sont simples comme à l'intérieur; les corniches de l'entablement supportées par des modillons sont en arcs croisés, dont l'ensemble, par l'intersection, forme comme un réseau d'ogives, quelquefois simples, quelquefois ornées de salamandres et de têtes d'hommes. A la face occidentale du transept, on remarque un petit portail roman qui, par les feuilles en application et les zig-zags dont sont enrichies ses voussures, offre un aspect intéressant; sa baie est fermée depuis long-temps et les colonnes sont frustes. La façade méridionale du même transept est ornée de deux tourelles octogones, placées aux angles et engagées dans le mur; six angles sont dégagés et ornés de colonnes en forme d'arêtes saillantes, qui aboutissent au toit pyramidal qui sert de couronnement ; la petite tour qui conduit dans la partie supérieure de l'église, se termine en dôme.

A l'origine de l'hémicycle, chacune des travées entre les

contreforts est remplie par une chapelle dont le toit s'adosse contre les murs des bas côtés autour du chœur ; elles ont une corniche en feuilles entablées dans le genre de la première voussure du petit portail; des piliers qui les séparent partent des arcs qui vont contrebuter les piliers du chœur, sous la toiture des bas-côtés ; les contreforts de l'abside, au lieu de s'élever d'un seul jet avec des retraites, suivant l'usage, se terminent en colonnettes qui rampent le long des murs et sont couronnées par un chapiteau en volutes. Le côté nord de l'église a été moins maltraité que le côté opposé; cependant, le pignon du transept a été refait depuis peu, le collatéral n'était pas percé de fenêtres parce qu'il servait autrefois d'appui aux bâtiments claustraux; d'ailleurs, pour les ouvertures supérieures et les corniches, c'est toujours le même système d'ornementation. Les contreforts ayant subi moins de modifications que de l'autre côté, donnent, par leur retraite régulière, une idée bien précise de la construction primitive. Le clocher actuel, placé sur le point d'intersection du transept, est d'une époque assez rapprochée de nous. D'après une gravure renfermée dans un ouvrage intitulé: Icones monasteriorum Sancti Mauri, l'ancien clocher avait une forme quadrangulaire surmontée d'une toiture à quatre pans, et le pignon méridional, flanqué de deux tourelles à sa base, était orné d'une rose dans le tympan de son fronton. Les pierres tumulaires sont assez nombreuses dans l'intérieur de cette église célèbre, je me plais à signaler celle de Almabert, fils de Saint-Germer, remarquable par sa dimension, la beauté du dessin et la richesse de l'ornementation ; la crosse, les mains, sont en marbre blanc (j'ai cru entendre dire que cette pierre avait été enlevée depuis peu pour orner un musée de la capitale). Dans la grande nef, la pierre tumulaire d'Eustache, qui fut secrétaire de Philippe, évêque de Beauvais, et choisi par Innocent III pour aller évangé

« PreviousContinue »