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tranchées, fait brèche aux murs, donné plusieurs assauts, à la veille de triompher, fut blessé d'un coup de mousquet à la tête, en visitant les tranchées et travaux des ennemis, le mardi 20 juin, audit an, de laquelle blessure il mourut le jeudi suivant, après avoir déclaré qu'il voulait être inhumé à Chaumont.

Il fut amené dans son carosse accompagné de son aumônier, de ses gentilshommes et autres de sa suite, et escorté d'infanterie et de cavalerie, le chapitre alla recevoir le corps à l'entrée du faubourg Notre-Dame. Il fut conduit en notre église, porté par les pères capucins et déposé au milieu du chœur, où, après avoir chanté en musique le De profundis et le . Libera, on le laissa à la garde de Dieu jusqu'au lendemain, que MM. de Ville et autre corps d'icelle, se rendirent avec MM. l'Aumônier et autres de la suite dudit Seigneur, à 7 heures du matin, pour faire le service solennel. Rien ne manqua à la pompe et à la magnificence des obsèques. Le discours funèbre fut fait en la nef, par M. Etienne Fagotin, chanoine de ladite église, qui réussit à l'honneur du défunt et à la satisfaction des auditeurs.

Le corps fut ensuite porté, couvert d'un drap de velour noir, croisé de satin blanc, dans l'église des Capucins, où resta le corps en dépôt, jusqu'à ce qu'il plût à sa Majesté de donner ses ordres pour le lieu de la sépulture.

Le jeudi 3 août, en vertu des ordres du Roi, envoyés aux Capucins et obtenu par les soins de M. Fleury, procureur du chapitre, le corps de M. de Magalotti fut rapporté de l'église des Capucins en la nôtre, par MM. du chapitre, en observant les mêmes cérémonies que lorsqu'il y avait été conduit, et ensuite il fut déposé dans le caveau près du sépulcre.

COPIE DE LA LETTRE ÉCRITE AU CHAPITRE PAR L'ÉMINENTISSIME CARDINAL MAZARIN.

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« Messieurs, j'ai reçu la lettre que vous m'avez écrite sur « le désir qu'avez d'avoir dans votre église le corps de feu « M. de Magalotti, avec beaucoup de satisfaction des témoi«gnages que vous y donnez de la tendresse et de l'affec«<tion que vous conservez pour lui et combien vous honorez «< sa mémoire ; et véritablement, outre que la gratitude vous oblige à ces sentiments pour une personne qui a rencontré sa << ruine dans votre conservation et en vous restituant une pre«mière liberté, tous les bons français ne peuvent que regretter << la perte d'un sujet dont le zèle, le courage et l'habileté, << faisaient concevoir avec justice des espérances qu'il conti«< nuerait à rendre toujours de plus en plus des services très<«< considérables à cette couronne; mais parce que Dieu l'a « ainsi demandé, nous ne pouvons nous conformer qu'à sa «< volonté. J'écris aux Capucins de votre ville, que celle de « la Reine est, qu'ils vous remettent le corps du défunt, qui « a demeuré jusqu'ici en dépôt dans leur église, pour être «< inhumé dans la vôtre. Si en quelque autre occasion, de votre <«< intérêt ou de votre satisfaction, vous me faites savoir que je vous puisse être utile, je l'embrasserai avec joie, pour <«< vous montrer que je suis, autant que vous puissiez le désirer, en général et en particulier,

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Messieurs,

Votre très-affectionné à vous servir,

LE CARDINAL DE MAZARIN.

(Extrait des archives de Chaumont).

NOTICE

SUR LA CHAPELLE DE CELSOY,

Tombe de Guibert,

MÉDECIN DES ROIS JEAN, CHARLES V ET CHARLES VI;

PAR M. L'ABBÉ GODARD SAINT-JEAN,

Membre de la Société française.

Nous ne croyons pas qu'il existe dans le diocèse de Langres de pierre tombale aussi curieuse que celle de Guibert, dit de Celsoy, médecin des rois Jean, Charles V et Charles VI. Avant de la décrire, jetons un coup-d'œil rapide sur la gracieuse chapelle qui la renferme.

Guibert lui-même en fut le fondateur. Elle a souffert du vandalisme qui la badigeonna, mura la fenêtre absidale de style rayonnant et colla, comme une verrue à son flanc, une laide sacristie. Une partie de la voûte, écroulée par suite de la négligence que l'on mit à la soutenir, est remplacée par un ignoble plancher. Malgré tant d'outrages, disons-le, elle est belle encore avec ses colonnettes légères qui, d'un seul jet, s'élancent depuis le sol, pour recevoir les arcs doubleaux et les arceaux des voûtes, avec ses chapiteaux en feuillages nettement ciselés et ses baies ogivales où s'encadrent des lancettes trilobées et des roses tréflées. Chose singulière ! l'ogive

dans la zône Langroise ne détrône pas encore complètement le plein-cintre au XIV. siècle; si l'on veut y prendre garde, la porte couronnée d'une archivolte pesante arrêtée sur des têtes bizarres, amortie de manière à trahir à peine l'arc brisé, est une trace visible de l'architecture romane. On admire l'appareil des murailles en pierres de grès, la tourelle élégante agraffée à l'un des angles du couchant et où nous vîmes une cloche ancienne sans autre inscription qu'une espèce de trisagion latin.

Mais il nous tarde d'arriver au monument principal. A gauche du sanctuaire s'ouvre, dans le mur, l'arcade où se plaçait horizontalement la dalle funéraire. Pour établir un lutrin bleu, le plus affreux des lutrins, on l'arracha, on la mit dans le pavé, sous l'appui de communion qui la perça de ses pieds de fer, sous les souliers des fidèles qui la limèrent à loisir. M. l'abbé Michaut, curé de Montlandon et de Celsoy, mit fin à cette barbarie et la releva comme nous la voyons aujourd'hui.

Cette tombe est large de 1 mètre 45 c. et elle a le double en longueur; on aperçoit dans la pierre quelques empreintes de fossiles que je crois être des turritelles (1). Maître Guibert, assis dans une chaire gothique, s'enveloppe d'une longue robe dont le capuchon est ramené sur sa tête. Il appuie la main sur un pupitre dressé devant lui. Les feuilles métalliques où se dessinaient sa figure et celles des autres personnages, ayant été enlevées, on ne peut pas juger de sa physionomie; la forme du vide indique assez qu'une barbe vénérable ensevelissait son menton. Un cartel également formé d'une plaque incrustée et perdue semble sortir d'un nuage.

(1) Comme ce genre de coquilles caractérise les terrains tertiaires, on peut croire que la dalle vient du bassin de Paris et qu'elle a été gravée par un artiste étranger au pays Langrois.

A la gauche de Guibert, un clerc tient une longue baguette. En face on reconnaît ses élèves, qu'il surpasse de beaucoup en stature; le profil de leur silhouette en creux les montre lisant ou attentifs à sa parole. La scène s'encadre dans une arcade ogivale subtrilobée.

L'ensemble des ornements représente une façade en style gothique. La plume ne saurait décrire, l'imagination concevoir une si exubérante richesse. Galeries, pinacles, guirlandes, clochetons, rosaces épanouies sous mille formes, trèfles, rinceaux, nervures, archivoltes étoilées, mosaïques dans la toiture, effrayantes gargouilles, toute la profusion du XVe. siècle s'y répand à flots, toute sa magnificence se condense et rayonne sur cette tombe merveilleuse.

Cependant au sein de cet éblouissant nuage, sous les dais en dentelles qu'un habile ciseau a finement découpés, ressortent plusieurs personnages intéressants. Au sommet, le Père éternel trône dans la région des astres, et reçoit l'âme du défunt, sous le symbole d'un petit corps d'enfant. La nudité des pieds, la barbe, les cheveux flottants et le nimbe caractérisent la personne divine. Plus bas, six anges aussi nimbés, nus pieds, en longues tuniques, se rangent symétriquement dans une galerie. Deux encensent en alternative; deux portent des flambeaux, les autres jouent l'un du violon, l'autre d'une espèce de guitare ou de mandoline. On remarque de plus les officiants d'un service funèbre, des acolytes avec la croix et l'eau bénite, le prêtre revêtu des ornements sacerdotaux, en particulier de la primitive châsuble, ample manteau à une seule ouverture. Enfin, la dalle est cantonée par les attributs emblématiques des évangélistes, tous quatre ailés et circonscrits par une auréole en quatre-feuilles dont les lobes sont séparés par un triangle.

L'inscription naïve et enthousiaste a été relevée infidèlement dans l'annuaire de 1811. M. Fériel l'a lue avec une scrupuleuse exactitude, laissant en italique les mots incertains.

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