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offices intéressants comme celui de la sainte larme du Christ, la célèbre relique de Vendôme que le docte P. Mabillon osa défendre contre les hardiesses de Thiers, lesquelles n'étaient pas toujours déplacées.

O lacryma gloriosa Christi precharissima
Gemma cœli preciosa lymphaq. purissima

A Christoq. nata angelo collecta
Magdalene data Maximino vecta
Imperatori græcorum unde presentata
Gaufredo Vandamorum ad locum translata
Interna et externa conserva lumina
Gratia sempiterna corda illumina

O fulgida o lucida o lympida
Quæ semper inviolata permansisti.

Si maintenant nous sortons pour examiner l'extérieur de l'église, les mêmes caractères de deux siècles éloignés se manifestent. J'attribue à la même époque, aux premières années du XIII. siècle, les tours et les flèches, toute la façade occidentale. Il est vrai, des architectes croient le portail d'un siècle plus ancien dans sa partie inférieure. Leur opinion se fonde sur ce que la porte est encore romane. Plusieurs colonnettes dont les chapiteaux sont ornés de têtes, de nudités indécentes, soutiennent des tores cintrés et en retraite l'un sous l'autre. Mais indépendamment de la pointe ogivale qui se révèle au sommet de la courbure, on voit qu'il n'existe aucune trace d'un travail interrompu. D'ailleurs, dans nos pays, pendant le XIII. et même au XIV. siècle, les traditions romanes apparaissent encore dans les églises, surtout au portail du couchant. Ce phénomène est évident pour quiconque étudie les monuments du pays Langrois placés à la frontière de la zone que l'art gothique comprenait dans sa marche. Il est certain qu'elle embrassa le nord de la France jusqu'à Chaumont ; déjà elle expire ici; à Langres elle

est morte; on entre dans l'architecture Burgundo-Lyon

naise (1).

Les contreforts, arcs et piliers buttants qui appartiennent à la nef et aux bas-côtés se distinguent par la masse et la simplicité. Autour du chœur ce sont des arcs boutants à double rang d'arcades, des pinacles, des aiguilles, des galeries, des corniches avec moulures et denticules, des gargouilles effrayantes, vrais diables qui fuient sous l'aspersion de l'eau bénite; ils s'arrachent de la muraille grisâtre où ils hurlent depuis 300 ans.

Mais pour comprendre la profusion de la sculpture en cette période si prodigue d'ornements, il faut considérer le petit portail St.-Jean et les deux portes qui s'ouvrent dans les bras du transept. La pierre a obéi à tous les caprices de l'imagination et s'est transformée, par une sorte de magie, en dentelles, en roses, en crosses de feuillages, en choux frisés, en ceps de vigne, en salamandres, coquillages et animaux fantastiques. Des tambours disgracieux de bois et de pierre, ont fort endommagé ces merveilles. C'est justice à rendre à MM. Bouchard et Ragot, de louer le goût et le soin avec lesquels ils ont sagement réparé ces dégradations. On a restitué au petit portail, exécuté dans le style du XV. siècle, son bas-relief de la vie de saint Jean qui tapissait le tympan de la porte. Le trumeau symbolique qui la divise attend sa statue. Les niches sont vides et attestent le passage d'un vandalisme brutal.

En 93, l'église devenue magasin à fourrages fut violée et mutilée. On enleva les plombs, qui, à l'extérieur, conduisaient les eaux des toits; on brisa des meneaux de fenêtres, des statues et des aiguilles dont les morceaux gîsent encore.

(4) V. pour la délimitation des écoles d'architecture l'essai de M. de Caumont sur le synchronisme de l'architecture, tome 7o. du Bulletin monumental.

Les barbares se faisaient hisser jusqu'aux voûtes pour détruire, au péril de leur vie, les fleurs de lys placées sur un cercle qui tient encore aux pendentifs du chœur. Dans la maison no. 2, rue du Corgebin, j'ai vu incrustés dans un mur et cachés par des lambris, des bas-reliefs de la passion et de la vie de la Sainte-Vierge, que sans doute on a sauvés du marteau en ces jours désastreux; on se souvient qu'ils étaient dans les chapelles comme beaucoup d'autres dont il ne reste aucun vestige. Il y a peu d'années de grandes tapisseries à personnages étaient encore suspendues autour du chœur on les a vendues à des fripiers. J'ignore ce qu'elles représentaient, mais ma mémoire me rappelle les lances, les casques, les chevaux et les grands soldats qui frappaient alors mon imagination.

Le sépulcre est dû à une fondation faite en 1471 par Marguerite de Baudricourt, restée veuve de Geoffroy de Saint-Blin, conseiller et chambellan de Louis XI, seigneur de Saixefontaine. La noble dame accomplissait ainsi les vœux de son mari qui désirait faire bâtir de plus une chapelle en l'église St.-Jean-Baptiste. «Il était en intention, voulenté et propos de faire tailer et asseoir au fons d'icelle tour du clocher en ymaiges de pierre grandes et eslevées la représentation du Saint Sépulcre Notre-Seigneur JésusChrist et en icelle chapelle hors de la dicte tour les autres mystères de la Passion.

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La chapelle fut construite, mais elle n'existe plus; seulement on reconnaît une fenêtre plus ancienne que les autres, et qui l'éclaira certainement. Du moins les ymaiges de pierre grandes et eslevées sont dans leur intégrité. Si le sépulcre de Saint-Mihiel est plus savant, il n'est, certes, pas aussi pieusement inspiré (1).

(4) On compare souvent le sépulcre de Saint-Mihiel et celui de

On entre dans la chapelle par deux portes; l'une fut ornée au XVIIe siècle de colonnes et de statues. Cele de J.-C. appuyé sur sa croix et de la Vierge au calvaire sont de JeanBaptiste Bouchardon. Le reste est pitoyab'e sur un pareil monument. L'autre, amortie en arcade à contre-courbure, était chargé de feuillages que l'on a impitoyablement dégradés en effaçant sans doute quelques armoiries.

Les personnages, au nombre de dix, ont été décrits par M. Fériel dans une petite notice, mieux que nous ne saurions le faire. On nous pardonnera de simples observations.

La polychromie splendide dont se revêtent les costumes orientaux richement damassés n'est pas, à notre avis, chose regrettable; elle ne nuit point à l'effet de la statuaire, et rien ne prouve qu'elle ait été appliquée plus tard.

Le Christ et la Madeleine nous semblent les plus parfaits du groupe. Comme le Christ est mort!.. Comme la douleur de Madeleine est profonde, pleine de résignation, d'espérance et d'amour! Je ne sais, mais cette expression sublime qui illumine son visage, me rappelait la conception de la Madeleine de Solesmes. La pose est différente; l'idée est la même.

A l'époque où M. Fériel décrivait ce monument, la fenêtre qui l'éclaire aujourd'hui était bouchée, on conçoit qu'il n'ait pas vu ce que représentent les deux clefs de la voûte sculptées si parfaitement; ce ne sont point le Sauveur et sa sainte Mère, mais la justice et la charité, toutes deux en reines, assises sur un trône; la première tient une balance: celle-ci est environnée de petits enfants et du texte évangélique ; estote misericordes sicut pater vester misericors est.

Chaumont. Les deux scènes n'ont presque pas de rapport. Ici tout est en repos; l'àme seule est agitée dans un océan de douleur ; là tout est mouvement, étude et distraction. Ici, c'est le Christ dans le tombeau ; là, c'est la sépulture du Christ.

Depuis ce temps aussi une importante découverte a été faite dans le caveau de la chapelle primitive. Le crâne de M. de Magalotti, commandant pour le Roi, et tué au siége de Lamothe, s'est trouvé parmi des ossements. On l'a reconnu au trou de la balle qui l'avait percé (1). M. Laloy, ancien député à la Convention, qui avait tenu ce crâne lorsque la balle était encore dedans, a déclaré que c'était celui-là même. Il est replacé dans le caveau sous une cloche de verre.

APPENDICE.

Nous n'avons qu'effleuré l'église St.-Jean-Baptiste. On peut consulter sur le sépulcre une brochure de M. Fériel, sur la diablerie, une notice de M. Jolibois, sur l'histoire du chapitre et du monument, d'anciens cahiers et des notes tirées des archives, entre les mains de M. Rausch qui m'a permis d'en prendre copie pour la bibliothèque du grand séminaire. Je dois à l'obligeance d'un ami, M. Bouchard, architecte, qui a sauvé de précieux débris, les plan et coupes de l'édifice. M. Picard, archéologue savant et zélé, s'est beaucoup occupé du sépulcre ; il y a dépensé du temps et de l'argent pour le débarrasser des planches, des papiers peints qui l'obstruaient, et pour l'étudier dans ses plus minutieux détails.

NOTES SUR DE MAGALOTTI.

Le mardi 27 juin 1645, fut amené à Chaumont le corps de M. de Magalotti, vivant baron romain, chevalier de l'ordre de St.-Jean-de-Jérusalem, maréchal-de-camp, commandant l'armée de sa Majesté au blocus et siége de Lamothe, lequel, après avoir fait les lignes de circonvallation, parachevé les

(1) Suivant que le portent les documents historiques.

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