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était moins favorable au développement des actions érosives, soit parce que le transport des matériaux meubles qui ont servi de burin s'est fait sur une échelle moindre, et que la vitesse des masses en mouvement était moins considérable.

Les détritus déposés au fond des profondes déchirures et à la surface des plateaux très élevés, ne forment pas en général des amas aussi considérables que sur les régions à collines de la Suède et de la Norvége, et les blocs erratiques y sont aussi moins abondants. Néanmoins lorsque les vallées situées dans cette région montagneuse ont une grande largeur, lorsque leurs flancs sont moins élevés et moins inclinés, lorsqu'en un mot elles se rapprochent des dépressions ou des vallées plates qui séparent les collines ou les petites montagnes de la Suède, alors les dépôts de transport forment des entassements plus considérables, et prennent les caractères des åsars suédois; c'est ce que montre la comparaison des vallées larges et à flancs moyennement inclinés de Lessöe, du Guldbrandsdal, du Beina Elf, de la Glommen, etc., avec les vallées profondes du Justedal, du Lerdal, de la Driva, etc.

Érosions sur les hauts plateaux.

Sur les plateaux dont le niveau moyen dépasse 1400 mètres, il est rare de voir des stries; mais on en trouve fréquemment à une altitude intermédiaire entre la limite des bouleaux et celle des neiges perpétuelles, c'est-à-dire entre 1000 mètres et 1500 mètres sous les parallèles de 60 à 64°. Elles sont ordinairement un peu irrégulières, et ne paraissent pas toujours dériver des plus hautes sommités : ainsi, sur le Dovre, à la montée qui est entre Jerkind et le point le plus élevé de la route de Drontheim, au S.-E. du Sneehättan, à une altitude d'environ 1,200 mètres, j'ai remarqué deux systèmes d'érosions qui se coupent, dirigés l'un du S. 12° 0. au N. 12o E., l'autre du S. 45° à 50° O. au N. 45° à 50° E.; ces deux systèmes ont rasé le côté oriental du massif du Sneehättan, et au lieu de descendre, ils montent du S. et du S.-O. vers le N. et le N.-E. Comme l'a déjà remarqué M. Siljeström, c'est seulement dans la vallée du Guldbrandsdal que les sulcatures s'abaissent vers le Midi pour descendre le long de cette vallée. J'ai encore observé des stries sur le côté opposé du Sneehättan, à l'O. de Skreahög, à une altitude de 1,279 mètres; c'est ici sur des roches polies de serpentine; elles courent au N. 35o E., et ne dérivent pas non plus du Sneehättan.

J'en ai vu aussi sur le plateau du Langfield, qui s'étend entre

la vallée du Romsdalen et celle de l'Otte-Elv, mais dans une partie basse de ce plateau, à une altitude de 1,340 mètres sur la rive orientale du lac Bredals; elles sont dirigées du N. 21o Q. au S. 21° E., à peu près dans le sens de la dépression où se trouve le lac.

J'ai encore observé des érosions à des hauteurs comprises entre 1,000 et 1,400 mètres, sur les plateformes environnant les Skagstölstind, sur le Sognefield, le Fillefield, et sur les plateaux dits Högbergslätt, situés à l'E. du Gravefield; elles se trouvent, en général, dans des dépressions que présente la surface de ces plateaux, et sont dirigées dans le sens de leur allongement. Quelquefois ces stries, que l'on voit à une grande élévation, se trouvent dans le voisinage des glaciers, et, dans certains cas, il est possible qu'elles aient été tracées par des glaciers qui auraient été autrefois plus étendus qu'ils ne le sont maintenant.

Disposition des stries à l'intérieur des vallées profondes.

Les stries que j'ai remarquées le long des vallées profondes sont presque toujours dirigées parallèlement à leurs flancs, et présentent les mêmes sinuosités; c'est ce que l'on reconnaît très bien dans la vallée du Justedal, où les stries offrent des directions très diverses au N.-S., au N.-E. et au N.-O., et ces variations sont toujours en rapport avec la disposition du Thalweg et des flancs de la vallée. J'ai fait les mêmes remarques dans les vallées du Romsdals, du Lerdal, du Beina-Elo, du Guldbrandsdal, etc.; quelquefois, cependant, les stries présentent une certaine complication. Ainsi dans la vallée de la Driva, entre Kongsvold et Drivstuen, on voit se croiser en certains endroits sur le flanc droit deux systèmes de stries, l'un dirigé du S. au N., à peu près parallèlement au Thalweg, l'autre du S.-E. au N.-E., et descendant obliquement du plateau situé à l'E.; un peu plus loin, vers Drivstuen, on voit des stries qui semblent remonter vers le plateau. En général, le caractère des côtés rugueux et des côtés polis montre que les frictions ont été exercées dans le sens où coulent les eaux, en descendant, si ce n'est à la naissance des vallées, sur le bord des plateaux, où les sulcatures montent quelquefois au lieu de descendre, comme nous l'avons vu près de Jerkind, sur le côté oriental du Sneehättan; alors la ligne de séparation des sulcatures qui vont dans des sens opposés, les unes vers le N., les autres vers le S., ne coïncide tout-à-fait avec la ligne de partage des eaux.

pas

En parcourant les diverses branches du Soguefiord, de cette

immense crevasse le long de laquelle la mer pénètre jusqu'au pied des sommités les plus élevées du Nord de l'Europe, j'y ai remarqué en beaucoup d'endroits des stries au niveau de la mer, audessous de ce niveau, et à quelques cents mètres au-dessus. Mais c'est presque toujours là où le pied des flancs plonge dans la mer qu'elles sont le plus visibles; leur partie supérieure est décharnée et rugueuse. Les agents erratiques ont parcouru sur une étendue de plus de cinquante lieues cette longue crevasse, dont la mer nous cache la profondeur, et ils y ont creusé des stries parallèles à la direction de ses différentes parties.

Les observations que j'ai faites le long des vallées profondes de la Norvége sont d'accord avec celles de M. Siljeström; mais elles ne conduisent pas à la conclusion générale qu'a énoncée cet observateur en disant que la direction des stries se rattache à celle de la ligne de faîte, et fait avec elle un angle qui s'approche plus ou moins d'un angle droit. Car il n'y a point dans ces montagnes de ligne de faîte bien prononcée; les lignes de partage des eaux y sont fort irrégulières, et les sulcatures sont loin de leur être constamment perpendiculaires, comme on peut en juger d'après la carte ci-jointe. Mais il est vrai de dire que les forces érosives ont exercé leur action en descendant le long des vallées qui prennent naissance dans la partie centrale de ces montagnes, et en suivant la direction du Thalweg. On conçoit qu'il n'y a pas lieu de composer un tableau pour représenter les directions des stries observées dans ces vallées, car elles varient beaucoup en des points très rapprochés; mais il n'en est pas ainsi pour les parties de la Norvége moins fortement accidentées, qui ont, comme en Suède, la forme de plateaux ondulés, ou qui offrent une agglomération de collines arrondies : j'ai donc pu former des tableaux de directions pour ces parties-là, et même pour des régions montagneuses dont la structure est analogue à celle du Jemtland, qui offrent une succession d'exhaussements et de dépressions à pentes moyennes.

Directions observées entre Christiania et Arendal.

Le tableau des directions observées entre Christiania et Arendal le long du littoral, sur les îles avoisinantes, aux environs de Kongsberg et Modum, offre plusieurs groupes de directions; il y a un petit groupe autour de la ligne N. 10° E., composé de directions de stries observées entre Christiania et Frédériksvern, qui ont été tracées à peu près parallèlement à cette partie du golfe de Christiania par des agents qui s'avançaient du N. 10° E. au S. 10° O.,

dans le même sens que ceux qui ont envahi les environs de Christiania et le côté oriental du Skagerrack. On voit un autre groupe peu considérable autour de la ligne E. 28° N., formé de directions mesurées principalement autour de l'île Langoe, et aux environs de Krageröe; ce sont des stries à peu près parallèles aux côtes des îles Langöe et Koume, et à cette partie du littoral qui s'étend de Laurvig å Tvedestrand.

Il y a encore trois autres groupes appartenant à des systèmes d'érosions qui sont descendus des montagnes vers le littoral; l'un est dirigé au N. 20o O., l'autre au N. 40° O., et le troisième à l'O. 10° N. Quelquefois sur les mêmes rochers on voit se croiser deux de ces systèmes, l'un venant du N -N.-O., l'autre du N.-O. ou de l'O.-N.-O. C'est le système dirigé au N. 40° O. qui est le plus développé, comme le montre le tableau no 9 : cependant les vallées qui débouchent dans la mer aux environs d'Arendal, telles que le Nid-Elv, présentent près de la mer des directions plus voisines du N.-S. que du N.-O. ; mais, à une distance de 12 à 15 lieues au N.-O. d'Arendal, il y a un assez grand nombre de vallées sccondaires dirigées au N.-O. et au N. N.-0, telles que le Birtdal, le Topdal, le Skjæggedat, et c'est de ces vallées que paraissent être venus les agents qui ont érodé les rochers du littoral de Tvedestrand et d'Arendal. En approchant de la côte, ils ont cessé de suivre la pente des vallées où coulent les eaux, et ils ont traversé directement les collines mamelonnées qui bordent le rivage, en conservant à peu près la même direction du N.-O. au S.-E., suivant laquelle s'effectuait leur mouvement en amont.

Intersections de stries sous des angles de 72° et de 90o.

Les érosions dérivant de l'intérieur des terres sont presque transversales aux stries dirigées de l'E.-N.-E. à l'O.-S.-O. J'ai observé plusieurs exemples de croisements sous de très grands angles; j'en citerai deux seulement: là où la route d'Holmestrand à Laurvig atteint le plateau, en quittant la gorge qu'elle traverse à la sortie de la ville, on voit des stries venant de l'intérieur, dirigées en moyenne au N. 40 O., couper sous un angle de 72, d'autres stries qui courent de l'E. 22° N. à l'O. 22° S. Le long du canal qui sépare l'ile Langöe de Koume, située plus à l'E., on voit en beaucoup d'endroits des sulcatures dirigées à l'E. 30' N.; on en voit d'autres, qui leur sont exactement perpendiculaires, descendre du N. 30° O. au S. 30° E., de dessus les rochers qui bordent le rivage, et près desquels on exploite des mines de fer.

Les canaux sinueux et profonds, décrits précédemment, appartiennent à différents systèmes d'érosions.

J'ajouterai que les canaux et sillons profonds, sinueux et bifurqués, que nous avons décrits dans un précédent mémoire (1), n'appartiennent pas exclusivement à un système particulier d'érosions; et c'est à cause de cela que dans les divers exemples mentionnés dans ce mémoire les directions des sulcatures ne sont pas partout les mêmes; les unes ont été produites par des forces érosives agissant parallèlement au littoral, d'autres par des forces obliques ou transversales venant de la région montagneuse. Ainsi les canaux et les stries de l'île Sandöe et des rivages de Sandesund sont dirigés du N. quelques degrés E. au S. quelques degrés O., à peu près parallèlement au Sandesund et aux découpures de cette partie de la côte. Les sulcatures de l'île Saasteinholm, dirigées du N.-O. au S.-E., ont été creusées par des forces érosives venant du N.-O. de l'intérieur des terres; par conséquent les sulcatures en forme d'ornières ondulées et bifurquées ne peuvent être considérées comme le résultat du ressac de la mer, ainsi qu'on l'a supposé dans les objections qu'a suscitées le mémoire déjà cité. D’ailleurs les objections qu'ont émises les divers partisans de l'école glacialiste sont essentiellement contradictoires, et montrent combien il est difficile de mettre en harmonie avec la théorie glaciaire les érosions que j'ai signalées En effet, M. Agassiz attribue les canaux sinueux et bifurqués à l'action des filets d'eau qui coulent des glaciers par l'effet de la fusion; M. Martins les regarde comme produits par le ressac de la mer : mais l'un et l'autre supposent que c'est par des glaciers qu'ont été creusées les stries que l'on y voit à l'intérieur. M. Escher de la Linth considère l'ensemble des stries, des sillons et canaux profonds comme ayant été creusés par des glaciers, et M. Schimper, au contraire, qui fait aussi partie de l'école glacialiste, prétend que les sillons, canaux et stries que l'on observe sur le littoral et les îles de la Suède et de la Norvége sont dues tout simplement à l'action de la mer, et qu'ils diffèrent par leurs sinuosités des stries rectilignes que l'on voit à l'intérieur de ces contrées. J'ajouterai que M. Scheerer, qui habite Christiania et qui a visité à plusieurs reprises les localités en question, considère sous le mème point de vue que moi les érosions dont est cou

(1) Bulletin de la Société géologique, séance du 1er décembre 1845.

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