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que plusieurs jeunes géologues sont à la tâche, et que ce n'est plus tel ou tel tout seul qui arpente nos monts et manie nos rocs, nous allons enfin toucher au but.

M. Joachim Barrande a donné un aperçu de sa Notice préliminaire sur le système silurien et les Trilobites de Bohéme, Leipsic, 1846, in-8° de 97 pages. Vous connaissez probablement cet opuscule: 600 espèces de fossiles avec de nombreux Nobis, 129 espèces de Trilobites! Souhaitons qu'il publie bientôt ce trésor. Il a dû se hâter, car M. Corda travaille le même sujet. M. Barrande est un homme instruit, et devrait être sur votre liste.

Vous voyez, messieurs, ce que promet cette Société naissante, qui, dans son programme, comprend dans les sciences naturelles l'astronomie, la météorologie, la géographie, la géologie, la minéralogie, la botanique, la zoologie, l'anatomie, la physiologie, la physique, la chimie, et même les mathématiques. Si le gouvernement la laisse marcher, et si elle fleurit à côté d'une Académie, ce ne sera plus un progrès notable, mais une véritable révolution scientifique dans cette capitale. Au milieu d'une nature si belle et si variée, au centre de tant de nationalités diverses, et entourée d'une auréole de voies de communication, auxquelles le fer vient de mettre la quadruple ou cruciforme couronne, on peut hardiment prédire que sur cette large voie Vienne doit devenir et deviendra un vaste carrefour de renseignements et de découvertes pour les sciences naturelles. Or, dans nos temps si neufs, chaque pas fait en avant doit être mûrement pesé, une fois fait, tout retour est impraticable; c'est un fait accompli, une véritable constante de la civilisation du genre humain.

M. Damour, trésorier, présente l'état suivant des recettes et des dépenses de la Société, du 1er janvier au 31 octobre 1846.

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M. le secrétaire donne lecture de la note suivante de M. Mau

duyt :

Un mot sur un morceau de quartz d'une variété particulière, ainsi que sur une substance minérale trouvée dans le département de la Vienne, par M. Mauduyt.

Je dois à l'obligeance de M. Ménard, proviseur du collége royal de la ville de Poitiers, de pouvoir faire connaître à la Société un minéral dont la bizarrerie de formation m'a semblé telle, qu'elle m'a paru digne de lui être signalée; je n'ai donc pu résister au désir de le lui faire connaître, non plus qu'à celui d'émettre mon opinion relativement aux causes qui ont dû contribuer à lui donner cette singulière conformation.

Ce minéral, que d'abord on serait porté à regarder comme un quartz recouvert et pénétré de lames de barytine (baryte sulfatée), n'est qu'un quartz hyalin thermogène celluleux ou cloisonné, dont les cavités sont tapissées de jolis petits cristaux de quartz hyalin limpide.

Cet échantillon, qui provient des terrains de cristallisation ou de soulèvement du département des Deux-Sèvres, dans la commune de la Chapelle-Saint-Laurent, a été extrait d'une carrière nouvellement ouverte au lieu dit Pas-de-la-Vierge.

Ces terrains, dont l'apparition à la surface du sol est probablement due aux mêmes phénomènes géologiques qui firent surgir ceux de même nature des départements de la Vendée, de la Vienne et de la Haute-Vienne, durent, lors de leur surgissement, occasionner des perturbations considérables dans le sol environnant, et modifier, même souvent changer de nature, les matières composant ce même sol, et contribuer aussi, à l'aide de dégagements gazeux à la formation de nouvelles substances.

D'après cet exposé et l'examen de l'échantillon (1), je suis porté à croire qu'au moment du soulèvement, il a dû jaillir du sein de la terre des sources d'eau d'une température très élevée, tenant en dissolution de la silice, si abondante à cette époque, telles que celles que l'on connaît encore aujourd'hui en Islande sous le nom de geyser, qu'elles déposèrent ensuite, sous forme d'incrustation de stalactites et de stalagmites, sur les matières environnantes; une portion de ces mêmes eaux, contenues dans les cavités des corps

(4) Il se trouve déposé dans le Cabinet d'histoire naturelle de la ville de Poitiers.

par suite de leur évaporation, contribua à la formation de ces jolis petits cristaux qui se remarquent dans les cellules de notre échantillon.

On pouvait peut-être, et avec raison, expliquer la singularité de forme du morceau qui nous occupe au moyen de la théorie du métamorphisme si en vogue aujourd'hui parmi les géologues, en supposant que la barytine, dont ce morceau paraît recouvert, a été convertie en silice par le contact d'un gaz siliceux, et que le quartz thermogène, qui recouvre et pénètre notre quartz hyalin, n'est qu'une épigénie de baryte sulfatée.

Voici ce que j'avais à dire au sujet de ce joli échantillon; qu'un autre plus exercé et surtout plus habitué que moi à prendre la nature sur le fait et à lui dérober ses secrets vienne vous faire connaître les phénomènes qui ont dû contribuer à donner à notre échantillon la bizarrerie que je viens de vous signaler, j'aurai au moins l'honneur de l'avoir entrepris.

J'ai maintenant à parler à la Société d'une substance que je n'ai pu, quoiqu'elle ne soit peut-être pas inédite, rapporter à aucune de celles décrites dans les ouvrages de minéralogie que j'ai été à même de consulter (1).

Ce minéral, que je nomme montmorillonniste, se trouve près de Montmorillon, en un lieu dit de la Maison-Dieu, où il s'est rencontré dans les argiles supérieures du lias, et dépendant probablement de l'oolite inférieure, ce que jusqu'à présent je n'ai pu constater, vu les circonstances particulières qui m'en ont empêché, mais ce que je me propose de faire incessamment.

Mon fils, pharmacien à Poitiers, sur ma demande, a bien voulu faire l'analyse de cette substance, qu'il a reconnue être un silicate d'alumine de chaux et de magnésie, dont le principe colorant est le cobalt. Sa pesanteur spécifique est de 1,70.

Ce minéral, d'un beau rose, et rarement taché de noir par le peroxyde de manganèse, si abondant dans les environs du lieu où il se trouve, a une texture grenue, et les grains qui le composent sont de deux sortes: les uns d'un rose parfait et d'aspect terreux, entièrement opaques; les autres sont d'un rose tendre, un peu hyalins et de forme arrondie; entre ces parties se remarquent, surtout dans la première, comme des sortes de vacules, semblant

(1) Hauy, Traité de minéralogie. Brard, Manuel du minéralogiste. Vospeguel Beudant, Traité élémentaire de minéralogie, édition de 1824. Manuel de minéralogie, par Blondeau. Nouveau Manuel complet de minéralogie, par Huot, 1841.

indiquer le dégagement de quelques bulles d'air qui aurait eu lieu lors de la formation de cette substance et quand la pâte était encore molle.

Son aspect est terreux, ou plutôt il ressemble à un morceau de savon au toucher; il en a l'onctuosité.

Sa dureté est peu considérable; se laissant entamer facilement par l'ongle et couper au couteau, surtout lorsqu'il est humecté, il se polit facilement sous le doigt.

L'odeur de cette substance lui est particulière, n'ayant nul rapport avec celle dite argileuse, ni même avec celle d'aucun minéral connu. Cette sensation, qui se manifeste particulièrement lorsque la substance est mouillée, est aussi très sensible par l'in

sufflation.

Elle happe légèrement à la langue; sa saveur est nulle, et elle ne fait point effervescence avec les acides; mais elle se résout, de même que dans l'eau, en une sorte de pâte qui, au bout de quelque temps, devient en partie gélatineuse.

Exposée à l'air, elle ne s'y délite point; mais elle s'y durcit, de même qu'au feu ordinaire où elle blanchit en perdant l'eau dont elle était pénétrée.

M. Martins donne l'analyse d'une note de M. De Luc, ayant pour titre :

Mémoire sur la cause du transport des blocs erratiques dans le nord de l'Allemagne, par J. A. De Luc, de Genève.

Il y a deux opinions pour expliquer le transport du terrain erratique: l'une qui l'attribue à des glaces d'une vaste étendue, qui partaient des Alpes et se prolongeaient jusqu'au nord de l'Europe; l'autre qui l'attribue à des courants de l'ancienne mer produits par quelque grande révolution du globe.

Ce sont les faits bien décrits et dans tous leurs détails qui peuvent résoudre la question entre les deux opinions et décider laquelle s'accorde le mieux avec les phénomènes.

Les principaux faits que je rapporterai sont tirés des voyages de De Luc, publiés à Londres en anglais, en 1810, en 3 volumes. Quoique ces faits soient imprimés depuis longtemps, ils sont inconnus sur le continent et auront le mérite de la nouveauté.

De Luc partit de Berlin en juillet 1804 pour parcourir les côtes de la mer Baltique. Il passa par Strelitz, Malchin, Lages, Ros

tock, et atteignit la mer à Warnomünde, distant de 50 lieues de Berlin.

Près d'Oranienburg, à 7 lieues au nord de Berlin, au sommet d'une colline, De Luc vit une grande abondance de blocs de roches primitives, surtout des granites. Ces pierres avaient été tirées des champs et servaient de clôtures, placées les unes à côté des

autres.

De Luc fit le tour du petit lac Zierkesee, à une petite lieue au N.-O. de Strelitz. Il trouva, sur le côté oriental, un grand nombre de gros blocs et d'autres pierres plus petites, principalement de granite. En passant par-dessus la colline, vers le côté occidental du lac, il descendit dans un vallon où il trouva un grand nombre de blocs granitiques. Il s'approcha d'une colline élevée qui formait un promontoire dans le lac; il monta à son sommet, qui est coupé à pic du côté du lac. Le côté très rapide par lequel il monta était jonché de gros blocs de granite.

En partant de Strelitz, De Luc tourna l'extrémité N.-E. du lac et alla jusqu'au village de Liepen (1); il ne traversa que des sables sans blocs, et même sans petites pierres; mais en approchant de Liepen, il rencontra des pierres dans le sable, et lorsqu'il eut traversé le vallon et qu'il montait la colline vis-à-vis, il commença à observer des blocs; leur nombre allait en augmentant, et enfin il arriva à un espace tout couvert de gros blocs, d'environ une demi-lieue de longueur. La route passe au travers, mais avec beaucoup de détours, à cause des grands blocs, enterrés en partie, qu'il faut éviter. Ils sont composés de granites de différentes espèces et d'autres pierres primitives. Les blocs continuent sur les collines environnantes avec une si grande quantité de pierres plus petites, qu'il a fallu en débarrasser le terrain et en faire des monceaux pour obtenir seulement un peu de pâturage.

Aux environs de Malchin, petite ville du duché de Mecklem→ bourg Schwerin, située entre deux lacs, près du lac au N.-E., on arrive à des collines semblables à des pains de sucre; et quand on les voit du sommet de la plus élevée, le pays paraît un monceau de ruines, ces collines étant toutes jonchées de blocs de granite.

Au N.-O. de Rostock, entre cette ville et la mer Baltique, et près de quatre villages, on voit des espaces de terrain couverts de gros blocs de roches primitives qui, par leur nombre, empêchent de mettre le terrain en culture.

(1) Liepen est à 23 lieues de Berlin et à 25 lieues de la mer Baltique.

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