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M. Thurmann est un des premiers qui aient senti toute l'impor tance de ces désignations géographiques, et les géologues français lui doivent plusieurs noms de groupes qui sont actuellement adoptés partout, et qui ne donnent lieu à aucune équivoque ; ainsi portlandien, kimméridien, oxfordien, séquanien, néocomien, etc. M. Alcide d'Orbigny a introduit aussi très judicieusement plusieurs noms qui remplacent avec beaucoup d'avantage ceux que portaient primitivement ces groupes; ainsi sénonien, turonien, aptien, kellovien, etc. Je citerai encore M. d'Omalius d'Halloy, qui, en voulant seulement établir avec régularité les divisions géographiques, a, en réalité, posé les bases d'une véritable classification pour les divers groupes des roches sédimentaires qui se trouvent sur notre globe (voir son excellent mémoire intitulé: Note sur les divisions géographiques, Bulletin de l'Académie royale des sciences de Bruxelles, t. XI, n° 9 ).

Revenant à la désignation de groupe corallien, je crois que ce nom n'est pas très exact, et qu'en le remplaçant par un nom géographique on éviterait un très grand inconvénient. Car le mot corallien ne rappelle qu'une idée d'une association d'ètres organisés qui constituent ordinairement ces sortes de stations, tels que Polypiers, Echinodermes et Crinoïdes. Or, cet ensemble d'organisme se trouve pour une même série d'assises disséminé çà et là sur des points où il a pu se développer, sans embrasser jamais toutes les localités, où cependant l'on reconnaît un autre ensemble d'ètres que l'on regarde comme ayant vécu à la même époque, et se trouvant dans des assises qui sont synchroniques. De sorte que ce mot de corallien entraîne avec lui une idée qui n'est pas réellement celle que l'on doit se former du groupe que l'on a l'habitude de désigner sous ce nom. D'ailleurs un autre inconvénient non moins grave, c'est qu'il n'existe pas de terrain, pas même de groupe, qui ne présente cet ensemble d'ètres que l'on regarde comme constituant une région coralligène. Or, puisque cet ensemble d'organisme n'est pas exclusivement propre à un groupe, et de plus que dans ce groupe il n'est pas répandu sur presque tous les points, on ne peut le regarder que comme une manière d'être ou un faciès du dans lequel on le rencontre ce qui me conduit à regarder le mot corallien comme devant désigner un faciès dans un groupe et non pas être le nom même du groupe. Ainsi, il me semble plus logique de désigner le groupe corallien actuel par un nom géographique (que je laisse à la disposition des géologues qui s'occupent plus spécialement de ce terrain), en ayant soin d'établir les di

groupe

vers faciès et de dire : Dans telle région, comme par exemple dans la Haute-Saône, le Porrentruy, ce groupe présente le faciès

corallien.

Le corallien, ainsi que l'a établi M. Royer, se présente donc dans la Haute-Marne de la même manière que dans les MontsJura, et les assises peuvent parfaitement se synchroniser dans les deux pays, car les fossiles les plus caractéristiques s'y retrouvent au même niveau géognostique, comme on peut le voir par la série suivante :

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Dans les dernières assises de l'oolite corallienne commencent à apparaître quelques couches marneuses interposées, renfermant quelques fossiles, qui indiquent le commencement des marnes

(1) M. Royer place la Nerinca suprajurensis dans les deux divisions du corallien et des calcaires à Astartes; et il en agit de même pour plusieurs autres fossiles qui se trouvent quelquefois dans trois de ses divisions, tels que Gryphæa virgula, Ostrea solitaria, Isocardia excentrica et inflata, Pholadomya Protei, etc. Cette position d'un même fossile dans trois groupes différents d'un terrain d'une contrée très restreinte, est assez insolite et vient se placer en travers des beaux

séquaniennes. Ces marnes grises-blanchâtres alternent avec de minces couches de calcaires compactes, à pâte très fine, qui finissent par prédominer et par former une très grande série d'assises calcaires que j'ai désignée sous le nom de calcaires séquaniens. Ce groupe correspond parfaitement avec la division (c) ou calcaire à Astartes de M. Royer. Les fossiles les plus caractéristiques que l'on y rencontre dans le Jura salinois sont :

Ammonites (2 espèces). Melania striata, Sow. heddingtonensis, Sow. abbreviata, Roem.

|Melania turbiniformis, Roem.
macrostoma, Roem.

Nerita cancellata, Ziet.
Rostellaria Wagneri* (1), Thurm.

résultats auxquels sont parvenus MM. Agassiz et Alcide d'Orbigny. J'ai fait voir, dans le résumé de mon Mémoire intitulé: Recherches géologiques sur le Jura salinois (voir Bulletin de la Société géologique, 2 série, t. III, p. 500), que si l'on trouvait dans les deux groupes séquaniens et kimméridiens des environs de Besançon et de Salins des fossiles identiques, c'est qu'il s'était effectué une migration de fossiles, et que des charriages les avaient ramenés dans leur première patrie; de sorte que dans le Jura bisontin et salinois les lois des paléontologues se vérifient complétement. Tandis que dans la HauteMarne, des fossiles identiques se trouvent dans trois groupes, qui, quelquefois, ne se suivent pas, tels que, par exemple, le Pterocerus oceani que M. Royer place dans le portlandien, le calcaire à Astartes et le calcaire corallien compacte; dans ce cas il est impossible d'imaginer même une explication satisfaisante, et tout me porte à croire que les espèces identiques de M. Royer sont toutes différentes, et auraient besoin d'être déterminées un peu plus rigoureusement. De sorte que les faits de fossiles différemment distribués dans la Haute-Marne que dans le Jura, décrits par MM. Thirria et Thurmann, sur lesquels s'appuie M. Royer pour nier l'existence du portlandien et du kimméridien dans le Jura, sont basés sur des déterminations de fossiles qui ont besoin d'être étudiés de nouveau avec plus d'attention; et je pense que si M. Royer avait eu sous les yeux les séries de fossiles des deux pays, classés chacun dans leur groupe respectif, l'étude comparative de ces séries lui aurait démontré le synchronisme qui existe véritablement entre les assises jurassiques de la Champagne et de la Franche-Comté. Avant de terminer cette petite note, je rectifierai la confusion qui existe au sujet de la Nerinea suprajurensis. Par suite d'un malentendu, M. Goldfuss a donné ce nom à une espèce qui n'est pas de celles qui se trouvent dans le portlandien; car l'exemplaire qui a été figuré et décrit appartient et se trouve dans les collections de M. Thurmann, qui l'a recueilli dans le groupe corallien des environs de Por rentruy.

(1) Les espèces marquées d'un astérisque, ainsi que plusieurs autres que je n'ai pas citées, sont celles qui ont émigré dans le Porrentruy à Soc. géol., 2a série, tome IV.

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Ostrea sandalina, Goldf.

sequana, Thurm. bruntrutana *, Thurm. Terebratula (4 ou 5 espèces). Mytilus pectinatus, Sow. jurensis *, Mérian. subæquiplicatus*, Goldf. Trichites Saussuri *, Thurm. Ceromya inflata *, Agass.

-

Trigonia suprajurensis *, Agass.
geographica, Agass.
picta, Agass.

Astarte minima, Phill.
Lucina Elsgaudio *, Thurm.
Cidaris bacculifera, Agass.
nobilis, Agass.

Diadema pseudo diadema, Agass.
Apiocrinus Meriani, Desor.
Pentacrinus (inédit).

Astrea sexradiata baugesica,
Thurm.

Lithodendron Rauracum, Thurm.
magnum, Thurm.

Etc.

Au-dessus des calcaires séquaniens se trouvent les assises des marnes kimméridiennes. Ces assises, d'une puissance assez notable dans les régions littorales, vont progressivement en diminuant à mesure que l'on s'avance dans les régions subpélagiques et finissent par disparaître complétement dans les régions pélagiques, où elles sont alors remplacées par les calcaires kimméridens, qui se confondent avec les assises calcaires séquaniennes et portlandiennes pour ne former qu'une immense série de couches calcaires sans interposition marneuse (comme à la Dôle et au Reculet).

Les marnes kimméridiennes du Jura correspondent bien aux marnes kimméridiennes de la Haute-Marne : c'est la division (b) de M. Royer; et les calcaires que j'ai désignés sous le nom de kimméridiens correspondent à la division (c) du portlandien; ces deux divisions réunies forment mon groupe kimméridien. La liste des fossiles kimméridiens de M. Royer est à peu près la même que celle du kimméridien des Monts-Jura; seulement les Ammonites, qui se trouvent en assez grande abondance dans la HauteMarne, sont excessivement rares dans le Jura suisse, ainsi que dans les départements du Doubs et du Jura, où l'on n'en rencontre que les fragments d'une seule espèce; mais lorsque l'on s'avance du côté du bassin bourguignon, comme aux environs de Gray, de Champlitte, les Ammonites se montrent alors en plus grande abondance et finissent par être aussi communes que dans les régions du bassin parissien. Voici la liste des fossiles caractéristiques de notre kimméridien :

Nautilus giganteus, d'Orb.
Ammonites (3 ou 4 espèces).
Perocerus oceani, Brong.

Natica hemispherica, Roem.
Melania cristallina, Thurm.
Trochus Bourguetti, Thurm.

l'époque kimméridienne; car on ne les trouve pas, dans ce pays, dans le groupe séquanien.

Ostrea solitaria, Sow.
Ceromya excentrica, Agass.
Pholadomya protei, Brong.
truncata, Agass.

myacina, Agass. Homomya hortulana, Agass. compressa, Agass.

-

Arcomya helvetica, Agass.
Mactromya rugosa, Agass.

Pleuromya donacina, Agass.
Corimya Studeri, Agass.
Avicula Gessneri, Thurm.
Perna plana, Thurm.
Spondylus inæquistriatus, Voltz.
Clypeus acutus, Agass.
Hemicidaris Thurmanni, Agass.
Cidaris pyrifera, Agass.
Etc.

Les marnes portlandiennes ( que je désignais auparavant sous le nom de marnes à Exogyres virgules) viennent se superposer sur les dernières assises du calcaire kimméridien; elles correspondent à la partie inférieure de la division (b) du terrain portlandien de M. Royer; et le calcaire portlandien qui succède à ces marnes correspond à la partie supérieure de la division (b) et à la division (a) du portlandien de la Haute-Marne. On retrouve dans le Jura, à la partie supérieure, les mêmes couches perforées et cariées que cite M. Royer; j'ai même remarqué que ces couches perforées étaient beaucoup plus puissantes lorsqu'on s'avance du côté de la Haute-Marne, comme par exemple aux environs de Gray. Les fossiles des marnes portlandiennes diffèrent complétement de ceux des marnes kimméridiennes, quoique cependant ils affectent des formes très analogues, surtout dans les environs de Porrentruy. Les plus caractéristiques sont les suivants :

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En résumé, l'on voit que tous les groupes et sous-groupes de l'étage supérieur jurassique de la Haute-Marne se trouvent aussi dans le Jura salinois ; et que par conséquent nous possédons aussi les groupes kimméridien et portlandien tels qu'ils se présentent

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