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splendides raisins; M. Lefèvre, des confitures; Mile Finaud, des roses de Noël, et enfin le maître de tous, M. Fouace de Réville, Après la battue et Un coin d'office. Il y a dans le second tableau certaine bouteille de Sauternes, coiffée de toiles d'araignée authentiques, qui fait vraiment plaisir à voir. On devine que cette liqueur loyale n'a rien de commun avec les honteuses falsifications de notre temps. L'artiste nous la présente avec conviction, en faisant miroiter à nos yeux ses blondes et attractives transparences.

La sculpture renfermait des œuvres de grand mérite; la Normandie y tenait une moins large place que les autres années.

M. Legueult, de Vire, n'y avait que des plâtres d'importance secondaire.

M. Le Duc, avec une reproduction en bronze de la Laitière du Cotentin, si remarquée l'année dernière, avait envoyé le modèle du monument que la ville de Saint-Lo doit élever à feu Léonor Havin, l'ancien directeur du Siècle. Nous reconnaissons que l'artiste a résolu aussi bien que possible les difficultés du programme qui lui était imposé. Le monument est une sorte de fontaine à laquelle la Jeunesse vient boire sous la direction d'une femme, symbolisant la Presse. Explication: La Presse conduit l'enfance aux sources de la Vérité ».

Le buste de notre compatriote M. Havin, domine cette symbolique et paradoxale allégorie.

Quand nous aurons maintenant cité une œuvre distinguée de M. Regnouf de Vains: l'Etalon Alsa

cien; l'Orphée expirant, de M. Guilloux ; d'un grand style et d'une rare perfection d'animation; la tête de Christ, fort expressive, de M. Charles Jacquier, et un buste de M. Baumier, du même artiste, nous aurons passé en revue toutes les sculptures de provenance normande exposées au Salon.

Nous croyons devoir y en ajouter deux autres envoyées par M. Casini, attaché à la maison de MM. Francis et Aimé Jacquier, sculpteurs à Caen. Cet artiste, né à Dinan, n'est pas Normand, mais il habite Caen depuis si longtemps, qu'il a pour ainsi dire acquis droit de naturalisation.

Les envois de M. Casini consistent en une statue en pierre de Jean de Reilhac et un buste plâtre de M. Francis Jacquier. Le Jean de Reilhac, destiné à la décoration extérieure d'un château, est une statue des mieux venues, aussi satisfaisante par la physionomie avisée du personnage que par sa pose et par le caractère bien étudié du vêtement. Le buste de M. Francis Jacquier, d'une ressemblance frappante, est d'une exécution très franche et d'un modelé irréprochable.

Le Jury a accordé une mention honorable à M. Casini, qui l'avait bien méritée.

Le hasard, qui fait quelquefois bien les choses, avait placé près du Jean de Reilhac de M. Casini, La Cribleuse de sa sœur, Mile Émilie Casini.

Cette statuette d'un mouvement très vrai..., restée malheureusement inachevée, nous rappelait le Bonnet du petit frère, et l'Angelus des salons précédents... Dans un prochain avenir, nous aurons

encore à constater les nouveaux succès du frère et de la sœur.

Je ne sais si nous nous trompons, mais il nous semble que le talent si pur et si gracieux de Mlle Casini trouverait son emploi naturel et sa véritable direction dans la sculpture religieuse.

NOTICES BIOGRAPHIQUES

Sur M. Hippolyte LEPAGE, pharmacien à Gisors, membre correspondant de l'Académie de Médecine, inspecteur de l'Association Normande.

Par M. ALEXANDRE MALBRANCHE (1).

C'est un souci des plus touchants et des plus légitimes des Sociétés de conserver à la postérité le nom et les exemples de ceux qui se sont distingués par leurs talents ou leurs vertus. La Société libre de l'Eure n'a jamais manqué à ce devoir envers ses compatriotes. A ce titre, l'homme de bien et de science, auquel la ville de Gisors rendait dernièrement un public et solennel hommage, Hippolyte Lepage, mérite de prendre rang parmi nos célébrités locales, et c'est avec justice que la section de l'arrondissement de Bernay a voulu honorer sa mémoire par une inscription commémorative à son

(1) Cette notice a été lue par notre regretté confrère, M. Malbranche, à la séance tenue à Bernay le 28 novembre 1886, par la Société libre d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres de l'Eure (section de Bernay), sous la présidence de M. Louis Passy, président de la Société. La famille de l'auteur a bien voulu nous accorder l'autorisation de la reproduire.

lieu de naissance et par une notice sur son œuvre, dont j'ai accepté avec plaisir la rédaction.

Lepage (Hippolyte), est né à St-Aubin-de-Scellon Eure), le 5 mai 1814, de parents cultivateurs, auxquels des revers de fortune avaient imposé une certaine gêne et qui ne purent lui faire donner qu'une instruction très élémentaire; mais, ce point de départ modeste ne fit qu'ajouter aux titres de notre collègue qui sut trouver dans son désir de s'instruire, dans sa ténacité au travail, des compensations aux ressources littéraires qui manquèrent à ses premières années. Ses parents étaient venus. habiter les environs de Rouen, et, sur les conseils de M. Lebret, pharmacien de cette ville, qui avait pressenti les aptitudes du jeune hommes, ils se décidèrent à le placer comme apprenti chez M. Levavasseur, pharmacien à Bacqueville. C'était en 1828, Lepage avait alors 14 ans. L'apprentissage fut rude, pour lui surtout qui était d'une santé délicate; les élèves faisaient alors tous les travaux d'un homme de peine; en outre du service de détail, toute la journée, il fallait piler, moudre, laver, et, le soir venu, on lui permettait de se reposer une heure avant de se coucher. Un soir d'hiver, exténué de fatigue, il s'endormit si profondément auprès du poële, qu'il ne s'aperçut pas qu'il rôtissait à petit feu. Cruellement brûlé, il garda toute sa vie les traces de cette aventure. Ce fut là, deux ans après son entrée, qu'avec l'aide d'un frère de son patron, il reçut les premières notions de la langue latine.

En 1832, il arrivait à Rouen avec un bagage

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