Page images
PDF
EPUB

toire naturelle; il y réunit non-sculement beaucoup d'oiseaux étrangers assez rares, mais aussi une collection de tous les oiseaux du pays, préparée par lui, et une foule d'objets curieux.

Sa place était naturellement marquée dans toutes les Sociétés savantes; c'est ainsi qu'il fit partie de l'Association normande, des Sociétés linnéenne et d'horticulture, et de la Société des antiquaires de Normandie.

Il s'y fit remarquer par une élocution facile, un langage précis, et cette netteté d'esprit qui fait que l'on exprime toujours clairement ce que l'on conçoit bien.

Dans la vie privée, M. de Formigny, par la bonté de son cœur, la droiture et la générosité de ses sentiments, la noble indépendance de son caractère, était vraiment le modèle du père, de l'époux, du citoyen; homme de principe et de courage, il n'eût jamais, dans quelque circonstance que ce fût, transigé avec ses convictions ni avec ses devoirs.

Il est mort au château de la Londe, le 18 avril 1845, à l'âge de 51 ans, emportant les regrets de sa famille, de ses amis, et de tous ceux qui avaient pu le connaître et l'apprécier.

Sur M. John SPENCER SMITH, Membre de l'Association normande ;

Par M. A.-G. BALLIN, inspecteur honoraire de l'Association normande.

Un étranger, un Anglais, portant un nom honoré dans son pays, et qui, sans motifs d'intérêt ni de famille, avait

adopté, depuis une trentaine d'années, la France, la Normandie, pour sa seconde patrie, à laquelle il a rendu hommage par la publication de plusieurs ouvrages écrits en notre langue, s'est acquis des droits à nos sympathies. Nous voulons parler de M. John Spencer Smith.

La famille Smith, dont le nom s'écrivait anciennement Smythe, est originaire du comté de Wilts, à l'ouest de l'Angleterre, et vint ensuite s'établir dans le comté de Kent, à Douvres.

Le chef de cette famille fut ministre des finances d'Elisabeth, sous le titre modeste de Coutumier, c'est-à-dire Receveur général des douanes, cette branche des revenus publics ayant alors en Angleterre le nom de Customs; aussi l'hôtel des douanes, à Londres, est-il encore intitulé aujourd'hui Custom-house, qui signifie littéralement ☀ maison de la Coutume. Le chef actuel de la même famille est pair du royaume, et porte le titre de lord-vicomte de Strangford; il se nomme Percy-Clinton Sidney Smythe.

Au XVIe siècle, sir Thomas Smith habitait son château fortifié de Westenhanger, à deux lieues de Folkstone, dans le canton de Kent; on aperçoit encore ses créneaux en ruines, à peu de distance du chemin de fer.

Il eut plusieurs fils, dont le troisième, Edward, né à Douvres, étant parvenu au grade de capitaine de vaisseau, fut mortellement blessé, à l'attaque, par l'amiral Knowles, de la Guira, dans les Indes orientales.

Son fils, John, né aussi à Douvres, fut aide-de-camp, sous Georges II, du général commandant la cavalerie anglaise à la bataille de Minden, et devint, sous Georges III, écuyer de la reine Charlotte. Il épousa Mary, fille de Pinkeney-Wilkinson, l'un des plus riches commerçants de

la Grande-Bretagne, dont une autre fille fut mariée à lord Camelford, qui était de la famille du ministre Pitt. John eut trois fils : c'est du dernier que nous nous occupons principalement.

John Spencer Smith, né à Londres le 11 septembre 1769, avait passé quelque temps à l'Université d'Oxford, lorsque, encore enfant, il entra dans les pages de la reine Charlotte. Sa première jeunesse fut partagée entre les rivages de Douvres, où il était presque devenu marin ; l'Université, où commencèrent ses études, et la Cour, où il fit son entrée dans le monde et où il sut se concilier la faveur de la reine, qui le fit nommer, très-jeune, lieutenant en second dans le 3o régiment des gardes à pied. Son zèle et son intelligence lui valurent bientôt le grade d'adjudant de son bataillon. Jeune homme de grand talent et de grande espérance, il n'eut pas assez de raison pour mettre des bornes à ses prodigalités; trois ou quatre années s'étaient à peine écoulées, qu'il se vit forcé, par des embarras pécuniaires, de passer dans un régiment de ligne, et il ne tarda même pas à quitter l'état militaire, avec le projet, qu'il n'accomplit jamais, d'y rentrer par la suite.

Bientôt, à l'exemple de beaucoup de ses jeunes compatriotes, il vint, avec son frère Sidney, passer quelque temps au collége militaire de Caen, auquel était annexée alors une célèbre école d'équitation. Les deux frères voyagèrent ensuite dans l'Est, s'embarquèrent sur la mer Noire, et se rendirent en Turquie; mais la guerre ayant éclaté entre la France et l'Angleterre, Sidney s'empressa de rentrer dans sa patrie, tandis que Spencer, resté à Constantinople, s'occupait de faire une espèce de

Revue militaire de l'empire Ottoman, lorsque, dans le dessein de profiter des connaissances qu'il avait acquises sur ce pays, sir Robert Liston, ambassadeur d'Angleterre, le choisit pour son attaché. C'est ainsi qu'il entra dans la carrière diplomatique. Bientôt, et précisément à l'époque de l'invasion de l'Egypte par l'armée française, sous les ordres de général Bonaparte, sir Robert Liston sollicita sa retraite pour cause de santé, et laissa Spencer Smith à la tête de l'ambassade anglaise à Constantinople.

Cependant Sidney avait été nommé capitaine du Tigre, vaisseau de guerre de 80 canons, et le Gouvernement, sur la réputation qu'ils s'étaient acquise en Orient, voulant utiliser les talents des deux frères, les nomma ensemble ministres plénipotentiaires près la Porte Ottomane; ils furent autorisés à agir, conjointement ou séparément, aux termes des pleins pouvoirs qui leur furent délivrés par S. M. Britannique, sous la date du 30 septembre 1798, faveur inouïe, eu égard à leur position présente.

Peu de temps après son arrivée à Constantinople, Spencer Smith épousa la fille de l'internonce impérial près la Porte Ottomane, le baron de Herbert-Rathkeale, un des hommes d'État les plus distingués de l'Autriche.

« Par son noble caractère (1) et son esprit, Mme Smith avait excité l'admiration du prince de Ligne, et, par sa beauté, celle de lord Byron, qui lui adressa une pièce de ver (V. la traduction de Benjamin Laroche, t. 1, p. 531 et 597, édition in-8°), et lui consacra quatre strophes de Child-Harold (chap. II, 30-33).

(1) Ce passage est extrait d'une Notice nécrologique rédigée par M. Trébutien. - Caen, 1829.

» Elle-même avait un talent très-distingué pour la poésie, et a laissé des vers français dont le charme et l'élégance remplissent de surprise, lorsqu'on songe qu'ils sont l'œuvre d'une étrangère, qui avait à peine passé quelques semaines en France. »

Née sur les rives du Bosphore, elle avait toujours conservé pour la mer un amour plein d'enthousiasme, et, sentant approcher le terme de sa vie (1), elle voulut revoir encore une fois l'élément qui lui était si cher; inspirée par sa présence, elle retraça les émotions de son ame dans un poème en trois chants, intitulé: Derniers adieux à la mer. Cette production, éminemment remarquable et empreinte partout d'une vraie sensibilité, assure à son auteur le premier rang parmi les femmes étrangères qui ont cultivé notre poésie. Le passage suivant nous semble propre à justifier cet éloge:

« Il faut donc, sans espoir, que je te quitte encore,
O mer que j'idolâtre, ô miroir de l'Aurore!
Et ces tristes regards que t'adressent mes yeux
Sont leur dernier hommage et mes derniers adieux!
Le premier de mes jours naquit sur ton rivage;
Tu vis mes premiers pas s'essayer sur la plage,
Et ces jeux innocents, et ces petits courroux,
Et ce rire enfantin dont le charme est si doux.
Ainsi mes jeunes ans près de toi s'écoulèrent!
Ainsi mes premiers pleurs à tes flots se mêlèrent!
Si le sort sur ta rivé a tressé mon berceau,

Pourquoi refuse-t-il d'y creuser mon tombeau? »

C'est pendant son séjour à Constantinople que Spencer

(1) Mme Spencer Smith est morte à Vienne le 21 octobre 1829.

« PreviousContinue »