Page images
PDF
EPUB

fectionnements et les découvertes qui peuvent apporter, dans les différentes branches de la vie usuelle, une jouis sance, un soulagement et une sécurité. Aujourd'hui sa sollicitude passe des ateliers du travail dans la famille même du travailleur, pour lui donner le goût, l'habitude et le moyen d'assurer son avenir contre les chances d'infir mité ou de mort qui peuvent l'atteindre et frapper dans sa personne le sort de sa compagne, de ses enfants; pour lui faire, dans ce but, former avec ses camarades des engagements et des liens d'assistance réciproque, grâce auxquels il échappe aux tristes préoccupations d'un misérable individualisme; pour venir, dans un heureux esprit de confiance et de fraternité, participer, autour du foyer de la famille ainsi agrandie et pour toujours, aux avantages que lui-même aura concouru à assurer à la com

munauté.

Dans ce désirable but, la Société d'émulation, ou plutôt son honorable membre M. de Boutteville, directeur de l'asile départemental des aliénés de la Seine-Inférieure a entrepris une œuvre très-méritoire elle n'est pas facile à mener à bien. En effet, dans cette matière, il y a beaucoup à faire, il y a beaucoup à éviter,

car

Guidées soit par un sage instinct de prudence et de prévision personnelles, soit par des conseils ou des encouragements étrangers, un certain nombre de personnes qui n'ont de ressource que le travail, veulent s'assurer des secours pour les temps et pour les circonstances où elles pourront être privées dela faculté de continuer ce travail, Elles constituent ces secours éventuels à l'aide d'une caisse commune qu'elles dotent et alimentent par des cotisations; le fonds résultant de ces divers apports, forme un capital qui s'aug

mente par les dépôts successifs et par l'intérêt que produisent les placements, mais aussi qui diminue par le service des secours ou pensions que réclament les diverses casualités auxquelles l'institution a charge de pourvoir; au décès de chaque cointéressé, la mise apportée par lui au fonds commun devant, en tout ou en partie, rester en caisse et s'appliquer au profit des survivants.

Ce genre d'établissement, assez justement nommé assurance sanitaire, rentre dans la classe des tontines, mot qui rappelle à nos souvenirs communs beaucoup de mécomptes, de déceptions et de banqueroutes.

Ces fàcheux résultats ont pu avoir des causes bien différentes; les unes tiennent à une mauvaise ou imprévoyante organisation des statuts, les autres à une impru dente dérogation à l'esprit ou à la lettre des réglements, ou bien à une gestion déloyale. Les bases constitutives de l'acte social peuvent, de la meilleure foi du monde, avoir été posées de manière à amener tôt ou tard, pour dénoûment à peu près inévitable, la faillite. Le soin principal pour prévenir une si déplorable chute consiste à bien calculer les chances, et surtout à bien dresser les tables de mortalité; c'est-à-dire qu'il faut avoir seruté,avec assez d'ensemble et de précision, dans le passé, les éven· tualités et accidents de la vie humaine, pour pouvoir combiner une marche régulière à travers l'avenir, surpris et dévoilé dans les secrets de son action toujours mystérieuse et imprévue sur la destinée de l'homme.

M. de Boutteville ne recule point devant cette tâche arduë et scabreuse, armé, pour la surmonter aussi heureusement que possible, du puissant levier de la science humaine, laquelle sur ce point, en France et en Europe,

a multiplié des recherches exactes, minutieuses, micros copiques, dont elle a réuni la masse pour porter quelque fixité sur un terrain en quelque sorte mouvant, ne laisser presque pas de prise à l'erreur, et forcer l'hypothèse dans ses derniers retranchements,

Dans ce champ de l'observation et de l'analyse des faits, le savant qui vient sur le sol après les autres, se présente toujours avec un avantage réel de position, et M. de Boutteville n'a rien négligé, à nos yeux, pour donner à son travail la supériorité et la garantie relatives que permettait d'attendre d'un explorateur tel que lui ce privi lége de dernier venu..

L'homme de bien qui se livre à un pareil labeur, ne l'entreprend que par une conviction profonde de son utilité; cette conviction, M. de Boutteville l'a possède, et fait d'heureux efforts pour la fortifier chez tous ses lecteurs. A ce mérite il en ajoute un autre; c'est une scrupuleuse franchise à signaler d'avance, sans ménagement, les nombreux et funestes écueils dont est semée la route qu'il veut nous frayer sur une mer si féconde en naufrages; rien ne manque à l'énumération des embarras et des sinistres que les Sociétés, comme celle dont il nous entretient, ont éprouvés des deux côtés du détroit, à Paris et en province, à Nantes, à Rouen, où il s'en est éteint dix-neuf. Ces désastres sont loin de tenir à l'institution en elle-même, et l'auteur le fait voir en montrant les biens qu'elle a produits, non-seulement par le soulagement direct des indi vidus qu'elle réunit en service d'assistance mutuelle, mais encore par son influence, tant sur la moralisation d'une classe nombreuse que sur la paix publique, tant sur l'extinction de la mendicité que sur l'épargne considérable de

millions dépensés sans cela en secours publics; enfin sur une heureuse extension du sentiment de la dignité humaine.

Ces Sociétés de prévoyance mutuelle ont encore en France, comme on le voit, une vie trop précaire, un avenir trop peu assuré, pour qu'on ne cherche pas naturellement jusqu'à quel point il faut, purement et simplement, se rattacher à une autre institution plus ou moins analogue, solidement établie en France, sous l'égide de la loi et du crédit public, celle des caisses d'épargnes. Les dépôts apportés dans les établissements connus sous ce dernier nom, sont toujours à la libre disposition des intéressés, qui peuvent, dans un moment de séduction ou de faux calcul, retirer, pour le compromettre ou le perdre, le fruit de longues et laborieuses économies ; d'ailleurs, les caisses d'épargnes sont privées des avantages de la mutualité. M. de Boutteville, qui fait cette dernière observation, rentre un peu, par cela même, dans la sphère des réflexions que ces caisses, considérées au point de vue moral et dans leurs conséquences sur le cœur humain, ont inspirées à l'un de nos plus respectables coassociés normands, M. Eugène Pagny ; réflexions que le Comité de rédaction de l'Annuaire a bien voulu consigner dans l'avant-dernier volume, avec un juste hommage au vertueux auteur qui n'a pas à craindre d'en assumer la responsabilité. Sans exclure aucune des combinaisons principales pour le placement des économies, M. de Boutteville veut les coordonner dans une gradation moleur mérite et leur avantage relatifs, et ainsi

tivée

par formulée :

« Les Sociétés de secours mutuels devraient recevoir

» les premières épargnes de tout homme vivant de salaires; puis viendraient, en second lieu, les caisses » d'épargnes, et, en troisième ordre enfin, les banques de prévoyance. ».

Pour faciliter, dans la pratique, la préférence qu'il réclame, au point de vue d'utilité, pour les Sociétés de prévoyance, l'auteur déploie un zèle éclairé. Il trace les différentes dispositions à prendre pour remédier aux vices qui se sont glissés dans des statuts connus jusqu'ici, pour faire fructifier, par l'intérêt, les fonds apportés dans la caisse de l'œuvre, ou pour les répartir équitablement entre les ayant-droit, pour cause de maladie où d'incapacité de travail.

[ocr errors]

Le projet de réglement que l'auteur a élaboré pour la constitution et le service d'une si bienfaisante institution, ne contient pas moins de 143 articles; il est précédé d'un bref commentaire, dont la conclusion constate, avec une noble franchise, toute la gravité d'un obstacle fondamental apporté à la sanction de ce texte réglementaire.

Pour obtenir, dit-il, les garanties nécessaires, la » législation française n'offrirait malheureusement pas les » facilités que présentent les lois spéciales, rendues chez >> nos voisins d'outre-mer, en faveur des Sociétés ami» cales. >>

M. de Boutteville signale souvent le zèle persévérant et éclairé, la paternelle sollicitude et la prédilection motivée du parlement anglais pour ces Associations de prévoyance qui, de l'autre côté du détroit, portent le titre de Sociétés d'amis. Ce titre n'est pas indifférent à observer, quand il s'agit de faire au Gouvernement parlementaire de la Grande-Bretagne une part équitable dans le mérite

« PreviousContinue »