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des céréales et autres denrées est si avantageux pour le cultivateur égyptien, que cette graine peut facilement, comme je l'ai dit plus haut, supporter notre nouveau droit et continuer à alimenter les savonneries de Marseille, concurremment avec nos graines indigènes. Le pacha ou les Egyptiens y perdront un revenu, cela est évident; mais ce revenu, c'est la France, c'est notre administration des douanes qui le recueillera tout entier. Si, au contraire, ces calculs n'étaient pas justes, si la taxe de 10 francs, votée par la Chambre des Députés, pouvait contribuer à diminuer en Égypte et en Turquie la culture du sésame au profit de la culture du coton, que le sésame tend, en ce moment, à expulser entièrement de ces contrées, l'avantage serait plus grand encore pour nous; car les cotons des États-Unis, qui font aujourd'hui, grâce au traité de 1822, des conditions si dures à notre navigation, pourraient trouver dans l'Orient une concurrence plus sérieuse, et cela rendrait moins difficiles pour nous des modifications au traité de 1822.

EN RÉSUMÉ, le débat n'existe réellement qu'entre l'industrie savonnière et l'industrie agricole. On a voulu intéresser dans la question la navigation et le commerce; mais la navigation qui, avant l'adoption du droit différentiel de 4 fr. voté par la Chambre des Députés pour protéger notre pavillon, perdait en fret presque autant de tonnes de graines indigènes qu'il entrait en France de tonnes de sésame, est désintéressée depuis qu'un droit fortement protecteur lui assure pour l'avenir le transport du sésame, de même que la réserve générale du cabotage lui assure le transport des graines indigènes venant de nos ports de mer.

Quant au commerce, le savon n'est pas pour nous un objet d'échange maritime, puisqu'à l'exception de la Suisse, nous n'en fournissons pas à l'étranger de quantités appréciables; puisque l'Égypte et la Turquie réunies nous en prennent environ deux tonnes en échange des dix-sept mille tonnes de sésame qu'elles nous fournissent. D'autre part, l'élévation de notre tarif ne peut avoir aucune influence pour déterminer le pacha à livrer ses graines de sésame à l'Angleterre, puisque le gouvernement anglais vient, par des motifs qui tiennent à sa position particulière, de supprimer entièrement les droits d'entrée sur toute espèce de graines oléagineuses. Notre ancien tarif de 3 fr. suffirait pour amener le résultat qu'on semble craindre, s'il convenait aux fabricants anglais d'employer le sésame. Le commerce est donc également désintéressé en ce qui concerne le chiffre plus ou moins élevé du tarif.

Ainsi, le débat reste tout entier entre la fabrication du savon, qui jouit en ce moment même des avantages attachés à la prohibition absolue des savons étrangers, et l'agriculture qui n'a et ne demande aucune prohibition, qui ne veut pour ses produits qu'une protection modérée. L'industrie savonnière exige de l'industrie agricole un sacrifice immense, et elle ne justifie ses exigences ni par une amélioration dans ses produits résultant de la substitution du sésame aux graines indigènes, ni par des avantages équivalents qui puissent compenser pour d'autres sources de la richesse nationale les pertes énormes qu'elle veut imposer à l'agriculture. D'autre part, le chiffre de ro francs n'est, comme on l'a démontré à la Chambre des Députés, que la représentation

insuffisante de la différence des prix de revient entre le sésame et les graines indigènes, et de la différence de leur rendement en huile. Donc, lorsque le droit de 10 francs sera perçu, il arrivera ce qui arrive pour les fils et toiles, pour la laine, pour les bestiaux, pour la bouille, pour les fontes, enfin pour tous les produits de notre sol qui jouissent d'une protection modérée et pour lesquels, par conséquent, l'étranger prend une large part dans l'approvisionnement de notre marché ; le sésame continuera à s'y présenter, mais au lieu d'avoir le monopole dont il jouit en ce moment, il trouvera une concurrence à armes à peu près égalisées, ce qui n'est que la stricte justice. Les intérêts du contribuable français seront donc également ménagés, soit qu'on le considère comme producteur, soit qu'on le considère comme consommateur. Si, au contraire, on abaisse la taxe de 10 francs, on laisse le pacha maître d'en paralyser les effets, parce que, sans parler même du droit de sortie qu'il perçoit en ce moment, les bénéfices que cette denrée présente à la culture égyptienne et son rendement en huile sont tels, qu'elle exclurait encore nos graines indigènes de notre propre marché.

Enfin, il ne s'agit pas ici d'un traité de commerce qu'on ne peut rompre qu'en le dénonçant un an d'avance, il s'agit d'un simple tarif révocable à volonté : les Chambres peuvent le modifier, le gouvernement lui-même a des pouvoirs suffisants pour l'abaisser, si après l'expérience faite, il reconnaît à ce tarif des inconvénients sérieux. Toutes les considérations qui ont une valeur réelle se réunissent donc en faveur du tarif voté par la Chambre des Députés.

Nta. Les articles tirés de différents auteurs, que depuis plusieurs années nous donnons dans l'Annuaire sous le titre de Mélanges d'agriculture, ont présenté quelqu'intérêt : de tous côtés nous avons été prié de continuer ces extraits; nous nous rendrons avec plaisir au vœu de nos confrères, nous désirons seulement que l'on veuille bien nous aider dans ce choix d'articles et nous signaler ceux qui mériteraient de figurer dans le chapitre de Mélanges que nous nous proposons de composer chaque année.

(A. de Caumont, rédacteur de l'Annuaire.)

EMPLOI DU GUANO

Une foule d'expériences ont été faites sur la manière d'employer le guano, et il est maintenant avéré que cet engrais est trop puissant pour être employé seul; qu'il brûle les semences avec lesquelles il est en contact immédiat. En Angleterre, les cultivateurs les plus intelligents mélangent le guano de la manière suivante :

Pour fumer un champ de navets d'hiver ou de betteraves (on suppose que ce champ a 2 hectares), il faut, à un tonneau ou 1,000 kilogrammes de guano, ajouter trente charretées à un cheval) de terre sèche; tirée de plusieurs endroits; mais surtout du champ même qui doit être fumé: on mélange bien le guano par un temps sec; le lendemain on retourne la masse dans tous les sens; le surlendemain on répand ce compost également sur le champ, les ouvriers prenant soin d'écraser avec la pelle toutes les mottes de guano qui se présentent.

On met, si cela est possible, en réserve, sous un hangar, le tiers de la masse ci-dessus, pour en saupoudrer les navets aussitôt qu'ils commencent à lever

Le compost dont on vient de parler plus haut étant étendu dans le champ, il faut labourer immédiatement, herser dans tous les sens, pendant toute une journée, et semer le jour suivant et, si faire se peut, par un temps de pluie.

Pour froment, avoine ou orge, à 1,000 kilogrammes de guano ajouter quatre fois son poids de terre quelconque, calcaire ou marneuse, mais sèche; et quatre fois son poids de vieux fumier d'étable bien consommé; mélanger le tout quinze jours avant de s'en servir; labourer le champ, étendre le compost uniformément sur ce champ, à raison de 1,500 kilogrammes par hectare; herser de suite profondément (toute l'opération par un temps sec), semer deux ou trois jours après; lorsque le grain sera levé et par un temps de pluie, saupoudrer le champ de ce même compost mis en réserve (à l'abri) à cet effet: environ 500 kilogrammes à l'hectare.

Pommes de terre: 1,000 kilogrammes de guano, 2,000 kilogrammes de terre sèche, 6,000 kilogrammes de fumier; mélanger le tout, immédiatement avant de s'en servir; fumer comme on le fait ordinairement pour les pommes de terre, et à raison de 750 kilogrammes à T'hectare; saupoudrer quand les pommes de terre seront

levées.

de

Prairies naturelles ou artificielles: 1,000 kilogrammes guano, 500 kilogrammes de terre, 100 kilogrammes de charbon de bois réduit en poudre; aussitôt qu'on aura bien mélangé et bien écrasé les mottes de guano; répan

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