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§ 3. Sol.

Comme toutes les céréales, l'épeautre se plaît dans les sols propres au froment; mais il se contente aussi de terrains trop peu riches, trop légers et trop secs pour le froment, ainsi que j'ai pu l'observer dans une partie du Palatinat d'outre-Rhin. Près de Spire, je l'ai trouvé dans un sol sablonneux, faisant partie d'assolements anciens et réguliers, comme succédant au trèfle, et ce climat ne peut être regardé comme humide.

Dans les terres fortes, l'épeautre produit plus de paille; dans les sols légers, et particulièrement dans les sols calcaires, son grain devient meilleur, plus farineux et ses écales restent plus minces. La même différence résulte de la situation basse ou élevée.

§ 4. Tour de rotation.

Aucune céréale n'est plus accommodante que l'épeautre pour les précédents et ne se succède plus facilement à elle-même. Toutes les plantes, à l'exception peut-être du froment, peuvent venir sans inconvénients après l'épeautre, et, comme il supporte une semaille tardive, l'épeautre peut aussi succéder à presque toutes les autres plantes, avec plus ou moins d'avantages, sans doute, ainsi que cela se conçoit facilement. Ainsi l'épeautre, succédant à la pomme de terre et au lin, ne viendra pas aussi bien que celui succédant au trèfle et surtout à la jachère complète.

Les principaux précédents pour l'épeautre sont donc la jachère complète, le trèfle, l'esparcette, la luzerne;

le tabac et la navette; puis les choux, la pomme de terre, les navets, le maïs, le lin, le seigle et le chanvre. Seulement, lorsque le trèfle est en mauvais état, comme en 1822, on fait mieux de ne pas y mettre l'épeautre, à moins qu'on ne puisse donner au moins trois labours et une fumure.

Malheureusement la réputation d'être très endurant, attribuée à l'épeautre, a été cause, dans quelques contrées, particulièrement sur le Rhin inférieur et la Meuse, que les cultivateurs ont par trop maltraité cette précieuse plante, en se fondant sur le proverbe, qu'il faut charger beaucoup qui peut porter lourd; aussi, dans ces deux contrées, lorsqu'un champ ne veut plus produire autre chose, le paysan, qui veut user le peu de force qui peut lui rester encore, se dit : semons-y encore de l'épeautre ; cela vaudra mieux que rien. Le résultat ne manque pas de se trouver en rapport avec une pareille pratique et vient réagir sur l'opinion qu'on a de cette céréale, généralement si mal appréciée. Il arrive ainsi qu'on reproche à la plante la mauvaise culture qu'on lui a donnée. Mais dans quel pays le cultivateur est-il assez clairvoyant pour s'accuser lui-même des mécomptes qu'il se prépare ?

Toutes les mauvaises récoltes de céréales sont un malheur, dit Hergen; mais une mauvaise récolte d'épeautre surpasse toutes les autres en inconvénients, parce qu'elle laisse le sol dans le plus pitoyable état.

§ 5. Préparation du sol.

Dans le Palatinat, on répand la semence de l'épeautre sur le chaume du trèfle et l'on enfouit l'un et

l'autre par un seul labour superficiel. Le sol reste dans cet état jusqu'au printemps, époque à laquelle on passe le rouleau, ce qui est indispensable après une préparation aussi commode. Lorsque la température de l'automne est trop humide ou trop sèche, on renverse d'abord le chaume du trèfle, on sème sur ce labour et on enfouit la semence à la herse; cette préparation est d'autant meilleure que la saison est plus humide. Le labour peut renverser le trèfle peut être très-superficiel, de manière à ce que la herse puisse déchirer le chaume et le mêler avec la semence, ainsi que nous l'avons dit en parlant du froment.

Lorsque la luzerne doit être remplacée par l'épeautre, il ne faut pas la faucher plus de deux fois la dernière année. On laboure deux à trois fois et très-profondément la première. Le hersage doit être très-énergique et jouer un grand rôle dans cette préparation. L'épeautre ne doit pas être semé dru, et encore faut-il que le sol ne soit pas riche de sa nature, sans quoi l'épeautre ne conviendrait pas et ne pourrait que verser.

L'épeautre devant succéder aux pommes de terre, on unit seulement le sol à la herse, on répand la semence et on l'enfouit, soit à la herse, soit à la charrue. Lorsqu'il est nécessaire de donner une addition d'engrais à un champ maigre, ayant porté des pommes de terre, on répand l'engrais avant la semence, et l'on enfouit d'un seul trait de charrue la semence et le fumier; mieux vaut cependant ne répandre le fumier que lorsque l'épeautre a déjà levé, ainsi que cela se pratique dans le Wurtemberg.

Après la navette semée, on donne deux ou trois

labours; mais, sur la navette repiquée, on se contente de berser, on sème et on enfouit par un seul trait de charrue.

En général, les préparations pour l'épeautre sont les mêmes que celles pour le froment.

§ 6. Engrais.

L'épeautre aime un sol en vigueur, mais non trop poussé d'engrais; sur ce dernier, il verse infailliblement. Il supporte la fumure récente, et la fumure par-dessus lui convient également bien, sinon mieux, lorsqu'il a dépassé le sol de trois centimètres environ. On retire aussi de grands avantages du pâturage par les moutons, pendant deux à trois semaines, sur les champs semés d'épeautre. Bien qu'on tienne le temps sec pour particulièrement favorable à ce pâturage, l'expérience a démontré plus d'une fois que ce pâturage, en temps humide, piétinant le sol et le rendant aussi dur que l'aire d'une grange est suivi des meilleurs résultats.

§ 7. Temps de la semaille et semence.

L'époque de la semaille de l'épeautre coïncide à peu près avec celle du froment. La période la plus ordinaire commence huit jours avant et finit huit jours après la Saint-Michel. Dans quelques pays de montagnes, on sème immédiatement après la récolte, et même avant la récolte, lorsqu'elle est tardive. Sur les Alpes wurtembergeoises, on sème une grande partie de l'épeautre vers la Saint-Jacques, pour ne récolter que vers la 'Saint-Michel.

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Cependant, et surtout dans les bons pays, les semailles très-tardives peuvent avoir de très-bons résultats; il n'est pas du tout extraordinaire de voir semer encore de l'épeautre au commencement de février. M. . de Varnbühler rapporte, dans ses annales, un exemple d'épeautre d'hiver, semé seulement le 14 mars 1817, qui a parfaitement réussi, et qui n'est arrivé à maturité que quinze jours plus tard que ceux semés en temps ordinaire.

Comme l'épeautre se sème avec les écales, il faut une beaucoup plus forte quantité de semence ou, du moins, un plus grand volume; on en prend à peu près le double en mesure que des céréales nues. Divers préjugés augmentent où diminuent aussi cette proportion; ainsi, dans le Wurtemberg, on sème par hectare :

a. Dans les grands bailliages de Vaihinguen et Léonberg, 3,50 b. Dans d'autres contrées,

c. Dans les plaines,

d. Dans l'Oberland, en terres lourdes,

4,22

5,62

11,24

ou bien 5-6-8-16 simri par morgen. On observe généralement d'augmenter la quantité de semence en proportion que la semence est plus lourde.

Nous semons en moyenne, à Hohenheim, dans les parties basses, 7 simri ou 4,90 hectolitres par hectare. Cependant, après la navette, cette quantité est trop grande, et 6 simri ou 4 hectolitres sont largement suffisants. Moellinger suit, à peu de chose près, la proportion de Vaibinguen, c'est-à-dire 3,84 hectolitres. Si nous écartons la proportion indiquée pour l'Ober

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