Iambes et poëmes

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E. Dentu, 1872 - 291 pages
 

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Popular passages

Page 49 - Est-ce au champ de l'exil, dans l'avilissement, Que ta bouche s'est close à force de maudire? Ta dernière pensée est-elle en ce sourire Que la mort sur ta lèvre a cloué de ses mains? Est-ce un ris de pitié sur les pauvres humains?
Page 38 - Alors, plus de repos, plus de nuits, plus de sommes, Toujours l'air, toujours le travail, Toujours comme du sable écraser des corps d'hommes. Toujours du sang jusqu'au poitrail. Quinze ans son dur sabot, dans sa course rapide, Broya les générations ; Quinze ans elle passa fumante, à toute bride, Sur le ventre des nations.
Page 37 - France était belle, Au grand soleil de messidor ! C'était une cavale indomptable et rebelle, Sans frein d'acier ni rênes d'or ; Une jument sauvage à la croupe rustique, Fumante encor du sang des rois, Mais fière, et d'un pied fort heurtant le sol antique, Libre pour la première fois : Jamais aucune main n'avait passé sur elle Pour la flétrir et l'outrager; Jamais ses larges flancs n'avaient porté la selle Et le harnais de l'étranger ; Tout son poil reluisait, et, belle vagabonde, L'œil...
Page 11 - C'est que la Liberté n'est pas une comtesse Du noble faubourg Saint-Germain, Une femme qu'un cri fait tomber en faiblesse. Qui met du blanc et du carmin: C'est une forte femme aux puissantes mamelles, A la voix rauque, aux durs appas, Qui, du brun sur la peau, du feu dans les prunelles, Agile et marchant...
Page 13 - Paris, si beau dans sa colère, Paris, si plein de majesté Dans ce jour de tempête où le vent populaire Déracina la royauté; Paris, si magnifique avec ses funérailles, Ses débris d'hommes, ses tombeaux, Ses chemins dépavés et ses pans de murailles Troués...
Page 188 - Apportant, remportant les richesses du monde; Des chantiers en travail, des magasins ouverts, Capables de tenir dans leurs flancs l'univers ; Puis un ciel tourmenté, nuage sur nuage ; Le soleil, comme un mort, le drap sur le visage, Ou, parfois, dans les flots d'un air empoisonné Montrant comme un mineur son front tout charbonné ; Enfin, dans un amas de choses, sombre, immense, Un peuple noir, vivant et mourant en silence, Des êtres par milliers suivant l'instinct fatal, Et courant après l'or...
Page 66 - La race de Paris, c'est le pâle voyou * Au corps chétif, au teint jaune comme un vieux sou ; C'est cet enfant criard que l'on voit à toute heure Paresseux et flânant, et loin de sa demeure Battant les maigres chiens, ou le long des grands murs Charbonnant en sifflant mille croquis impurs ; Cet enfant ne croit pas, il crache sur sa mère, Le nom du ciel pour lui n'est qu'une farce amère ; C'est le libertinage enfin en raccourci ; Sur un front de quinze ans c'est le vice endurci.
Page 40 - Aux poêles menteurs, aux sonneurs de louanges, César est mis au rang des dieux. Son image reluit à toutes les murailles ; Son nom dans tous les carrefours Résonne incessamment, comme au fort des batailles II résonnait sur les tambours.
Page 39 - ... D'aller sans user son chemin, De pétrir l'univers, et comme une poussière, De soulever le genre humain ; Les jarrets épuisés, haletante et sans force, Près de fléchir à chaque pas, Elle demanda grâce à son cavalier corse ; Mais, bourreau, tu n'écoutas pas ! Tu la pressas plus fort de ta cuisse nerveuse ; Pour étouffer ses cris ardents, Tu retournas le mors dans sa bouche baveuse, De fureur tu brisas ses dents ; Elle se releva : mais un jour de bataille, Ne pouvant plus mordre ses freins,...
Page 128 - L'art fut ton seul amour et prit ta vie entière ; Soixante ans tu courus une triple carrière Sans reposer ton cœur sur un cœur attendri. Pauvre Buonarotti ! ton seul bonheur au monde Fut d'imprimer au marbre une grandeur profonde, Et, puissant comme Dieu, d'effrayer comme Lui : Aussi, quand tu parvins à ta saison dernière, Vieux lion fatigué, sous ta blanche crinière, Tu mourus longuement plein de gloire et d'ennui.

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