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<< immensam auferentes prædam agros pervadunt, vineas à << fructibus vacuant et captivos abducunt, etc. » (Gregor. Turon., Hist. eccles. Francorum, V, 30).

« A défaut d'armée, Félix opposait aux empiètements des << Bretons une politique vigilante et d'adroites négociations. Voilà ce que dit M. A. Thierry, lui-même, dans ses Récits mérovingiens, t. II, p. 293.

Mais dans son Histoire de la conquête, ce n'est plus de même il prête au poète Fortunat sa préoccupation d'une dissidence religieuse entre les deux peuples, et il lui fait écrire de saint Félix: « Tu veilles soigneusement sur tes Saxons, et ton adresse éloigne d'eux le Breton qui leur tend des piéges. »

Quelques Saxons étaient, en effet, refugiés sur les terres de l'évêque nantais. Ils étaient païens. C'est comme si Fortunat écrivait à Félix: Tu veux les convertir à Jésus-Christ, les Bretons voulant les convertir à Pélage.

Or, Fortunat ne dit rien de cela.

Voici ses deux vers:

Insidiatores removes vigilante Britannos;

Nullius arma valent quod tua lingua facit.

/Collect. Pisaurensis, VI, 203./

Nous traduisons ainsi ces vers: Par ton adroite vigilance tu écartes les insidieux Bretons, et nul n'a d'armes aussi puissantes que ta parole.

Voici un autre exemple :

Il s'agit de l'expédition de Louis-le-Débonnaire. Le biographe de celui-ci, que l'on connaît sous le nom de l'Astronome, présente cette guerre comme la répression d'un vassal révolté.

Il en est de même du poète Ermoldus Nigellus ( Ermold le-Noir), qui a fait un poème sur l'expédition.

Dans ce poème, en effet, le monarque frank dit du roi breton Morvan :

Non memorat jurata fides, seu dextera Francis
Sæpè data et Carolo servitia exhibita.

Et Morvan répond à l'envoyé de Louis:
Nec sua rura colo, nec sua jura volo.
Ille habeat Francos, Brittonica regmina Morvan
Ritè tenet, censum sive tributa velat.

(Versus 202, 203, 204. Dom Bouquet, VI, 44.)

Voilà donc bien énoncé le motif de l'expédition :

D'un côté, réclame d'hommage; - de l'autre, refus; et non point une dissidence religieuse, qui même est formellement et positivement niée, dans le poème, par ce passage: où Louis, parlant de son adversaire, s'exprime ainsi :

Quò ruit? insanusque volens sibi proditor extat
Atque suæ proli, exulibusque simul,
Præcipuè sit cum una fides nostrisque suisque.

Voici la traduction de ces vers par M. Guizot:

« L'insensé ! pourquoi veut-il donc être traître à lui« même, à ses enfants et à ses compagnons d'exil, surtout quand une même foi nous unit à son peuple? »

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M. Thierry, dans ses Récits mérovingiens, a donné un résumé du poème d'Ermold. D'après ce résumé, le vrai et seul motif de la guerre est bien celui ci-dessus indiqué.

Mais dans son autre ouvrage, celui de la Conquête, le même auteur néglige cette démonstration et cite quelques vers à signification ambiguë, qu'il applique à la justification de son préjugé :

Præcipuè cum vana colas, nec dogmata serves,

Avia curva petas tu populusque tuus.

Ce sont les paroles de Louis à Morvan, que nous tradui

sons ainsi : Tu rends un culte à des choses vaines, tu n'observes pas le dogme; tu cherches la ligne courbe, toi et ton peuple.

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Or, ces vers n'établissent assurément point une différence de foi. Ils se prêteraient même, isolés, très-difficilement à l'idée de cette hypothèse; et comme d'ailleurs cette différence de foi est formellement niée plus haut par d'autres vers; ceux-ci, dès-lors, ne signifient absolument rien, sous le rapport de l'orthodoxie. Ce ne sont que de ces accusations banales d'impiété en général, ou d'immoralité, qu'on se prodigue toujours très-aisément entre ennemis, la veille de la lutte.

Une autre induction de M. A. Thierry est-elle moins légère, à savoir celle qu'il tire de la tonsure de l'abbé de Landevenec, lequel abbé va visiter Louis-le-Débonnaire à son camp de Prisiac (D. Lobineau, D. Morice, Preuves, I, 228). Sa tonsure était en forme de croissant, comme celle des moines d'Écosse dont l'abbé breton suivait la règle. Louis lui ordonne de modifier règle et tonsure et de se conformer, sous ce double rapport, aux pratiques des religieux de saint Benoît. Ici il y a bien dissidence, en effet, entre Francs et Bretons, mais dissidence d'usages monastiques et nullement de Credo.

De tout ce qui précède nous concluons que nos ancêtres, une fois chrétiens catholiques, n'ont point fait erreur et n'ont point eu à changer de croyances.

Il n'en est point ainsi de ceux qui écrivent leur histoire, et qui, erronés sur mille points, n'ont pas toujours, comme M. Thierry, le courage et l'honneur d'avouer leur inexactitude.

Ceci n'est que le résumé du travail de M. Thibaud, après la lecture duquel on reprend l'ordre du jour.

M. de Caumont recommande aux membres du Congrès qui connaissent des images ou des statues de saint Martin, d'en dessiner les particularités. Il dit que l'iconographie des saints les plus habituellement vénérés n'a pas été assez étudiée; il existe encore une quantité considérable de statues de saint Martin. Il en a décrit une trentaine du XVI. et du XVII. siècle qui existent dans les départements de la BasseNormandie.

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M. Guéraud, appelé à lire un travail sur l'imprimerie en

Bretagne, déclare n'être pas suffisamment préparé sur ce point, et demande à lire, en place, un autre travail intitulé: Notice historique sur le château d'Oudon, avec plan d'enceinte et détails d'architecture dont M. Liberge a fait les dessins.

Après la lecture de M. Guéraud, qui est suivie d'une courte discussion, il est donné connaissance à l'Assemblée d'un manuscrit intitulé:

Essai sur le dictionnaire des terres et seigneuries comprises dans l'ancien comté nantais.

Ce travail est de M. Ernest de Cornulier.

La nature de ces recherches patientes, laborieuses et difficiles, le mérite connu de l'auteur et le choix intéressant du sujet, tout a fait vivement désirer à l'Assemblée la prompte et prochaine publication du Mémoire.

Dans sa Préface, qui est lue séance tenante, M. E. de Cornulier indique les sources, les archives privées ou publiques, les documents de toute sorte où il a puisé; et il émet cette pensée qu'après un Dictionnaire des communes ou paroisses, comme celui d'Ogée, un Dictionnaire des terres et seigneuries était d'autant plus utile à faire qu'au moyen-âge la terre, la seigneurie, c'est la véritable unité de territoire et le premier élément politique du corps social.

M. de La Borderie a la parole. Il provoque l'attention de l'Assemblée par une communication moitié écrite, moitié orale, sur une question d'histoire assez peu connue et trèsintéressante, et sur une question d'archéologie culinaire.

Voici le texte des deux documents cités et commentés par M. de La Borderie:

Devoir de manger dû au seigneur de Quéien par le voyer de Carhaix, suivant l'aveu rendu au Roi, en 1679, par Hyacinthe-Anne Le Sénéchal de Carcado, seigneur de Quélen:

Aussi declare ledit seigneur de Carcado avoir un droit et

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