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avis, que la ville de Nantes chercherait en vain une demeure qui pût aller de pair avec l'ancienne demeure des ducs de Bretagne. Sans doute, elle a perdu son aspect, elle est enveloppée de bâtisses malheureuses qui la rendent méconnaissable; sans doute, l'explosion de la poudrière lui a fait perdre une partie de sa couronne de tours; mais ce n'est pas à vous, Messieurs, qu'il est nécessaire de dire ce que peut facilement devenir le château de Nantes, restauré avec le talent que l'on a mis, par exemple, dans la restauration du château de Blois. Tous ne comprendront pas cela comme vous le comprenez, vous, Messieurs; et c'est là la seule raison d'un doute sur l'effet de ce vou. La ville de Nantes peut faire hommage au Prince impérial d'un joyau historique hors ligne, d'un palais situé au centre de la ville, sur le bord de la Loire, à deux pas de la cathédrale; et ce palais auquel on joindrait nécessairement le cours de la Duchesse Anne, n'a pas moins de quatre hectares de surface. Il est contigu à la plus belle promenade de Nantes, celle des cours St.Pierre et St.-André; il a la vue la plus belle qui soit possible à Nantes. Sa nouvelle appropriation serait un bienfait pour la population, qui se verrait délivrée des dangers d'une nouvelle explosion de la poudrière. Cette idée serait accueillie avec enthousiasme à Nantes; mais que serait-ce quand on serait à même de juger du parti que l'on en pourrait tirer comme embellissement de la ville?

Ce n'est pas ici le lieu, Messieurs, d'examiner la question des voies et moyens; cette question est très-simple, mais elle est en dehors de notre compétence; ne nous y arrêtons pas. Qu'il nous suffise de dire qu'aux yeux des hommes du métier, le château de Nantes, au point de vue de la guerre, n'a que la valeur d'un arsenal; que, dans un avenir trèsprochain, cet arsenal devra être transporté à St.-Nazaire; et vous comprendrez que, dans ces circonstances, la question à

traiter avec le gouvernement n'a pas les difficultés que quelques personnes lui supposent.

La ville de Nantes ayant voté, en principe, qu'une résidence serait offerte dans la commune au Prince impérial, la Commission exprime le vœu que le château, ancienne demeure des ducs de Bretagne et auquel se rattachent tant de souvenirs historiques, soit choisi de préférence.

Après une discussion à laquelle prennent part MM. le général Marion de Beaulieu, Hippolyte de Cornulier, de La Tour-duPin, il est résolu qu'une sous-commission de trois membres, dont M. Nau fera partie, donnera de la publicité à cette dernière proposition.

On exprime le vœu que l'église St.-Nicolas et sa flèche soient terminées le plus tôt possible, et l'on prie le Conseil municipal de faire tout ce qui lui sera possible à cet égard.

M. Bizeul exprime le vœu que l'Oratoire, où se trouve en ce moment le musée archéologique, et qui remplit si bien les conditions nécessaires pour un tel établissement, soit affecté pour toujours à cet usage. La commission nommée pour le château est priée de vouloir bien aussi donner de la publicité à ce vou.

M. l'abbé Cahour demande que le vœu soit émis qu'à l'avenir le conseil municipal et la fabrique de Redon fassent un emploi mieux entendu des ressources destinées aux réparations de l'église, si curieuse, de cette commune.

M. Nau propose qu'un vœu soit exprimé pour attirer l'attention du gouvernement sur l'église de St.-Gildas-des-Bois, qui menace ruine.

M. de Keranflech demande qu'un vœu soit exprimé pour que le gouvernement veuille bien s'occuper de la conservation des monuments celtiques de la Bretagne, pour qu'au

moins il en reste quelques échantillons sur ce sol, qui en fut si riche autrefois.

Le rapport de M. Nau et les additions qui y ont été faites sont adoptés à l'unanimité.

La séance est levée.

Le Secrétaire,

D'IZARN.

2o. Séance du 16 juin.

Présidence de M. LE BASTARD DE MESMeur.

Siégent au bureau: MM. de Caumont, Nau, Phelippes Beaulieux, Caillaud, Van Iseghem, Le Petit et Gaugain. M. le docteur Jh. Foulon remplit les fonctions de secrétaire.

M. le Président, voyant entrer dans la salle M. l'abbé Dandé, vicaire-général du diocèse, s'empresse de lui offrir un fauteuil.

M. le baron de Wismes a la parole. Il donne à l'Assemblée quelques renseignements sur les notices historiques et vues lithographiées constituant son grand ouvrage pittoresque, Le Maine et l'Anjou, dont il fait passer sous les yeux quelques livraisons.

M. Thibaud demande à signaler le champ de Moliny, en la commune du Clion, à trente pas du bord de la mer, près de Pornic, comme gisement peu connu, quoique assez important, de briques, ciment et fragments de poterie datant de l'époque gallo-romaine.

C'est là que se trouvait, disent les paysans, la ville de Combre ou Congre.

M. Thibaud lit ensuite un mémoire sur cette question: Dans l'église britannique, et notamment chez les Bretons du continent, le pélagianisme a-t-il prévalu; y a-t-il persisté ?

Il n'y a ni prévalu ni persisté, suivant l'honorable membre. Feu M. A. Thierry, dans son ouvrage: de la Conquête d'Angleterre par les Normands, affirme le contraire.

Il met en présence et en opposition, d'un côté, la foi orthodoxe des Gallo-Franks; de l'autre, la foi hétérodoxe des Bretons.

Par suite de cet antagonisme de croyances religieuses, la double expédition de Chilpéric et de Louis-le-Débonnaire ressemble assez à une sorte de croisade.

D'après lui, le comte des frontières bretonnes était interrogé, chaque année, sur la foi des Bretons. Si la réponse du capitaine frank était: Ils ne croient point au vrai dogme, ils ne suivent point la ligne droite; dans ce cas, la guerre était votée d'acclamation.

C'était là sans doute, de la part de l'éminent écrivain, une de ces interprétations historiques qu'il regrettait d'avoir faites, peu de temps avant sa mort, et dont il promettait la rectification, notamment dans sa lettre à l'abbé Gorini.

Néanmoins il nous a paru curieux, avec ce dernier savant, et d'après sou bel ouvrage intitulé: Défense de l'Église, de revoir les textes sur lesquels s'était fondé M. A. Thierry pour baser son erreur, ou plutôt les textes qu'il avait adaptés à son idée préconçue.

Pélage, on le sait, était né dans la Grande-Bretagne. Mais il ne sema les germes de l'hérésie qui prit son nom qu'à Rome, et ne l'y prêcha que vers l'an 409.

Immédiatement condamné par la cour de Rome et par les Conciles, et par suite exilé de la capitale du monde chrétien et même de Jérusalem par ordre de l'empereur Honorius,

ce ne fut point lui qui inocula son erreur à ses compatriotes, mais bien un certain Agricola, fils et disciple du pélagien Severianus.

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« Les Bretons >> écrit Bède (il vivait de 673 à 755), « ne voulurent pas recevoir ce dogme pervers ni blasphemer « Jésus-Christ. Ne pouvant toutefois réfuter par les luttes « de l'éloquence la ruse de cette croyance criminelle, ils " formèrent le sage projet de chercher, dans les premiers évêques gaulois, un aide pour cette guerre spirituelle (Hist. eccles. gentis Anglorum, l. I, 17).

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Un concile de la Gaule et le pape Célestin donnèrent, en conséquence, mission à saint Germain d'Auxerre et à saint Loup de Troyes d'aller combattre les hérésiarques de la Grande-Bretagne. Ceux-ci subirent une défaite de la part de ces deux missionnaires. Néaumoins Germain d'Auxerre fut obligé de réitérer son voyage et ses réfutations; et comme plus tard l'erreur pélagienne survivait encore, il fallut, pour la frapper d'une façon péremptoire, qu'un concile d'évêques bretons se rassemblât ad hoc, en 519.

Mais une preuve évidente qu'elle s'éteignit à partir de ce concile, c'est que, dans aucun des autres conciles ultérieurs des provinces d'Occident jusqu'au XII. siècle, il n'en est plus fait absolument aucune mention.

Cette preuve n'a point arrêté M. A. Thierry. Il lui faut une dissidence religieuse entre les deux races, et cette dissidence hypothétique, au lieu d'être expliquée par les textes, lui sert à expliquer ceux-ci. En voici un exemple :

Au temps de saint Félix, Nantes et son territoire ne faisaient pas partie du territoire envahi par les Bretons; mais ces derniers y faisaient des courses et des pillages, comme le dit Grégoire de Tours: « Britanni eo anno valdè infesti «< circà urbem Nanneticam atque Rhedonicam fuêre, qui

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