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le comté de Nantes finit, dans les premières années du XI. siècle, par accepter la suzeraineté du comté de Rennes que reconnut, du reste, la Bretagne tout entière. Dès cette époque, outre l'apanage de Penthièvre qui en faisait partie intégrante, le comté de Tréguier dépendait du comté de Rennes. En 1066, une alliance réunit les comtés de Nantes et de Cornouailles au comté de Rennes. Plus tard encore, l'annexion du comté de Léon, sous le comte Hervé-le-Dissipateur, compléta la prédominance absolue du comté de Rennes en Bretagne. L'apanage de Penthièvre, constitué en faveur d'Eudon, réuni plusieurs fois au duché de Bretagne, est enfin reconstitué, au XVI. siècle, par Henri II.

M. de La Borderie remarque la politique des comtes de Rennes, devenus ducs de Bretagne, qui tendent à séparer les grandes baronnies, surtout du côté des frontières de la France, par des seigneuries d'une importance secondaire, toujours tentées de contrebalancer leur puissance en s'alliant à leur ennemi naturel, le duc de Bretagne. M. de La Borderie fonde cette opinion sur quelques exemples. Il observe aussi que, dans les grandes seigneuries, le duc de Bretagne conservait sous sa mouvance, soit des seigneuries tout entières, soit un fief seulement. Ainsi, dans le comté de Nantes, le duc est seigneur direct de Toufou, du Gavre et de Guérande. En apanageant la vicomté de Léon, réserve est faite, par le comte, des côtes, la partie la plus riche de cette seigneurie.

M. de La Borderie a pris, pour base de son travail le Livre des osts du duc de Bretagne, dressé à Ploërmel, le 19 août 1294. Il rappelle l'origine de ce document, qui fut établi pour déterminer les vassaux et les arrière-vassaux tenus au service militaire envers le duc de Bretagne.

Huit grandes baillies ou divisions féodales existent en Bretagne, à cette époque. M. de La Borderie suit, sur les

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deux rives de la Loire, les divers fiefs qui dépendent de la baillie de Nantes.

Deux sources principales lui ont, en outre, fourni la matière de ce travail : les aveux et les chartes. Les aveux ont formé la base principale de ses recherches. Ils ont eu pour origine le droit de rachat, établi en faveur du duc de Bretagne sur les possesseurs de fiefs qui se rédimaient ainsi du bail accordé au suzerain, lors de la minorité du vassal. C'est vers 1380, sous le duc Jean IV, que fut introduit l'usage de fournir des aveux ou minus. Rares et succincts aux XIV. et XV. siècles, les aveux présentent bien plus de détails au XVI. siècle. Ce sont les aveux fournis, aux termes des édits royaux, sous Louis XIV, de 1675 à 1685, qui offrent le plus de renseignements sur le régime féodal de la Bretagne.

M. de La Borderie aurait voulu, autant que possible, remonter à l'origine même de la féodalité. La rareté des documents anciens, les lacunes que présentent les monuments nouveaux, les fausses déclarations des possesseurs de fiefs, en ce qui concerne les mouvances, l'ont empêché d'atteindre ce but. Les démembrements des fiefs ont été, pour lui, une nouvelle source de difficultés. Ces démembrements tiennent à trois causes. Ces causes sont :

1o. Les partages de puinés, opérés par démembrement d'un fief principal. Depuis l'ordonnance de Philippe-Auguste de l'an 1210, ces démembrements relevaient immédiatement du seigneur supérieur. L'hommage en juveignerie, dû en Bretagne à l'aîné, n'étant qu'une formalité toute nominale, tomba fréquemment en désuétude au bout de quelques générations. En ce cas, il devient le plus souvent impossible de reconstituer dans son étendue primitive le fief démembré.

2o. Les donations en faveur des établissements ecclésiastiques. Ces donations ne comprennent pas, en général, un fief tout entier. Le donateur et les hoirs amortissent succes

sivement, à l'égard du suzerain, les parcelles de fiefs qu'ils ajoutent à la fondation primitive. Il est presque impossible de suivre les démembrements fractionnaires.

3. Les commises ou amendes gagées. Ce sont les noms féodaux des confiscations encourues par le vassal qui n'a pas rempli ses devoirs envers le suzerain. Rarement celuici exerce son droit en entier ; il transige avec le vassal pour une parcelle du fief et la réunit à son domaine. Les aveux, comme on le comprend bien, renferment rarement la trace de ces faits qui rejaillissaient sur les héritiers du vassal félon.

M. de La Borderie signale encore un autre fait qui tendait à dénaturer l'organisation originaire de la féodalité. C'est ce qu'il appelle la composition de fiefs factice. Ce fait apparaît aux XVII. et XVIII. siècles et a sa source dans l'engouement qui se manifeste, à cette époque, pour les titres nobiliaires. Jusque-là les titres avaient été extrêmement rares en Bretagne; les Rohan eux-mêmes n'étaient que vicomtes. Mais aux XVII. et XVIII. siècles, nombre de seigneurs réunirent en un seul corps plusieurs petits fiefs, jusque-là distincts, pour en faire des terres titrées. Un des faits les plus curieux en ce genre, est la création du marquisat de la Galissonnière, dans le conté Nantais.

C'est, au surplus, l'organisation féodale que l'on trouve à la fin du XIII. siècle que la carte soumise au Congrès tend à reproduire.

Cette carte sera accompagnée d'une notice qui indiquera la division par baillies, les principales seigneuries, leur étendue, leur chef-lieu et leurs démembrements. Elle énoncera les diverses juridictions et la nomenclature, autant que cela sera possible, de toutes les hautes-justices de Bretagne.

M. de La Borderie demande la permission de donner

quelques détails sur des droits féodaux curieux, que l'étude de quelques documents anciens lui a révélés.

Et d'abord, il faut reconnaître qu'à partir du XI®. siècle, on ne retrouve en Bretagne aucune trace du servage de la glèbe. L'ancien servage, devenu le vilainage, ne fait pas obstacle à la faculté de transmettre et d'acquérir. Ainsi donc le droit de propriété, sous la condition de certaines charges instituées par la Coutume ou convenues entre le vilain et son seigneur, apparaît dès cette époque. La taille proprement dite, tallia ad placitum, n'existe pas en Bretagne.

Le droit du seigneur, cette calomnie grossière inventée par le XVIII. siècle contre la féodalité, n'offre bien entendu en Bretagne aucune trace.

M. de La Borderie cite, comme droits féodaux curieux, qui ont eu pour origine un exercice militaire et se sont convertis en un droit pécuniaire payé au seigneur : la quintaine d'eau et de terre, dans différentes localités; le mystère du cheval Mallet, dans la seigneurie de St.-Luminede-Coutais; le saut des poissonniers, à Brest, Malestroit, Châteaubriant et Rochefort-en-Terre, tous imposés soit au nouveau-marié, soit au nouvel arrivé.

La séance est renvoyée au lendemain, à 7 heures 1/2.

Le Secrétaire,

MARTINEAU.

1oo. Séance du 16 juin.

Présidence de M. DE KERANFLECH.

Siégent au bureau: MM. de Caumont, l'abbé Le Petit, Ragueneau et d'Izarn, remplissant les fonctions de secrétaire.

Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. M. Ragueneau lit au Congrès la notice suivante :

NOTICE DE M. RAGUENEAU.

Il existe à Montfaucon (Maine-et-Loire), chef-lieu d'une baronnie d'Anjou, une butte artificielle de 8 à 9 mètres d'élévation; sa circonférence est, à sa base, de 160 mètres; de 80 mètres à son sommet, terminé par une surface plane.

A 50 mètres de cette butte se trouve une église romane subsistante, et l'emplacement d'un prieuré détruit.

Divers titres, des fouilles accidentelles et la figure du terrain, dans quelques points, attestent qu'il existait autour de cette motte: 1o. une enceinte immédiate de fossés; 2o. à la distance de 100 mètres de celle-ci, une seconde enceinte circulaire de fossés qui renfermait, entr'autres constructions, l'église et le prieuré.

Voilà bien la disposition de l'emplacement d'un château, avec son baile. Or, on trouve, dans la Chronique des moines de St.-Florent (Archives de Maine-et-Loire), que Foulques Nerra, comte d'Anjou, au Xo. ou au XI®. siècle, fonda en Anjou un château dont il tira le nom d'un mont et d'un nid de faucon, trouvé sur les lieux apparemment... « castelllum ex monte et nido nuncupatum instituit... »; dans ce château il plaça des moines.

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