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M. de La Borderie retrace les principales modifications survenues dans l'organisation des communautés de ville de Bretagne, depuis la fin du XVe siècle jusqu'en 1692. explique la nature des revenus des villes, le mode d'établissement et de perception des deniers d'octroi. Et, après quelques observations confirmatives faites par divers membres, la séance est levée.

Le Secrétaire,
BLANCHARD-MERVAU.

3o. Séance du 14 juin.

Présidence de M. Nau, inspecteur de la Loire-Inférieure.

Siégent au bureau MM. de Caumont, directeur de la Société; l'abbé Le Petit, secrétaire-général; Huette, Lallemand, le docteur Le Ray et M. Foulon.

M. Constant Verger remplit les fonctions de secrétaire. M. le Président, suivant l'ordre du programme, adresse à l'Assemblée la dix-huitième question, ainsi conçue :

Signaler et décrire les monuments et les inscriptions lapidaires des époques mérovingienne et carlovingienne existant en Bretagne et en Poitou.

La parole étant donnée à M. de Keranflech, l'auteur du savant mémoire sur les pierres prétendues celtiques dit combien les monuments et les inscriptions de ces deux époques sont rares en Bretagne, ce qu'il attribue aux invasions successives qui ont ravagé cette province. Cependant il croit avoir trouvé des monuments antérieurs au XIo. siècle, qui, à son avis, devaient recouvrir des sépultures. A l'appui de son opinion,

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M. de Keranflech cite quelques passages tirés des Chants de M. de La Villemarqué et des Poésies d'Ossian. Il en conclut que les Bretons étaient enterrés dans des cercueils de chêne, renfermés eux-mêmes dans des pierres choisies et que, sur le gazon qui recouvrait la tombe, on élevait une pierre en mémoire du défunt. M. de Keranflech communique à l'Assemblée le dessin du tombeau de sainte Tréfine. On connaît la date de ce tombeau : il est du VI. siècle. Albert-le-Grand nous a transmis la légende de Comorre, ce type probable de Barbe-Bleue. Comorre était débauché, violent et cruel. Il avait demandé en mariage Tréfine, la fille de Guerech, comte de Vannes. Celui-ci, qui connaissait le caractère et les mœurs de Comorre, se souciait peu de lui donner sa fille. Mais, saint Gildas ayant représenté à Guerech les malheurs qui pourraient résulter de son refus pour le comté de Vannes, le père sacrifia sa fille aux intérêts du peuple qui lui était confié. Ce qu'il avait appréhendé n'arriva que trop vite. A peine Tréfine fut-elle enceinte que Comorre voulut la faire périr. Tréfine parvint à s'enfuir; mais poursuivie et atteinte elle n'échappa point au sort cruel que Comorre lui avait réservé; Guerech appela saint Gildas et lui reprocha ses conseils. Saint Gildas se mit en prière, ressuscita Tréfine, puis alla au château de son meurtrier, y jeta de la poussière, et le château s'abîma aussitôt.

Le tombeau de sainte Tréfine fut retrouvé au XVI. siècle; alors on le recouvrit de l'édifice en bois dont le dessin a été montré à l'Assemblée. M. de Keranflech communique ensuite une série de curieux dessins, cercueils et menhirs de granit à croix patées, avec des inscriptions bien conservées. Ces monuments se trouvent à Landaul, Krac'h, Locoal et PlouagatChatelaudren. Sur l'obélisque trouvé à Plouagat, dans le cimetière, on voit une figure grossièrement indiquée; c'est peut-être l'image de l'un de ces dieux barbares dont saint

Samson abolit le culte en Bretagne, en faisant graver une croix sur la pierre, ainsi qu'il résulte d'un passage des Actes de ce même saint, passage cité par M. de Keranflech. Suit une réfutation de l'opinion qui attribue exclusivement l'usage des croix patées à l'ordre du Temple. Ces croix figurent sur de nombreux monuments de l'époque romane; M. de Keranflech les a trouvées sur un grand nombre de pierres dont il présente d'exacts croquis, notamment à Carnac et principalement dans le voisinage des édifices religieux comme à Plouharnel, Locmariaker, Landaul et Locoal.

Si jusqu'ici, M. de Keranflech a vu dans ces pierres des monuments funéraires, il pourrait n'en pas être de même pour les deux pierres qu'il a remarquées à Locoal. L'une d'elles, ornée d'une croix patée, est placée dans un endroit bas, près de la mer; l'autre, qui est fruste, est située à l'extrémité des possessions qu'avait autrefois le prieuré de Locoal. Ce sont peut-être des bornes de propriété.

M. de Caumont demande si l'on n'a pas trouvé d'autres inscriptions antérieures au XI. siècle. Il lui semble surprenant que notre province en soit si dépourvue quand, près de nous, aux environs de Château-Gontier, on a trouvé une belle inscription de Louis-le-Débonnaire.

M. Nau parle d'une inscription trouvée à la cathédrale de Nantes; mais M. Bizeul la réclame pour l'époque romaine. C'est aussi, ajoute-t-il, l'opinion de M. Renier, qui a restitué les lettres qui manquaient. L'inscription de St.-Pierre est celle-ci Deo Marti Mogoni.

:

M. de Caumont fait observer que la question n'est pas limitée aux inscriptions de l'époque mérovingienne ou carlovingienne. Elle s'étend à tous les monuments de cette époque, en y comprenant les églises. A ce propos, M. de Caumont parle de la jolie chapelle de Langon, dont l'existence est menacée par les dégradations auxquelles elle est journellement

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soumise. MM. de La Fruglaye, Bizeul et Le Ray prennent successivement la parole pour fournir à ce sujet les plus tristes révélations. Il résulte de leurs récits que la chapelle de Langon est une propriété communale, dont le curé s'est approprié la jouissance. Il en a fait un grenier, une remise, un hangar, voire même un chantier où les maçons éteignent la chaux. La chapelle est un réceptacle de fatras de toute sorte: pierres, échelles, fagots; la porte est fermée, mais l'une des fenêtres est ouverte et y livre un facile accès. Les tombeaux que renfermait la chapelle sont brisés, et les peintures qui la décoraient ont été complètement détruites par les vapeurs de la chaux.

Ces dégradations sont d'autant plus surprenantes que la chapelle de Langon est classée parmi les monuments historiques; la Société a voté 200 fr. pour y faire les réparations les plus urgentes. M. de La Fruglaye est instamment prié de transmettre à M. le Préfet d'Ille-et-Vilaine les réclamations du Congrès.

M. de Caumont, se faisant l'organe de la réunion, proteste énergiquement contre les dégradations de la chapelle de Langon. A son avis, le mieux serait que la Société achetât la chapelle, si on peut l'acquérir pour une somme peu importante; à défaut d'un achat, il conviendrait d'adresser une réclamation au Ministre d'État. Le préfet alors s'occuperait peut-être de la chapelle de Langon et la préserverait d'une destruction totale.

Le savant et zélé Directeur de la Société française d'archéologie déplore le triste état où sont, pour la plupart, nos vieux monuments. Du Nord au Midi, de l'Est à l'Ouest, leur ruine est imminente. La Société ne peut, malheureusement, agir que par voie de persuasion, et trop souvent ses avis ne sont pas écoutés.

M. de Caumont demande qu'on visite avec plus de soin les

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églises rurales, dont un grand nombre n'a jamais été exploré.

M. de Wismes ayant demandé quelle différence existe entre les constructions romaines et celles de l'époque mérovingienne ou carlovingienne, M. de Caumont répond que le petit appareil s'est perpétué jusqu'au Xo. siècle.

M. de Wismes entretient le Congrès de la chapelle de Cunault (Anjou ) qui actuellement sert d'étable. Elle est du reste en bon état et lui paraît dater du XI. ou du XIIe siècle. Elle est entourée d'un mur d'enceinte d'une époque antérieure. M. de Wismes pense que, pour assurer sa conservation, il suffirait de la débarrasser des vaches auxquelles elle fournit en ce moment une asile. M. Le Ray signale la chapelle de St.-Macé; M. Nau, l'église de St.-Sébastien où l'on trouve, encastrés dans l'édifice actuel, des pans de murs d'une trèsancienne construction. A Vertou, également, on aperçoit des chapiteaux qui proviennent de l'église primitive.

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M. de La Borderie rappelle une cuve baptismale signalée par M. Ramé. Elle se trouve au village de l'Ile-St.-Samson. D'après l'ornementation, elle doit dater du VIo. ou du VIII®. siècle.

M. le Président donne ensuite lecture de la dix-neuvième question, conçue en ces termes :

Quels sont les principaux caractères de l'architecture religieuse en Anjou, en Poitou, et en Bretagne? Dire par où ces caractères se rapportent, et par où ils diffèrent.

Personne n'ayant préparé de réponse à cette question, M. de Caumont annonce que, dans le compte-rendu imprimé du Congrès, on pourra suppléer à cette lacune en donnant un résumé des savantes recherches faites sur cette matière par M. Parker. Entre tous les archéologues anglais, M. Parker se distingue par sa science autant que par son zèle infatigable pour les explorations scientifiques. Il a fait en France

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