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constamment vénéré par les fidèles; les sarcophages monolithes où furent ensevelis ses valeureux compagnons, sarcophages nombreux encore autour de ce tombeau à l'époque de la visite de Dom Mabillon; l'épée de ce courageux évêque de Nantes, conservée autrefois dans l'église de St.-Émiland et déposée aujourd'hui au musée d'Autun, et d'autres monuments de cette nature, qui, joints aux écrits et aux autorités, forment un ensemble de preuves imposantes, irréfragables même, si l'on réfléchit qu'elles sont conformes aux plus anciennes traditions.

Si l'existence de saint Émiland est attestée, quelle fut l'époque de son épiscopat? Elle ne peut être fixée après l'année 725, car l'histoire nous apprend que la ville d'Autun fut prise et ruinée par les Sarrazins, dans le cours de cette même année. C'est donc sous Charles-Martel et non sous Charlemagne, ainsi que quelques savants l'ont prétendu, qu'Émilien fut évêque de Nantes. Ses exploits précèdent de quelques années la célèbre bataille de Poitiers.

Une question grave se présente : Émilien aurait-il été un de ces évêques laïques constitués par Charles-Martel dans les Gaules, à l'époque où cet illustre maire du palais récompensait ses capitaines en leur conférant des bénéfices ecclésiastiques?

Les documents attestent qu'Émilien fut un évêque constitué canoniquement par l'élection du peuple et du clergé. Ils nous le représentent s'occupant des fonctions épiscopales avant son départ pour Autun, prêchant la croisade dans la cathédrale, donnant la communion à ses compagnons, et assisté par le comte de son pays. Enfin, il est toujours désigné par les titres d'episcopus, antistes, pontifex. Ainsi, Émilien était un évêque véritable: les textes ne permettent pas le doute à ce sujet. Il résulte, en outre, du travail de M. Cahour que saint Émilien était évêque de Nantes.

Peut-être avait-il été marié avant d'être élevé à l'épiscopat;

cette circonstance n'était pas rare dans les siècles primitifs de l'Église. Le courage militaire du pontife semblerait même établir qu'il avait vécu dans le monde, avant de se vouer au service des autels.

Le mémoire établit, en outre, qu'Émilien était d'origine armoricaine, et il conclut en exprimant le vœu que son nom soit inscrit sur le catalogue des évêques de Nantes.

Ce remarquable travail, écouté avec une attention soutenue, est accueilli par de vifs applaudissements.

M. de Caumont prie M. l'abbé Cahour de déposer son manuscrit, afin qu'il soit publié dans le Bulletin du Congrès.

M. l'abbé Cahour répond qu'ayant élaboré ce mémoire comme membre d'une commission liturgique, il ne peut s'en dessaisir sans l'autorisation de Mgr. l'Évêque de Nantes; et que, dans le cas où cette autorisation serait accordée, il devrait encore demander celle des savants avec qui il a correspondu et dont il invoque le témoignage.

M. Blanchard donne quelques renseignements sur la chapelle dédiée à saint Émiland, dans l'église paroissiale de cette localité, et sur le petit oratoire élevé au milieu du cimetière. Ces monuments ne paraissent pas antérieurs au XVI. siècle. L'église paroissiale possède quelques restes d'un édifice roman du XII. siècle; mais alors elle était dédiée à saint Jean-Baptiste.

Il reconnaît que les reliques de saint Émiland sont toujours l'objet d'une grande vénération dans le pays; mais il regrette que les écrits invoqués ne remontent pas au-delà du XVI®.siècle.

La sixième question du programme est ensuite mise à l'ordre du jour. Elle est ainsi conçue :

Décrire les diverses espèces de fortifications en terre (buttes, enceintes, lignes de retranchements) qu'on rencontre dans nos pays, en indiquant les époques où elles ont

été construites. Rechercher, en particulier, s'il faut rapporter à l'époque romaine ou au moyen-âge les buttes artificielles, ceintes d'un fossé ou couvertes d'une enceinte retranchée, et connues assez généralement sous le nom de

moltes.

M. de Keranflech soumet à l'Assemblée des plans et des coupes de camps et de mottes situés en Bretagne. Ces plans, examinés avec attention, deviennent un préliminaire utile à la discussion qui doit suivre.

M. de La Borderie, inscrit sur la question, a la parole.

Il dépose d'abord sur le bureau la carte féodale de Bretagne, dont il donnera l'explication dans l'une des séances suivantes.

Il exprime ensuite son opinion sur les buttes artificielles que l'on trouve sur plusieurs points en Bretagne.

Suivant lui, elles ont presque toutes une origine féodale. Sans doute, il existait dans les camps romains une éminence pour asseoir la tente du général; mais cette éminence était peu élevée, puisqu'elle servait en quelque sorte de tribune aux harangues, d'où le chef adressait des discours à ses soldats. Or, les buttes très-élevées qui se trouvent sur le sol de la Bretagne, ne pouvaient servir à cette destination, puisque la voix ne serait pas parvenue à l'auditoire.

M. de La Borderie cite divers documents et invoque la tapisserie de Bayeux, à l'effet d'établir que les mottes de grande dimension ont une origine féodale. La plupart furent construites vers le XI. siècle. Surmontées d'une tour et fortifiées d'une palissade, elles étaient le siége de la puissance seigneuriale. On y accédait par une sorte d'échelle, dont on voit la représentation dans la tapisserie de Bayeux. Quant à la motte de Bougon, visitée la veille par le Congrès, elle n'est nullement romaine. La chronique de Nantes nous apprend qu'elle fut établie au IX. siècle, ainsi que ses retranchements, par le fameux

Bégon, qui, de ce repaire inaccessible, s'élançait sur les pays voisins. On sait qu'il fut tué dans le voisinage de Montaigu, en revenant d'une excursion belliqueuse.

M. Bizeul demande la parole; mais l'heure avancée oblige M. le Président à renvoyer la suite de la discussion à la séance du soir.

La séance est levée à 10 heures.

Le Secrétaire,

BLANCHARD-Mervau.

2o. Séance du 13 juin.

Présidence de M. DE CORNULIer-Lucinière.

Siégent au bureau: MM. de Caumont; l'abbé Le Petit; Bizeul; Nau; Gaugain; l'abbé Fournier, curé de St.-Nicolas. M. le vicomte de Kersabiec remplit les fonctions de secrétaire.

On continue la discussion sur les buttes artificielles, connues généralement sous le nom de mottes.

M. Bizeul fait lire un mémoire où il explique le système de fortification des camps romains; il dit que, lorsqu'il n'y avait pas de motte prétoriale, c'était la seconde enceinte, toujours plus élevée que le reste du camp, qui en tenait lieu ; il appuie son opinion de plusieurs passages tirés des auteurs latins.

M. Lallemand prend la parole sur le même sujet ; il dit que, sans nul doute, il a existé des mottes prétoriales, mais qu'il ne faut pas donner une origine romaine à toutes les mottes que l'on trouve dans l'ancienne Armorique. Dans les pre

miers temps de l'occupation romaine, dit-il, une éminence semble un accessoire nécessaire d'un camp romain : le préteur devait y rendre la justice; c'était le lieu sur lequel il établissait son tribunal. Mais, plus tard, les empereurs établirent des colonies militaires, et la justice fut rendue dans les villes. Sur le grand nombre de camps retranchés trouvés dans le Morbihan, il n'y en a que trois pourvus de

mottes.

M. de La Borderie tire des citations faites par M. Bizeul des arguments favorables à son opinion. Les historiens latins disent que le tribunal du préteur était placé sur un tertre un peu plus élevé que le reste du camp; mais, ils ne disent pas qu'il fût placé sur une butte aussi élevée que le sont nos mottes qui ont, en moyenne, quand on les retrouve entières, une hauteur de 20 à 30 pieds au moins.

M. de Caumont, notre savant président, dit dans son ouvrage (pages 77 et 78) qu'il faut distinguer les mottes fort rares où l'on trouverait des débris qui ne permettraient pas de douter de leur origine romaine, et celles très-nombreuses qui, n'ayant aucune trace des Romains, doivent être regardées comme purement féodales. Enfin, la conclusion de M. de La Borderie est que la motte prétoriale était un tertre, et non une butte fortifiée comme on en voit en Bretagne; que les mottes ne peuvent être considérées comme prétoriales que lorsque l'on y trouve des débris romains qui ne permettent pas le doute; mais qu'on doit, à priori, les tenir pour féodales.

M. de Keranflech ajoute, aux arguments déjà présentés par M. de La Borderie, que l'examen de la position des mottes ne peut, selon lui, laisser de doutes; que rien ne fait supposer qu'elles soient romaines, mais plutôt qu'elles remontent aux premiers temps du moyen-âge.

M. Bizeul, en répondant aux deux membres précédents, pose cette question: De ce que l'on ne trouve pas dans un

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