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Dans cette dernière partie il est vrai de dire que les principaux centres de population sont demeurés fixés aux lieux où ils étaient au temps de la domination romaine : Rennes, Nantes, Vannes, chefs-lieux d'évêchés et de comtés ont hérité de l'importance des anciennes capitales des Venètes, des Nannètes et des Redons. Toutefois ne serait-il pas juste de dire, comme on l'a dit quelquefois, que tous les points habités au moyen-âge l'étaient dès le temps des Romains, car dans cette partie même de notre province, presque tous les centres secondaires de population sont de création féodale ou ecclésiastique Fougères, Vitré, Redon, Châteaubriant, Ancenis, Guérande, le Croisic, ne peuvent à aucun titre revendiquer une origine romaine le moyen-âge les a faits. Au contraire, d'importantes villes de l'époque romaine sont tombée à un rang relativement très-infime telle Blain, le premier chef-lieu des Nannètes, telle Rezé, capitale du pays de Retz, au temps des Romains, et dont Machecoul prit le rang dans l'âge féodal.

:

Mais à l'Ouest de la ligne ci-dessus tracée, dans la Bretagne purement bretonne, les changements d'assiette des centres de population sont bien plus grands encore. M. de La Borderie cite les villes que les géographes anciens mettent dans cette partie de la péninsule armoricaine de ces villes, au nombre de dix ou douze; une seule, Aleth (près St. Servan) garda, jusqu'au XII'. siècle, l'importance qu'elle avait eue sous les Romains; les autres tournèrent en chétives bourgades ou bien (et c'est le grand nombre) disparurent si complètement que la recherche de leur situation reste aujourd'hui une énigme, plus livrée encore aux fantaisies qu'aux méditations sérieuses des archéologues. Par contre, d'anciens établissements romains, dont les ruines gisent dans nos champs comme de grands ossements, manquent de noms, tant leur chute est vieille. Mais les principaux centres de

population du moyen-âge, les cités épiscopales sont toutes au contraire d'origine purement bretonne et ecclésiastique : Dol, St.-Brieuc, Tréguier, St.-Pol-de-Léon, Quimper aussi, qui tua en quelque sorte, par sa naissance, l'ancienne ville galloromaine(civitas Aquilonia) dont on retrouve quelques vestiges, un quart de lieue au-dessous du confluent de l'Odet et du Steir, au faubourg de Locmaria, un peu ravivé au XIe siècle par la fondation d'un monastère. Quant aux centres secondaires de population, en même temps châteaux considérables et chefs-lieux des fiefs les plus importants, ce sont à l'Ouest de notre ligne : Josselin, Ploërmel, Pontivi, Aurai, Hennebont, Quimperlé, Pont-l'Abbé, Châteaulin, Landerneau, Brest, Morlaix, Lannion, Guingamp, Quintin, Lamballe, Dinan. De ce nombre il n'est que Brest où se voient les indices d'un établissement un peu important de l'époque gallo-romaine. On a trouvé, il est vrai, près de Landerneau un certain nombre de tuiles à rebords, une statuette et quelques médailles à Morlaix, et, à un quart de lieue de Lannion environ (au Forlac'h), les vestiges d'une villa; mais une maison de campagne n'est point une ville, et M. de La Borderie croit que, pour en rebâtir une, il faut plus même qu'une statuette et quelques douzaines de briques. Il conclut des faits ci-dessus exposés 1°. que, si dans la partie orientale de la Bretagne, les trois capitales de l'époque gallo-romaine ont gardé leur importance jusqu'à nos jours, toutefois les centres secondaires de population et les principaux chefs-lieux féodaux se sont formés au moyen-âge, sans être précédés d'établissements romains de quelque importance; 2o. dans la partie occidentale de notre péninsule, plus bretonne que l'autre, aucune des villes du moyen-âge, sauf deux, ne s'est établie sur l'assiette d'une ville romaine. Ce déplacement général des centres de population dans la Basse-Bretagne témoigne, suivant M. de La Borderie, de la prépondérance de l'émigration bretonne dans ces parages.

Personne n'ayant demandé la parole sur cette question, M. le Président autorise M. de La Borderie a donner lecture d'une pièce de vers, adressée au Congrès par un poëte de Brest, M. Duseigneur, et ayant pour objet un trait héroïque de Gurvand ou Wrfand, comte souverain de Rennes au IX. siècle. Cette lecture est accueillie par les vifs applaudissements de toute l'Assemblée.

La séance est levée à 5 heures du soir.

Le Secrétaire,

A. DE LA BORDERIE.

1re. Séance du 12 juin.

Présidence de M. l'abbé HILLEREAU, ancien grand-vicaire de l'archevêque de Constantinople.

Siégent au bureau MM. Bertrand-Geslin et Aubinais membres du Conseil général du département; de Caumont, Bizeul, Gaugain, l'abbé Le Petit, Nau.

M. de La Borderie remplit les fonctions de secrétaire.
Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté.

L'ordre du jour appelle la huitième question, ainsi conçue : Rechercher l'origine des paroisses et celle des institutions tant paroissiales que municipales dans la Bretagne et l'Anjou.

M. de La Borderie a la parole sur cette question. Il ne s'occupera que de la Bretagne, et même il se bornera à étudier l'organisation civile des paroisses rurales de cette province au IX. siècle, d'après les chartes de l'abbaye de Redon. Ces

curieuses institutions, qui n'ont jamais été exposées, fournissent à M. de La Borderie le sujet d'une communication étendue, où il s'efforce d'établir les propositions suivantes :

I. En Bretagne, au IX. siècle, le mot plebes ou plebs désigne non une église baptismale et son district, comme cela a lieu dans le reste de la Gaule à la même époque, mais simplement une paroisse dans le sens actuel du mot.

II. Chaque paroisse bretonne, au IX. siècle, avait à sa tête un officier ou magistrat que nous appelons ici prince de paroisse et qui est souvent désigné dans les actes du temps sous le nom de princeps plebis, très-souvent encore sous les titres bretons de machtyern et de tyern.

III. Le prince de paroisse possédait, dans sa paroisse, l'autorité judiciaire. Il avait en même temps la juridiction volontaire et la juridiction contentieuse; sa juridiction embrassait au civil à peu près toutes les causes et s'étendait probablement aussi aux matières criminelles, bien que ce point soit moins certain. Le prince de paroisse percevait les tonlieux levés dans sa paroisse. Il avait droit d'exiger, au moins de certaines terres, des redevances et des services, à lui dus, en sa qualité de prince de paroisse; en cette même qualité, il avait droit, dans certains cas, à la propriété même de certaines terres, soit par une sorte de droit d'échoite, soit à cause d'une dotation territoriale attachée à sa dignité elle-même. Les hommes de sa paroisse étaient tenus envers lui à la fidélité, et il était lui-même considéré comme leur seigneur primitif.

IV. La dignité de prince de paroisse était héréditaire, et l'on peut constater cette hérédité, au moins dès les dernières années du règne de Charlemagne.

V. Avant la conquête de la Bretagne par Charlemagne (en 786 et 799), le prince de paroisse dépendait de celui des

comtes souverains ou petits rois bretons, dans les états duquel sa paroisse était située. Sous la domination carlovingienne (de 786-799 à 840), il y avait des princes de paroisse soumis à l'autorité du comte franc chargé du gouvernement de la Bretagne, et d'autres qui relevaient immédiatement de l'empereur, à titre de vassi dominici. Après l'affranchissement de la Bretagne (840-845), le prince de paroisse rentra sous la dépendance du comte souverain dans la principauté duquel se trouvait sa paroisse.

VI. L'institution des machtyerns ou princes de paroisse était particulière aux Bretons, et elle devait être commune à toute la Bretagne.

Le développement des preuves dont l'orateur appuie les propositions ci-dessus, occupe toute la séance qui est levée à neuf heures et demie du matin.

Le Secrétaire,

A. DE LA BORDERIE.

2o. Séance du 12 juin.

Présidence de M. Léon AUDé, conseiller de préfecture, sécrétairegénéral de la Vendée.

Siégent au bureau: MM. de Caumont, le Curé de la Magdelaine, de Lustrac, de Cornulier, Le Petit, Nau, Gaugain.

M. de Kersabiec, conseiller de préfecture, remplit les fonctions de secrétaire.

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