Page images
PDF
EPUB

pieuses, des sociétés charitables, voilà aussi un puissant élément de bien dans une paroisse où elles font naître une précieuse émulation pour la vertu, et donnent un salutaire élan à toutes les œuvres de bienfaisance.

Ç'a été sous l'inspiration de ces pensées et en vue de la sanctification de vos âmes, N. T.-C. F., que nous avons appelé dans notre diocèse les dignes fils de saint Vincent-de-Paul, afin d'offrir à vos pasteurs, dans la personne des prêtres de la congrégation de la mission, d'utiles anxiliaires toujours prêts à se rendre à leur appel et à partager tous leurs travaux. ›

Le Prélat énumère ici les fruits abondants qu'ont déjà produits, dans le diocèse de Saint-Flour, les missions prêchées par les enfants de saint Vincent-de-Paul. Il annonce que l'établissement, encore tout récent de ces missionnaires, se consolide; que l'ancien pensionnat ecclésiastique d'Aurillac a été affecté à leur logement, et que des cellules ont été disposées dans les bâtiments de cette maison, pour recevoir les ecclésiastiques et les laïques qui désireraient y faire des retraites.

Mgr l'Evêque de Saint-Flour passe ensuite aux associations de charité. Il en relève les grands avantages, les recommande vivement, et exprime le plus ardent désir de les voir s'établir et se propager partout dans son diocèse :

Nous voulons recommander encore à votre zèle, N. T.-C. F., une institution bien propre à attirer sur notre diocèse les bénédictions du Dieu qui a promis de ne point laisser sans récompense même un verre d'eau froide donné au pauvre par amour pour lui, et de se trouver présent d'une présence spéciale au milieu de ceux qui se réuniraient en son nom et pour sa gloire. Nous voulons vous proposer la création d'une œuvre qui méritera à ceux qui s'y dévoueront la reconnaissance de leurs frères souffrants et de la société elle-même si intéressée à l'extinction de la mendicité, en même temps qu'elle sera pour eux une source de joies pures et de consolations précieuses, et qu'elle honorera cette religion sainte qui est toute charité comme le Dieu qui l'apporta à la terre.›

Le Prélat raconte le premier et ancien établissement par saint Vincent-de-Paul, l'apôtre de la charité dans notre France, de cette Confrérie des dames de charité, qui, née en une petite paroisse, dont saint Vincent était curé, et obscure d'abord, comme sont dans leur origine la plupart des choses que Dieu destine à devenir grandes, se propagea bientôt dans toutes les provinces, et devint même le berceau d'une nouvelle congrégation religieuse, de cette admirable Société des Filles de saint Vincent-de-Paul, connues sous le nom de Sœurs de charité:

« Eh bien, N. T.-C.F., continue le Prélat, c'est cette excellente institution que nous désirons voir s'établir au sein de toutes nos paroisses, s'il est possible, pour le plus grand bien des pauvres et aussi pour votre bien personnel! Vous faites l'aumône, N. T.-C. F.; et, nous n'en doutons point, vous la faites de bon cœur, car, dans la personne de celui qui souffre, votre cœur et votre foi ont toujours vu un frêre dans l'ordre de la nature et dans l'ordre de la grâce. Mais, laissez-nous vous le dire, la faites-vous toujours bien? La faites-vous avec cette sagesse qui distingue les souffrances véritables d'avec les dehors trompeurs d'une indigence

simulée; avec cette sagesse qui proportionne, autant que faire se peut, le secours au besoin?...

Le Prélat expose ici les méprises, les erreurs auxquelles se trouve trop souvent et presque inévitablement exposé l'exercice de la charité privée. Il fait remarquer que cette charité qui s'exerce d'une manière isolée, sans entente, sans concert, ne peut guère échapper à un double inconvénient, qui frappa saint Vincent-de-Paul, et le détermina à établir les Confréries de charité : c'est que bien des pauvres demeurent sans secours, parce qu'on ne les connaît pas, ou qu'on les croit secourus d'ailleurs, tandis qu'on accumule sur d'autres des aumônes surabondantes, et qui dépassent de beaucoup leurs besoins réels.

Pour éviter ces inconvénients, voici le moyen que propose Mgr l'Evêque de Saint-Flour :

Que les aumônes, dit-il, qui se font dans une paroisse, soit en argent, soit en denrées, soit en objets de toute espèce, soient réunies en un trésor commun; que le pasteur, le maire et quelques autres personnes dignes de toute confiance, soient appelés à dispenser ce trésor avec connaissance de cause; que parmi les personnes du sexe, dans cette portion de la famille chrétienne à laquelle le Seigneur a donné, pour ainsi dire, la charité en apanage, en la dotant de cette sensibilité, de cette délicatesse, de cette douce compassion qui console le malheureux et lui fait plus de bien que le secours même qui lui est offert, que parmi les personnes du sexe il s'en réunisse un certain nombre se dévouant, les unes à la recherche des pauvres, les autres à la collecte des aumônes, celles-ci à la distribution des secours en détail, celles-là à la visite des familles indigentes; et, nous n'hésitons pas à l'avancer, bientôt, grâce à cette bonne administration, grâce à ce dévouement, au sein de toutes nos populations chacun pourra se dire avec bonheur : Nous avons toujours des pauvres avec nous, comme le Sauveur nous l'a annoncé, mais du moins aucun d'eux ne gémit dans le délaissement; et nous avons en même temps l'assurance que nos bienfaits ne sont dévolus qu'à ceux qui étaient dignes de les recevoir.

« La charité par association, l'établissement des sociétés de Saint-Vincent-dePaul dans les paroisses de notre diocèse, telle est donc, N. T.-C. F., telle est l'œuvre que nous venons vous recommander aujourd'hui...

Nous prions nos chers diocésains de réfléchir sérieusement devant le Seigneur sur les considérations si graves que nous venons de leur exposer, et nous recommandons à leurs pasteurs de les leur développer du haut de la chaire évangélique et dans l'intimité de la conversation; et nous avons la confiance qu'ils apprécieront bientôt les grands avantages attachés à la mesure dont nous les avons entretenus. MM. les curés feront ensuite un appel au dévouement des personnes du sexe qui peuvent disposer d'une partie de leur temps, soit habituellement, soit du moins à certains jours. Les congrégations de la très-sainte Vierge, les divers tiers-ordres et bien d'autres fidèles répondront, nous n'en doutons pas, à leur appel; et lorsqu'ils auront réuni un nombre suffisant d'associées, ils érigeront et organiseront, selon les formes canoniques, la société de Saint-Vincentde-Paul, dont-ils règleront les attributions de concert avec les membres du bureau de bienfaisance, et ils nous enverront ensuite les statuts pour être approuvés, conformément aux décrets du Saint-Siége apostolique..

Outre les confréries des dames de charité, le vénérable Evêque re

commande aussi l'établissement, dans son diocèse, de ces associations de charité composées d'hommes et de jeunes gens, qui, nées aussi dans notre France depuis peu d'années, portent déjà si visiblement le caractère des œuvres de Dieu, par les fruits très-abondants qu'elles produisent; et aussi par le miracle,-nous n'hésitons pas à employer ce terme, de leur si rapide et si étonnante propagation :

Nous désirons aussi que dans les chefs-lieux de canton et dans les autres paroisses considérables, indépendamment de la société dont nous venons de parler, laquelle doit être composée uniquement de personnes du sexe et s'occuper de tous les pauvres en général, il soit établi, sur le modèle des conférences existant déjà dans un grand nombre de diocèses de France, des conférences de SaintVincent, composées d'hommes et de jeunes gens, et s'occupant de quelques besoins particuliers, comme la visite des prisonniers, la consolation des malades indigents, le soin des orphelins pauvres, l'instruction religieuse des enfants peu intelligents qui n'ont pas fait leur première communion, le patronage des jeunes apprentis, etc.

A la suite de son Mandement, Mgr de Saint-Flour transcrit les Statuts rédigés par saint Vincent-de-Paul lui-même, pour les premières Confréries de Charité. Oh! comme il serait à souhaiter que ces statuts pussent devenir la règle commune de toutes les associations du même genre qui existent déjà ou qui pourront s'établir dans nos paroisses! C'est le vœu que forme Mgr l'Evêque de Saint-Flour pour son diocèse. On ne peut lire ces admirables règles sans y sentir, presque à chaque ligne, l'impression de l'Esprit de Dieu, dont était plein le saint qui les a écrites. L'on y voit surtout comment il faut organiser les associations charitables pour en faire, non des œuvres purement philanthropiques, ce qui serait fort peu de chose; mais des œuvres vraiment chrétiennes, des œuvres qui, en soulageant les misères des corps, donnent en même temps assistance aux âmes immortelles pour lesquelles Jésus-Christ a versé son sang; des œuvres qui, par l'exercice de la miséricorde corporelle et spirituelle, surnaturalisé par les plus grandes vues de la foi, contribuent puissamment à la sanctification et au salut de ceux qui s'enrôlent dans les Confréries de charité; des œuvres, enfin, qui puissent servir de moyens et d'instruments à cette action conquérante de zèle, dont nous parlions en commençant, et qui est, sans contredit, la plus grande nécessité religieuse de notre époque.

UN VICAIRE-GÉNÉRAL.

BOURSE DU 20 MAI.

Le 5 p. 100, 88 25 à 88 50. - Le 3 p. 100, 55 à 55 20. - Actions de la Banque, 2,050 00. - Obligations de la Ville, 1,260 00. Nouvelles Obligations, 1,120 00.5 p. 100 belge, 98. Emprunt romain, 79 114.

L'un des Propriétaires-Gérants, CHARLES DE RIANCEY.

Pavis, imp, BAILLY, DIVRY et Comp., place Sorbonne, 2.

MERCREDI 22 MAI 1850.1

(N° 5055.)

L'AMI DE LA RELIGION.

Séance de l'Assemblée.

L'attente générale a été déçue. On croyait, on devait croire à un grand tournoi parlementaire. Les orateurs de premier ordre étaient annoncés. L'opposition avait préludé, tous ces jours derniers, par des violences qui pouvaient faire présager une lutte orageuse. Sur cet espoir, les tribunes s'étaient remplies outre mesure des auditeurs en blouse avaient, dit-on, couché dans la rue pour ne pas perdre leur rang et pour entrer les premiers. Autour du palais on remarquait une agitation plus vive que de coutume, uniquement due toutefois à une pacifique curiosité. Dans les couloirs, dans la salle des conférences, les propos les plus animés s'échangeaient. C'était enfin tout l'apparat des journées solennelles.

Au lieu de cela, rien de plus calme, j'oserais presque dire de plus inoffensif que la séance. Beaucoup de comparses, un cliquetis peu brillant de paroles qui n'étaient pas toujours sonores: un seul homme de cœur, de talent et de fermeté. Voilà le bilan.

Impossible d'abord d'obtenir que le débat pût s'ouvrir.

A deux heures, la procession des pétitions avait seule fait les frais de l'attention, menus frais, en vérité, car elle ne suscite même plus l'hilarité. Du scandale et du grotesque elle est tombée dans le pire des genres, le genre ennuyeux.

Enfin, à force de coups de sonnette et de cris d'huissiers, la séance a commencé. M. Dupin a d'abord consulté l'Assemblée sur l'urgence de la loi. M. Ch. Lagrange a demandé la parole. La petite pièce avait le pas celte fois. On connaît l'excentricité de l'orateur: il n'a pas même eu aujourd'hui ce faible mérite. A part deux expressions dont l'une lui a été ravie par M. Victor Hugo, et qui accusaient leur provenance d'estaminet, M. Lagrange, qui avait écrit des notes, s'est maintenu dans l'ordinaire. « Vous avez léché les pieds du suffrage universel», s'est-il écrié, et l'Assemblée de rire. «Maintenant vous voulez voler le droit du peuple dans sa poche!» Et l'Assemblée de rire plus fort. C'est cette seconde métaphore que le Ronsard de la Chambre des Pairs a empruntée au paladin des barricades. M. Lagrange était tout étonné de se voir écouté avec patience. Evidemment, il était dérouté. Au demeurant, l'orateur est encore plus pacifique qu'il n'a envie de le paraître. Son discours est comme toute la conduite de la Montagne depuis la présentation de la loi, une reculade qui veut faire du fracas, et qui s'opère sans le moindre tapage.

Personne n'a jugé nécessaire de répondre à M. Lagrange. C'était tarifer juste la portée de sa harangue. Intrépidement un autre montagnard est monté à la tribune. Ce montagnard est M. de Flotte, L'Ami de la Religion. Tome CXLVIII.

6

« l'ex-transporté de juin, » comme disaient ses affiches électorales. M. de Flotte est un homme d'une trentaine d'années, les cheveux et la barbe grisonnants, des traits assez distingués, la tenue embarrassée, mais convenable. De prime abord, chacun se demandait comment il avait pu jouer un rôle derrière les barricades. A la réflexion, en l'écoutant, en l'analysant, on le comprend. C'est une variété nouvelle de révolutionnaire et encore inconnue à notre tribune. Nous avons bien vu les gens de coup de main, tels que Caussidière et M. Lagrange, les Gracchus pompeux tels que M. Ledru-Rollin, les utopistes illuminés tels que MM. Pierre Leroux et Considerant. Ces types ne sont pas neufs et chacun a sa mesure. M. de Flotte est un personnage froid en apparence, gêné par l'émotion d'un début, ne parlant pas faux, mais répétant de mémoire avec des intonations de prédicateur novice, après tout dédaigneux de l'effet el apportant une thèse philosophique plutôt qu'un discours. Il doit avoir quelqu'affinité d'esprit avec les théosophes et les théophilantropés de l'ancienne République on dirait une intelligence spéculative, théoricienne; il se pose des questions de pouvoir, d'autorité, de forme sociale, religieuse même. Il n'est pas compris, il ne se comprend peut-être pas; il va toujours, il suit son idée ou le fantôme de son idée, à travers les nuages d'une métaphysique très subtile. Rêveur sans entraînement, enthousiaste glacé, il a dans le regard je ne sais quoi de sombre et d'arrêté qui décèle un certain fanatisme mystique et calculé dont les explosions doivent être redoutables. Il y a, à mon sens, beaucoup plus à craindre dans un caractère de cette trempe que dans toute la fougue des tribuns les plus audacieux.

Après M. de Flotte, qni, du reste, n'a pas été très-bien accueilli par les siens, l'urgence a été votée au scrutin de division. Jamais l'Assemblée n'avait été aussi nombreuse: il s'est trouvé 700 bulletins dans l'urne, 239 contre, 461 pour. La séance a été suspendue quelques instants.

A la reprise, M. le général Cavaignac a occupé la tribune. Il est une remarque que tout le monde a pu faire : c'est que depuis le 20 décembre, époque de l'apogée de sa carrière, M. Cavaignac n'a pas parlé une seule fois sans qu'il ne déchût de plus en plus. Aujourd'hui, en le voyant le premier inscrit, on s'attendait à quelque acle d'éclat. Il a été terne, faible, embarrassé; se plaignant de la violation de la Constitution, n'osant tirer les conséquences de cette déclaration, et finissant par occuper beaucoup trop de lui, de sa personne, de ses idées. Il semblerait aspirer à jouer le rôle d'une espèce d'incarnation de la Constitution. Ce n'est pas heureux et cela devient fatigant. Il n'a pas même obtenu les honneurs d'un succès près de la Montagne.

M. de Chaulieu lui a répondu ou plutôt, c'était son début, l'honorable orateur s'est borné à présenter en très-bons termes, mais

« PreviousContinue »