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meurt. Le triomphe est complet! on enlève les cadavres au son de la musique militaire, et huit fois les mêmes scènes se reproduisent. Voilà ce qu'on nomme en Espagne un combat de taureaux! Mme la princesse de Joinville n'en a pu soutenir la vue; beaucoup de dames étrangères s'y trouvent mal; les Français expriment hautement leur horreur, et c'est peut-être une des causes de la haine prononcée que leur porte la populace espagnole. Les Romains de la décadence demandaient panem et circenses; en Espagne, on demande aujourd'hui circenses et panem. On se prive de nourriture; on engage jusqu'à son lit au Mont-de-Piété pour aller aux taureaux. Après cela, il ne faut plus s'étonner de la sauvage brutalité du bas peuple; doux par nature, il puise au cirque l'amour du sang et le mépris de la vie de ses semblables. Ces combats sont, on peut le dire, une immoralité; et cependant le gouvernement qui tenterait de les détruire signerait son abdication. On en fait, au contraire, un moyen d'action sur les masses. Telle est la dégénération des nobles combats de la chevalerie.

Ajoutons que rien n'est plus fatal à l'agriculture, privée par là de plus de 2,000 taureaux chaque année. On commence à le comprendre, les gens instruits gémissent d'un abus si enraciné. Certes, je ne voudrais rien dire de pénible, rien qui sentit l'amertume; mais, en présence de ces flots de sang applaudis, je faisais cette réflexion: Un peuple qui prend plaisir à de telles choses a pu, sans sourciller, voir étrangler juridiquement des enfants de huit ans à côté de leur père coupable de royalisme, et fusiller aussi, au nom de la justice, des enfants de quatre ans !

Les courses de l'hippodrome, en France, celles de Franconi, les combats de taureaux de Nîmes et ceux de Lisbonne, offrent mille fois plus de preuves d'adresse et de courage; ils sont de plus relevés par l'honneur rendu à la bravoure, même dans un animal, et du moins l'âme n'est pas révoltée, abaissée à ses propres yeux par un spectacle d'agonies semblables. Íci un combat sans carnage ne serait ni suivi ni goûté. Le chrétien ne peut, d'ailleurs, voir sans tristesse tous les dimanches d'été, le jour de Pâques lui-même, consacrés à ce profane et cruel passe-temps. L'autorité ecclésiastique s'y est opposée vainement. Il faut constater que ce dernier usage est une des conquêtes de la révolution.

V. P.

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BOURSE DU 17 MAI.

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Le 5 p. 100, 87 05 à 87 40. Le 3 p. 100, 54 10 à 54 40. Actions de la Banque, 2,047 50. Obligations de la Ville, 1,260 00.- Nouvelles Obligations, 1,115 00.5 p. 100 belge, 98. Emprunt romain, 79 114.

L'un des Propriétaires-Gérants, CHARLES DE RIANCEY.

Paris, imp. BAILLY, DIVRY et Comp., place Sorbonne, 2.

DIMANCHE 19 MAI 1850.

(N° 5052.)

L'AMI DE LA RELIGION.

L'AMI DE LA RELIGION ne paraîtra pas demain lundi, à cause de la solennité de la PENTECOTE.

De la présence de NN. SS. les Evêques au conseil supérieur d'instruction publique.

Nous appelons toute l'attention de nos lecteurs sur les passages uivants de la eirculaire de Mgr le Nonce à NN. SS. les Evêques : «Il a été constaté au Saint-Père que, dans le vénérable corps piscopal, existait quelque divergence d'opinion, d'autant plus que quelques prescriptions de la même loi s'éloignent de celles de l'Eglise, telles que la surveillance des petits séminaires, et d'autres semolent peu convenables à la dignité épiscopale, telles que la participation des Evêques au conseil supérieur, auquel, suivant la loi, doirent intervenir, en même temps, deux ministres protestans et un abbin.....>>

«Sa Sainteté espère que ceux du respectable corps épiscopal, qui, ar le choix de leurs collègues, siégeront dans le conseil supérieur le l'instruction publique; par leur zèle et leur autorité, comme par eur doctrine et leur prudence, sauront, dans toutes les circonstanes, défendre avec courage la loi de Dieu et de l'Eglise, sauvegarder le toute l'énergie de leur âme les doctrines de notre sainte religion, et appuyer de toutes leurs forces un enseignement pur et sain. Les vantages que par leurs soins ils procureront à l'Eglise et à la société, sauront compenser l'absence temporaire de leurs diocèses. Si, malgré tous ces efforts, leur avis, sur quelque point concernant la doctrine ou la morale catholique, ne pouvait pas prévaloir, ces dignes Evêques auront toute la facilité d'en informer, à l'occasion, les fidèles confiés à leurs soins; et ils en prendront motif d'entretenir eur troupeau de ces mêmes matières sur lesquelles se ferait sentir le besoin de l'instruire. »

On voit que le Souverain-Pontife s'est ici spécialement prononcé sur le point le plus controversé de la loi, sur celui qui avait servi de base à l'amendement de M. de Cazalès, savoir: la présence des Evêques au conseil supérieur. C'est, à vrai dire, le seul point de détail que la décision pontificale traite et résolve avec quelque étendue. Or, tout en déplorant un état de choses peu conforme à l'esprit de l'Eglise, comme ne l'est que trop et en tout l'état de la société moderne, le Pape nous paraît se prononcer de la manière la plus catégorique sur cette disposition de la loi. Non-seulement il n'approuve pas l'abL'Ami de la Religion. Tome CXLVIII.

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stention qu'on voulait, avec tant de témérité, imposer à nos Evêques, mais il ne la suppose même pas. Il déclare que les Evêques trouveront au conseil supérieur le moyen de déployer leur zèle, leur autorité, leur doctrine et leur courage. Il établit que les services qu'ils y rendront A L'EGLISE ET A LA SOCIÉTÉ sont tels, qu'ils compenseront ainsi leur éloignement du troupeau que Dieu leur a confié. Enfin, il prévoit le cas où, même sur un point concernant la doctrine catholique, les Evêques délégués au conseil s'y trouveraient en minorité, et, pour ce cas extrême, il ne leur prescrit pas de se retirer, mais seulement d'informer leurs ouailles de leur lutte et de leur résistance.

Nous osions à peine espérer une décision aussi explicite, et, qu'il nous soit permis de le dire, aussi favorable à la thèse que nous avons soutenue. Nous la recommandons aux méditations de tous ceux qui ont conservé, à l'endroit de la loi, des scrupules sincères, et pour qui les décisions du Souverain-Pontife sont une règle de conscience.

Séance de l'Assemblée.

Le rapport de M. Léon Faucher a été tout l'intérêt de la séance. Il y avait bien eu auparavant la suite de la procession des pétitions. Ce manége, qui exhibe tour à tour une vingtaine des plus inconnus de la Montagne, finit par lasser même la Gauche. Les porteurs de pétitions avaient l'air quelque peu embarrassés, et M. Dupin a été obligé de les protéger contre l'hilarité de la Droite. D'ailleurs aujourd'hui, c'était l'arrière-ban qui donnait. On a vu des illustrations comme M. Sommier et comme M. Ch. Lagrange, lequel n'a pu faire effet, quoiqu'il en eût bonne envie. La censure d'hier avait rendu M. Miot plus contenu; il s'est contenté de l'éloquence de la pose.

Immédiatement après ce prélude, M. Faucher a paru à la tribune pour lire son rapport. Pendant près d'un quart d'heure, il a dû altendre que les orateurs de la Montagne eussent fini d'assiéger le bu reau pour prendre leur tour d'inscription contre la loi. C'était un vrai assaut ils montaient par devant, par derrière, presque pardessus l'estrade des secrétaires. Au reste, c'étaient les comparses: les premiers sujets se feront céder des tours.

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L'ordre rétabli, M. Faucher a lu au milieu du plus profond silence. L'œuvre est écrite avec soin et convenance : elle est moins remarquable que l'exposé des motifs. Elle est ferme sans jactance et éner gique sans provocation. Nous la reproduisons plus bas. On y verra les diverses modifications que la commission a fait subir au projet primitif. Ces modifications sont empreintes d'un véritable esprit de sagesse et de modération.

L'Assemblée a gardé la dignité la plus contenue et la plus sévère. La discussion, à l'unanimité, a été indiquée pour mardi. Il n'y aura pas de séance lundi; c'est le lundi de la Pentecôte. La gravité des cir

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constances avait fait penser à un grand nombre de représentants qu'il serait utile que l'Assemblée ne prît pas cette vacance, dont le motif est en soi si honorable. Il serait facile de convoquer les membres du Parlement en cas d'événements. Sans manifester des craintes exagérées, il est du devoir de tous les amis de l'ordre de se tenir prêts.

La fin de la séance a été consacrée au vote du budget des recettes. Les différents chapitres ont été adoptés au milieu de débats trèspeu animés. La loi de finances est terminée: il s'est encore trouvé 182 Montagnards pour la refuser. Nous comprendrions tout au plus une abstention. Mais voter contre toutes dépenses et contre toutes recettes, c'est donner la mesure de l'intelligence qu'on a des besoins et des ressources d'une grande nation!

Beaucoup de personnes s'entretenaient du document si important que nous avons publié ce matin. Les décisions du Souverain-Pontife étaient accueillies dans les rangs de la majorité avec une satisfaction profonde et une respectueuse reconnaissance. Pour tous ceux des représentants qui ont coopéré à cette œuvre si laborieuse de la loi de l'enseignement, un tel témoignage est la plus haute des récom

penses.

Rapport de M. Léon Faucher sur la loi électorale.

Depuis notre première révolution, de 1789 à 1848, la France a traversé bien des régimes. Elle a éprouvé les formes les plus diverses de gouvernement. Depuis la liberté la plus illimitée jusqu'à la dictature la plus absolue, nous avons parcouru tous les degrés de l'échelle politique. Tuntôt le pouvoir a élargi sa base de manière à reposer sur cinq à six millions de citoyens; tantôt il a resserré le cercle de façon à n'y comprendre que 80,000 électeurs. On a successivement employé les combinaisons les plus contraires; et l'on n'a pas moins fait pour étendre que pour restreindre les droits qui, dans un pays libre, peuvent appartenir aux citoyens.

Cependant, parmi tant d'innovations, il en est une que les esprits les plus hardis n'avaient pas envisagée, et que les lois les plus larges n'avaient pas consacrée avant notre époque. Le suffrage universel et direct ne figure dans aucune des cinq ou six Constitutions qui marquent les étapes de la révolution française, de 1789 à 1804. Aucune de celles qui ont été mises en pratique n'appelle tous les Français à élire leurs représentants sans intermédiaire et à prendre ainsi une part active à la direction de l'Etat.

C'est la révolution de 1848 qui a inauguré ce nouveau droit public en France. En dépit des incontestables progrès qu'a faits la civilisation depuis soixante ans, l'épreuve pouvait paraître périlleuse. On l'a compliquée en n'attachant à l'exercice du suffrage ni règle, ni limite, ni garantie. Le décret du gouvernement provisoire (1), en abaissant jusqu'à l'âge de 21 ans la majorité, n'exigeait qu'un domicile de six mois pour l'inscription sur la liste électorale de la commune. Encore l'instruction du 8 mars, en dispensant les citoyens de faire la preuve de l'acte et en les autorisant à se faire inscrire sur la liste d'une autre commune que celle de leur domicile, vient-elle effacer jusqu'à la trace de cette faible garantie.

(1) 5 mars 1848.

La Constitution de 1848 a sagement abandonné à la loi, le soin d'organiser le suffrage politique. Mais comment ce mandat a-t-il été rempli? La loi organique da 15 mars 1849 se borne, en quelque sorte, à viser le décret du gouvernement provisoire, et elle rend plus impérative la condition des six mois de domicile; mais elle n'indique ni n'exige aucune preuve légale qui serve à le constater. Elle ajoute à peine quelques cas d'indignité à l'incapacité résultant de décisions judiciaires; voilà tout ce qui a été fait jusqu'à présent, dans l'intérêt d'une société que le scepticisme le plus immoral travaille sans relâche à dissoudre, et que l'anarchie attaque de front.

Quand on examine sans prévention l'économie de notre système électoral, on ne peut s'étonner que d'une seule chose: c'est que nos mœurs publiques aient résisté dans le plus grand nombre des agglomérations urbaines ou rurales à cette absence de règle, à cette indifférence de la loi. Mais, à chaque épreuve du suffrage universel, ainsi entendu, la confusion est devenue plus manifeste et le péril plus grand. Chaque élection a doublé les anxiétés de l'opinion publique. Il faut reconnaître, Messieurs, dans les circonstances, une de ces nécessités qui s'imposent à tous les esprits clairvoyants. De là, les propositions dont vous a saisis l'initiative parlementaire. De là, surtout, le projet de loi qui vous est soumis et dont vous nous avez confié l'examen.

Le gouvernement pense que notre législation électorale est défectueuse et dangereuse. Nous partageons cette conviction au plus haut degré. Le gouvernenement a jugé le moment venu de réviser et corriger le système électoral. A cette tentative qui nous paraît, à la fois, morale et politique, nous croyons que l'Assemblée ne doit pas refuser son concours.

Dans l'opinion de votre commission, le gouvernement et l'Assemblée sont d'accord sur le but qu'il s'agit d'atteindre. Les réformes que le projet introduit dans le système électoral de la France se renferment-elles dans les limites que la loi fondamentales a posées et ont-elles toute l'efficacité que la situation commande? Voilà ce que nous avions à rechercher.

L'économie tout entière du projet réside dans deux dispositions principales ; celle qui détermine les conditions du domicile électoral et celle qui étend le domaine des incapacités électorales déjà prévues par la loi.

Le projet de loi exige trois années de domicile dans la commune sur la limite de laquelle l'électeur doit être inscrit. La Constitution a-t-elle fait du domicile la condition de l'exercice du droit de suffrage? On n'en peut pas raisonnablement douter, en consultant le texte et en l'interprétant de bonne foi. Aux termes de l'article 30, l'élection se fait par département au scrutin de liste, et les électeurs votent au chef-lieu de canton. La Constitution exige donc que chaque électeur exerce ses droits dans le canton auquel il appartient réellement, et qu'il vote dans le lieu qu'il habite, au siége de ses intérêts domestiques et au centre de ses relations. Le droit de suffrage devient ainsi l'expression du droit de cité; il est attaché à la famille communale.

La loi du 15 mars reconnaît et consacre l'obligation du domicile; mais elle rend en même temps cette condition illusoire, en le réduisant à une simple rési-. dence de six mois. Il en résulte que l'électeur peut voter successivement dans plusieurs départemens, pendant le cours d'une même législature. On mobilise en quelque sorte le droit de suffrage, au lieu de l'attacher au foyer de la famille et de le fixer.

La loi semble provoquer l'électeur à une existence nomade. Elle lui donne la tentation de s'enrôler dans ces combinaisons de partis qui peuvent, à un moment

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