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ce dernier, dans lequel se trouve réunie toute l'érudition poétique, si diverse et si bigarrée, du siècle où il vivait: tels sont ces débris que le voyage de M. Ozanam nous a fait découvrir et pour lesquels la science doit le remercier.

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Après avoir démontré, avec tant de verve et de bon sens, que la démocratie, telle du moins qu'on la comprend aujourd'hui, est à tout jamais impossible des deux côtés de l'Atlantique, et que jamais le peuple ne sera appelé à régner, par cela seul que jamais les majorités ne pourront se former elles-mêmes des opinions, M. Carlyle se tourne du côté des philanthropes et attaque de front leurs sociétés de secours en faveur des fainéants et des bandits, lesquelles réduisent toute charité « à ventiler, à choyer et à instruire les régiments de ligne du diable, et dont la vaire et loquace sentimentalité se substitue partout au sentiment du juste et de l'injuste. » L'auteur déclare, avec un sérieux des plus comiques, qu'il est fatigué du bruit qui se fait autour des gredins. La gredinerie, logée dans un palais, tandis que des milliers de pauvres parfaitement honnêtes sont exposés à toutes les horreurs de la misère, cette vue soulève toute l'indignation du pamphlétaire humoriste :

« S'attendrir sur les calamités humaines, s'écrie-t-il, cela est assurément très-louable; mais le profond oubli du bien et du mal, mais cet amalgame du juste et de l'injuste, mais cette mélasse brevetée de la philanthropie, cela assurément n'a rien de beau, et je me dis parfois que jamais la sottise humaine n'a pris pour dieu une idole aussi monstrueuse, un fétiche aussi grotesque que celui auquel Exeter-Hall (1) chante ses litanies. »

Après cette vigoureuse tirade contre les adorateurs du dieu-souche, lesquels préparent tant de grandes choses dans le monde noir et blanc, M. Carlyle dessine, en quelques coups de crayon, le profil d'un orateur de meeting philanthropique .

« Un niais d'orateur, versant la charité à pleine bouche du haut d'une estrade, semble à beaucoup un objet charmant, à presque tous une chose inoffensive ou insignifiante. Examinez-le bien pourtant, et il vous apparaîtra comme un être plein de laideur et de périls. Ses belles phrases captivent les longues oreilles et allument un en

(1) Exeter-Hall est un vaste édifice qui sert de lieu de réunion aux sociétés philanthropiques de Londres.

thousiasme quasi sacré dans bon nombre d'âmes; mais tout cela se jette à la traverse des éternelles réalités de l'univers, ET LA BOIte a PANDORE N'EST pas plus terrIBLE que l'Evangile qu'il prêche avec ses règnes de l'amour, ses fraternités universelles, ses paradis pour tout le monde pêle-mêle, et ses invocations à la religion chrétienne! Eh quoi la religion chrétienne ordonnerait-elle le culte des gredins? Mais elle prescrit, au contraire, une mâle et saine inimitié contre les méchants. Haïr les méchants, c'est la moëlle épinière de toute religion. »

M. Carlyle flétrit, avec une juste sévérité, l'hypocrisie de nos philanthropes et de nos humanitaires qui confondent le culte des pythons et des monstres à la bave venimeuse avec le culte du vrai Dieu. Non-sculement, dit-il, leur religion n'est pas vraie, mais c'est de plus un résidu putréfié de toutes les religions décédées. Haro donc, haro sur ces solennels charlatans et ces mensonges vivants qui viennent prêcher contre les lois du ciel! Qu'ils ferment leur ballot de colporteurs et qu'ils vident la place! Les pourchasser et en débarrasser la terre, voilà l'œuvre sainte ! C'est assez comme cela de tumultueuse et nauséabonde sensiblerie !

Prenons-y garde, ajoute l'écrivain, ce débordement de morbide intérêt pour le vice pourrait bien engloutir la société comme un déluge et ne laisser derrière lui, au lieu d'un édifice social habitable pour des hommes, qu'un continent fétide à l'unique usage des dieux de la fange et des créatures qui marchent sur leur ventre! M. Carlyle fait ressortir, avec un grand sens, la sentimentale niaiserie des chercheurs de popularité actuels qui concentrent toute leur attention sur les régiments de ligne du diable. Qui êtes-vous donc, diabolique canaille, s'écrie-t-il, pour qu'on s'occupe tant de vos intérêts? Non, par l'Eternel, ce n'est pas à vous qu'appartiennent ses pensées, mais aux millions de mortels qui ne se sont pas encore tout à fait déclarés pour le diable.

Il faut lire et relire, dans le second des pamphlets de M. Carlyle (model prisons), l'énergique critique qu'il fait des actes et des paroles de nos démocrates-philanthropes, faisant profession d'adorer l'humanité en bloc, y compris les plus exécrables coquins. Jamais personne n'avait signalé avec plus de vérité la folie de ces prétendus humanitaires qui, pour réformer la société et faire régner le bonheur, veulent que toute répression soit supprimée, que toutes les fautes puissent se commettre impunément, el que l'émeutier, qui a assassiné derrière une barricade, soit traité comme celui qui respecte la loi :

« Négligez de traiter comme des gredins vos gredins les plus patens, cela est la dernière goutte qui fait déborder le vase. Immense et terrible, le châtiment arrivera vite. L'oubli du juste et de l'injuste, parmi les masses de votre population, ne se fera pas attendre. L'épidémie de la bienfaisance de tribune et du paradis pour tous pêle

mêle, ne se fera pas attendre. Au milieu de la putréfaction de vos religions, comme vous les appelez, une étrange religion nouvelle, celle de l'amour universel avec E. Sue et compagnie pour évangéliste et Mme Sand pour vierge, ne se fera pas attendre, et les résultats qui sortiront de ces résultats vous étonneront considérablement. »

Tout cela porte le cachet de la plus incontestable vérité. Oui, nous sommes environnés de solennels charlatans, dont l'unique occupation est de faire manoeuvrer les régiments de ligne du diable, dont ils espèrent tous devenir un jour les généraux. De tous ceux qui ne se sont pas encore déclarés tout à fait pour le diable, on se soucie très-médiocrement parmi nous. Mais quant aux dieux de la fange, aux pythons qui marchent sur le ventre, sur eux se concentrent toute la tendresse et tous les soins des démocrates. C'est pour ces gredins que l'on parle, que l'on écrit, que l'on travaille. Les gredins ont pour coryphées les poètes les plus célèbres, les orateurs le plus sonores, les journalistes réputés les plus habiles de ce temps-ci. Ce sont les gredins qui, en Février, ont donné le pouvoir à Caussidière, à Ledru-Rollin et compagnie : ce sont les gredins, - poètes, journalistes T'espèrent bien, ce sont les gredins qui élèveront encore sur le pavois les Montagnards de la poésie et du socialisme. Le peuple en est 'arrivé, dans une grande partie de l'Europe, à regarder comme des 'héros tous ceux qui glorifient l'insurrection sous quelque forme que ce puisse être. Aussi la révolte est-elle prêchée dans les livres, dans les romans, dans les drames, dans les journaux, comme l'idéal d'une société perfectionnée. Le gouvernement de Juillet a élevé une colonne à l'émeute triomphante. Puis, après l'avoir foudroyée à Lyon, au cloître Saint-Méry, et ailleurs, il s'est mis à prêter l'oreille au langage philanthropique des charlatans qui cherchaient à se mettre en honneur en prêchant des amnisties. On sait de quelle façon les frères et amis ont reconnu ces amnisties. Mais cela n'a pas empêché d'autres philanthropes libéraux d'accorder une nouvelle prime d'encouragement aux émeutiers, lors de la discussion de la loi sur la déportation, et tout le talent d'un Carlyle échouera contre le parti pris de nos philanthropes qui ont perdu la notion du juste et de l'injuste, et qui ne s'aperçoivent pas qu'en supprimant le châtiment, celui qui vient de Dieu comme celui qui vient des hommes, ILS ATTENTENT TOUT SIMPLEMENT A UNE LOI VITALE DES SOCIÉTÉS.

BOURSE DU 28 JUIN.

A. DE COURSON.

*Le 5 p. 100, 94 80 ́ à 94 60. — Le 3 p. 100, 57 00 à 57 00.- Actions de la Banque, 2,175 00. Obligations de la Ville, 1,310 00.- Nouvelles Obligations, 1,165 00.- p. 100 belge, 100 0/0.- Emprunt romain, 77 0/0.

L'un des Propriétaires-Gérants, CHARLES DE RIANCEY.

Paris, imp. BAILEY, DIVRY et Comp., place Sorbonne, 2.

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