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légal des cultes chez nos voisins: Le journal officiel récrimine contreTM les feuilles catholiques; il les accuse de calomnies et de délire; mais au fond il n'explique, il ne désavoue rien d'une manière satis fáisanté.

Au reste, la politique du ministère n'est pas heureuse en ce moment. Tandis qu'elle se préoccupe exclusivement de la guerre contre la liberté d'enseignement, la charité et le sacerdoce, elle n'éprouve que des échecs dans l'ordre matériel et politique. Un récent arrêté qui démonétise, en Hollande, une grande quantité dé pièces d'or, dont une partie avait cours en Belgique, a nui considérablement aux Belges, et les mesures tardives prises par leur gouvernement n'ont fait qu'accroître leurs pertes. Le commerce et l'agriculture se plaignent également. La polémique des journaux les plus importants de la cité d'Anvers est, sous ce rapport, très-instructive. Ils montrent avec raison que le pays doit juger sévèrement un ministère, qui' échouant à Rome contre la fermeté d'âme de Pie IX dans la question religieuse, échoue en même temps à La Haye dans la question monétaire, à Berlin dans une question de douanes, et s'attire, avec les défiances de la France, le mécontentement de l'Autriche. Division et mauvaise administration au dedans, faiblesse et isolement au dehors, voilà en deux mots les résultats acquis par les faux libéraux depuis quelques mois.

Chronique et Faits divers.

Rien n'égale, on le sait, le respect des Anglais pour leurs anciennes insti-+ tutions. Une cérémonie du plus grand intérêt avait lieu, il y a quelques semaines, à Montrose c'était le jour de fête des archers royaux. Cette société a été fondée par Jacques Ier d'Ecosse, c'est-à-dire il y a plus de quatre siècies. Après le règne de ce prince, le torrent des révolutions emporta les chartes et documents qui avaient constaté l'existence et les statuts de l'institution; mais en 1677, un acte du conseil privé reconnaît la société des archers royaux, et un prix de 20 liv. sterl. est décerné au meilleur tireur.

En 1702, la reine Anne releva la société des persécutions qu'elles avait subies, par suite de son dévouement à la famille des Stuarts, à qui elle devait son origine, et son existence fut définitivement assurée par George III, qui se déclara le protecteur officiel des archers royaux.

Cette compagnie, composée des premiers personnages de la noblesse anglaise, est administrée par un conseil de sept membres élus chaque année. Le duc de Buccleugh en est le capitaine-général. Le nombre des membres est d'environ 500. Le costume se compose d'une veste gros-vert, avec un écusson en velours noir sur la poitrine. La coiffure est une espèce de béret de même couleur, où figurent un médaillon et une plume noire.

Chaque année, la compagnie donne une fête. Des prix sont décernés aux tireurs les plus habiles. Des invitations fort recherchées réunissent dans le riche local consacré aux exercices, des dames et des gentilshommes de la haute société anglaise. Un repas est donné aux membres de l'association dans une vaste salle sculptée en bois de chêne, et autour de laquelle se trouvent des verres de couleur qui retracent les principaux événements de l'histoire de cette compagnie

Des ornements de chasse, des cors, des flèches précieuses, sont suspendus aux murailles.

Le duc de Buccleugh a été réélu capitaine-général, et son élection a été suivie d'une procession et d'un couronnement traditionnels, qui ont été exécutés avec une solennité et un luxe tout à fait dignes d'un sacre royal.

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On écrit de Naples, le 17 juin :

Tous les voyageurs qui arrivent à Naples connaissent l'immense édifice appelé les Granili (grenier d'abondance), qui s'aperçoit sur le bord de la mer, dès que l'on arrive en vue de cette capitale. Ce vaste bâtiment, à plus de cent croisées de façade, vient d'être le théâtre d'un événement tragique.

<< Charles III avait destiné cette vaste construction à des approvisionnements de blé; mais son voisinage des marais et de la mer l'avait rendu tellement humide qu'il ne put remplir sa destination première. Il sert maintenant de caserne à la troupe et de logement aux forçats. Ce local recevait aussi les excédants des arsenaux royaux encombrés de matériel et munitions de guerre depuis les malheureuses révolutions qui ont agité le beau royaume des Deux-Siciles.

A cette occasion, on avait établi à l'étage supérieur de l'édifice une corderie qui avait, depuis peu de temps, fait fléchir les plafonds voûtés. Des ingénieurs appelés pour examiner les lieux avaient déclaré qu'il n'y avait pas de danger imminent. Hier, dimanche, la voûte supérieure s'affaissa, entraînant dans sa chute les voûtes inférieures, sur une espace de quatre croisées de façade; la chute fut si rapide, qu'elle tailla les murailles latérales mieux que n'aurait pu le faire la main de l'homme. Ces murailles, ainsi que le reste de l'édifice, demeurèrent intacts, ce qui prouverait la force et la solidité de sa construction.

A la première nouvelle de cette catastrophe, le roi se hâta de venir de son palais de Caserte par le chemin de fer; arrivé au débarcadère, il prit un calessino de place et se rendit sur les lieux, où il présida lui-même à toutes les dispositions nécessaires pour retirer le plus tôt possible les malheureux tombés sous les décombres. On parvint à dégager dans la journée même une vingtaine de cadavres, ou plutôt des lambeaux de cadavres. Un nombre égal de blessés fut transporté à l'hôpital dans le même jour. On poursuit les fouilles et l'on croit que le nombre des morts s'élèvera à 70, dont 30 soldats. ▸

VARIÉTÉS.

Documents inédits

POUR SERVIR A L'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE L'ITALIE DEPUIS LE 8e SIÈCLE JUSQU'AU 13o,

Par A.-L. OZANAM.

Une mission donnée par le gouvernement avait conduit M. Ozanam en Italie pour y recueillir les monuments inédits de la langue et de la littérature de cette contrée. Le volume dont nous rendons compte aujourd'hui est le résultat de cette mission.

Nulle part en Europe la tradition de la science, des lettres, de la poésie n'a été moins obscurcie qu'en Italie. Nulle part le passage de l'antiquité aux temps modernes ne s'y est fait par une transition moins subite. Le foyer était là, et l'Eglise veillait de plus près sur ce foyer. Déjà dans son ouvrage sur la Civilisation chrétienne chez les Francs, M. Ozanam s'était attaché à nous montrer combien sont exagérées les prétentions de la Renaissance au quinzième siècle : il nous faisait voir, à travers les temps les plus orageux, la tradition sa

vante, poétique, littéraire, se conservant toujours en quelque coin, et continuant, comme un ruisseau limpide, à filtrer à travers les ruines; l'Eglise debout, et l'école s'abritant auprès de l'Eglise; le pauvre grammairien gallo-romain déguisant de son mieux la science menacée, sous l'étrange voile de ses douze latinités, qui étaient, comme une sorte d'hieroglyphe, destinées à dérober la science romaine aux yeux barbares; la cachant, mais la conservant pour les jours de cette double renaissance qui précéda la renaissance du quinzième siècle, l'une après les invasions germaniques sous Charlemagne, l'autre après les invasions scandinaves sous Grégoire VII. Alors trois monastères en Europe furent le principal refuge des lettres et de la science Saint-Gall pour l'Allemagne, Cluny pour la France, le Mont-Cassin pour l'Italie. Mais nulle part plus que dans ce dernier pays la tradition ne se conserva persévérante et vivace. Non-sculement les lettres latines, mais l'esprit même de la littérature antique, mais un reste de paganisme littéraire persista dans ces écoles italiennes du moyen âge, qui continuaient à chanter Hélène et Ganymède, qui imitaient Ovide et lui faisaient une réputation populaire presque égale à celle du fabuleux Virgile. Nous nous rappelons tous que lorsque Mantoue chassa son duc et voulut être libre, comme après la mort de Codrus Athènes avait nommé Jupiter son roi, elle créa Virgile duc de Mantoue.

:

Cette persistance de l'esprit littéraire de l'antiquité s'explique et se confirme par la persistance de la langue même de l'antiquité. Le latin, aujourd'hui encore, grâce à son affinité avec la langue vulgaire, grâce surtout à la tradition religieuse et nationale, plus populaire en Italie que dans le reste de l'Europe, le latin en ce pays ne passa que tardivement à l'état de langue morte. A une époque même où l'Italie avait sa langue, complète et fixée comme aux temps du Dante, M. Ozanam nous révèle le fait de la popularité toujours persistante de la langue latine. C'était pour le peuple même la langue des souvenirs et des traditions nationales, la langue de l'Eglise, celle de la politique. Les bourgeois de Modène, veillant en armes sur leurs murailles pour repousser les attaques des Hongrois au dixième siècle, s'animent par des chants en langue latine, pleins des réminiscences de l'antiquité classique :

O tu qui servas armis ista monia
Noli dormire, quæso, sed vigila.
Dùm Hector vigil extitit in Troia,
Non eam cepit fraudulenta Græcia.

On prêche le peuple et on le fait prier en latin. Les turbulentes délibérations des républiques du moyen âge, prennent encore cette langue pour leur idiome. Un traité latin, rédigé à Bologne au treizième siècle, pour l'instruction publique « des laïques illétrés » et pour les former au maniement des affaires publiques, est écrit néanmoins dans la langue de Cicéron. M. Ozanam nous cite encore un statut inédit

de Florence, en 1284, qui n'est autre que le règlement de l'assemblée délibérante, règlement qui ne serait que trop applicable à nos assemblées d'aujourd'hui. « Il est statué et ordonné que tous et chacun de ceux qui appartiennent au Conseil et Congrégation générale... doivent venir et être au dit Conseil avant que le dit seigneur Podesta, ou un autre en son lieu, se soit levé pour proposer le sujet de la discussion, sous peine de deux sols de monnaie florentine pour chacun d'eux, et qu'il ne doit pas quitter le Conseil sans la permission du seigneur Podesta, sous peine et ban de cinq sols... Item, que nul ne se permette d'opiner ni de haranguer sur autre chose que ce qui a été proposé par le seigneurP odesta ou autre en son nom; et que celui qui aura agi à l'encontre soit puni de 60 sols, plus ou moins, an jugement du seigneur Podesta, et que tout ce qui aura été dit ou fait contre cette défense, ne vaille ni ne tienne... Item, que nul ne se lève pour haranguer, avant que le précédent orateur ait fini son discours et ait commencé à retourner à sa place, sous peine et ban de 10 sols. Item, que nul ne se tienne debout au lieu où se réunit le Conseil... ni ne se lève si ce n'est pour opiner ou pour quelque autre nécessité; et celui qui aura agi à l'encontre, sera puni de 50 sols, à moins qu'il ne se soit levé pour faire honneur à quelqu'un. Item, que nul ne se permette de troubler, d'inquiéter, ou d'empêcher celui qui harangue ou qui opine..., sous peine de 60 sols plus ou moins au jugement de seigneur Podesta, à raison de la qualité de l'interruption et de l'interrupteur... Item, que nul ne harangue ni n'opine, sur quelque proposition que ce soit, au delà du nombre de quatre conseillers, sans la permission dudit seigneur Podesta, sous peine de 20 sols, et plus, à l'arbitrage du seigneur Podesta. Item, que nulle personne ne s'approche du banc du seigneur Podesta, à partir du moment où l'on aura frappé deux fois pour annoncer l'ouverture du Conseil, si ce n'est pour quelque affaire de la commune florentine, ou qu'il ait quelque chose à dire pour l'utilité de la commune, sous peine de 5 sols... Item, que nul... ne se permette de prononcer quelque parole injurieuse contre qui que ce soit présent au Conseil ou Congrégation; ni ne fasse aucune rixe ou mêlée avec quelqu'un ou quelques-uns; ni ne frappe ou offense qui que ce soit, par un moyen ou invention quelconque : et qui aura agi à l'encontre, sera puni d'une peine double de celle qu'il aurait encourue, s'il eût dit ou fait ailleurs les mêmes choses, plus ou moins selon la volonté du seigneur Podesta, eu égard à la qualité des personnes et du fait. » Et ce règlement d'une assemblée tumultueuse, livrée à toutes les chances de l'agitation populaire, à toute la spontanéité des passions politiques, est pourtant écrit en langue latine.

M. Ozanam résume sa préface par ces belles paroles : « On a dit ¿que la lumière ne s'éteignit pas aux plus mauvais temps du moyen âge, mais qu'elle se déplaça, et que, du huitième au onzième siècle, l'astre des lettres, couché sur l'Italie, se levait sur l'Irlande, l'An

gleterre et l'Allemagne. Je puis ajouter maintenant que l'Italie eut une de ces nuits lumineuses où les dernières clartés du soir se prolongent jusqu'aux premières blancheurs du matin. D'un côté, le souvenir des écoles impériales se perpétue dans l'enseignement laïque... d'un autre côté, la tradition des premiers siècles chrétiens se conserve dans la tradition ecclésiastique : les lettres y trouvent asile, à condition de servir la foi... Nous avons vu l'instruction descendre du clergé et des corporations savantes jusque dans la multitude... La mythologie avait fait jaillir d'un coup de pied de Pégase la fontaine poétique d'Hypocrène; elle exprimait ainsi l'aimable facilité du génie grec qui avait pour ainsi dire sa source à fleur de terre. Celles du génie moderne étaient à d'autres profondeurs, et pour creuser jusqu'à elles il n'a pas fallu moins de dix siècles d'efforts. La Providence a traité les nations chrétiennes d'une manière plus sévère et à mon sens plus honorable en voulant que pour elles l'inspiration.fût le fruit du travail. »

Je me laisse arrêter ainsi sur la préface du livre de M. Ozanam, et la place me manque pour parler du livre lui-même. Mais la préface elle-même est un livre en abrégé; c'est l'histoire des écoles italiennes du moyen âge et le livre n'est qu'une collection de fragments. C'est au point de vue de la langue surtout que doivent être étudiées ces dernières réminiscences de la latinité expirante et ces premiers efforts de la jeune langue italienne. Ce n'est pas que de l'une à l'autre la transition soit aussi adoucie qu'on pourrait le supposer. Le latin se fléchit, il est vrai, en des formes plus populaires, plus analogues au génie commun des langues modernes, mais qui ne rappellent d'une manière spéciale ni le génie ni le vocabulaire de la langue italienne. Et d'un autre côté l'italien surgit à ces premiers jours de sa vie, déjà identique lui-même, chez Bonagiunta de Lucca, chez Dino Compagni, prédécesseurs du Dante, aussi bien qu'il le sera chez le Dante lui-même,, plus tard dans Pétrarque et dans le Tasse. Si les deux langues sont mère et fille, il n'en est pas moins vrai que dès cette époque si ancienne la distance est grande de l'une à l'autre.

Le temps me manque pour faire connaître, même par leurs litres, les fragments divers dont ce recueil se compose. Une description la'fine de la ville de Rome, curieuse par les traditions populaires dont elle constate l'existence; la préface du Chartrier de Farfa, catalogue admirablement bien fait au milieu des désastres du XIe siècle ; l'obifuaire de l'Eglise de Sienne, précieux par plusieurs renseignements historiques; une collection d'hymnes inédits; les poésies de deux moines du mont Cassin, Alphanus et Gaïfre, au onzième siècle; deux poèmes en dialecte véronais d'un des premiers disciples de saint François, sur la Jérusalem céleste et la Babylone infernale; des vers de Buonagiunta de Lucques et de Dino Compagni, prédécesseurs immédiats du Dante; le prince de l'Intelligence, œuvre de

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