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« Les élèves des petits séminaires sont aujourd'hui l'espoir et la consolation de l'Eglise de France. Puissent-ils un jour devenir sa force et sa gloire! Puissentils lui rendre ses docteurs, ses évangélistes et ses prophètes, et tous ces prêtres vénérables dont la science était si profonde, les lèvres si éloquentes, la vertu si pure, et que la mort ou le malheur des temps lui a cruellement ravis! Puissentils ainsi répondre dignement aux vœux de la religion et aux besoins des peuples !

Les peuples, assis encore dans la région des ombres de la mort, languissant comme des troupeaux sans pasteurs, ou égarés au penchant des abîmes, les attendent en silence comme le secours de Dieu, et les invoquent de loin, inspirés, sans le savoir peut-être, par le profond besoin de se régénérer enfin, ou au moins par la crainte de se trop dépraver!

Voilà, Messieurs, ce qui a fait de tout temps, mais ce qui fait aujourd'hui plus que jamais de votre ministère auprès de la jeunesse le plus grand intérêt de l'Eglise et de la société. C'est la plus haute, mais aussi la plus difficile des œuvres qu'il s'agit d'accomplir.

«Pour porter le caractère sacerdotal, c'est-à-dire, pour se dévouer tous les jours de sa vie, il faut être né grand ou le devenir des cœurs vulgaires, des caractères faibles, des esprits abattus, une éducation commune n'y suffiraient pas ; aujourd'hui surtout, les peuples demandent autre chose à leurs prêtres, et avec raison.

<< Inspirer le goût d'une vie sérieuse et appliquée, avec laquelle s'allient un jour la gravité des mœurs et la fidélité aux devoirs; exciter l'amour du travail, l'émulation des lettres, des sciences et des arts, et l'ardeur pour ces belles connaissances qui furent toujours un des plus nobles apanages de l'Eglise ; cultiver et diriger les passions dans le temps favorable, de façon qu'elles se laissent maitriser, et que, loin d'être jamais un obstacle au bien, elles deviennent l'instrument utile d'un zèle sûr et éclairé; former à ce savoir-vivre qui consiste à se contraindre soi-même, sans contraindre les autres, et qui éblouit moins par les belles manières, qu'il n'édifie par les vertus et la simplicité en un mot, sous les auspices d'une discipline également ferme et douce, par l'ascendant d'une autorité toujours chérie et révérée, parce qu'elle est toujours paternelle, constituer et maintenir de fortes et brillantes études, en même temps que des mœurs pures, une docilité généreuse, une foi éclairée et une piété fervente; enfin, établir par là même, entre les maîtres et les disciples, ces doux et puissants liens, qui ne se brisent jamais, ces souvenirs de dévouement et de reconnaissance, d'affection et de respect, qui demeurent la plus douce récompense des maîtres, comme ils deviennent dans le cœur des disciples une de ces heureuses et ineffaçables impressions qui survivent à tout: tel est le but, tels sont les moyens, telle est l'œu vre de l'éducation ecclésiastique.

Sainte et précieuse jeunesse cher et dernier espoir de l'Eglise et de la patrie! tribu choisie et privilégiée du Seigneur, continuez à croître sous les ailes de la Religion! Pressez-vous dans ces asiles, où se perpétuent encore les bons exemples et les bonnes maximes; où peuvent encore se former des âmes grandes et vertueuses par goût, par inclination, par une sorte de nécessité bienheureuse; parce que les préjugés communs, ailleurs si redoutables, là conspirent tous en faveur de la vertu, et que rien n'affaiblit leur action et ne balance leur autorité !

«Daigne la bonté du Seigneur accomplir nos voeux et réaliser nos espérances!

C'est avec cette douée et ferme confiance, Messieurs, que nous le prions de rễpandre sur vous et sur tous ces chers enfants remis à vos soins, ses plus abondantes et ses plus paternelles bénédictions! ›

X. DE RAVIGNAN.

Séances de l'Assemblée.

Les deux millions cent soixante mille francs sont votés. La majorité a fait un effort de conciliation, le ministère a désavoué ses prétentions hostiles et M. Changarnier a obtenu un triomphe. En somme, c'est à l'habile et illustre général que reviennent l'honneur et le succès de la journée. Est-ce là ce qu'attendait le cabinet?

Racontons la scène : elle fera époque dans les annales parlementaires. Il y avait foule comme aux plus grandes journées, malgré la chaleur accablante. Mais que ne brave pas la curiosité des tribunes? L'Assemblée était très-nombreuse, encore plus agitée. On entendait ce bruit sourd, ce tumulte pareil au mugissement des vagues qui se produit dans l'enceinte de la salle par les conversations et les colloques. Les esprits étaient dans un état d'excitation fébrile : la diversité des opinions et des répugnances, le désir d'union, le besoin de sacrifice, jetaient partout une hésitation que multipliaient encore l'anxiété sur les résolutions du ministère et l'attente des péripéties soudaines du débat. C'était un des plus curieux spectacles qu'il fût possible de voir on aurait joué le résultat sur un coup de dé. Tout était livré à la tactique, à l'adresse, au hasard. Personne ne savait où serait la majorité réelle, et une question de priorité dans le vote suffisait pour amener un rejet ou pour déterminer une adoption.

Le ministère n'est pas composé de gens habitués aux manœuvres parlementaires. Il a commencé par une faute. Au lieu de laisser la discussion s'engager et d'arriver entre les combattants à une mesure de transaction, il a voulu précipiter le dénouement, et M. Fould a lu quatre petites pages dans lesquelles il déclarait retirer le projet primitif, pour dissiper les ombrages que ce projet avait fait naître, et pour protester que, sous la demande d'argent, il n'y avait aucun dessein caché. Le cabinet se ralliait à l'amendement de la minorité de la commission. Cet amendement accordait la somme de 2,160,000 fr., mais à titre de crédit « extraordinaire. » C'était une retraite, une retraite complète, et la majorité devait se tenir pour satisfaite. Mieux eût valu, toutefois, puisqu'on faisait tant que de renoncer au projet originaire, descendre un échelon de plus et rétrograder jusqu'à l'amendement de M. de Dampierre, qui, en stipulant le même chiffre, l'imputait sur les exercices 1849 et 1850. Cette légère déférence pour une fraction considérable de la droite sauvait tout, et la dotation eût été votée à une immense majorité.

On pouvait espérer que le ministère, mieux conseillé par la discussion, en viendrait là, et aussi a-t-on laissé bravement couler, sans mot dire, les ruisseaux de l'éloquence montagnarde. Ces

messieurs affectaient la retenue, la dignité, le respect : jeu maladroit qui les embarrassait fort et laissait échapper de temps à autre des malices un peu trop grossières. L'Assemblée était patiente. Elle n'a pas interrompu M. Mathieu (de la Drôme); elle n'a pas interrompu M. Huguenin. Mais après eux elle s'est lassée et elle a crié: Aux voix !

C'est alors que le débat s'est engagé dans le vif. La déclaration de M. Fould dérangeait le plan naturel de la campagne.

En vain M. Dupin avait-il mis toute son expérience et toute sa prestesse en avant. On s'est fait une guerre de précédents, et bref l'amendement de la minorité de la commission a obtenu la priorité. C'était aventurer très-sérieusement le sort de la loi; la Droite, dis posée à voter l'amendement de M. de Dampierre, semblant fort ré solue à se prononcer contre l'amendement de la minorité de la commission. Le ministère était profondément inquiet, les partis s'agitaient la salle était pleine de rumeur et de bruit. On demande le scrutin secret: c'était une nouvelle chance de rejet. Aussitôt deux représentants se lèvent et courent à la tribune: l'un est le général Baraguay-d'Hilliers, l'autre est le général Changarnier. Celui-ci monte le premier. Jamais encore il n'avait abordé la tribune. Le plus grand silence s'établit.

On sait combien la majorité est justement pénétrée de considération, d'estime, d'admiration pour ce brave capitaine dont l'épée est la sauvegarde de l'ordre. On sait combien elle s'est émue, depuis quel ques semaines, à la pensée très-fondée malheureusement que le gonvernement songeait à remplacer l'illustre général, et la voix publique désignait avec inquiétude M. Baraguay-d'Hilliers comme son successeur futur. Toute cette situation donnait à la parole de M. Changarnier un intérêt et une puissance solennels. M. Changarnier a conjuré la majorité de voter l'amendement : « Puisqu'il faut donner, donnez noblement, » a-t-il dit. Et, s'adressant à la Droite: « Donnez, a-t-il repris, donnez généreusement, comme il convient à un grand parti ! »

Cet auxiliaire qui prenait ainsi une attitude si ferme et si supérieure, qui couvrait de sa protection le ministère abattu, qui se vengeait en décidant le succès d'une demande dont le sort était tout entier dans ses mains; cet auxiliaire a produit un effet immense. Il a enlevé le vote; et certes il était temps. 354 voix contre 308 ont adopté. Les cinquante suffrages de majorité sont uniquement dus à M. le général Changarnier.

Ainsi, deux millions pour le Président et la constatation de l'influence dominante du commandant en chef de l'armée de Paris, voilà le résultat net, clair, éclatant, de la séance. Encore un coup, là ce que rêvait le cabinet?

est-ce

L'Assemblée s'est séparée sur ce vote, au milieu de la plus vive émotion.

Faut-il revenir maintenant sur la séance d'avant-hier? Qui y pense et quel intérêt peut-elle avoir? Selon le mot assez pittoresque de M. Dupin, l'Assemblée « soulageait son ordre du jour. » Mais à quel prix, hélas ! En prêtant l'oreille aux excentricités de M. Pierre Leroux, lequel demande que l'Assemblée se forme en « concile » et arrête « un symbole,» une profession de foi et de vérités sociales. M. Leroux fait pourtant quelquefois des aveux curieux. Il reproche à M. Baroche et à M. d'Hautpoul de n'avoir pas « de théologie, » et il en conclut qu'ils n'ont pas droit à gouverner les autres. En dégageant ce que cette idée a de bizarre dans sa forme, elle couvre un sens assez profond: elle veut dire qu'une société qui repose sur l'unité de croyance, sur la foi, est beaucoup plus logique, beaucoup mieux organisée, beaucoup plus régulière qu'une société où règne la liberté de croyances, la liberté des cultes.

En ce point, M. Leroux a raison; mais il se retire absolument le droit de crier contre l'inquisition, qui n'était, après tout, que la gardienne de cette unité de croyances que regrette M. Pierre Le

roux.

Nous ne dirons rien de plusieurs autres élucubrations beaucoup moins philosophiques, et qui n'ont pas été prises en considération.

NN. SS. les Evêques de Versailles et de Beauvais ont été désignés par M. le ministre de l'instruction publique et des cultes pour faire partie de la commission chargée de procéder au dépouillement des votes de l'épiscopat, relativement à l'élection au conseil supérieur de l'instruction publique. Le dépouillement aura lieu le vendredi, 28 juin, au ministère de l'instruction publique.

Mgr l'Evêque de Bayeux vient de publier un Mandement pour ordonner des prières à l'occasion du Concile de la province de Rouen, qui ouvrira, dans la capitale de la Normandie, le 10 juillet prochain :

Là vos Evêques, sous les yeux de Dieu, dans le calme de la retraite, guidés par l'Esprit-Saint qui leur a promis son assistance, aidés des conseils des révérends Pères abbés de la province, des membres les plus distingués des Chapitres cathédraux et des théologiens les plus éclairés, les Evêques de l'antique et religieuse Normandie n'interrompront la prière et les exercices de piété que pour méditer ensemble les enseignements de la foi, les saintes prescriptions de la morale, les règles si sages de la discipline ecclésiastique.

« Gardiens du dépôt sacré que l'Eglise leur a transmis intact depuis les Apôtres jusqu'à nos jours, ils examineront les atteintes qu'ont essayé de porter aux dogmes catholiques l'orgueil des philosophes modernes, les systèmes des novateurs, les erreurs de l'esprit et des passions du cœur, et prendront les moyens qu'ils croiront les plus efficaces pour vous prémunir contre ces doctrines perverses dont le but est d'altérer la foi de vos pères.

Effrayés de la corruption des mœurs, ils s'efforceront d'opposer une digue puissante à ce torrent dévastateur dont le débordement, chaque jour plus rapide, menace de tout envahir.

« Ils se rappelleront à eux-mêmes, ils rappelleront à leurs bien-aimés coopé rateurs, ils vous rappelleront à vous tous, N. T. C. F., les admirables règles de discipline que l'Esprit-Saint a inspirées à son Eglise pour le gouvernement spirituel de ses membres, avec cette prudence qui, en fait de discipline, doit s'accommoder aux temps, aux lieux, aux circonstances; ils diront aux Evêques, ils diront aux prêtres, ils diront à tous les fidèles ce qui est prescrit à chacun d'eux pour leur sanctification personnelle, pour la gloire de Dieu, le salut des ámes et les vrais intérêts de la société. ›

(Correspondance particulière de l'AMI DE LA RELIGION.)

Rome, 14 juin 1850.

Une particularité remarquable de la manifestation prodigieuse de Rimini, c'est qu'elle n'a lieu que durant les heures de prières, le matin pendant les messes et l'après midi au moment des vêpres; de une heure à quatre, elle cesse entière. ment. J'avais oublié dans ma dernière lettre de vous faire part de cette singulière circonstance. Je me suis procuré, depuis, le nom du commandant autrichien dont je vous ai parlé : c'est le lieutenant-colonel Deskoviche. On dit que, frappé du prodige, il a aussi détaché de sa poitrine la décoration dont il était porteur pour en faire hommage à la sainte Vierge.

La commission des six Cardinaux, auxquels S. Em. Mgr le Cardinal Spinola a été adjoint, s'est réunie plusieurs fois. On y traite les questions importantes d'administration intérieure dont je vous ai déjà parlé. Le journal officiel d'avanthier vous porte l'ordonnance de M. le général de Kalbermatten, ministre de la guerre, pour la nouvelle organisation de l'armée. La force militaire de l'Etat pontifical se composerait, d'après ce plan, d'environ 16 à 17,000 hommes, infanterie, cavalerie, artillerie, y compris aussi le corps de vélites ou gendarmerie pour le service de la police. Cette ordonnance a été généralement accueillie avec approbation, et il en résultera pour cette branche importante du gouvernement des améliorations notables et désirées depuis longtemps. J'y ai remarqué avec plaisir l'augmentation de solde pour les soldats et officiers. J'espère que cette innovation bien entendue s'étendra sur l'administration civile; un Etat qui rétribue mal ses employés est mal servi; mieux vaut en avoir un nombre moindre; car, plus satisfaits de leur position, ils sont intéressés à faire leur devoir, et l'ouvrage étant mieux fait, tout le monde est content.

Il y a aujourd'hui une réunion de Congregazione, de Cardinaux, dont le but serait de proposer une espèce de réglement ou loi somptuaire pour les membres du sacré College. Il s'agirait de modifier leurs équipages et de fixer le costume, qui serait désormais la simarre avec ceinture rouge et le manteau actuel de même couleur pour l'hiver. Quant au costume, l'avantage que je verrais dans la détermination, à cet égard, des vénérables membres du sacré Collége, c'est que le reste du clergé devrait suivre leur exemple, et que l'usage de la soutane deviendrait général.

L'ancien ministre de la guerre, Campello, a été arrêté ; il était muni d'un passeport sous un faux nom.

Toutes les correspondances de ce jour annonceront probablement la cérémonie touchante qui a eu lieu hier matin dans l'église de la Trinité-du-Mont, je veux parler du baptême d'un brave soldat français de la communion israélite. Je commen

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