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On nous écrit de Rome le 4 juin :

En l'absence d'événements importants, on s'occupe beaucoup ici, dans les f cercles politiques, de la discussion sur les changements apportés à votre loi élec torale. Je me trouvais hier en compagnie de quelques personnes distinguées qui parlaient avec admiration de la noble attitude de M. de Montalembert à l'Assemblée, de son magnifique discours, de sa présence d'esprit, de la promptitude, de la verve et du succès de ses réparties. Il n'y a dans toutes les bouches que des louanges pour ce vigoureux chrétien.

J'entends dire que le consistoire pour la promotion des cardinaux aura lieu. samedi, 8 du courant. Outre les Prélats dont je vous ai parlé dans mes précédentes lettres, il est question de la nomination de Mgr Morichini, de Mgr Savelli, dui #courageux Evêque de Gubbio, Mgr Pesci, qui déploya un si noble caractère pen-} dant nos saturnales révolutionnaires, et que nos fauteurs de liberté jetèrent en prison. On parle aussi d'un Prélat français, et à cet égard on fait courir plusieurs noms que je tais; car lorsque le choix hésite entre des personnages aussi dignes, toute conjecture serait déplacée.

Vous aurez appris avec quelle gracieuse affabilité le Souverain-Pontife a fait accepter à un brave général français qui ne lui demandait, avant de partir, que sa bénédiction, un témoignage de souvenir pour sa vénérable mère. J'ai recueilli · ¦ de la bouche d'un autre voyageur distingué, admis à l'honneur d'une audience, un mot touchant de Sa Sainteté pour la mémoire héroïque de l'ancien Archevêque de Paris. Le voyageur en question était porteur d'une lettre que Mgr Affre lui avait donnée peu de temps avant sa mort pour le Chef suprêine de l'Eglise. Les événements politiques lui ayant fait retarder son voyage, il n'en remit pas moins la lettre au Saint-Père, qui dit en la recevant: Cette lettre est une re-、 lique, et, comme telle, je la conserverai précieusement. › C. C. B.

DIOCÈSE DE PARIS.- Les obsèques du vénérable abbé Lecointre, ancien grand vicaire de Strasbourg, chanoine honoraire de Reims, mort le 10 juin, à l'âge de ́1 91 ans, ont eu lieu hier, 12 juin, à l'église de Saint-Thomas d'Aquin, sa paroisse.

ALLEMAGNE. On écrit de Posen qu'une Faculté théologique catholique va être érigée dans cette ville avec cinq chaires de théologie, une de philosophie, une d'histoire, une de philologie. Les cours se feront en majeure partie en langue polonaise.

Bulletin de la politique étrangère.

SUISSE. - BERNE. La discussion sur les élections douteuses a commencé, et malheureusement elle a été inaugurée par une mani-. festation de haine religieuse qui peut avoir de funestes effets en je-.. tant un germe de division dans la majorité. M. l'abbé Belet, élu par le cercle de Courtemaiche, district de Porrentruy, est camérier d'honneur de Sa Sainteté. On a saisi ce prétexte pour annuler son.. élection, en se fondant sur un article de la Constitution qui déclare.. le titre de membre du Grand-Conseil incompatible avec des fonctions conférées par un prince étranger. En vain M. Moschard, rapporteur, & a conclu à la validation de l'élection parce que le titre de camérier., d'honneur du Pape n'est qu'honorifique et qu'il ne s'y rattache aucune fonction civile, une majorité de 118 voix contre 101 a exclu

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M. Belet. M. Butzberger a provoqué un vote sur le droit, indépendamment du fait personnel au conseiller élu par Courtemaiche, et 129 voix contre 75 ont déclaré que les fonctions de grand-conseiller sont incompatibles avec le titre dont est revêtu M. Belet. Des membres qui avaient voté dans le sens de la commission pour ne pas entamer la majorité, sont donc passés dans le camp opposé ou se sont abstenus quand il s'est agi de la même question posée abstractivement. Ce qui prouve combien la passion anticatholique est en jeu, c'est que deux autres députés, qui avaient des titres et des décorations de souverains étrangers, qui, par conséquent, se trouvaient dans le même cas, ou même dans un cas moins favorable que M. Belet, ont cependant été admis. C'est donc bien aux catholiques que de prétendus conservateurs se sont hâtés de jeter l'insulte, au moment même où ils étaient forcés de reconnaître que s'ils avaient la victoire, c'était à eux qu'ils en était redevables. Qu'en peut-il rẻsulter, sinon une méfiance de la part des catholiques, qui affaiblira la majorité conservatrice, bien faible déjà devant la faction violente dont elle commence à peine à secouer le joug?

ANGLETERRE. - Le vapeur l'Ilibernia, dont l'arrivée a été signalée lundi à Liverpool, a apporté la nouvelle transmise dans ce port par le télégraphe maritime d'Holy-Head, que l'expédition dirigée contre Cuba par le général Lopez avait échoué. On attendait avec la plus vive anxiété à Liverpool comme à Londres les détails que doit probablement apporter l'Hibernia. Un journal prétend que le général Lopez avait pris la fuite et s'était rendu à Savannah (port des Etats-Unis). L'Hibernia avait des nouvelles de New-York du 29 mai et d'Halifax du 31.

Dans la cité de Londres, tout le monde, y compris les Américains respectables qui s'y trouvent, a appris avec une vive satisfaction la défaite du pirate Lopez.

Dernières nouvelles. - On devait s'attendre à voir le général Lopez échouer dans sa coupable tentative, on pouvait prévoir que la lutte ne serait ni longue, ni glorieuse; mais qui eût supposé que tant de fracas, tant d'héroïques proclamations, tant de promesses faites au peuple, aboutiraient au vol de la caisse publique de Cardenas et à une fuite honteuse? Voilà pourtant toute l'expédition. Le steamer le Créole, que montait Lopez, a été saisi par la douane américaine. Le général lui-même a été arrêté par les autorités de Savanah, puis relâché. Les divers bâtiments de sa flotille ont été capturés par les espagnols. Il ne reste de tout cela, qu'une honte et un ridicule immense, et les difficultés qui vont peut-être surgir entre les deux pays car l'Espagne ne peut voir, sans réclamer, l'Union donner asile aux hommes qui, partis des côtes des Etats-Unis, sont venus consommer à Cuba un acte de piraterie.

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ALLEMAGNE. Les membres du congrès de Francfort ont tenu le 7 une séance dans laquelle les plénipotentiaires de Hesse-Darm

stadt et de Sterlitz ont été introduits, et lecture a été donnée de leurs pouvoirs. - La Bavière a retiré une protestation qu'elle avait faite contre l'admission du plénipotentiaire du roi de Danemarck, comme duc de Holstein. Le représentant de l'Autriche avait fait remarquer qu'il s'agissait d'une affaire intéressant uniquement la Confédération, et que l'on ne pouvait empêcher le duc de Holstein-Lauenbourg de prendre part aux délibérations sans l'exclure de la Confédération. Les représentants de la Prusse et des autres puissances n'étaient pas présents.

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On n'a pas encore de détails précis sur les conférences de Varsovie; mais on assure que l'empereur Nicolas aurait déclaré « qu'il n'avait pas l'intention et qu'il était dans l'impossibilité de décider la question de droit pendante entre l'Autriche et la Prusse; màis qu'il tâcherait de toute manière d'empêcher la guerre entre ces deux puissances, et qu'il prendrait parti contre celle qui romprait la paix la première. »

-Dans le voyage que l'empereur vient de faire à Trieste, le commissaire pontifical à Ancône, Mgr Amici, avait été chargé par le Pape d'aller à Trieste présenter au monarque les félicitations et les remercîments du Pontife. S. M. a accueilli le prélat avec la plus grande bienveillance, et quand celui-ci vint à lui parler, dans le discours qu'il lui adressa, des mesures nouvellement adoptées dans l'empire en faveur de la religion, l'empereur l'interrompit en disant: « Monseigneur, je n'ai fait que rendre justice et que suivre la voix de ma conscience. Je n'ai pas obéi à une autre impulsion ni à des vues humaines, encore bien que j'eusse pu, par des motifs purement politiques, agir comme je l'ai fait, puisque l'expérience nous a fait voir que l'on n'asservit l'Eglise que pour bouleverser la société. Quand l'Eglise est libre, les trônes de leur côté n'ont rien à craindre. »>

Chronique et Faits divers.

Nous apprenons que plusieurs des délégués des associations, arrêtés le 29 mai rue Michel le-Comte, ont été, après un très-court séjour à la préfecture de police, transférés à la nouvelle Force.

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On nous écrit de Lorient qu'on vient d'y saisir un dépôt de poudre de guerre et qu'une instruction est commencée.

Un événement déplorable a eu lieu le 8 à Corbeil. L'ancien magasin de la réserve, haut de sept étages, appartenant aujourd'hui à M. Darblay jeune, ou sont déposés les grains destinés à l'alimentation des nombreuses usines qu'il exploite, s'est subitement affaissé en partie; les nombreux ouvriers employés dans ce magasin ont heureusement pu échapper au désastre, à l'exception de trois, dont un a pu être sauvé; les deux autres paraissent être restés enfouis sous l'immense couche de blés écroulée avec la rapidité de la foudre des étages supérieurs dans le rez-de-chaussée. Des efforts impuissants ont été faits pour les sauver ; mais les autorités civiles et militaires de la ville, des architectes, des entrepre

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neurs de bâtiments, des médecins, réunis hier au soir sous la présidence de M. le sous préfet, ont unanimement roconnu l'impossibilité absolue de fouiller sous cet amas de blés, que l'on croit recéler deux cadavres, sans compromettre la vie des ouvriers que l'on emploierait au sauvetage, et ajouter ainsi, par la chute du bâti ment, au désastre déjà si grand.

PHILOSOPHIE ET HISTOIRE.

I. Œuvres très-complètes de M. Riambourg,
PUBLIÉES PAR M. L'ABBÉ MIGNE;

Revues, annotées et corrigées par M. TH. FOISSET.

(Un volume grand in-8°.)

II.Histoire du Gouvernement provisoire, par M. ELIAS REGNAULT, secrétaire de M. Ledru-Rollin.

On a défini M. Riambourg une forte et saine intelligence au service d'une vertu supérieure. M. Foisset, pour rendre la ressemblance plus complète encore et plus frappante, a dit que c'était un homme du dix-septième siècle naturalisé dans le nôtre. Et, en effet, M. Riambourg réunissait à un degré d'harmonie qui a manqué trop souvent aux écrivains les plus illustres de ce temps-ci, les qualités en quelque sorte fondamentales qui font l'homme supérieur : l'équilibre des facultés, la sérénité du coup d'œil, un grand sens et cette force calme et vraie qui n'a pas besoin de s'exagérer, parce qu'elle est sûre d'elle même.

Elève de l'Ecole polytechnique, à l'époque où Destutt de Tracy s'excusait d'accorder au christianisme un chapitre de son Abrégé de l'origine de tous les cultes, parce que, disait le philosophe, «on ne · croit non plus à l'Evangile désormais qu'aux contes de sorciers,» le jeune Riambourg eut le courage de professer sa foi sans respect humain, à la face de toute l'école, sous les maîtres les plus hostiles à la religion, c'est-à-dire sous Monge et sous Laplace. Toutefois, il lui fut impossible de supporter longtemps la direction, toute matérialiste alors, de cette école d'où sont sortis beaucoup d'hommes extrêmement distingués sans doute, mais où les âmes sont laissées sans nourriture et les esprits trop souvent faussés d'une manière irremediable.

Le sentiment des arts, inné chez M. Riambourg, le fit quelque temps étudier l'architecture. Mais là n'était pas sa vocation. Ayant eu occasion de suivre les cours de l'Académie de législation, il saisit tout de suite ce qu'il y a de moral et de social tout ensemble dans la science du droit, et il fut acquis à la jurisprudence.

Nommé président de chambre à la Cour royale de Dijon, en 1818, M. Riambourg consacra à la défense de la vérité religieuse tous les

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loisirs que lui laissaient les devoirs de sa charge et ses fonctions d'administrateur des établissements de charité. Le premier ouvrage important publié par M. Riambourg fut un tableau général des variations de la philosophie, et porte le titre d'Ecole d'Athènes. Ce livre, couronné par la Société catholique des bons livres, venait à peine de paraître, lorsqu'éclata la révolution de 1830. Profondément dévoué à la branche aînée de l'illustre maison de France, M. Riambourg renonça volontairement à ses fonctions publiques, et, depuis cette époque jusqu'à sa mort, il vécut dans la paix d'une retraite studieuse et honorée.

Le fruit de ces consciencieux travaux fut un livre qui a pour titre : Rationalisme et tradition, et dont le succès dépassa toutes les espérances du pieux et modeste auteur.

On l'a dit bien souvent, et le mot est d'une profonde vérité, il n'y a, à proprement parler, qu'une erreur dans le monde, celle que l'homme se suffit à lui-même et que sa raison est, à l'exclusion de la raison divine, l'unique et infaillible mesure du bon et du vrai. D'un autre côté, il est incontestable que toutes les vérités se condensent, pour ainsi parler, en une seule, savoir que Dieu est, que toute existence et toute connaissance émanent de lui. Rationalisme et tradition, tels sont donc les deux pôles du monde philosophique. Toutes les controverses se peuvent ramener à ces deux mots comme à leur dernière et plus simple expression. C'est ce que M. Riambourg démontre avec une puissance de logique irrésistible, dans l'admirable livre dont nous venons de parler. L'Europe abjurera-t-elle, oui ou non, ses croyances religieuses? La raison du siècle, répond M. Riambourg, s'agite en vain pour se passer du christianisme. Le rationalisme est par lui-même impuissant; en religion, en morale, en politique, il ne peut rien élever de solide : il échoue dès qu'il veut édifier.

-«La philosophie écossaise est insuffisante;

« L'éclectisme n'est qu'une dernière illusion.

« Le scepticisme est au bout de tout cela : c'est le terme suprême du philosophisme contemporain. » —

Telle avait été la conclusion du double travail de M. Riambourg sur l'école de Paris. Bien peu d'années après, l'un des disciples les plus éminents de la philosophie écossaise parmi nous mourait dans les angoisses du scepticisme, châtiment fatal, inexorable de l'orgueil de l'esprit!

L'infortuné Jouffroy avait souvent proclamé que « le système religieux du passé est indigne des lumières actuelles de l'humanité, et -qu'il doit être rejeté » (1).

Mais, pour mettre à la place du christianisme,« dont il avait entendu sonner les funérailles,» il lui fut toujours impossible de rien

(1) V. le fanieux article: Comment les dogmés finissent (1825); ➡ Probléme de la destinée humaine (1834). — Cours de droit naturel, Xa leçon.

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