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préventions irréfléchies qui, descéndues aujourd'hui dans certaines classes de la société, sont, pour le ministère des paroisses comme pour le gouvernement des diocèses, des sources de difficultés innombrables ne profitant à personne, et, tout en nuisant au salut des âmes, nous empêchant de panser, comme nous en aurions le désir, les plaies profondes de la société !

<< Puisse ce triomphe de l'ordre par la religion qui vient de s'opérer si glorieusement à Rome, s'accomplir partout en Europe et surtout en France! Puisse l'union se cimenter de plus en plus entre les divers pouvoirs, par le respect des droits de chacun d'eux, et puissent tous les hommes retrouver dans cette union, pour la terre et pour le ciel, le salut et la paix! »

Les catholiques de Hollande prient pour la France. On nous adresse la pièce suivante qui a été répandue à profusion parmi les catholiques de Hollande, et a reçu d'eux l'accueil le plus favorable.

« C'est en France qu'a pris naissance la pratique des Rogations. Saint Mamert, au cinquième siècle, voyant son diocèse de Vienne désolé par toutes sortes de maux, invita son peuple à se joindre à lui dans l'humiliation, la prière et la pénitence, et le succès de ces supplications publiques fut tel que l'usage s'en établit bientôt partout en France d'où il se répandit dans toute la catholicité. C'est donc à l'exemple de la France que pendant ces trois jours nous nous abstenons de l'usage de la viande et que nous répandons devant Dieu cette longue série de touchantes invocations connues sous le nom de litanies des saints; nous prions donc à l'exemple de la France: offrons aussi nos prières pour la france.

«L'efficacité de la prière est si grande! Abraham prie, et une ville est préservée de la colère divine; Moïse prie, et tout un peuple est sauvé; Daniel, Tobie et tant d'autres saints de l'ancienne et de la nouvelle loi arrêtent par la prière le châtiment prêt à frapper les coupables; le Sauveur nous dit que nous serons exaucés quand nous nous unirons pour demander quelque chose en son nom; prions donc tous ensemble, unissons-nous à ceux de qui nous est venue cette belle coutume des Rogations publiques, nos aînés dans la foi, nos frères dans la tribulation; avec eux iuvoquons toute l'armée céleste et faisant une sainte violence à la justice toute miséricordieuse du Très-Haut, nous obtiendrons la rémission de nos péchés, la paix et l'unité de l'Eglise, des princes et des peuples.

<< Prions POUR LA FRANCE; car c'est prier pour nous-mêmes, c'est prier pour la paix de l'Europe et du monde entier.

Prions POUR LA FRANCE, et, dociles à l'esprit du Père commun des fidèles, demandons la bénédiction de Dieu, le triomphe de la foi sur l'irréligion et, par suite, de l'ordre et du repos sur le désordre et l'anarchie.

Prions POUR LA FRANCE, cette fille aînée de l'Eglise, si féconde en saints; POUR LA FRANCE, placée par ses rois sous la protection de la Reine des cieux, dont nous méditons, dans ce mois-ci, les admirables prérogatives! POUR LA FRAnce, qui a échauffé le cœur si aimant d'un saint Vincent-de-Paul? Puissent les prières de saint Mamert, les œuvres de saint Vincent-de-Paul et les travaux des prédicateurs les plus saints de la France, obtenir de Dieu une grâce spéciale sur la France, - une grâce qui fortifie les bons et augmente leur nombre et convertisse les méchants. Si notre prière est exaucée, nous aurons sans doute prié pour l'Europe, car le sort de l'Europe est dans les mains de la France.

Levez-vous donc, frères et sœurs dans la foi! La France a donné au monde

ses talents, rendons-lui chacun notre obole. Jamais on ne s'appauvrit en payant ses dettes; notre prière ne peut être que profitable à nous-mêmes.

Je propose donc que chacun fasse seul ou en réunion avec d'autres personnes, en l'honneur de la sainte Vierge et des saints français, une neuvaine consistant seulement en un Pater et un Ave, ou une fois les litanies de la sainte Vierge ou le chapelet, pendant neuf jours consécutifs, ou le même jour pendant neuf semaines ou neuf mois, à commencer dès ce mois consacré à Marie. Pour chacun de nous ce sera peu de chose. Mais toutes ces prières faites en commun s'élèveront devant le trône de Dieu, et là réunies, elles imploreront sa miséricorde et sa puissance.

Levez-vous donc, frères et sœurs, et prions POUR LA FRANCE.

⚫ Réunissons-nous au nom de Jésus-Christ! membres d'une famille, d'une congrégation, d'une confrérie, d'un ordre monastique, ou, quel que soit le lien qui fasse de nous un cœur et une âme, formons un faisceau de prières! Que les membres de la société de Saint-Vincent-de-Paul, ajoutent encore cette œuvre aux services qu'ils rendent à l'humanité!

<< Frères, il est plus que temps! Prions tous avec feu et confiance POUR LA FRANCE! Elle aussi priera, et de meilleurs jours luiront sans doute pour elle et

pour nous.

Que nos frères de Hollande soient bénis ! Les prières de cette Eglise souffrante seront sans doute accueillies par Celui qui a dit : « Bienheureux ceux qui pleurent.» Déjà la pieuse pensée de ces chrétiens nous remplit de consolation; tandis que l'esprit de ruine agite tous les peuples et enlace l'Europe dans le réseau d'une formidable conspiration, les catholiques s'entendent aussi d'un pays à l'autre, et opposent aux progrès du mal le saint et pacifique complot de la prière. Union intime, vraie fraternité dont le principe a été déposé dans les sociétés modernes par le catholicisme, et qui survit encore après que la Réforme est venue briser ces liens sacrés et renfermer chaque nation dans son individualité. Tous les peuples sont nos frères, hurlent les hommes de l'émeute! Belle découverte ! Il y a dix-huit siècles que les chrétiens le savent !

(Correspondance particulière de l'Ami de la ReligION.)

Rome, 20 mai 1850.

J'apprends les résultats du Consistoire que je vous avais annoncé dans les dernières lettres; je n'ai pas le temps d'entrer dans des détails particuliers, mais je puis vous dire que le Saint-Père, dans son allocution, a remercié solennellement les puissances catholiques d'avoir, au milieu d'une tourmente violente et immé ritée, secouru le Saint-Siége d'une manière aussi prompte qu'efficace; puis, après avoir cité la noble conduite de S. M. l'Empereur d'Autriche envers l'Eglise avec tous les éloges qui lui sont dus et exprimé l'impression douloureuse qu'elle a res sentie de l'attitude si différente du cabinet piémontais, Sa Sainteté a préconisé vingt-six Evêques. Le pallium a été demandé et obtenu pour Mgr Cullen, Archevêque d'Armagh, primat d'Irlande. La nomination généralement attendue de plusieurs cardinaux est ajournée à la fin du mois prochain, au Consistoire qui aura lieu vers la Saint Pierre.

S. E. le Cardinal Vannicelli, Archevêque de Ferrare, Mgr de Charbonnel, Evê

que de Toronto, au Canada, et Mgr Gonella, Evêque de Néocésarée, nommé Nonce en Belgique, seront sacrés le dimanche de la très-Sainte Trinité par Sa Sainteté dans la chapelle Sixtine, au Vatican.

Mgr T'Archevêqne de Besançon, arrivé depuis quelques jours, a remis à Sa Sainteté un magnifique ostensoir, hommage de ses pieux diocésains; le Saint-Père a accueilli avec une effusion affectueuse et le vénérable prélat et le témoignage de souvenir de la bonne ville de Besançon.

Nous avons ici M. de Rayneval, le nouvel ambassadeur de France, et M. le général Gemeau, qui doit commander en chef l'armée d'occupation.

Je ne veux pas maintenant laisser le champ entièrement libre aux accusateurs qui non-seulement ne tiennent aucun compte des embarras de la situation, mais qui ignorent même l'état réel des choses dont ils parlent avec tant d'assurance. Je vous dirai donc que la grande question d'administration préoccupe sérieusement les membres du gouvernement pontifical. Vous savez qu'il existe un plan d'organisation intérieure qui, s'il était adopté, entraînerait la division territoriale des Etats de l'Eglise en cinq grandes circonscriptions ou départements.

Je ne connais pas les détails de cette importante mesure; mais ce que je sais c'est qu'on l'étudie, qu'on la mûrit. Le Saint-Père avait, en 1848, institué un bureau de contrôle pour les finances, équivalent à ce qu'on appelle, en Angleterre l'Audit Office; nul doute que cette belle institution ou quelqu'autre semblable ne soit, avec d'autres projets d'une égale utilité, l'objet des profondes méditations des ministres de sa Sainteté. Mais c'est le cas ou jamais de ne point hâter ou plutôt de se hâter lentement. « Il n'a fallu, me disait, ce matin même, un honnête marchand dans sa boutique à quelques pas du Corso, que quelques mois au parti soi-disant libéral italien pour ruiner l'Italie; nous avions tout obtenu et réformes utiles, et même, à peu de choses près, l'indépendance nationale; aujourd'hui, l'Autriche triomphante a derechef posé le pied sur ses provinces et tous les peuples de la péninsule sont appauvris et, ce qui est pis, de plus en plus

endettés.

Ce que me disait ce brave homme, je l'avais souvent pensé : Il n'a fallu que quelques mois pour détruire, et on voudrait que le travail de reconstruction, cette œuvre toujours si lente et si pénible, fût improvisé, pour ainsi dire, en un moment ! J'en reviens à ce que je vous ai déjà dit plusieurs fois, le besoin ici, le grand, le premier besoin, c'est la justice.

Le gouvernement du Saint-Père, toujours si paternel, est plus que jamais préoccupé de ces deux grands intérêts; tous les ministres en sont d'autant mieux pénétrés, que le système de nominations faciles, réel à une autre époque quoi qu'exagéré par la malveillance, a porté ses fruits et démontré une fois de plus la vérité du mot de Louis XIV, que tout emploi donné à la faveur fait quatre-vingtdix-neuf mécontents et un ingrat.

La lettre suivante intéressera la pieuse curiosité de nos lecteurs : Rome, 8 mai 1850, veille de la fête de l'Ascension. Permettez-moi pour aujourd'hui de laisser de côté la politique et de ne m'occuper que de la magnifique fête dont je viens d'être témoin.

Ordinairement l'illumination de St-Pierre et la girandole du château St-Ange ne se font qu'à Pâques et le jour de la fête des saints Apôtres Pierre et Paul, mais le Saint-Père a voulu que cette année par exception, elles eussent lieu en l'honneur de la solennité de l'Ascension, afin qu'en même temps notre brave armée pût en jouir.

J'ai profité de cette faveur, je viens de voir l'illumination; à demain la girandole. Déjà lors de la rentrée du Pape la coupole avait été éclairée, mais non d'une manière aussi complète qu'aujourd'hui, on n'avait pas eu le temps de faire les préparatifs nécessaires; ce soir, rien n'a manqué, nous avons eu également le changement des feux; de plus, l'absence d'illumination dans le reste de la ville et la profonde obscurité de la nuit favorisaient singulièrement cet étonnant spectacle.

On peut se placer pour le voir de tous les points élevés de Rome: je suis allé successivement au Pincio, près du palais de l'Académie de France et sur la place St-Pierre ; je préfère beaucoup cette dernière position et mieux encore la place Rusticucci qui précède la place St-Pierre. De là, on a un admirable coup d'œil d'ensemble, qu'on ne trouve pas ailleurs, car ce n'est pas seulement la coupole principale qui est illuminée, ce sont encore les deux coupoles secondaires, le portail, la colonnade qui entoure la place.

On parle de l'illumination de St-Pierre, on devrait dire les illuminations, car il y en a réellement deux: la première, composée d'environ 5,000 feux, voilés par les transparents de papier, est moins éclatante que la seconde, mais elle fait ressortir d'une manière plus artistique les proportions et les lignes architectoniques de l'immense édifice.

La grande coupole parait plus grande encore au milieu des deux petites pla cées à ses côtés. Toutes les nervures, tous ses ornements principaux sont éclairés et les derniers feux atteignent son sommet à 485 pieds au dessus du pavé del'église.

Le portail est illuminé avec la même habileté dans ses détails les plus impor tants; enfin, deux lignes de lumière placées, l'une sur la corniche, l'autre sur la balustrade de la colonnade, en dessinent les élégants et majestueux contours. Non, jamais les hommes n'ont élevé le grand et le beau à une plus haute puissance; c'est l'idéal et la poésie d'une vision réalisée avec ce que la science a de plus correct et de plus pur; on dit que Saint-Pierre semble perdre de sa grandeur quand on le contemple à la clarté du soleil; il n'en est plus ainsi, au milieu de cette apparition lumineuse; il semble au contraire que tous ces traits de feu qui en font resplendir toutes les formes sur l'immensité des ténèbres augmentent encore ses colossales proportions.

Supposez que le gouvernement de la République, moyennant quelques dizaines de millions de dépense, pût vous donner, au lieu des constructions éphémères qu'il élève aux Champs-Elysées, la reproduction parfaite du spectacle que j'avais, il y a quelques heures, sous les yeux, vous partageriez, je suis convaincu, notre admiration artistique; mais ici il y a bien autre chose que de l'art, fût-il le plus imposant qui se soit jamais fait; il y a autre chose que des pierres habilement illuminées c'est Saint-Pierre, c'est le centre du monde, c'est la tombe la plus illustre et la plus glorifiée qui fut jamais après celle du Maître. Ici où nous sommes se sont pressés des millions de pèlerins: empereurs, rois, princes, personnages de tout sexe, de tout âge, de toute condition; ici se trouvent réunies en quelque sorte les deux plus puissantes choses du monde : le beau et le vrai.

Une heure après le coucher du soleil, au moment où l'horloge frappe le premier coup, une torche apparait au sommet de la coupole, c'est le signal,et instantanément, comme par un seul coup de baguette, 800 jets de feu s'élangant à l'air vif de tous les points de l'édifice, jusqu'au sommet de la croix, jusque sous les colonnes de la place, donnent à cette nouvelle illumination une splendeur et une vivacité qui manquait à la première.

En même temps les cloches de la basilique s'ébranlent, répandant dans les

airs leurs sons graves et harmonieux; il y a là un moment extraordinaire; cette voix vibrante des cloches, l'éclat de la lumière dessinant les grandes ombres de l'obélisque et des statues, se reflétant dans les fontaines, et bientôt le mouvement des voitures qui couvraient la place, les mille paroles du peuple, oui, c'est quelque chose d'indicible, l'âme entraînée par tant d'émotions est saisie d'une sorte d'enivrement.

Le bruit expire à peu de distance de Rome, mais on éprouve encore un vif sentiment de joie en pensant que ce spectacle que nos yeux contemplent, que nous touchons de nos mains, des milliers d'hommes placés à d'énormes distances le contemplent avec nous; on le voit des divers points de la chaîne des monts Albains, comme si on était à Rome même; on l'aperçoit encore des pentes du Soracle; et du haut des montagnes qui avoisinent Viterbe le pasteur qui garde, à l'extrémité de la campagne romaine, ses troupeaux de cavales noires et ses grands bœufs aux cornes formidables, s'associe à la fête; et le marin qui s'approche des côtes de Porto d'Anzio, d'Ostie ou de Fiumicino, peut saluer de loin cet immortel fanal de la chrétienté.

On nous demande ce que faisait l'Eglise quand elle était riche? Elle nourrissait les pauvres, elle bâtissait Saint-Pierre, et elle donnait à la chrétienté ces magnifiques fêtes qui étaient encore des enseignements et des prières.

9 mai, fête de l'Ascension.

C'est à Saint-Jean-de-Latran que de temps immémorial se tient aujourd'hui la chapelle papale, c'est du haut de la loggia du grand portail que le Saint-Père donne, après la messe, la bénédiction solennelle urbi et orbi.

J'ai eu le bonheur d'assister une fois encore à ces admirables cérémonies; tous les récits que j'en ai entendus me paraissent si pâles, si misérables en présence de la réalité, que je laisse à d'autres la tâche de lutter contre ces difficultés, je me bornerai à vous dire le plus simplement possible ce qui m'a le plus frappé.

Le concours extraordinaire des voitures qui, en ces solennités, se dirigent des divers points de Rome vers la basilique privilégiée : voitures des cardinaux, voitures des prélats, voitures des ambassadeurs, voitures de la magistrature, voitures des princes et tant d'autres, toutes plus splendides les unes que les autres, et la plupart employées seulement pour ces grands jours, leur donnent un cachet de fête extraordinaire.

Une large voie de sable jaune occupe le milieu de la chaussée depuis le Vatican jusqu'à Saint-Jean-de-Latran, et indique d'avance aux étrangers la route que suivra le Saint-Père et son cortége.

La basilique était toute tendue de rouge avec un art particulier aux Romains, qui, sous ces mille draperies, savent conserver les formes et les principales décorations architecturales de l'édifice.

Le Saint-Père est arrivé vers dix heures, escorté par nos dragons français. Il est descendu dans la sacristie, et bientôt, précédé des clercs de sa chapelle, des divers ordres de la prélature, des Cardinaux, de sa maison, il a fait son entrée dans l'église, porté sur la sedia gestatoria par douze bussolanti; il a sur la tête la tiare (triregno), et il est revêtu d'une chape blanche.

Le Saint-Père va adorer le Saint-Sacrement à la chapelle Corsini, et il se dirige ensuite par la nef principale vers le trône élevé qui lui a été préparé au fond de l'abside faisant face au grand autel.

Vingt-cinq Cardinaux assistaient à cette cérémonie, ils prennent place à droite et à gauche du Saint-Père, de chaque côté de l'abside, mais sur un plan beaucoup inférieur. C'est un coup d'œil magnifique : tous les membres du sacré collége sont en cappa magna rouge, le Saint-Père porte la cappa blanche. Oui,

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