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l'humanité, discutant avec des hommes pieux sur l'étendue des lois de bienfaisance publique. Voilà ce que j'appelle un mensonge et une hypocrisie.

Voix à gauche : C'est ce que vous dites qui est un mensonge.

M. LE PRÉSIDENT. Vous le voyez, ce sont toujours des attaques personnelles et directes.

Voix à gauche : C'est l'orateur.

M. LE PRÉSIDENT. Autre chose est de parler des factions en général ou de s'adresser nominativement à un orateur; c'est un système de violence continue.

M. THIERS. Je supplie M. le président de ne pas s'apercevoir des injures qui me seraient adressées. Je ne me tiens pas pour offensé.

A gauche: Ni nous non plus par vos injures!

A droite: A l'ordre!

M. LE PRÉSIDENT. Souffrirez-vous au moins que l'orateur parle à la tribune?

M. BAUNE. Oui, pourvu qu'il ne nous attaque pas.

M. LE PRÉSIDENT. Vous n'avez pas de condition à lui imposer, et vous en avez une

à subir c'est le rappel à l'ordre, parce que vous l'avez mérité.

M. THIERS. Vous nous dites tous les jours que le socialisme est un fantôme qu'il nous plaît de promener devant les yeux de la France pour la troubler et l'entraîner dans nos voies.

Le socialisme est-il aujourd'hui la question, oui ou non?

lei M. Thiers prend corps à corps le socialisme lui-même comme parti et comme doctrine : il y a, selon lui, trois socialismes :

Il y en a un criminel, insensé, impraticable, qui ne pourrait pas même être commencé, c'est le communisme, la loi agraire.

Une voix à gauche : C'est une folie.

M. MICHOT-BOUTET. Ce n'est pas vrai. (Murmures à droite.)

M. THIERS. Comment! ce que je dis n'est pas vrai? Est ce que la loi agraire pourrait être essayée? Est-ce qu'il serait dans l'intention de quelqu'un de l'essayer!

Il y en a un second, qui n'est ni moins criminel ni moins impraticable, mais qui pourrait être commencé, c'est celui qui consiste dans l'association universelle.

Il y en a un troisième, fort innocent, j'en conviens, qui n'a qu'un danger, c'est d'être un peu faux, de beaucoup promettre dehors, d'annoncer ici qu'il ne ferait presque rien, et qui, à mes yenx, aurait un danger, ce serait d'être l'instrument des autres. (Approbation à droite.)

La loi agraire, je ne la crains pas; je ne veux pas vivre d'illusions ni en faire vivre mes amis. Voici ce que je crains. Il y a quelques hommes qui ont bien senti, vos principaux docteurs, qu'il ne fallait pas professer la loi agraire, et voici ce qu'on a professé, et ce dont on pourrait commencer quelque chose. On a proposé l'accessibilité au travail Qu'entend-on par l'accessibilité au travail? Le voici: mattre le crédit à la portée de tous les ouvriers. (Bruit à l'extrême gauche.) Vous ne désavouerez pas cela: mettre le crédit à la portée de tous les ouvriers; car le capital est un infâme qui ne se donne que moyennant un intérêt; le capital gratuit! il ne peut pas être gratuit donné par les individus, mais donné par l'Etat ; des banques partout, donnant le capital gratuitement pour dispenser le peuple de cet infâme capital qui ne se donne que moyennant un intérêt. Secondement, le salaire; le salaire est une tyrannie.... (Rumeurs à gauche.) Ces opinions vous paraissent détestables: tant mieux; je veux vous les montrer l'une après l'autre, pour tâcher d'éclaircir la question, et d'en obtenir un désaveu qui, dans les prochaines réunions électorales, puisse servir d'éclaircissement. (On rit.)

Eh bien, le salaire est une tyrannie. Pour que le salaire n'existe plus, on associera tous Jes ouvriers, qni, au lieu d'être des esclaves, parce qu'ils reçoivent aujourd'hui un salaire, seront patrons et speculateurs à leur tour. Et, pour créer ces associations, que fera-t-on ? On prendra, on nous l'a dit, les établissements industriels, les chemins de fer, les mines, les forges, les assurances. Mais on est des honnêtes gens, et l'on payera, on donnera une indemnité préalable.

Ce second système, savez-vous comment je l'appelle? L'expropriation universelle des capitaux mobiliers et industriels. Et le capital de ces banques, et le capital de cette in

demnité préalable pour toutes ces expropriations, avec quoi le fournira-t-on? Oh! oui, je sais bien...

Le capital de ces banques, l'indemnité préalable, avec quoi les fournira-t-on ? Vous n'imaginez pas que ce soit avec le crédit, que ce soit avec ce capital qui se donne si peu volontiers à cerfains savants. Non. On les donnerait avec un capital qui n'a jamais fait défaut aux démocrates, un capital qui a deux qualités, c'est d'être fort docile et d'être illimité, qu'on fait avec l'effigie de la République, avec le papier-monnaie.

Eh bien. il y a un système.... (Bruit à gauche.) Vous nous demandez de dire où est le danger. Eh bien, oui, il n'est pas dans la loi agraire; il est dans de détestables doctrines économiques, que depuis deux ans un grand nombre d'entre vous ont portées à cette tribune, les seules qui aient été déclarées sérieuses par les hommes sincères du socialisme; et toutes ces doctrines ne seraient pas même impraticables dès le début, comme la loi agraire.

Je suis convaincu par ce que vous ai vu faire et proposer depuis deux ans, que si vous aviez une médiocre majorité électorale seulement, vous commenceriez à nous les proposer les unes après les autres; et comme je suis convaincu que vous ne pourriez les pratiquer qu'avec les plus détestables moyens, ce second socialisme qui peut commencer, que je crains, qui est une réalité, c'est l'expropriation générale au moyen du påpier-monnaie. (Agitation et rumeurs à gauche. Assentiment marqué à droite.)

Il faut que la France le sache. Je sais que ces vérités sont importunes, plus importunes que les vérités qui blessent, parce qu'elles mettent en présence de la France tout ce qu'il y a d'abominable ou de vain dans vos projets. d'abominable ou de vain. Oui: ou rien, entendez-vous, ou ces doctrines. Le troisième socialisme, qui ici joue le rôle d'innocent, ce socialisme, il n'a rien ; je l'ai mis au défi bien des fois d'apporter quelque chose; ce troisième socialisme, le seul que vous avouiez, c'est ce que je dis; je l'ai vĩ, j'ai vécu avec lui. Dans les commissions, nous avons tous vécu avec lui, je l'ai beaucoup questionné : ou il est réduit aux doctrines que je viens de dire, le travail accessible, c'est-à-dire le crédit partout avec le papier-monnaie, l'expropriation avec le papiermonnaie, ou il est réduit à quoi? A rien.

Eh bien, ce socialisme innocent qui se présente ici comme un philanthrope seulement, ce socialisme, savez-vous ce que je crains de sa part? Je crois qu'il suffirait pour bou leverser la société, pour la couvrir de ruines; et ces socialistes innocents qui disent qu'ils nous viendraient en aide contre les méchants, contre le méchant socialisme de Londres, ou contre celui de l'Italie, voici ce que je leur réponds : Nous avons vu ici le rôle des républicains du lendemain et des républicains de la veille, et nous avons vula manière dont les républicains de la veille traitaient les républicains du lendemain. Eli bien, les socialistes de la veille ne feraient pas autrement; ils traiteraient les socialistes du lendemain comme des gens de peu de foi, de peu d'utilité, qui devraient suivre les autres, et tandis que vous avez repoussé, quelques-uns d'entre vous, que vous avez repoussé, avec nous, il y a deux ans, le papier-monnaie, l'impôt progressif et les expropriations qu'on méditait, vous ne le pourriez plus, vous ne l'oseriez plus, et vous voteriez tout ce que vous avez repoussé il y a deux ans. (Approbation sur les bancs de la majorité.)

Maintenant voulez-vous qu'en présence des dangers immenses qui nous menacent, car quelques voix changées pourraient amener ces résultats terribles, nous avons croisé les bras et que nous avons regardé indifféremment notre pays exposé à de telles calamités ? J'en appellerai à votre souvenir. Je suis devant des hommes qui ne se sont jamais crus obligés à respecter les constitutions des gonvernements sous lesquels ils ont vécu (Sourires à droite), qui n'ont jamais hésité à les renverser quand ils ont pu. Pour quel but? Pour la République, disaient-ils, et pour faire marcher sous cette forme de gouvernement la liberté plus vite; et on sait quelquefois que, pour la faire marcher plus vite, on la précipite et on la ruine.

Eh bien, est-ce que nous, en présence du danger auquel nous croyons tous da plus profond de nos cœurs, si nous avions imité votre conduite au nom de ces principes qui vous ont fait renverser tant de gouvernements et de constitutions, nous serions plus cou*pables que vous? Non, et nous aurions pour excuse une excuse bien plus grave que de faire marcher la liberté plus vite, celle de sauver la société.

On nous dit tous les jours: Comment! devant des hommes qui ont créé, sans consulter la France, un gouvernement... (Exclamations bruyantes à gauche)... Oui, sans la consulter...

Sur les bancs de la majorité: Oui! oui!

M. FAVREAU, avec force. Oui, sans consulter la France! (Agitation prolongée.)
Un membre à l'extrême gauche: Il fallait la consulter en 1815!

Autre membre à gauche : Et en 1830?

M. THIERS.... Devant des hommes qui ne se sont imposé le respect d'aucune loi, qui ont mis le soin le plus astucieux à enchaîner l'avenir, de manière que l'opinion publique ne pût pas se produire, devant ces hommes vous vous laissez arrêter quand il s'agit du salut du pays. Voilà ce qu'on nous a dit de tous côtés.

Cependant, nous nous sommes imposé le devoir de rester fidèles à la Constitution, non pas parce que la conduite antérieure de nos adversaires nous imposait une semblable conduite, mais parce que nous le devons à notre parti. Le rôle de notre parti c'est d'accepter le gouvernement établi, non pas de le détruire dês qu'il nous déplaît et même dès qu'il nous alarme, mais de chercher à l'améliorer, et de le ramener de la voie du mal vers la voie du bien; voilà notre rôle, voilà ce que nous avons voulu.

M. Thiers établit avec une grande force que la condition de domicile n'est pas contraire à la Constitution :

Vous dites que le domicile est contraire à la Constitution. Je vous adresse une question: Y a-t-il quelque part, dans la Constitution, un texte qui interdise de se servir de la garantie du domicile? Je dis: non! Et tant que vous n'apporterez pas un texte, je vous dirai que ce qui n'est pas interdit par la loi est permis, que ce qui n'est pas interdit pas la Constitution, nous pouvons le faire. (Rumeurs à gauche. Vive approbation à droite.)

Je dis que la Constitution n'a interdit que les choses que voici : de changer l'âge, d'employer le cens, d'établir le suffrage à deux degrés; elle n'a interdit que ces trois choses. Je défie de trouver dans son texte quelque chose qui interdise le domicile.

Y a-t-il dans le domicile uue garantie morale? Nous répondons oui. Cette garantie, je vais vous la dire.

L'homme n'a toute sa valeur morale, suivant nous et suivant tous les temps, que dans la cité où il a toujours vécu sous les yeux de ses concitoyens, observé, jugé par eux, apprécié par eux; l'homme déplacé, je tiendrai compte tout à l'heure des déplacements légitimes, mais en général l'homme déplacé, qu'on appelle le vagabond, n'a plus sa valeur morale... Murmures à l'extrême gauche.)

Ce qui est constant pour tout homme qui a quelque connaissance du cœur humain, c'est que les causes qui agissent sur l'homme, qui le maintiennent dans le bieu d'où ses passions le portent bien souvent à sortir, que les influences bienfaisantes sont de diverses espèces; la première, la plus noble, c'est la conscience; la seconde, c'est l'opinion de ses semblables; la troisième, c'est la loi, la crainte du châtiment.

Pour les âmes les plus délicates et les plus élevées la conscience suffit, comme pour les plus mauvaises il faut la crainte matérielle du châtiment légal. Mais, pour la masse, qui est la moyenne de l'humanité, il faut à la fois la conscience et l'opinion des hommes. (Très-bien! très-bien!)

Ce sentiment est si profond, est si général, que tout homme redoute, surtout après avoir rougi aux yeux de lui-même, de rougir aux yeux de ses concitoyens. Aussi, voyez ce qui se passe dans la société : un homme a-t-il commis une faute, que s'il lui reste un sentiment d'honneur, il s'expatrie, il se déplace pour n'avoir pas à rougir devant ses concitoyens. (C'est vrai! Très-bien!) Sans avoir même commis de faute, a-t-il sculement encouru des malheurs de fortune, il ne veut pas changer de situation aux yeux de ses concitoyens; et, s'il lui faut passer d'une situation élevée de fortune à une situation médiocre ou indigente, il se déplace encore, toujours pour ne pas souffrir sous les yeux de ses concitoyens. (Très-bien!)

Eh bien, la vérité, c'est que l'homme vrai, le vrai citoyen, il faut le prendre au milieu des siens, sous leurs yeux, connu d'eux, les connaissant: connu d'eux, s'il veut exercer de l'influence; les connaissant, s'il veut en subir. C'est pour cela que la garantie la plus

morale, la plus importante que nos adversaires nous ait laissée, celle du domicile, nous l'avons employée, et nous l'avons employée dans toute son étendue. (Approbation à droite.)

M. THIERS. Maintenant, savez-vous qui nous avons exclu? Nous avons exclu cette classe d'hommes dont on ne peut saisir le domicile nulle part: c'est cette classe qu'on a déjà nommée, celle des vagabonds; ce ne sont pas les indigents. Je sais bien tout ce qu'on peut dire de respectable, d'intéressant, en parlant de la pauvreté. Si c'était la pauvreté, les objections pourraient être prises en sérieuse considération; je vous ferai remarquer cependant, que si dans une société chrétienne et civilisée, la pauvreté est ce qu'il y a de plus intéressant au monde, cependant, aux yeux du législateur politique, tout en faisant pour elle tout ce qu'on peut, et tout ce qu'on peut est tout ce qu'on doit; en voulant faire tout ce que l'on peut et tout ce que l'on doit, cependant vous ne voudriez pas lui livrer le gouvernement de la société. Vous devez aux hommes qui sont à Bicêtre tous les soins de la commune de Paris, vous leur devez tout son zèle, toute sa fortune disponible; mais cependant, dites-le moi, est-ce une république bien ordonnée que celle dans laquelle quelque mille voix prises à Bicêtre ou à la Salpêtrière décideraient d'une élection? Non! Il faut tout faire pour le pauvre, mais, j'ose le dire à la tribune, il faut tout faire, excepté cependant de lui donner à décider les grandes questions où s'agitent le sort et l'avenir du pays. Oui, tout pour les pauvres, et cependant le gouvernement, non! (Vive approbation à droite.)

Maintenant, ces hommes que nous avons exclus, sont-ce les pauvres? Non. Ce n'est pas le pauvre, c'est le vagabond, qui souvent, par des moyens licites ou illicites, gagne des salaires considérables, mais qui ne vit pas dans un domicile à lui appartenant; qui se hâte, quand il est sorti de l'atelier, d'aller au cabaret; qui ne met aucun intérêt i son domicile, aucun. Savez-vous pourquoi ? Qui ne met aucun intérêt à son domicile, parce que souvent il n'a pas de famille, ou quelquefois, quand il en a, il ne l'intéresse pas à l'asile qu'il habite.

Il y a une quantité de ces vagabonds qui ont des salaires considérables; d'autres qui, par des moyens illicites, gagnent suffisamment pour avoir un domicile, qui n'en veulen! pas avoir. Ce sont ces hommes qui forment, non pas le fond, mais la partie dangereuse des grandes populations agglomérées; ce sont ces hommes qui méritent ce titre, l'un des plus flétris de l'histoire, entendez-vous, le titre de multitude. Oui, je comprends que certains hommes y regardent beaucoup avant de se priver de cet instrument; mais des amis de la vraie liberté, je dirai les vrais républicains, redoutent la multitude, la vile multitude qui a perdu toutes les républiques. Je comprends que des tyrans s'en accommodent, parce qu'ils la nourrissent, la châtient et la méprisent. (Vive approbation et bravos à droite.) Mais des républicains chérir la multitude et la défendre, ce sont de faux républicains, ce sont de mauvais républicains. (Même mouvement.) Ce sont des républicains qui peuvent connaître toutes les profondeurs du socialisme, mais qui ne connaissent pas l'histoire. Voyez-la à ses premières pages, elle vous dira que cette miséra ble multitude a livré à tous les tyrans la liberté de toutes les républiques. C'est cette multitude qui a livré à César la liberté de Rome pour du pain et des cirques. (Très-bien! très-bien !)

C'est cette multitude qui, après avoir accepté en échange de la liberté romaine du pain et des cirques, égorgeait les empereurs; qui tantôt voulait du misérable Néron, et l'égorgeait quelque temps après, par les caprices aussi changeauts sous le despotisme qu'ils l'avaient été sous la république; qui prenait Galba, et l'égorgeait quelques jours après parce qu'elle le trouvait trop sévère; qui voulait le débauché Othon; qui prenait l'ignoble Vitellius, et qui, n'ayant plus le courage même des combats, livra Rome aur barbares. (Applaudissements à droite.-Agitation.)

C'est cette vile multitude qui a livré aux Médicis la liberté de Florence; qui a, en Hollande, dans la sage Hollande, égorgé les Witt, qui étaient, comme vous saver, les vrais amis de la liberté; c'est cette vile multitude qui a égorgé Bailly; qui, après avoir égorgé Bailly, a applaudi au supplice, qui n'était qu'un abominable assassinat, des Girondins; qui a applaudi ensuite au supplice mérité de Robespierre; qui applaudirait au vôtre, au nôtre; qui a accepté le despotisme du grand homme, qui la connaissait et savait la soumettre; qui a ensuite applaudi, à sa chute, et qui, en 1815, a mis une corde

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à sa statue pour la faire tomber dans la boue. (Applaudissements et bravos répétés sur tous les bancs de la majorité.)

M. BIXIO. Ce sont des mouchoirs brodés qu'on lui avait attachés au cou.

M. NAPOLÉON-BONAPARTE, de sa place. Ce sont les royalistes. (Vive agitation.) A ce moment, éclate la scène de violence dont nous avons hier rendu compte. A la reprise de la séance, M. Thiers termine ainsi : M. THIERS. Le peuple, le vrai peuple, celui que nous voulons appeler dans les comices, ce vrai peuple, il souffre des crimes de ce que j'appelle la multitude.... Vous êtes donc les adorateurs sincères, passionnés, exclusifs du suffrage universel. Le suffrage universel, il est au-dessus de tout, il faut que tout le monde lui obéisse. (Oui! très-bien!) Vous êtes tous ses admirateurs, ses partisans passionnés, invariables. Ecoutez-moi ces jours derniers, quelles questions a-t-on posées dans ces réunions électorales dont vous voulez qu'on parle avec tant de respect? On a posé cette question: Entre la République et le suffrage universel, qui est-ce qui doit l'emporter ?

Cela voulait-il dire ceci : Si, par exemple, le suffrage universel voulait renverser la République, le pourrait-il? Qu'avez-vous répondu, vous? Je vous demande pardon..., pas vous, ceux que vous représentez peut-être; qu'avez-vous répondu? Non, le suffrage universel est au-dessous de la République.

Et je vous adresse cette question; je vous l'adresse de nouveau:

Supposez que le suffrage universel repoussât, par son choix ou autrement, la République, qu'en penseriez-vous? Vous diriez ce qu'ont dit ceux que vous représentez, que la République est au-dessus du suffrage universel. Eh bien, qu'est-ce que cela prouve? C'est que le suffrage universel n'est tout simplement qu'un esclave que vous entendez stenir à votre volonté... (Assentiment à droite.) à qui vous voulez faire ce qui vous plaît; que vous respectez quand il est de votre avis; que vous ne respectez plus quand il n'est plus de votre avis. (C'est céla! c'est cela! Vive approbation à droite. - Dénégations à gauche.)

Aussi quand on nous dit que le suffrage universel, entendu comme vous l'entendez, est la paix publique, voici ce que c'est pour nous : c'est la paix quand il vous plaît de l'accorder à la société; c'est la guerre quand vous croyez la guerre utile; ce n'est pas autre chose. Aucun de nous, quoique vous nous ayez appelés naïfs, n'est assez naïf pour se tromper sur cette vérité. (Rires d'assentiment sur les bancs de la majorité.)

Affaire anglo-grecque.

La publication d'une partie des documents diplomatiques relatifs à l'intervention française dans cette question, nous permet d'en donner à nos lecteurs un exposé que nous complèterons s'il est nécessaire quand nous aurons connaissance des pièces qui s'impriment pour être distribuées à l'Assemblée nationale.

On se rappelle qu'une flottille anglaise, sous les ordres de l'amiral Parker, parut en vue du Pirée pour soutenir des réclamations pécuniaires élevées par l'Angleterre, et pour obtenir réparation de quelques mauvais traitements qu'avaient éprouvés des marins du Fantôme. Le blocus fut déclaré, des bâtiments capturés. La France ne pouvait pas rester spectatrice impassible de ces mesures rigoureuses inopinément adoptées contre un gouvernement allié; le général de Lahitte fit exprimer la surprise du gouvernement français à lord Palmerston, qui répondit avec quelque hauteur. M. Drouin de Lhuys fut envoyé à Londres, tandis que M. Gros était chargé de négocier à Athènes avec M. Wyse, représentant de l'Angleterre.

Dès la première entrevue, notre ambassadeur expose nettement

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