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gouvernement, ce qu'il gagne à accorder spontanément des permissions qu'on ne lui demande pas et à déclarer avec pompe qu'il autorise ce qu'il n'a ni le droit ni la possibilité d'empêcher.

En abordant d'ailleurs des sujets qui ne sont pas de leur compétence, les rédacteurs des Rapports et des Décrets en matière canonique exposent le style administratif à des écucils où il manque rarement de trébucher, et il leur arrive presque toujours de rendre ridicule ce qui avait déjà le tort d'être puéril.

C'est ainsi qu'on autorise la continuation des Conciles là où ils n'ont pas encore été tenus. Simple lapsus calami sans doute. Et dans la même phrase on semble ignorer, 1° que les saintes assemblées qui ont lieu dans les diverses provinces ecclésiastiques sont tout à fait indépendantes les unes des autres, et 2o que le motif unique, mais péremptoire de leur réunion, c'est qu'elles sont prescrites par les lois de l'Eglise, et qu'elles n'ont été suspendues que par les prétentions arbitraires et usurpatrices de l'Etat.

En droit, la validité des articles organiques qu'on invoque a toujours été contestée par les plus éminents jurisconsultes; et le SaintSiége a formellement protesté contre la loi du 18 germinal an x, à cause des dispositions subrepticement ajoutées par cette loi au traité rédigé par le concert des deux puissances. Enfin, depuis l'époque où ces dispositions ont été promulguées, elles sont devenues tout-à-fait

inexécutables.

Au lieu donc de rappeler par des mesures soi-disant conservatoires et d'évoquer sans opportunité aucune, le souvenir de tracasseries et de défiances auxquelles on est bien forcé de renoncer en ce moment, il serait beaucoup plus sage, sans contredit, de se rendre à l'évidence, de reconnaître que de telles lois, si elles ont jamais existé, sont tombées en désuétude et de ne pas laisser soupçonner qu'on ait l'arrière-pensée, en les laissant dormir aujourd'hui, de les réveiller jamais !

Le Moniteur publie encore ce matin l'arrêté suivant :

« Le ministre secrétaire d'Etat au département de l'instruction publique et des cultes,

Vu l'art. 1er de la loi du 15 mars 1850.

Vu les art. 1 et 5 dn règlement d'administration publique du 8 mai 1850,
Arrête :

Les différents corps chargés d'élire les membres du conseil supérieur de l'instruction publique, procéderont à cette élection aux époques ci-après déter

minées.

◄ Les Archevêques et Evêques transmettront les bulletins contenant l'expression de leurs votes, du 1er au 27 juin inclusivement.

Le jour de l'élection à faire par le consistoire central israélite est fixé du 1er, au 10 juin.

Celui de l'élection des consistoires de l'Eglise réformée et de la confession d'Augsbourg, au 17 juin.

« L'élection par

le conseil d'Etat aura lieu du 1er au 10 juillet. Celle des membres choisis par la cour de cassation, du 10 au 20 juillet. « L'élection par l'assemblée générale de l'Institut, du 20 au 30 juillet. Fait à Paris, le 24 mai 1850.

« DE PARIEU. >>

Nous avons eu déjà sur ce sujet un Rapport et un Décret, indépendamment de l'article de la loi, qui est de la plus facile exécution. Voici maintenant un arrêté ministériel. Il serait bon pourtant de ne pas pousser trop loin cette manie de règlementation.

Pourquoi déterminer que l'élection aura lieu de tel jour à tel autre pour un corps, de tel jour à tel autre pour un autre, et ainsi de suite? Il était bien plus simple et plus convenable, ce semble, d'indiquer seulement un terme unique au délai dans lequel les personnes chargées de l'élection devraient envoyer leurs votes et faire leurs désignations.

Nous voyons du moins avec plaisir que NN. SS. les Evêques, devant faire les premiers leur choix, aient un peu plus de temps pour procéder à cette opération. Sans cela, ils se trouveraient dans une situation moins favorable que les autres corps, et il faut qu'ils puissent se concerter et s'entendre de la manière qu'ils jugeront la plus utile et la plus digne.

Un arrêté du ministre de l'instruction publique pour la distribution des bourses dans les lycées, établit 1° que le nombre total de ces bourses reste fixé pour cette année à mille quarante, non compris celles d'Alger et des colonies; 2° que la moitié de ces bourses devant être données au concours et réparties proportionnellement entre les divers départements, il y a des départements qui en possèdent 5, 4, 3 même, et que pas un, pas même celui de la Seine, n'en a plus

de 17!

C'est bien peu de chose, comme on voit, et cependant la charge que s'impose l'Etat pour obtenir cet infime résultat est d'un poids considérable au budget.

L'Etat ne se mêlait pas de fournir l'instruction gratuite avant 1789, et cependant, au rapport même de M. Villemain, « en 1789, SUR LES SOIXANTe-douze mille SEPT CENT QUARANTE-SEPT enfants qui recevaient l'instruction dans les 502 colléges alors existants, il y en avait QUARANTE MILLE SIX CENT VINGT ET UN qui étaient élevés GRATUITEMENT. » Et on ne comprend pas ici TROIS MILLE DEUX CENT QUARANTE-NEUF bourses affectées aux séminaires et à des destinations spéciales, ni les innombrables enfants des écoles élémentaires (1).

Ce chiffre ne suffit-il pas ? C'est le plus magnifique éloge de la charité chrétienne, uniquement protégée par la liberté !

(1) Histoire de l'instruction publique en France, per M. H. de Riancey, premier volume, p. 391.

A propos des bourses actuelles, nous ferons remarquer qu'elles sont toutes accordées dans des établissements publics. N'y aurait-il pas justice et bonne administration à en affecter quelques-unes aux établissements privés qui se distingueraient par leurs succès et leur

renommée?

L'Univers ajoute les renseignements suivants à la réponse que M. de Montalembert a faite aux allégations du National:

Hier le National savait de source certaine que le 24 février M. de Montalembert s'était enfui précipitamment à Bruxelles; aujourd'hui il affirme savoir non moins sûrement où il s'est caché. Malgré ses premières erreurs, nous ne doutons pas que le National n'ait une excellente police secrète; cependant, nous lui rendrons le service de compléter les renseignements qu'il dit avoir reçus.

‹ Le 24 février au soir, M. de Montalembert était à la rédaction de l'Univers, au moment même où un estafier de MM. Caussidière et Sobrier nous apporta la liste définitive et officielle des membres du gouvernement provisoire.

Le 25, M. de Montalembert convoqua les membres du Comité pour la défense de la Liberté religieuse, afin de leur demander s'ils ne jugeaient pas, comme lui, qu'il fallait que le Comité fit immédiatement acte de vie.

« Le 26, M. de Montalembert nous apporta un article sur la situation, article signé, et qui parut le lendemain, 27, en tête de nos colonnes.

«Venir tous les jours dans les bureaux d'un journal, convoquer un Comité, le présider, écrire des articles et les signer, il nous semble que cela ne s'appelle pas précisément se cacher. Mais le National soutiendra son dire: un démocrate comme lui ne se rétracte pas pour si peu.▸

Voici comment le Moniteur catholique à cru devoir rendre compte à ses lecteurs, de la scène si émouvante et si instructive qui a ouvert la séance d'hier:

« M. de Montalembert avait décoché hier contre M. Victor Hugo absent des épigrammes si acérées que l'on devait s'attendre à une lutte passionnée entre les deux orateurs. Cette lutte s'est engagée, en effet, au début de la séance; récriminations violentes, paroles acerbes, coups d'estoc et de taille, auxquels applaudissaient avec transport les tenants des rivaux; rien n'y a manqué, rien, si ce n'est la vérité et la justice, sans lesquelles l'éloquence n'est qu'un amas de paroles sonores; rien, excepté la charité. Tirons un voile sur ce tableau doulou

reux. »

Nous regrettons que le Moniteur catholique n'ait pas mieux apprécié la leçon sévère donnée par M. de Montalembert à M. Victor Hugo, et l'effet produit par ces éloquentes paroles où tout le monde a admiré la dignité la plus fière comme l'indignation la plus légi

time.

Au reste, le Moniteur catholique est récompensé. Il obtient ce matin les éloges du journal saint-simonien le Crédit.

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On lisait hier dans l'Univers:

« Nous trouvons aujourd'hui dans le Moniteur catholique un article auqnel les rapports de ce journal avec l'archevêché de Paris et la collaboration active de M. l'abbé Bautain, vicaire-général et promoteur du diocèse, donnent une gravité singulière, et que nous chercherions vainement à dissimuler. Cet article a pour titre Lettre de S. E. Mgr le Nonce apostolique à NN. SS. les Evêques de France, et commence ainsi :

« Après avoir lu et relu cette lettre avec la plus grande attention, avec le res⚫pect et la soumission filiale que nous inspire tout ce qui émane directement ⚫ ou indirectement du Saint-Siége, nous ne pouvons, en toute sincérité, y voir ce que certaines personnes y ont vu, savoir une approbation par le SaintPère de la loi nouvelle sur l'enseignement, et une invitation formelle du Pape aux Evêques de France d'y prendre part d'une manière active.»

Si l'Ami de la Religion est le seul dans le monde qui ait vu dans la lettre de S. E. Mgr le Nonce une approbation de la loi sur l'enseignement, le Moniteur catholique est bien le seul aussi qui n'y ait pas vu une invitation du Pape aux Evêques de prêter leur concours à l'exécution de cette loi. Nous sommes convaincus que les paroles du Moniteur catholique ne rendent pas exactement sa pensée, et que des explications catégoriques rassureront tous ceux que son article de ce jour aurait pu alarmer; mais nous n'en devons pas moins protester dès à présent que nous ne partageons, pour notre compte, en aucune manière, l'opinion que ce journal paraît exprimer. Plus notre opposition à la loi a été vive et persévérante, plus il nous importe qu'aucun nuage ne puisse s'élever sur la sincérité et l'intégrité de notre soumission aux directions du Vicaire de Jésus-Christ. Cette soumission nous avait paru chose si simple et si naturelle, qu'il ne nous était pas même venu à la pensée que personne pût la révoquer en doute, ni qu'aucune feuille catholique pût jamais s'exprimer de façon à rendre nécessaires de pareilles explications. Nous regrettons profondément que le Moniteur catholique ait employé un langage assez équivoque pour nous mettre dans cette nécessité, et nous avons la confiance qu'il nous obligera bientôt de reconnaître que nous l'avons mal compris. >>

Nous n'avions pas voulu reproduire cet article avant de pouvoir y joindre la réponse et les explications du Moniteur catholique. Ce journal se tait ce matin. Nous savons du reste que Mgr l'Archevêque de Paris n'accepte aucunement la responsabilité des articles du Moniteur catholique.

Discours de M. Thiers sur la réforme électorale.

Après les paroles que nous avons citées hier dans le compte-rendu de l'Assemblée, l'honorable représentant s'est exprimé en ces termes :

M. THIERS. Messieurs, l'honorable orateur qui m'a précédé à cette tribune nous adressait une sommation: c'était d'apporter ici, le plus tôt possible, les raisons de la loi.

Je vais essayer, cependant, de répondre le plus tôt possible, et, comme on le disait hier, en empruntant le langage d'un socialiste célèbre, par la ligne droite. C'est pour remplir plus tôt cet engagement que je n'userai pas de représailles, dont on m'a bien donné le droit; car si j'usais de cette maxime que, dans une occasion mémorable, j'adressais à M. Ledru-Rollin, qu'on donne à ses adversaires des libertés égales à celles

qu'on prend avec eux, je pourrais, en mon nom et au nom de mes amis, prendre de grandes libertés à l'égard de nos adversaires. Mais, je l'avoue, je me tiens, et je tiens tous nos amis pour suffisamment vengés par les nobles paroles de M. de Montalembert, de cette littérature vaine, déclamatoire, née de la corruption des esprits, et qui était bien digne de devenir la langue de la démagogie. (Applaudissements vifs et prolongés sur les bancs de la majorité.)

La loi, Messieurs, il faut, pour la bien connaître, exposer les intentions de la commission et les moyens dont elle s'est servie.

Ces intentions, les voici. Nous sommes convaincus que le danger est réel, qu'il est immense; nous voudrions bien pouvoir nous dire à nous-mêmes, avec quelque sérieux, que c'est une illusion; nous voudrions bien n'être que des maniaques ayant peur; mais nous craignons de n'être que des hommes prévoyants et qui, peut-être, se font une ilusion, celle de ne pas croire assez à toute l'étendue du mal.

Messieurs, on nous dit tous les jours que la loi est née des deux élections du 10 mars et du 28 avril. Cela n'est pas exactemement vrai; mais c'est vrai à un certain degré, j'en conviens. Oui, le danger nous était connu; je ne m'étais pas converti, comme on me l'a fait dire inexactement, au suffrage universel; car si, depuis deux ans, je me suis résigné à beaucoup de choses, je ne me suis converti à aucune.

M. MATHIEU (de la Drôme). Excepté aux Jésuites! (Rires à droite.)

M. THIERS. Ni mes amis, ni moi, nous ne nous étions dissimulé les dangers du suffrage universel, tel qu'il est organisé aujourd'hui en France; mais savez-vous ce qu'ont fait ces deux élections? C'est de donner au danger une évidence telle que cette évidence est devenue l'opportunité de la loi.

Commençons par la première, celle du 10 mars.

Quel a été le motif qui a fait choisir le candidat? Certainement je comprendrais parfaitement qu'on l'eût choisi pour lui-même; mais, soyons sincères, et, en accusant nos voisins d'hypocrisie, commençons par ne pas être hypocrites nous-mêmes. Pour quel motif a-t-on choisi l'honorable M. de Flotte? Est-il vrai, oui ou non, qu'on a choisi ce qu'on appelle un insurgé de juin, un homme qui avait figuré dans les journées de juin, non de ce côté-ci, mais de l'autre côté des barricades?

Voilà la première élection.

Voyons, faut-il être des maniaques bien préoccupés pour attacher à cette élection un sens terrible et redoutable pour la société ? Je vous fais juges de cette question et de l'effet qu'elle a pu produire sur nous. (Très-bien! très-bien!)

Maintenant, je passe à la seconde.

Il y avait en présence deux candidats: M. Dupont (de l'Eure), représentant l'opinion républicaine simple, et M. Eugène Sue qui, à tort ou à raison, je dis à tert ou à raison, représentait ces idées que nous considérons comme subversives; et c'est par ces opinions, beaucoup plus franchement exprimées dans les réunions électorales qu'ici, que M. Eugène Sue a eu la majorité.

Eh bien, denx fois de suite ont eu lieu dans Paris, la capitale de la France, deux élections, dont l'une signifiait quoi? l'apologie de l'insurrection; l'autre quoi? l'acceptation au nom des pouvoirs publics des doctrines que nous nommons le socialisme.

Si deux élections pareilles n'ont pas parlé clairement à tous les esprits, il faut renoncer à toute intelligence des choses.

On demandait hier: Qui trompe-t-on? Je demanderai aussi aux hommes qui parlent depuis plusieurs jours d'hypocrisie, de mensonge, de cafardise, de duplicité, de naïveté, je demanderai: Qui trompe-t-on? Dans toutes les réunions électorales où on avait un public choisi, on a attaqué sans pudeur.....

M. NADAUD. Jamais!

Au centre et à droite: A l'ordre! à l'ordre!

M. LE PRÉSIDENT. Je vous rappelle à l'ordre et pour avoir interrompu et pour vous. être rendu l'organe et le défenseur d'hommes de désordre.

M. THIERS. Je répète qu'on attaque sans mesure, sans pudeur les lois les plus respectables, les lois éternelles de la société humaine. Et puis, quand le résultat est obtenu, quaud il s'agit de résister aux lois qui sont faites pour conjurer les dangers publics, aucun de ces langages n'étant sérieux, on les désavoue, on n'est plus ici que les amis de

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