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ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE.

Séance du 22 mai. — PRÉSIDENCE DE M. DUPIN.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur la loi électorale.

M. BÉCHARD trace un historique très - curieux de nos Constitutions républi caines. Il prouve que la qualité d'électeur a toujours été attachée à celle de citoyen, et celle-ci à la condition du domicile.

M. CANET soutient avec beaucoup de talent une thèse toute contraire. A l'en croire, les auteurs de la Constitution ont repoussé toute condition de domicile.

M. DE MONTALEMBERT. Messieurs, permettez-moi de vous rappeler que nous sommes encore dans la discussion générale. Je n'entrerai dans aucun détail. Ce n'est pas encore le moment.

Je ne crois pas le terrain des généralités épuisé ; je demande à y rester. Je vais aborder de front deux grandes objections qu'on fait contre l'esprit général de la loi.

On nous reproche de violer la Constitution, on nous reproche de porter atteinte au suffrage universel. Quant à la violation de la Constitution, je viens ici le deuxième des dix-sept membres qui ont préparé la loi, je viens ici opposer à cette affirmation une dénégation consciencieuse, énergique, complète.

Non, nous n'avons pas voulu violer la Constitution. Si nous l'avions voulu, nous serions hommes à vous le dire; nous vous l'aurions dit. On vous démontrera complétement dans la discussion des articles que nous n'avons pas violé la Constitution. Nous sommes entrés dans cette discussion, nous en sommes sortis avec la ferme résolution de respecter la lettre et l'esprit de la Constitution.

Nons avons voulu aller jusqu'où la Constitution nous permettait d'aller; rien de plus. J'ajouterai que nous l'avons peut-être trop respectée, et si notre loi prête à une objection, c'est-à-dire si elle est inefficace, c'est parce que nous nous sommes inclinés devant les entraves fatales de la Constitution. (Très-bien !)

Je dis fatales parce que nous les avons respectées; si nous ne les avions pas respectées, elles seraient nulles. Après cette affirmation, je veux traiter devant vous cette question de la violation de la Constitution, le prétexte des attaques contre la société, qui nous désolent depuis un an. Puisque c'est là l'accusation qu'on dirige continuellement contre nous, il faut la dissiper.

Je suis d'autant plus à l'aise dans cette discussion que j'ai voté contre la Constitution; mais je me hâte de dire que cela ne me dispense pas de lui obéir. Je laisse cette théorie de désobéissance possible à la loi qu'on n'a pas faite, je la laisse aux républicains de la veille et aux conspirateurs émérites que la révolntion de février a mis sur le pavois. Quant à moi, je reconnais que la Constitution a droit à mon respect et à mon obéissance, mais je ne lui dois pas cette superstition, qui m'étonne de la part des hommes qui sont aujourd'hui les pontifes de ce culte nouveau et qui ont passé leur vie à attaquer la société et les lois. (Très-bien!)

Je ne dis pas cette parole pour M. Cavaignac, qui a loyalement servi son pays sous la royauté et que la royauté en a loyalement récompensé. Je ne dis pas cela non plus pour M. Victor Hugo, s'il était ici. (Hilarité prolongée.)

Voix de la droite: Il a soin de n'y pas être.

Autres voix Il a peur d'être obligé de répliquer.

M. DE MONTALEMBERT. S'il était ici, je ne m'adresserais pas non plus à M. Victor Hugo; car je consulte les antécédents de sa vie, je vois qu'il a chanté toutes les causes, qu'il les a toutes flattées, qu'il les a toutes reniées. (Très-bien ! - Applaudissements.)

C'est une vieille habitude chez M. Victor Hugo. Il se dérobe au service des causes vaincues, comme il se dérobe aussi aux représailles qu'on a droit d'exercer contre lui.. (Triple salve d'applaudissements à droite.)

Voix: On dit que M. Victor Hugo est dans les couloirs publics. (Rires.)

M. DE MONTALEMBERT. J'adresse mes reproches aux hommes qui sont hors de cette enceinte, aux ex-constituants qui commandent la guerre faite à la loi que nous discutons. Et j'ai lieu de m'étonner que ceux qui ont passé leur vie à combattre toutes les lois, de leur plume ou de leur épée, n'aient compris les conditions vitales de toute société que quand ils ont été ministres, préfets ou ambassadeurs. (Rires et applaudissements à

droite.

Nous croyons, à ce moment, entendre un coup de sifflet qui interrompt l'orateur et provoque l'indignation de l'Assemblée.)

M. LAGRANGE. Et moi?

Une voix: Vous ne comptez pas.

M. DE MONTALEMBERT. Je dirai à M. Lagrange, avec toute la bienveillance que la franchise de son langage inspire même à ceux qui ne peuvent approuver ni sa conduite politique, ni son passé, je lui dirai que c'est trop tôt ou trop tard pour se poser en champion de la Constitution; trop tard, quand pendant toute sa vie on a attaqué les lois du pays; trop tôt, quand on parle au nom d'un parti qui n'a pas, comme nous, donné pendant soixante ans des garanties de sa docilité aux lois. Attendez donc que vous ayez fait, pour raffermir la société, autant d'efforts que vous en avez faits pour la battre en brèche.

M. LAGRANGE se lève et essaie de se faire entendre.

De toutes parts: Non! non!

M. DE MONTALEMBERT. Je rappellerai à ces défenseurs ardents de la Constitution qu'un peu de modestie ne mesised à personne, pas moins aux législateurs qu'aux guerriers, pas moins aux assemblées qu'aux individus. Eh bien! on a beau avoir fait une Constitution, il faut être modeste bien que cette Constitution porte la signature de M. Pascal Duprat. (Rires.) Mais il y a eu bien d'autres Constitutions signées de noms illustres, celle de la Constituante, de la grande (nouveaux rires), celle de Napoléon, celle de Louis XVIII, celle de Louis-Philippe. Ces signature sillustres ne les ont pas fait vivre.

C'est que les Constitutions ne vivent qae par leurs bienfaits, par leur accord avec les mœurs et les besoins de la société, par le tamps enfin.

Et je remarque une chose, c'est que plus longtemps ont été discutées les Constitutions

et moins elles ont vécu.

La Charte de 1814, qui ne fut pas discutée, a vécu seize ans. La Charte de 1830, qu'on a surnommé la Charte bâclée, a valu au pays dix-huit ans de prospérité et de liberté, que nous retrouverons, Dieu sait quand. (Sensation.)

La Constitution de 1791, au contraire, fut discutée pendant vingt-six mois, et elle a vécu pendant un an, pas tout à fait la moitié du temps qu'avait pris sa discussion. (Nouveau mouvement.)

La seule Constitution sérieuse, qui est la Constitution britannique, n'a pas été

discutée.

Je prends, pour mon compte, la Constitution pour ce qu'elle est, pour la loi fonda

mentale du pays.

Je suis son sujet; vous, vous êtes ses amis.

Je ne puis m'empêcher de remarquer que vous, ses amis, vous lui rendez la vie bien dure. (Hilarité prolongée.)

Vous lui rendez d'abord la vie dure en permettant que le socialisme la prenne pour enseigne; ensuite, en la représentant toujours comme violée ou à la veille de l'être. Je dis que cela est puéril, honteux. La violation d'une Constitution ne se discute pas, elle

se sent.

Je le répète, cela est puéril et ridicule. Cela rappelle la fable de ce petit imbécile de berger qui gardait ses moutons et ne cessait de crier: Au loup! au loup! Si bien que quand le véritable loup est venu... (Hilarité prolongée et approbation) quand le vrai loup survint, personne ne bougea, personne n'alla au secours du berger menteur et

poltron.

Messieurs, je me suis souvent demandé comment je m'y prendrais pour détruire ia Constitution, si jamais pareille idée pouvait me venir.

Je suis obligé d'avouer qu'après avoir mûrement réfléchi, j'aurais fait précisément ce qu'ont fait ses défenseurs, pour la rendre à la fois ridicule et odieuse.

Comme ils le font, j'en ferais une sorte de vestale pour rire, dont la pudeur dérisoire serait la fable des carrefours et des nations. (Vive approbation.)

J'en ferais une chose odieuse, voici comment : J'interviendrais, la Constitution en main, dans toutes les questions qui intéressent l'honneur et la prospérité de la France, set je dirais : Vous ne pouvez pas faire cela.

Ainsi j'aurais dit : Vous ne pouvez pas aller à Rome rétablir l'influence de la France,

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la Constitution s'y oppose; vous ne pouvez pas réglementer le droit de réunion, la Constitution s'y oppose; vous ne pouvez pas mettre un terme aux scandales de la presse, la Constitution s'y oppose; vous ne pouvez pas, enfin, modifier la loi électorale.

Entre le pays et l'honneur, entre le pays et le bien, je placerais toujours la Constitution. Voilà comment je m'y prendrais. (Applaudissements.)

Je placerais toujours la Constitution entre le pays et sa dignité comme une barrière ou comme un abîme. (Mouvement.)

Voilà comment je m'y prendrais si j'avais à cœur de détruire la Constitution.

Mais il y a quelque chose que je n'aurais pas imaginé: c'est de faire de la Constitution le prétexte pour organiser le droit d'insurrection dans le pays.

Comment! depuis un mois on discute l'insurrection, la guerre civile, comme l'on ferait d'un programme de fête! (Mouvement.)

Voilà le régime auquel on a soumis la société. Eh bien ! je ne connais aucun exemple dans l'histoire d'une situation pareille. Je dis que cela est incompatible avec la nature sociale, que cela nous reporte aux temps de la barbarie.

Je ne connais qu'un gouvernement qui puisse trouver son analogie dans une telle situation, c'est le gouvernement des deys d'Alger s'élevant sur le corps de leurs prédécesseurs étranglés.

Je dis qu'on nous amènerait dans la voie de la barbarie la plus atroce.

Quelle est la différence entre nos adversaires et nous?

Nous disons que la Constitution doit être compatible avec les intérêts et l'honneur du pays. Vous, vous dites qu'elle est incompatible avec les conditions de la vie sociale et de la grandeur du pays.

Cependant cette Constitution reconnaît des droits antérieurs. Eh bien, le premier des droits, c'est à coup sûr de faire vivre la société.

Je sais bien qu'il y a dans ce pays un grand parti qui ne tient pas à la société actuelle, qui veut la changer et la bouleverser, qui traiterait le pays comme la femme savante de Molière traitait le corps humain, de guenille. Eh bien, nous répondons : « Guenille, soit, ma guenille m'est chère. » (Approbation.)

Je prends la société telle qu'elle est, et je la défends. Je sais ce que sont ces prétendus médecins, ces assassins qui voudraient appliquer à la société le vieux remède de Médée, qui la couperaient en morceaux pour la faire bouillir dans la chaudière du socialisme. (Approbation.)

Je me bornerai à présenter un seul fait à ceux de mes collègues qui, comme moi, ont fait partie de l'Assemblée constituante. Je les supplie de se rappeler le jour où l'organe le plus sérieux, le plus franc du socialisme, M. Proudhon, est venu apporter à cette tribune le programme du socialisme. Comment a-t-il été accueilli par l'Assemblée, même par les membres de la Montagne?

Il a été accueilli par une indignation générale; tous s'indignaient, M. Ledru-Rollin lui-même s'indignait. On proposa un ordre du jour de censure contre l'auteur de ce programme qu'on jugeait calomnieux pour la République.

Je ne me suis pas associé au vote de cet ordre du jour de censure. J'avoue que je n'étais pas parfaitement convaincu qu'il fût calomnieux pour la République. (Hilarité et vive approbation.)

Je ne pris donc pas part au vote. Il n'y eut qu'un seul membre, mon honorable collégue, M. Greppo, qui acquit ce jour-là une autorité incontestable... (Nouvelle hilarité.) Il n'y eut que l'honorable M. Greppo, envers qui je n'ai nullement l'intention d'être désobligeant, qui vota contre cet ordre du jour; il eut alors le courage de son opinion. Depuis, il a trouvé quantité d'émules, et aujourd'hui M. Greppo se confond dans une foule d'adhérents.

Ce programme a reçu l'adhésion de tout ce qui s'appelait, je crois, les républicains pur sang. (Rires.) Je ne sais pas si ces républicains ont accepté la doctrine socialiste, mais ils ont adopté quelque chose de plus dangereux, ils ont adopté ses candidats. (Vive approbation.)

Ils se sont donc fondus dans le socialisme; voilà d'où résulte le danger. Eh bien, je demande si en présence de ce fait vous voulez rester impuissants, silencieux, sans appor

ter de remèdes à cette situation? Quant à moi, je tiens que vous ne devez pas, que vous ne pouvez pas vous dispenser de remédier à cette situation.

Il faut donc faire la guerre au socialisme par tous les moyens (oui! oui!), par tous les moyens que les lois nous permettent. (Oui! oui!)

Je dis qu'il faut entreprendre contre le socialisme qui nous dévore l'expédition de Rome à l'intérieur (Mouvement prolongé.—Applaudissements.—Violentes réclamations à gauche.)

De même qu'on a entrepris l'expédition de Rome contre uue République dont on voulait rendre la nôtre solidaire, de même il faut entreprendre une expédition à l'intérieur contre le socialisme, pour prouver qu'il n'est pas solidaire de la République. (Trèsbien!)

La position est tellemeut la même, que l'on crie aujourd'hui à la violation de la Constitution comme on criait, à l'époque de l'expédition de Rome. Ce sont les mêmes accusations, accusations qu'on a voulu faire suivre alors d'un commencement d'exécution; on l'a voulu aussi aujourd'hui ; on a reculé.

Dans la question romaine, il y avait trois marches à suivre: neutralité, complicité ou hostilité. La neutralité, c'était l'abdication de la France; la complicité, c'était la honte nous nous rendions solidaires d'une révolution inaugurée par l'assassinat.

Voix à gauche Vous savez bien que c'est faux.

A droite Si! si! l'assassinat!

M. DE MONTALEMBERT. La guerre a été faite contre la république romaine par la France! Dieu a béni son œuvre! et à plusieurs reprises 450 voix ont ici sanctionné cette entreprise.

Vous êtes dans la même situation contre le socialisme à l'intérieur.

La neutralité, c'est la mort!

Si vous vous croisez les bras, vous pouvez faire votre testament, et cela sera bien inutile encore, car votre héritier le déchirera!

La complicité! mais c'est la honte! car le socialisme déshonore la République! Il vous reste donc la guerre, la guerre faite énergiquement, vivement, par tous les moyens !

M. LAGRANGE se lève et veut parler; M. de Lamartine le calme.

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M. DE MONTALEMBERT. En agissant ainsi, nous continuerons notre campagne des journées de juin de 1848, cette campagne que M. Cavaignac a si bien, si énergiquement conduite. Ce sont les mêmes ennemis, le même drapeau!

Eh bien! je regrette d'avoir entendu hier M. Cavaignac... Je ne voudrais rien dire qui pût blesser l'honorable général..... mais qu'il me permette de lui demander..... et l'histoire le lui demandera aussi un jour... qu'il me permette de le lui demander: « Où sont-ils aujourd'hui ceux qu'il a combattus, ceux qu'il a flagellés, ceux qu'il a pulvérisés, ceux qu'il a transportés...? Où sont-ils...? Ils sont à ses côtés. » (Mouvement.) Il va voter demain avec eux, contre nous. (Vive sensation.)

C'est le même combat contre les mêmes ennemis qui assiègent la même citadelle, mais qui recourent à une autre tactique et conspirent contre la société en se servant de la Constitution en guise de barricades. Ils croyaient nous avoir enserrés dans leurs circonvallations; mais ils nous avaient laissé une issue, celle du domicile. C'est notre devoir d'en profiter. (Murmures à gauche.)

Ah! faites des vœux pour que nous puissions prouver que la Constitution est compatible avec le salut de la société ; car s'il était démontré que la Constitution soit, comme le disent les socialistes, l'arsenal et le prélude de l'anarchie, il n'est pas de loi au monde qui puisse condamner la société à mourir. Or, ce serait la condamner à la mort que la condamner au socialisme. (Rires ironiques à gauche.)

Le jour où cela serait démontré, vous le sentez bien, il n'y aurait que les fous ou les scélérats qui pourraient prendre parti pour la Constitution contre la société. (Vifs applaudissements.) Et pour moi, à défaut d'autres, je serais le premier à dire qu'il faut avant tout sauver la société. (Nouveaux applaudissements.)

Voici ce que disait l'organe le plus accrédité du socialisme : « De la réforme électorale est sortie la République; de même, du suffrage universel sortira la réforme sociale.» La réforme sociale, c'est le socialisme.

Voilà, Messieurs, quelle est l'affirmation de nos adversaires. S'il en est ainsi, je n'hésite pas à le dire, c'est pour nous un devoir de prouver que le suffrage universel ne conduit pas fatalement au socialisme. Oui, c'est pour nous un devoir de corriger, d'avertir et d'éclairer le suffrage universel.

On nous dit que la loi sera inefficace. Ce reproche nous arrive des deux côtés; les uns voudraient plus, les autres ne veulent rien. A ceux qui veulent plus, je dis: Proposeznous, dans les limites de la Constitution, quelque chose de plus efficace, et nous l'accepterons avec empressement. (Très-bien!) Aux autres, je dirai : Si la loi doit être inefficace, quel mal vous fera-t-elle ? Pourquoi tant de clameurs? Pourquoi cette guerre de pétitions?

Mais à la majorité, je dirai: Quand même le résultat de la loi devrait être nul, elle donnera toujours au grand parti de l'ordre une grande victoire morale que M. le président définissait admirablement par ces mots : Il faut que les méchants tremblent, et que les bons se rassurent. (Très-bien !)

On nous appelle des parricides, des renégats, des apostats. Je réponds que je ne suis pas de ceux qui ont admiré ou invoqué le suffrage universel. Nous l'avons accepté quand il a été la loi du pays, et nous avons surtout travaillé à le rendre sincère. C'est ainsi que nous avons demandé que les habitants des campagnes pussent jouir de leur droit par le vote à la commune.

C'est encore aujourd'hui la même œuvre que nous accomplissons. Nous proposons de rendre le suffrage universel meilleur en substituant des majorités sincères à des majorités factices, des électeurs ayant des racines dans la société à des électeurs nomades. En cela nous ne démentons aucun de nos antécédents.

Si par hasard il y a des hommes qui se croient lésés, qui se croient injustement dépouillés d'un droit, savez-vous à qui ils doivent s'en prendre? Ce n'est pas à nous, c'est à ceux qui ont déshonoré, profané le suffrage universel; c'est à ceux qui, dans le conclave, puisqu'on a emprunté ce nom au langage de l'El par une de cette mature de sacrilége qui caractérise les révolutionnaires; c'est à ceux qui, dans ce conclave, dans les clubs, ont fait l'apologie de Robespierre, de Marat, et de tous les noms abominables de notre histoire! (Mouvements divers.)

Voilà l'aliment que l'on a donné au suffrage universel; on a cherché à l'empoisonner; on a spéculé sur la crédulité et sur la cupidité des classes ignorantes; sur leur crédulité en leur prêchant les plus folles et les plus criminelles utopies, sur leur cupidité en irritant cette malheureuse passion du bien d'autrui que nous sommes tous obligés de comprimer dans nos âmes. (Rires et murmures à gauche.-M. Jules Favre se distingue parmi les 1 plus plaisants interrupteurs.)

Il y a dans la minorité, une fraction qui remplit très-bien son mandat avec énergie, quelquefois avec franchise. Ce mandat, c'est celui de détruire la société. Nous avons, nous majorité, le mandat de la seuver, et je me demande si nous l'avons rempli avec la même énergie.

Il est bien entendu que dans cet examen de conscience nous ne comptons pas ces orateurs prudents qui recommandent le calme au peuple en faisant tout ce qu'ils peuvent pour exciter sa frénésie, recueillant ainsi un double profit d'échapper aux dangers de la lutte et de profiter de la victoire. (Mouvement prolongé et marques d'approbation.)

Je n'y comprends pas non plus ces hommes équivoques que je n'ose pas appeler amphibies, mais qui ont un pied dans le camp de l'ordre et nn autre bien près de celui du désordre, qui donnent une main à la société et l'autre à l'anarchie, qui s'élevaient trésénergiquement contre l'insurrection dont ils arborent aujourd'hui les doléances et les appréhensions plus ou moins sincères, et qui contribuent ainsi, plus que personne, aux révolutions pour en profiter après.

Je m'adresse à la grande majorité qui s'est dessinée et qui a réuni 450 voix sur deux grandes questions, celle de Rome et de l'enseignement, et je lui demande, à cette majorité, de faire son examen de conscience.

Se lui demande si nous n'avons pas trop souvent pris nos défiances, nos scrupules et nos préférences pour une raison de conscience, si nous n'avons pas paralysé notre force Vir nos divisions intérieures, nos tâtonnements et la perte du temps. Je crains bien que le pays ne le pense et qu'il n'ait besoin d'être rassuré pour l'avenir, (Très-bien !)

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