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jonché de feuilles fraîches, de charmantes couronnes suspendues au milieu de la rue se balançaient dans les airs, et de distance en distance on rencontrait de jolis reposoirs, où le Saint-Sacrement s'arrêtait pour bénir cette pieuse population. Quelle différence entre un peuple qui cherche son bonheur dans les saintes joies de la religion, et celui qui poursuit ses rêves de bien-être à travers les conspirations et l'émeute! »

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BELGIQUE. BRUGES.- Fêtes jubilaires du Saint-Sang.- La Belgique est le pays des grandes solennités religieuses. Il y a à peine trois ans que la ville de Liége nous donnait le spectacle de toutes les pompes de l'Eglise. Un grand nombre de prélats distingués, de prédicateurs illustres se trouvaient réunis dans son sein. Maintenant c'est Bruges, la vieille métropole du commerce, qui nous convie à des fêtes non moins glorieuses et non moins brillantes. Digne rivale de l'ancienne cité des Evêques, elle va déployer toutes ses magnificences, étaler toutes ses splendeurs pour célébrer la commémoration d'un des plus glorieux événements de notre histoire nationale.

Mgr Malou, qui ne néglige rien pour rendre les fêtes le plus solennelles possible, a invité trente Archevêques et Evêques à se rendre à Bruges pour cette époque; quinze prélats ont déjà positivement accepté l'invitation, et quelques autres l'ont acceptée conditionnellement; notre digne Evêque a également reçu l'assurance que Mgr Dupanloup et le R. P. de Ravignan, viendront prêcher notre cathédrale; le P. Lacordaire n'a pu promettre positivement de venir.

Une députation de la noble confrérie, s'est rendue à Bruxelles, à l'effet d'inviter LL. MM. le roi et la reine, ainsi que LL. AA. RR. les princes et la princesse. Ces Messieurs ont été très favorablement accueillis et sont revenus à Bruges avec la promesse formelle que la famille royale viendra assister au jubilé.

De tous côtés on travaille avec la plus grande activité aux préparatifs des cortéges que formeront dans la procession nos diverses Eglises. Les enfants des premières familles de la ville y figureront dans les costumes les plus riches. Nous pouvons à cet égard fournir beaucoup de détails à nos abonnés. Nous commencerons aujourd'hui par le cortége de l'église de Saint-Gilles, dans laquelle s'est établie et maintenue depuis plusieurs siècles une archiconfrérie affiliée à l'ordre des Trinitaires. On sait que cet ordre consacré à la rédemption des captifs, fut fondé dans le 12° siècle par saint Jean de Matha et le B. Félix de Valois.

En 1648, cette confrérie s'associa à celle qui s'appelait O. L. V. van Remedie, et qui avait le même but, c'est-à-dire la délivrance des esclaves. Or, c'est dans les annales de cette confrérie que l'église de Saint-Gilles a puisé le sujet qu'elle va présenter dans la procession du Saint-Sang. Voici la composition de ce cortége:

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« 1° Groupe d'esclaves chargés de fers et de chaînes, conduits par des pirates; 2o groupe de marchands d'esclaves appartenant à diverses nations, dans leurs costumes respectifs; 3° vision de Jean de Matha; 4° les deux fondateurs de l'ordre des Trinitaires, l'un dans le costume de docteur en théologie, l'autre en ermite; 5° groupe d'enfants portant les insignes de l'ordre des Trinitaires et de l'Archiconfrérie.

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Réunion de la confrérie de la Trinité avec celle de O.-L.-V.

van Remedie en 1648.

« 1o Groupe de seigneurs espagnols en costume de gala, portant des cierges; 2o Deux prêtres en tunique portant les reliques des fondateurs de la Confrérie; 3° groupe d'enfants portant des drapeaux et les insignes de la Confrérie; 4o groupe

E

de pères trinitaires, en grand costume, manteau, capuchon et scapulaire en drap blanc, croix rouge et bleu sur la poitrine.

3° PARTIE. - Délivrance de De Mulder en 1780.

< (Ce De Mulder était Brugeois, la Confrérie a payé pour sa délivrance 300 livres de gros; plusieurs membres de sa famille existent encore.)

1° Neveu de De Mulder entre deux autres enfants, portant des drapeaux; 2° De Mulder entre deux Trinitaires, ses sauveurs; 3o le père de De Mulder, ayant à sa droite le curé de Saint-Gilles, à sa gauche un père trinitaîre; 4° le capitaine et l'équipage du navire l'Active, portant des drapeaux. (C'est sur l'Active que De Mulder fut transporté à Bruges.); 3° Groupe d'habitants de la ville, assistant au retour de leur concitoyen.

Ce cortége sera composé de 63 personnages. ›

Nous donnerons encore quelques détails sur la composition intéressante de ce cortége et de cette cérémonie.

Séance d'ouverture de la session du conseil-général de l'agriculture.

A midi et demi, la voiture du Président de la République est entrée dans la cour où était échelonné un bataillon d'infanterie. La séance a été ouverte par un discours de M. le ministre du commerce. M. le Président de la République s'est levé ensuite, et a prononcé un discours dont voici quelques extraits:

<< Messieurs,

<< Jamais le concours de toutes les intelligences n'a été plus nécessaire que dans les circonstances actuelles. Il y a quatre ans, époque de votre dernière réunion, vous jouissiez d'une sécurité complète qui vous donnait le temps d'étudier à loisir les améliorations destinées à faciliter le jeu régulier des institutions.

« Aujourd'hui la tâche est plus difficile. Un bouleversement imprévu a fait trembler le sol sous vos pas, tout a été remis en question. Il faut d'un côté raffermir les choses ébranlées, de l'autre adopter avec résolution les mesures propres à venir en aide aux intérêts en souffrance. Le meilleur moyen de réduire à fimpuissance ce qui est dangereux et faux, c'est d'accepter ce qui est vraiment bon et utile. (Applaudissements.)"

« Bien des industries languissent, elles ne se relèveront, comme l'agriculture et le commerce, que lorsque le crédit public lui-même sera rétabli.

La France, par exemple, ne possède pas aujourd'hui trop de blé, mais le manque de foi dans l'avenir paralyse les transactions (applaudissements), maintient le bas prix des denrées premières et cause à l'agriculture une perte immense, hors de toute proportion avec certains remèdes indiqués.

« Ainsi, au lieu de se lancer dans de vaines théories, les hommes sensés doivent unir leurs efforts aux nôtres afin de relever le crédit en donnant au gouvernement la force indispensable au maintien de l'ordre et du respect de la loi. (Applaudissements.)

Tout en prenant les mesures générales qui doivent concourir à la prospérité du pays, le gouvernement s'est occupé du sort des classes laborieuses. Les caisses d'épargne, les caisses de retraite, les caisses de secours mutuels, la salubrité des logements d'ouvriers, tels sont les objets sur lesquels, en attendant la décision de l'Assemblée, le gouvernement appellera votre attention.

Examinez donc avec le soin consciencieux dont vous êtes capables les questions les plus pratiques, celles d'une application immédiate. De mon côté, ce qui sera possible, je le ferai avec l'appui de l'Assemblée. Mais je ne saurais trop le répéter: Hatons-nous, le temps presse; que la marche des mauvaises passions ne devance pas la nôtre ! (Applaudissements prolongés.) ›

Voici le vote de la 11° légion de la garde nationale pour l'élection du colonel, en remplacement de M. Edgard Quinet, démissionnaire.

Electeurs inscrits,
Votants,

Voix perdues,

MM. Achille Guilhem,

Mussot,

7,772 4,537

4

2,659

1,880

Majorité en faveur de M. Guilhem ; 779.

M. Mussot était le candidat vivement patroné par le Siècle, la Presse, lo National, sans compter les journaux encore plus rouges.

VARIÉTÉS.

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M. l'abbé Gerbet veut bien nous communiquer l'extrait suivant de son deuxième volume de l'Esquisse de Rome chrétienne, qui paraîtra demain au bureau de l'Université catholique et des Annales de philosophie chrétienne. En attendant que nous en rendions un compte plus détaillé, nos lecteurs verront avec plaisir ce fragment de polémique contre le protestantisme :

Tandis que l'état religieux a été en butte à des attaques qui ne péchaient assurément pas par un excès de spiritualisme, c'est au contraire au nom du spiritualisme chrétien que le protestantisme a repoussé la vénération des images, comme si une des plus belles fonctions de l'esprit n'était pas de spiritualiser la matière par les idées qu'il y incorpore. Pourquoi exclure ce puissant moyen d'agir sur les sentiments de l'homme? Il suffit d'en régler l'usage. S'il arrivait qu'un peuple converti au christianisme se trouvât dans un tel état d'esprit, que ces formes extérieures seraient pour lui plus nuisibles qu'édifiantes, l'Eglise suspendrait pour ces chrétiens infirmes la pratique commune, jusqu'à ce qu'ils fussent disposés à en tirer un bon fruit. La doctrine catholique dit seulement que les saintes images sont généralement utiles parce que la nature humaine a besoin du visible pour s'élever vers l'invisible. Cette croyance date de loin; elle a germé dans le sol des catacombes.

Un de ces bons protestants, bien persuadés que les images sont une invention damnable des siècles de ténèbres et de la corruption papiste, doit être passablement étonné, lorsqu'en parcourant les souterrains sacrés des premiers temps, ses regards sont maintes fois offensés par les peintures religieuses qui les décorent. Il serait en effet assez singulier que les chrétiens de cette époque, qui mouraient plutôt que de vivre idolâtres, se fussent livrés de gaîté de cœur à une superstition idolâtrique dans leurs souterrains sacrés.

Diverses particularités, successivement remarquées par cet honnête protestant, doivent le faire aller de surprise en surprise. D'abord ces images représentent, non pas seulement le Christ, mais encore plusieurs saints de l'Ancien et du Nouveau Testement, et, entre autres, saints Pierre et Paul. Puis, les premiers chrétiens ne se sont pas contentés de peintures, ils ont voulu avoir aussi des images taillées. Au quatrième siècle, à l'époque de la liberté de l'Eglise, la sculpture se déploie dans les grands sarcophages si artistement travaillés : mais, avant cette époque, de petits tableaux sacrés encore visibles aujourd'hui, ont été exécutés au moyen du ciseau sur les pierres sépulcrales; d'autres fois ils y étaient imprimés sur une matière molle, et l'on sait par un texte de Tertullien que le bon Pasteur,

si souvent reproduit dans les monuments sépulcraux, était représenté jusque sur les parois des calices, dont on se servait pour la célébration des saints mystères. Ces vieux chrétiens, si peu protestants, poussaient la manie des saintes images jusqu'à les enfouir dans les tombeaux : des verres antiques où elles sont empreintes ont été recueillis en assez grand nombre pour fournir matière à un livre trèsintéressant de Buonarotti.

«Ainsi la peinture, l'impression sur une matière molle, la ciselure, la représentation sur verre, tout avait été mis en œuvre pour satisfaire cette superstition. Mais ce qui doit le plus étonner notre visiteur protestant, c'est la place accordée aux images. Elleş tapissent la voûte des chapelles où les chrétiens se réunissaient pour prier. Elles apparaissent dans l'endroit le plus saint, au-dessus des tables de pierre, couvrant les tombeaux des martyrs, sur lesquelles s'accomplissait le mystère de la Cène eucharistique. La madone, portant l'enfant Jésus, que nous voyons dans une chapelle des catacombes de Sainte Agnès, est située sur l'autel, à la place où nous mettons aujourd'hui le crucifix.

Cette profusion d'images dans les lieux saints ne suffisait pas il se trouvait déjà des dévots qui en portaient à leur cou. Les médailles portatives ont nécessairement une petite ouverture par laquelle on passe le cordon ou la chaîne. On en a trouvé de ce genre. Celle que cite Arringhi (1) est en airain; elle offre le monogramme du Christ.

Quoiqu'elle soit à peu près de forme circulaire, sa partie supérieure est indiquée par l'endroit où se trouve la tête du P: c'est là qu'est pratiquée la petite ouverture. Le sépulcre d'un martyr a fourni cette médaille la dévotion qu'elle retrace a été probablement recommandée par quelque Jésuite des temps de Dioclétien ou de Caracalla.

• En présence de tous les monuments que nous venons de rappeler, notre protestant sera sans doute de l'avis de cet évêque anglican, qui déclare que les germes du papisme ont été semés du temps des apôtres.

Nous devons une mention spéciale aux images de la sainte Vierge. Les peintures des chapelles sépulcrales, les sculptures des sarcophages, la numismatique, nous en ont conservé quelques-unes d'une manière très-distincte: mais elles ont été certainement plus nombreuses. Les artistes chrétiens, qui représentaient si souvent plusieurs saints personnages de l'Ancien Testament et du Nouveau, ont dù reproduire, pour le moins aussi fréquemment, celle que l'ange a saluée pleine de grace, que l'Esprit Saint a fécondée, la nouvelle Eve, qui ontre sa sainteté personnelle, a été l'instrument divin de l'Incarnation et de la Rédemption, comme l'Ève antique avait été la cause de la chute. Appuyés sur cette observation, les antiquaires du dix-septième siècle en avaient déjà conclu que parmi les orantes, on femmes en prières, peintes dans les catacombes, il y en a plusieurs que les premiers chrétiens savaient être des images de la sainte Vierge, tandis que nous ne pouvons plus les discerner qu'avec le secours de l'analogie et par la voie du raisonnement. Il faut en effet distinguer deux classes d'orantes. Les unes peuvent être des portraits de défunte : la place qu'elles occupent sur les monuments sépulcraux semble l'indiquer. Mais il y en a d'autres parmi les peintures qui décorent les voûtes des chapelles. Lorsqu'une de ces voûtes n'offre, dans tous ses autres compartiments, que des faits ou des personnages de la Bible, on doit en conclure que l'orante, qui s'y trouve mêlée, est elle-même un sujet biblique, qu'elle représente non une femme ordinaire, mais une des femmes que l'Ecriture sainte a louées. Or, de toutes ces femmes, la Vierge est la seule dont on

(1) Rom, subt.

puisse croire que la piété des premiers siècles a voulu présenter fréquemment son image à la vénération des fidèles dans les lieux sacrés. Rien ne demandait pour les autres un pareil privilége. D'ailleurs, chacune de celles-ci aurait dû être accompagnée de quelque signe particulier qui empêchât de la prendre pour une autre; tandis que l'usage de représenter la Vierge parmi les sujets bibliques sous la forme d'une orante étant adopté, la place qu'elle occupait et l'absence de tout attribut spécial suffisaient pour indiquer que cette figure était la femme par excellence, la commune mère des fidèles.

« Elle y est représentée les bras étendus et élevés, c'est-à-dire dans l'acte de la prière. Cette attitude est conforme aux usages suivis par les artistes des catacombes. Les verres orbiculaires reproduisent le même type. Sur l'un deux, la Vierge est placée entre saint Pierre et saint Paul: sur d'autres, elle est entre deux arbres; on y voit aussi des colombes près de sa tête mais son attitude est celle des orantes Les peintres des premiers siècles avaient l'habitude de figurer ainsi la Vierge et les autres saints, à moins qu'ils ne les représentassent dans un acte ou avec des attributs qui avaient une autre pose. Pour ne pas troubler les idées des néophytes à peine sortis du paganisme, il était important de déclarer à leurs yeux mêmes que les saints n'étaient pas pour les chrétiens ce que les divinités étaient pour les idolâtres: il convenait donc de donner à leurs images l'attitude de la prière, pour bien marquer que Dieu seul est la source de toute grâce, et le terme de toute prière. Cette attitude exprime précisément le dogme catholique, car il se réduit fondamentalement à prier les saints de prier Dieu pour nous. L'Eglise dit toujours que la Vierge est une Orante, et que c'est le bon Pasteur seul qui sauve. La plus moderne des confréries de la Sainte Vierge, celle qui est établie à Paris pour la conversion des pécheurs, pourrait très-bien choisir un sujet de tableau pour sa bannière parmi ces peintures des Catacombes, où nous voyons, au centre, le bon Pasteur qui ramène la brebis égarée, et au-dessous la Vierge en prière.

Je ne puis résister à l'envie de mettre en regard de ces monuments primitifs le passage suivant très moderne. Voici ce qu'on lit dans une lettre publiée par le prélat anglican qui occupe aujourd'hui le siége épiscopal d'Exeter Je sym«<pathise si peu avec un parti quelconque tendant à Papaliser l'Eglise, que j'ai retiré, il y a quelques semaines, mon nom de la liste des membres d'une so« ciété à laquelle je m'étais fait honneur d'appartenir, vu son objet primitif et la position de ses fondateurs : je veux parler de la société archéologique de Cambridge. Je m'en suis séparé, en découvrant que son zèle l'avait portée à figurer << dans son cachet la Vierge Marie couronnée et tenant le Sauveur enfant dans ses bras, puis deux saints inconnus à notre calendrier. J'ai considéré cela comme uue insulte gratuite faite aux sentiments des protestants, et j'ai cru « qu'il était de mon devoir de protester, en me retirant de la société.

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«C'est un curieux spectacle que de voir un docte prélat conduit, par ses idées protestantes, à reculer d'horreur, en 1846, parce qu'il a découvert, sur le sceau d'une société d'antiquaires, ce même type de l'Enfant Jésus dans les bras de la Vierge, que nous retrouvons sur un verre orbiculaire teint du sang d'un martyr, et dans un tableau au-dessus d'un autel des Catacombes, où des mains chrétiennes l'ont placé dans le siècle qui a suivi le siècle des Apôtres.

«L'abbé PHIL. Gerbet. ›

L'un des Propriétaires-Gérants, CHARLES DE RIANCEY.

Pavis, imp. BAILLY, DIVRY et Comp., place Sorbonne, 2,

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