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date, les colléges électoraux de Saône-et-Loire, à l'effet de procéder à l'élection de six représentants, par suite de l'annulation des dernières élections qui ont eu lieu dans ce département.

A Paris, les bons citoyens ont été, au 10 mars, complétement et indignement battus; il faut qu'ils prennent leur revanche.

Dans le département de Saône-et-Loire, ils étaient l'année dernière écrasés; ils ont livré la bataille au 10 mars; ils peuvent cette fois remporter la victoire ou du moins partager le succès.

Mais, pour cela, à Paris et dans ce département, il n'y a pas un moment à perdre.

Courage, activité, union, telle doit être notre devise! Cette fois, n'y manquons pas.

Bulletin de la politique étrangère.

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ESPAGNE. On continuait à croire, à Madrid, à l'arrangement prochain du différend anglo-espagnol. On désignait même déjà l'ambassadeur qui serait envoyé dans cette capitale, dans le cas où cette espérance se réaliserait. Ce serait lord Howden qu'on nommerait pour succéder à sir H. Bulwer.

Le général Mirasol est parti le 31 pour la Havane.

- On lit dans l'Avenir de Séville :

« Une grande partie des forces maritimes de la grande Bretagne se concentrent dans la Méditerranée. A l'escadre du Levant s'est réunie celle du Tage, et trois frégates et un bateau à vapeur viennent d'entrer dans le détroit. Est-ce pour tenir en échec la flotte du Czar de l'autre côté des Dardanelles? »

ROYAUME DE NAPLES. Les mesures sévères du général Nunziante contre le brigandage, ont produit d'heureux résultats. 147 bandits ont été déjà arrêtés ou se sont rendus, ne pouvant plus se dérober aux actives poursuites dont ils sont l'objet. Le général, dans un ordre du jour en date du 10 mars, fait l'éloge de plusieurs chefs militaires ou municipaux dont le zèle a été le plus remarquable, et recommande une infatigable persévérance, qui seule peut assurer la paix et la tranquillité des provinces.

Il serait à désirer, pour le bien de l'Italie, que le gouvernement pontifical pût de son côté prendre d'énergiques mesures; car, traqués dans les montagnes napolitaines, les brigands se réfugient aisément de l'autre côté de la frontière, dans les montagnes de la Sabine et du Samnium. De Città Ducale jusqu'à Ferontino, ils trouvent mille repaires et de faciles intelligences dans la population, et il n'y a que l'action concertée des deux gouvernements qui puisse les anéantir.

SUISSE. Nous avons annoncé l'arrestation de quelques ouvriers allemands rassemblés à Morat. L'enquête à laquelle cette mesure

a donné lieu, démontre que ces associations d'ouvriers, formée d'abord dans un but louable, se sont depuis mises en rapport ave les sociétés secrètes et servaient la propagande révolutionnaire L'action en était d'autant plus dangereuse que les chefs et le meneurs seulement étaient dans le secret, agissant ainsi sous I couvert et avec l'appui du plus grand nombre qui, parfaitemen innocent, ne pouvait compromettre personne. Il paraît qu'un nombre considérable de ces étrangers sera éloigné de la Suisse.

TURQUIE. On écrit de Constantinople, le 15 mars :

« Le calme qui paraissait nous être promis par la solution pacifiqu et favorable de la question des réfugiés n'a pas été de longue durée La brusque attaque de lord Palmerston contre la Grèce a eu ici pou premier effet d'inspirer des inquiétudes à beaucoup de bons esprit sur la possibilité du maintien de l'entente entre la France et l'An gleterre. La Russie en a fait son profit pour regagner une partie di terrain qu'elle venait de perdre; elle s'est de nouveau retrouvé scule, forte et puissante, en présence de gouvernements divisés o bien près de l'être. L'acceptation par l'Angleterre des bons offices d la France, n'a réparé qu'imparfaitement le mal, car tout le mond ici prévoit que cette médiation aura à surmonter de nombreuses dif ficultés pour aboutir à une solution satisfaisante.

« La Russie a déclaré qu'elle se tiendrait en dehors du débat, e réservant toutefois son action si l'on venait à poser une question d territoire. C'est assez dire que M. de Nesselrode, est de l'avis de lor Aberdeen en ce qui concerne les prétentions de lord Palmerston su les îles de Sapienza et d'Elaphonisi. >>

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L'ordre du jour appelle le scrutin pour la nomination de deux vice-présidents. I scrutin est fermé à deux heures.

M. WERNIETTE rend compte des élections du Haut-Rhin.

La commission conclut à l'admission.

M. LE PRÉSIDENT. Voici le résultat du scrutin pour la nomination de deux vice présidents:

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Il y aura lieu demain à un scrutin de ballotage entre MM. Faucher, de Vatimesn et les trois autres candidats sérieux, MM. Benoist-d'Azy, Jules de Lasteyrie, de Malle ville.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur le projet de loi relatif à la trans portation.

M. VICTOR HUGO. Parmi les journées de Février, il en est une à laquelle on ne peu rien comparer dans l'histoire, c'est celle où la voix souveraine du peuple dictant, travers les bruits confus de la place publique, les décrets du gouvernement provisoire prononça le mot de l'abolition de la peine de mort en matière politique.

Ce fut là pour le philosophe, pour le publiciste, pour le chrétien, pour la France pour l'Europe entière, un magnifique spectacle. Ceux-là mêmes dont les événements c

Février froissaient les intérêts et les sympathies, reconnurent là que les révolutions peuvent mêler le bien au mal, et qu'il suffit d'une heure sublime pour effacer toutes les heures terribles. (Mouvements divers.)

Une voix : Alors, il en faut faire une tous les jours. (Rires.)

M. V. HUGO. Dans les temps ordinaires, dans les temps qu'on est convenu d'appeler des temps calmes, parce qu'on ne voit pas le mouvement souterrain qui se produit, dans ces temps il est de bon goût de dédaigner les idées; on ne tient compte que des faits, que des esprits pratiques, comme on dit dans un certain jargon (rires), que des esprits positifs, qui ne sont, après tout, que des hommes négatifs. (Nouveaux rires.)

Une voix : Quel misérable jeu de mots!

Une autre voix : Il n'a jamais su faire autre chose.

M. V. HUGO. Mais une révolution survient, les hommes d'affaires, les hommes habiles deviennent des nains.

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Une voix : Et les imbéciles, des géants! (Explosion d'hilarité. - L'orateur reste déconcerté et paraît longtemps chercher une réponse qui ne lui vient pas; il se retourne enfin vers M. le président, auquel il semble se plaindre de ce qu'il a ressenti comme une sanglante épigramme contre lui; mais M. le président semble lui dire qu'il ne peut rien contre une saillie vraie et spirituelle. Il se décide enfin à reprendre sa place.)

M. V. HUGO reprenant: Mais une révolution survient et les hommes habiles deviennent des nains (nouveaux rires); tous les faits matériels tombent et les idées qu'on raillait grandissent tout à coup d'une grandeur démesurée. (Interruption.)

Voyons! pour qui faites-vous cette loi? Le savez-vous? (Rires. Non! non!) Messieurs de la majorité, vous l'emportez en ce moment, mais êtes-vous sûrs de l'emporter toujours?

A droite Nous verrons!

M. V. HUGO. Je vous en supplie; pesez ceci dans votre prudence. Souvenez-vous que l'application de la justice politique appartient au hasard. (Violents murmures.)

M. LE FRÉSIDENT, à l'orateur. Vous niez la justice, mais vous oubliez que la justice se rend au nom du peuple français; ou il n'y en a pas, ou il n'y en a pas d'autre que celle-là. (Très-bien!) Le plus grand péril que l'on puisse faire courir à la Répu blique, c'est de nier, sous ce gouvernement là, l'autorité des pouvoirs qui sont invoqués par tous les gouvernements. (Très-bien! très-bien!)

M. LE GÉNÉRAL HUSSON. Avis au poète-orateur. (On rit.)

M. V. HUGO. Je fais appel à vos souvenirs. Dans des temps peu éloignés de nous, et dans la partie historique de nos pénalités politiques, je tronve ceci constaté: que la distribution de la justice politique appartient au hasard. Cette justice a toujours fait partie de ce mobilier révolutionnaire qu'à chaque coup de main heureux se transmettaient les partis.

Voix : Vous parlez là de véritables assassinats!

M. V. HUGO. Eh bien! quand vous combinez l'une de ces lois de répression exagérée que les partis victorieux appellent une loi de justice, ne vous sentez-vous pas imprudents? Nous vivons dans un temps de trouble. Je n'offense personne en disant qu'on doit se préoccuper de l'avenir, et que les dévouements les plus généreux, les existences les plus honorables ne sont pas à l'abri des coups du hasard politique. (Murmures.)

Cette loi que vous faites est redoutable, elle est perfide, elle aura des retours inconmus, et au moment où je vous parle, savez-vous ce que je défunds contre vous, c'est vous-mêmes. (Bilarité.)

Une voix: Merci, nous aimons mieux nous défendre nous-mêmes.

M. V. HUGO. Oui, c'est votre prudence que j'invoque; c'est votre modération que je veux éveiller. En vous interrogeant au fond de votre conscience, vous ne pouvez pas vous dissimuler que, dans certaines circonstances possibles... (Murmures.)

M. VEZIN. Mais c'est un appel à la peur.

M. V. HUGO. Vous pouvez fermer les yeux à l'avenir mais interrogez le passé; le passé ne se récuse pas. Tournez la tête, regardez en arrière; supposez que nos deux révolutions aient été vaincues par la royauté et que votre loi de déportation eût été votée

déjà, Charles X n'eût-il pas pu l'appliquer à M. Thiers, et Louis-Philippe à M. Odilon Barrot? (Longue interruption.)

M. O. BARROT. Je ne me suis jamais mis en insurrection contre les lois. (Agitation.)

En me nommant, M. Victor Hugo m'a donné le droit de répondre deux mots; il est trop juste pour ne pas me le permettre.

Si je m'honore de quelque chose dans ma carrière politique, c'est de n'avoir jamais conspiré contre le gouvernement. (Très-bien!) C'est d'avoir défendu jusqu'au bout, et le dernier, la Constitution de mon pays.

Si vous appelez cela un attentat, et s'il y avait un parti au monde, fût-ce le vôtre, qui pût punir le respect et la défense des lois comme un attentat, ce parti serait jugé d'avance, et vous seriez bien malheureux de lui appartenir. (Très-bien! très-bien! L'orateur reste longtemps dans une attitude théâtrale, paraissant chercher une réponse.)

Une voix Mais répondez done!

Une autre voix: Ah! c'est que cela n'était pas prévu! (Rires.)

M. V. HUGO. L'honorable M. Odilon Barrot, dont personne plus que moi n'apprécie le noble caractère (Hilarité à laquelle M. Odilon Barrot prend part lui-même), s'est mépris sur le sens de mes paroles. Quand j'ai parlé d'une justice qui aurait pu l'atteindre, je n'ai pas parlé d'une justice juste, mais d'une justice injuste. (Explosion de rires.)

M. Victor Hugo continue à déclamer, et il descend de la tribune au milieu des bravos des Montagnards qui quittent la salle avec l'orateur.

M. ROUHER, ministre de la justice. On a parlé de fermer l'ère des révolutions, on a dit que le suffrage universel avait aboli l'insurrection.

Je veux bien le croire et je l'admets. Mais je ne peux pas oublier la série de révolutions que nous avons traversées.

Je suis étrager par mon âge à toutes les révolutions du passé; mais je me rappelle qu'il n'est pas une forme de gouvernement qui soit exempte de révolution,

Dans ces temps de malheur les notions du juste s'évanouissent, la raison du plus fort est substituée à la justice. Oh! j'ai une haine profonde pour ce triomphe de la raison du plus fort; l'état de révolution, je le repousse de toute mon âme, et je désire que le pays ne le connaisse plus. (Applaudissements.)

On nous dit: Vous avez la détention perpétuelle. Le condamné à la détention perpétuelle continue à produire le désordre moral, il ajoute un attentat nouveau à l'attentat commis.

J'ai entendu un jour un orateur dire à cette tribune : « J'ai conspiré vingt ans, j'ai réussi, je ne conspirerai plus. » Pour moi, Messieurs, ce langage est le plus odieux et le plus sinistre. (Vive approbation.)

M. LAGRANGE prononce quelques paroles que nous ne pouvons entendre, au milieu des applaudissements qui ont accueilli ces dernières paroles du ministre.

M. ROUHER. Quand un criminel a ensanglanté la cité, quand il a fait appel à la guerre civile...

Voix à gauche Boulogne! (Bruit.)

M. ROUDER. Quand il a fait appel à la guerre civile...

A gauche Strasbourg! Violents murmures.)

M. ROUHER. Il y aurait quelque pudeur à ne pas faire appel à ces souvenirs après l'élection du 10 décembre. (Très-bien! très-bien!) Est-ce que la justice du pays est restée impuissante? est-ce qu'il n'y a pas eu condamnation?

M. CHARRAS. Pour Strasbourg? Non! (Bruit.)

M. ROUHER. Est-ce que le prisonnier au seuil même de sa prison ne déplorait pas l'attentat qu il avait commis contre les lois de son pays? (Très-bien !) Il a racheté son passé, et il faudrait mettre enfin un terme à ce système de dégradation du pouvoir qui l'attaque même quand il sort de la majorité de la nation. (Vive approbation.)

M. LE PRÉSIDENT, à la Montagne. Le gouvernement républicain lui-même ne trouve pas grâce devant vous parce qu'il est un gouvernement. (Hilarité et approbation.)

Une chose m'a touché quand j'ai entendu un orateur présenter le climat des îles Marquises comme essentiellement mortel, c'est qu'il n'ait pas songé à reporter sa pensée sur ceux de nos braves soldats qui sont dans ce pays, et sur les employés de tous grades qui s'y trouvent et qui y accomplissent honorablement leurs fonctions.

On n'a pas pensé à eux, on n'en a pas dit un mot, et cependant ceux-là ne sont pas des hommes réprouvés par la société. (Vive approbation.)

A gauche Ils sont libres.

M. LE PRÉSIDENT. Il ne manque plus que de mettre les coupables en liberté. (Rires.)

M. ROTHER. On ne parle pas des sacrifices que ces hommes s'imposent pour le service de l'Etat, pour l'honneur de la patrie: non, on soutient des criminels, des héros. (Applaudissements.)

Vous n'avez pas seulement ici des poètes; vous avez aussi des marins; interrogez l'amiral Dupetit-Thouars et l'amiral Cécile, qui ont visité ces pays; interrogez-les, et ils vous diront que ces îles ne sont pas malsaines.

Ainsi, vous le voyez, Messieurs, les souffrances physiques dont on a tant parlé n'existeront pas.

Ob! il y a des douleurs morales; mais elles sont le juste châtiment, elles sont l'amendement du criminel, ce premier appel à Dieu qui le rend meilleur. (Mouvement et vive approbation.)

On a dit que nous séparions le criminel de ses parents, de sa famille et de sa femme... Et lai, qu'a-t-il fait ? N'a-t-il pas causé, peut-être, des séparations, et des séparations éternelles! (Nouveau mouvement.- Applaudissements.)

Messieurs, je ne veux pas entrer dans la discussion des articles de lois; mais j'ai à cœur de ne pas terminer sans répondre à une objection qui a été faite. On a dit que le droit de grace serait suspendu. Non, il n'en sera pas ainsi, et par la contemplation de sa faute, le coupable arrivera plus facilement au repentir. (Très-bien!) Et alors sans doute nous n'aurons plus à regretter ces élans de générosité qui ont si souvent été recoanus par des actes sinistres. (Applaudissements prolongés.)

M. le ministre reçoit de nombreuses félicitations.

M. Dupetit-Thouars, qui a visité les îles Marquises, confirme tous les renseignements donnés sur la complète salubrité de l'ile.

M. LE PRÉSIDENT. M. Lagrange a la parole. (Hilarité générale.)

M. LAGRANGE Monte à la tribune, mais ne pouvant se faire entendre, il quitte sa place au milieu des rires et en disant : Je parlerai demain à propos du procès-verbal. On procède au scrutin.

Pendant le dépouillement, M. Lagrange continue à se démener avec une grande intempérance de geste et de langage.

M. LE PRÉSIDENT. M. Lagrange, je vous donne la parole. (On rit.)

M. LAGRANGE. Continuez vos plaisanteries. (Nouveaux rires.)

Je ne parle pas pour le Moniteur ni pour les journaux; je parle pour mes collègues et je ne vois plus que des banquettes. Que M. le président aille dîner s'il a appétit (On rit), Je prendrai la parole demain. Je me bornerai à dire aujourd'hui à M. le président qu'il ne fait pas son devoir.

M. LE PRÉSIDENT. Je vais vous prouver que je le fais. Je ne laisserai jamais introduire l'usage d'usurper un tour de parole, et de briser une discussion en violant le règlement par une interruption.

La discussion une fois finie, je vous ai donné la parole; ce n'est pas ma faute si beaucoup de membres sont partis.

J'ai fait preuve d'une grande longanimité. Votre persistance, remarquée de toute l'Assemblée, votre langage irrévérencieux de tout à l'heure aurait pu m'autoriser à plus de sévérité Sachez-moi gré de mon indulgence. (Réclamation de M. Lagrange.)

L'Assemblée décide qu'il sera passé à une seconde délibération sur le projet de loi. La séance est levée à six heures.

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