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• principes sévères du droit et de la justice. Le droit, il faut savoir le respecter, « même dans les temps de révolution, car on n'est fort que par le droit c'est < ainsi que parlait Ledru-Rollin au plus fort de la tempête du 24 février, lorsque « le trône de Louis-Philippe s'écroulait sous les coups des républicains. Si le « droit, et rien que le droit, est la règle du haut tribunal, son jugement ne peut que nous être favorable; mais si (ce que nous ne voulons pas penser) le droit devait faire place à la politique, nous nous réservons d'en appeler contre votre jugement au jugement de l'histoire et à celui de la postérité. En finis<< sant, nous protestons encore une fois, expressément et solennellement, contre « toute compétence que les tribunaux du canton de Lucerne s'arrogent sous le «rapport de notre qualité de membres d'une autorité législative détruite par la << violence.›

«Après ce discours, plein de la plus noble éloquence, que les juges écoutèrent avec une attention très-soutenue, les deux autres défenseurs firent leurs plaidoyers. Enfin l'avocat de la République voulut motiver son accusation; il faut avoir assisté à la séance pour comprendre son embarras et la pauvreté de son argumentation. A dix heures du soir, la discussion fut interrompue; elle fut continuée le lendemain à huit heures du matin. Parmi les discussions du second jour, la réplique de M. Fischer fut encore plus remarquable que sa plaidoirie. Il produisit deux avis des facultés de droit de Zurich et de Munich qui avaient été consultées sur la question. Les juges et l'avocat de la République ne s'étaient pas attendus à l'apparition de ces graves auxiliaires de la défense, qui avaient été préparés très-prudemment à leur insu. La lecture de ces deux pièces, qui dura au-delà de trois heures, causa une immense sensation, et les conclusions des deux facultés, conformes à celles des défenseurs, mirent le tribunal dans le plus grand embarras. A la fin de sa réplique, M. Fischer fit encore lecture d'une lettre à lui adressée par la faculté de Munich sous date du 22 février 1850, dans laquelle ce corps s'exprime clairement sur l'injustice du procès, et renonce généreusement, et à l'unanimité, à tous les émoluments de la consultation.

C'est ainsi que les tribunaux de Lucerne, s'ils condamnent les accusés, vont se trouver placés devant le tribunal du monde civilisé. La sensation indescriptible que ces grandes discussions ont produite, a engagé le tribunal à proroger le jugement.

«L'Observateur, en rendant compte de ces solennels débats, appelle l'attention et la sympathie de tous les honnêtes gens en faveur des infortunés suisses des cantons de la vieille Helvétie. SIX MILLIONS!!! UN GRAND CONSEIL CONDAMNÉ PAR UN TRIBUNAL!!! Ah! justice, modération, liberté, vous êtes donc remontées au ciel? Et qu'on ne s'y méprenne pas, c'est la fidélité à leur foi qui est la noble cause de tous les malheurs de Lucerne. Honneur! honneur donc à nos frères des Waldstetten! honneur à leur éloquent et généreux défenseur, M. V. Fischer!>

Nouvelles Religieuses.

Nous citions hier avec douleur un article de la Liberté de Lille, où nous trouvions le récit d'insultes grossières adressées à un P. Capucin, à son passage dans cette ville. Une réception aussi brutale nous semblait inexplicable de la part des Lillois, dont le caractère hospitalier et les sentiments chrétiens nous sont connus. Ce matin le R. P. Laurent d'Aoste, provincial des Capucins, nous a fait l'honneur de venir nous témoigner son regret qu'un pareil article ait été publié. La Liberté a sans doute été mal informée, car, à part une curiosité un peu gênante,

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il est vrai, rien dans sa longue course à travers la ville n'a blessé le R. Père. Il n'a entendu ni les injures, ni la Marseillaise, ni le Juif-Errant, ni les lazzis de la multitude. Aussi, quoique comme tout autre-qu'il ait une robe de capucin, un uniforme de sapeur ou un simple paletot de flaneur, -il eût mieux aimé passer son chemin sans être escorté d'une foule de curieux, il n'a pas du tout eu l'occasion d'avoir les larmes aux yeux, et ne se plaint en aucune façon des Lillois.

Il aurait eu, du reste, le droit de s'étonner beaucoup, si la réception avait été telle qu'on nous la racontait hier! Lui qui, à Paris depuis deux mois a circulé librement, et rencontré plutôt des marques de sympathie et de respect.

Dieu merci, nous en sommes venus, pour la plupart, à n'avoir plus peur de la forme et de la couleur d'un habit; et la bure du capucin en particulier, cette livrée de la pauvreté, du dévouement et de la charité, n'aura jamais rien qui rebate le peuple, au service de qui il se consacre particulièrement.

DIOCÈSE DE NANTES. - On lit dans l'Union Bretonne :

« Denx faits qui peuvent donner une juste idée de l'esprit qui anime la garde nationale de notre ville, se sont passés hier sur la place Royale et dans la rue de la Fosse. Nous nous empressons de les enregistrer.

Le Viatique sortait de Saint-Nicolas et traversait la place Royale, au moment cù plusieurs compagnies du troisième bataillon s'y réunissaient et se croisaient pour prendre leurs places de bataille. Au milieu de la confusion des ordres militaires qui s'échangeaient et s'exécutaient, on ne prit pas garde d'abord au Viatique, aux tintements de la cloche qui le précède et à la modeste procession qui l'accompagne. Cependant quelques compagnies aperçoivent de loin le pieux cortége; elles se reforment spontanément à la hâte et lui présentent les armes lorsqu'il passe devant leur front.

Un peu plus loin, dans la rue de la Fosse, le Saint-Viatique allait se croiser avec une compagnie qui, tambours en tête, se rendait sur la place Royale, lieu du rendez-vous du troisième bataillon. La compagnie fait halte, les tambours interrompent leur marche et battent aux champs, et le commandement : Présentez arines! est exécuté avec une précision et une conviction, s'il nous est permis de nous exprimer ainsi, qui a vivement impressionné les témoins de cette scène touchante.

• Qu'on dise encore que le voltairianisme et le philosophisme ont tué chez nous tout instinct religieux! ›

ROYAUME DE NAPLES.-Les chefs de corps de l'armée de terre et de mer, sur la proposition du colonel du 2o hussards de la garde royale, chevalier Raphael Pinedo, et avec l'autorisation du prince Ischitella, ministre de la guerre, ont fait frapper une médaille en mémoire du séjour du souverain Poatife dans le royaume de Naples. D'un côté, elle porte l'effigie du Saint-Père et celle du roi avec cette inscription: Pio IX, P. O. M. FERDINANDO II, RE DEL regno delle due Sicilie 1848. Sur l'exergue est le fort de Gaëte avec ces paroles: L'ARMATA NAPOLITANA A MEMORIA DELL' ESULE PIO IN GAETA SACRAVA AL SUO amato re, 26 noVEMBRE.

C'est aux frais de l'armée qu'ont été frappées les deux médailles en or qui ont été présentées aux augustes personnages qu'elles représentent, d'autres en argent, pour les princes de la famille royale, les généraux et autres dignitaires, et une assez grande quantité en cuivre destinées aux divers corps.

SUISSE. On lit dans l'Observateur de Genève :

Nous avons la consolation d'annoncer à nos abonnés que les offices de la Semaine-Sainte et les fêtes de Pâques ont été admirablement suivis dans toutes les

églises catholiques du canton. A Genève, l'affluence a a été immense, et l'attitude des nombreux protestants qui sont venus entendre la parole de Dieu, a été très-convenable. Jamais il n'a été plus parfaitement démontré qu'il y a eu cruauté de ne pas donnér une autre église aux catholiques de Genève : heureusement que leurs souffrances ne ralentissent pas leur zèle. Tout ce que nous apprenons de la campagne, nous console profondément sur la multitude des catholiques qui ont rempli leurs devoirs religieux.

A Fernex, la Passion a été prêchée le Vendredi-Saint par Mgr Marilley, évêque de Lausanne et Genève, au milieu d'un concours immense. Tous les hommes de cette intéressante paroisse ont voulu entendre cette victime de la persécution religieuse et le juger par eux-mêmes. Lorsque l'orateur, avec cette noble et simple éloquence qui lui appartient, a expliqué les paroles de Jésus-Christ sur la croix : Pardonnez-leur, ils ne savent ce qu'ils font, l'émotion a été indéfinissable; tous les auditeurs ont été entraînés, touchés au-delà de toute expression. «En France, le spectacle des véritables vertus mêlées aux souffrances et à la charité qui pardonne tout, entrainera toujours les populations. >

SAVOIE.

Le 25 mars, une jeune Ethiopienne, nommée Zaara, rachetée à Alexandrie d'Egypte par le consul sarde, et placée dans l'établissement des Sœurs de Saint Joseph de Chambéry, par les soins de M. l'abbé Olivieri, a reçu les sacrements du Baptême et de l'Eucharistie. Plus de soixante-dix jeunes esclaves ont, comme elle, été arrachées à la servitude, grâce au zèle du Vincent de Paul génois.

Séance de l'Assemblée.

Le commencement de la séance a encore été occupé par un scrutin, lequel n'a produit aucun résultat. MM. Léon Faucher, de Vatimesnil, Benoist d'Azy et de Lasteyrie, se sont encore partagé les suffrages. On renouvellera l'opération demain.

A demain aussi a été remise la discussion sur la validité des élections du Haut-Rhin, dont M. Vernhette a présenté le rapport.

On a ensuite repris la première lecture de la loi de déportation. M. Victor Hugo a ouvert la lutte. S'il n'y a rien de beau comme la vraie éloquence, il n'y a rien d'odieux comme la fausse rhétorique. Cette parodie incessante d'un des dons les plus magnifiques de l'espèce humaine; cette pénible et orgueilleuse prétention à l'effet ; cette perpétuelle recherche du sublime, qui n'aboutit jamais qu'au ridicule; cette passion de l'antithèse et ce fanatisme de la phrase; ce vide absolu d'idées et ce manque de sens commun, qui veulent se déguiser sous les haillons du mélodrame; et par dessus tout, cette arrogance effrénée, ce contentement de soi, si naïf et si éclatant; ce ton, ce geste, cette pose d'histrion; tout le personnage enfin de M. Victor Hugo, nous est insupportable. Il n'a pas seulement le goût de faire de mauvais discours : il a le talent de leur donner tout l'air de mauvaises actions. Aujourd'hui encore, son seul dessein c'est la poursuite de la popularité, popularité de bas étage et de mauvais aloi; sa première ambition, c'est de se venger de la majorité qui l'a repoussé; sa principale affaire, c'est de gagner l'encens que le so

cialisme lui doit comme prix de sa désertion. Eh bien! cette satisfaction, il ne l'aura pas tout entière. Sans doute les applaudissemenis de la Montagne, digne salaire d'un tel mérite, ont dû chatouiller agréablement la fibre peu délicate du poète; sans doute demain la presse montagnarde va tresser pour lui ces couronnes qu'elle prodigue à M. Pelletier et à M. Nadaud. L'ancien pair de France glanera les fleurs oubliées sur le passage du char de triomphe de MM. de Flotte et Vidal. Qu'il s'énivre des chants de ses nouveaux adulateurs !

Il n'aura pas même le plaisir d'avoir un seul instant pu se faire prendre au sérieux par ses adversaires. Et il gardera le souvenir de ces deux scènes, l'une bouffonne, l'autre solennelle, qui demeureront attachées aux flancs de sa harangue comme le vautour de Prométhée. De longtemps on n'oubliera cette plaisante réplique d'un membre de la droite qui, après avoir entendu cette phrase: « Devant les révolutions, les hommes positifs qui ne sont que des hommes négatifs, les hommes pratiques, les hommes habiles ne sont plus que des nains,» s'est écrié : « et les imbéciles deviennent des géans!» L'hilarité de l'Assemblée a été portée au comble, et l'orateur est demeuré tout déconcerté.

Plus tard, M. Victor Hugo ayant dit que si la dernière révolution n'avait pas triomphé, Louis-Philippe aurait envoyé M. Odilon Barrot aux Marquises; M. Barrot l'a interrompu, et du ton le plus ferme et le plus digne, il lui a dit : « Je n'ai jamais conspiré, et j'ai toujours défendu jusqu'à la dernière limite la Constitution de mon pays. Si votre parti méconnaît assez la justice pour confondre ces actes avec des attentats, je vous estime bien malheureux de lui appartenir ! » Les applaudissements les plus vifs ont accueilli celle noble réponse, et M. Victor Hugo est demeuré cloué sur la tribune sans pouvoir dire un seul mot.

Un autre incident est venu le tirer d'embarras : une dame s'est évanouie dans une tribune en poussant un grand cri. Cet événement a complété l'illusion on devait se croire dans un théâtre du boulevard!

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Enfin M. Hugo a terminé, non sans avoir encore essuyé une rude apostrophe du président. Comme il glorifiait ces criminels de la veille qui sont les héros du lendemain : « Criminels pour la loi, héros pour leurs complices, » a repris vertement M. Dupin. A la fin de son discours, M. Hugo a été entouré de toute la Montagne, laquelle, pour mieux célébrer le triomphe du poète, a émigré tout entiere dans les couloirs, et sans doute à la buvette.

La majorité était restée sur ses bancs, et M. le garde des sceaux a immédiatement pris la parole. Un peu contraint dans son début, M. Rouler s'est animé peu à peu, et il est parvenu à une grande élévation de pensées et de style. Il a fait une justice éclatante de cette odieuse apologie de tous les crimes politiques, dont M. Hugo avait

donné l'exemple. Il a parlé avec entraînement et dans un langage digne du chef de la magistrature, de la nécessité sociale de maintenir le respect des lois, de l'ordre, de la paix publique, et de frapper d'intimidation des grands criminels pour qui les orateurs de l'opposition n'ont que des sympathies, oubliant les victimes et ne se souvenant pas des coupables! Quand ensuite, faisant allusion à nos soixante dernières années, M. le garde des sceaux s'est écrié : « Toutes les dates révolutionnaires, quel que soit mon respect pour les idées dont quelques-unes ont marqué l'avénement, toutes les dates révolutionnaires, je les déplore, je les déteste, parce que toutes elles rappellent le triomphe de la force,» il a été couvert d'applaudissements par la majorité; comme aussi, lorsqu'il a dit qu'il ne connaissait pas de parole plus fatale et plus odieuse que celle d'un orateur de la gauche déclarant à la tribune qu'il avait conspiré, qu'il avait réussi et que désormais il ne conspirerait plus! Les adhésions énergiques de la droite ont salué à plusieurs reprises cet hommage rendu aux notions de la justice et au sentiment du droit.

M. Em. Arago a voulu panser les blessures de son « iliustre ami M. Victor Hugo; » ce qui a excité l'hilarité de l'Assemblée. M. Arago est mélodramatique aussi, mais dans le genre grave et dans le genre ennuyeux. Après lui, M. l'amiral Dupetit-Thouars est venu donner quelques renseignements écoutés avec le plus grand intérêt sur la salubrité parfaite du climat des îles Marquises.

La clôture a été prononcée: elle a rendu bien malheureux deux orateurs. M. Perrinon, d'abord, lequel, représentant des Antilles, et ayant entendu dire à M. Dupetit-Thouars qu'aux îles Marquises il n'y avait pas la fièvre jaune comme ailleurs, tenait à défendre les Antilles de ce reproche indirect. « Mais, Monsieur, a dit M. Dupin, les Antilles ne sont pas inculpées personnellement. Je ne peux pas vous donner la parole. » L'Assemblée rit: elle rit bien plus encore quand, au moment où les huissiers présentent les urnes du haut de la tribune, M. Dupin s'écrie: « M. Lagrange a la parole, » et que M. Lagrange apparaît multipliant, au milieu des urnes et à travers le brouhaha du scrutin, ses gestes télégraphiques. Enfin, il se décide à descendre de la tribune, remettant à demain ses explications.

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Par décret en date du 3 avril, les colléges électoraux du département de la Seine sont convoqués pour le 28 avril à l'effet de procéder à l'élection d'un représentant du peuple, en remplacement de M. Vidal, qui a opté pour un autre département.

Les militaires et marins en activité de service seront appelés à voter, de telle sorte que le résultat de leurs opérations puisse parvenir au plus tard, le 1er mai prochain, au préfet du département.

Un autre décret convoque dans les mêmes termes, et pour la même

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