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Un de nos amis de Rome nous adresse, à l'occasion de la nomination de Mgr de Mérode à la dignité de cameriere segreto partecipante de Sa Sainteté, des renseignements pleins d'intérêt. Quoique nous n'ayons pas l'honneur de connaître personnellement Mgr de Mérode, nous lui demandons pardon de l'indiscrétion que nous croyons pouvoir nous permettre : nous n'avons pu résister au plaisir de faire partager à nos lecteurs la consolation que nous éprouvons, de voir attaché à la personne de notre Saint-Pontife, un homme d'un dévouement si généreux et à la hauteur de toutes les circonstances. D'ailleurs, avec le nom que porte Mgr de Mérode, les détails que nous transcrivons n'étonneront personne, tout le monde les aurait devinés d'avance.

Nous laissons parler notre correspondant :

La fonction de cameriere segreto partecipante, est, si non la plus importante, du moins la plus intime de la cour pontificale; les camerieri sont chargés d'introduire auprès du Saint-Père ceux qui ont obtenu des audiences; ils l'accompagnent lorsqu'il va en voiture ou à la promenade, ils passent chaque jour plusieurs heures avec lui; leur nombre est limité à quatre, les titulaires actuels sont le comte Stella, le prince de Hohenlohe et depuis quelques jours le comte Xavier de Mérode, la quatrième place est encore vacante.

Mgr de Mérode est le même que le jeune capitaine de Mérode, dont les bulletins de l'armée d'Afrique parlaient il y a quelques années avec tant d'éloge. Malgré sa qualité d'officier belge, il avait obtenu vers 1844, à l'époque de la bataille d'Isly, la permission de prendre part aux opérations de l'armée d'Algérie, placée alors sous le commandement du maréchal Bugeaud.

Je voudrais pouvoir vous répéter tous les traits de courage, je pourrais presque dire de témérité, que m'ont racontés des officiers des 13° et 53° de ligne, deux régiments que nous avons eus à Rome, et avec lesquels M. de Mérode a combattu: j'y renonce, car c'est une lettre que je veux vous écrire et non pas une biographie; je ne peux cependant pas résister au plaisir de vous citer un fait dont un prêtre aussi bien qu'un militaire pourrait s'honorer.

M. le capitaine de Mérode avait été envoyé à cheval porter un ordre à un bataillon d'avant-garde, placé à une grande distance de la colonne dont il faisait partie; c'était dans la Kabylie, sur un terrain très accidenté, et les arabes en profitaient pour faire sur nos tirailleurs un feu des plus meurtrier. M. de Mérode avait exécuté sa mission, et il revenait joindre le général, lorsqu'il aperçoit un soldat blessé et étendu par terre; les balles sifflaient de tout côté, chaque seconde apportait avec elle mille dangers de mort; n'importe, M. de Mérode s'arrête, il met pied à terre, charge sur son cheval le pauvre blessé, le ramène au pas jusqu'à la colonne, et de là il le fait diriger sur l'ambulance.

L'année suivante, il fit avec le général Bedeau l'expédition de l'Aurès; il se trouvait à l'affaire dirigée par le général Coman; au plus fort du péril, il courut à l'extrême avant-garde et y fit pendant plus de quatre heures le coup de fusil contre les Arabes; la plupart des soldats qui s'y trouvaient avec lui furent tués ou blessés; le capitaine de Mérode échappa sain et sauf, mais ses vêtements avaient été atteints en plusieurs endroits et deux balles avaient traversé ses épaulettes; le sang-froid, l'intelligence et la brillante valeur qu'il avait déployés dans cette journée lui méritèrent la croix de la Légion-d'honneur.

Il se rendit ensuite à Tlemcen, où il passa plusieurs mois avec le général Cavaignac et les colonels Charras et Forest.

« Il a plus de courage que nous, me disait un de ses anciens compagnons d'armes, et comme mes regards dissimulaient mal sans doute l'étonnement que me causait un pareil aveu dans la bouche d'un officier français, il reprit : « Oui, il a plus de courage que nous, car il a fait ce que nous n'avons pas la force de faire nous-mêmes. » Il m'a raconté alors une provocation dont le capitaine de Mérode avait été l'objet à son arrivée à l'armée, et la magnanimité avec laquelle il l'avait repoussée Huit jours après, ajoutait cet officier, nous le connaissions, nous avions vu comment il savait se comporter sous les balles arabes, et aucun de nos camarades n'était ni plus aimé, ni plus estimé que lui. »>

Cet acte de conscience et de foi n'était pas nouveau pour M. de Mérode. Quoique bien jeune encore quand il entra à l'école militaire de Bruxelles, il s'était promis à lui-même et à Dieu de ne jamais se battre en duel, et il a tenu religieusement sa parole; exemple à ajouter à quelques autres qui prouvent que ce n'est pas un héroïsme impossible pour un militaire; nul cependant n'aurait pu donner pour excuse une nature plus spontanée et plus impétueuse.

De retour dans son pays, le comte de Mérode reprit son service dans l'armée belge; l'avenir le plus considérable et le plus doux, aux yeux du monde, s'offrait à lui, il n'avait qu'à l'accepter; mais déjà Dieu l'avait appelé à une autre milice, et, docile à cette voix, il s'achemina vers Rome, dans l'automne de 1847, pour y faire ses études théologiques.

« Devenu élève du collège romain, il ne se fit remarquer entre ses condisciples que par sa vie pieuse, modeste, retirée, charitable, par la vivacité et la pénétration de son esprit, et en même temps par sa gaîté et sa bonne humeur inaltérables; ses nouveaux amis de Rome n'ont connu les décorations qu'il avait si glorieusement obtenues qu'en voyant l'étonnement de ses anciens compagnons d'armes qui les cherchaient vainement sous sa soutane.

« Plein d'amour et de dévouement pour la personne du Saint-Père, l'abbé de Mérode n'avait pu voir sans une profonde affliction l'ingratitude et les lâchetés dont notre auguste Pontife était abreuvé. Plus d'une fois sans doute son sang avait bouilli dans ses veines; cependant, jusqu'à la fatale journée du 16 novembre, il était parvenu à se contenir; il apprend alors qu'une horrible trahison se consomme, que le vicaire de notre Seigneur Jésus-Christ, abandonné par ceux qui doivent le défendre, n'a plus autour de lui que quelques hommes courageux, les 80 soldats de sa brave et fidèle garde suisse; à cette nouvelle, à la pensée des dangers qui menacent le Saint-Père, l'abbé de Mérode n'écoute plus que son cœur et que son dévouement; il dépose sa soutane, il n'était pas encore engage dans les ordres sacrés; il prend ses vêtements laïcs et se dirige vers le Quirinal, résolu à se joindre aux rares défenseurs de notre Saint-Pontife; à ce moment, Sterbini et ses émissaires couraient la ville pour y répandre la sédition et l'effroi, mais les maisons situées en face les diverses entrées du palais étaient occupées par ses plus audacieux complices. M. de Mérode, après s'être assuré que les alltres portes étaient inabordables, arrive sur la place de Monte-Cavallo: un silence lugubre y régnait; elle était entièrement déserte jusqu'à l'obélisque et aux 00losses de Phidias et de Praxitèle; là, derrière ces masses et protégées par elles, derrière les barricades se tenaient des bandes armées; des cris se font entendre, M. de Mérode ne les écoute pas, il s'avance toujours sur la place, accompagne seulement d'un de ses amis, de qui je tiens ces détails; des centaines de fusils se dirigent contre eux, ils n'ont pas l'air de s'en apercevoir, et, sans ralentir, sans accélérer le pas, ils s'approchent de la porte, et ce n'est que quand ils se sont

assurés qu'elle ne s'ouvrira pas devant eux qu'ils se décident à retourner en arrière; ils devaient être tués mille fois, la Providence ne permit pas que les scélérats qui les tenaient en joue fissent usage de leurs armes,

Je vous ai fait connaître dans le temps la charité et le courage déployés par un Evêque et par plusieurs prêtres français lors de la trahison du 30 avril. Quoiqu'il ne fût encore que diacre, à cette époque, M. de Mérode était avec eux; le soir, les hommes de Sterbini, pour le récompenser de son dévouement, le jetèrent en prison lui et le courageux Evêque avec lequel il se trouvait; et ces misérables, par un raffinement de barbarie, leur montraient les poignards qui de** vaient servir à les égorger, si les Français, comme on s'y attendait alors, attaquaient pendant la nuit; le lendemain, les geôliers, profitant de l'ivresse de la victoire, les laissèrent échapper.

«Le 5 juillet, le jour même de l'entrée des Français, M. de Mérode accompagna M. de Corcelles dans la visite qu'il fit dans les prisons de la ville pour en arracher les victimes de la tyrannie mazzinienne. Ils parcoururent ensemble, n'ayant avec eux qu'un seul gendarme, les quartiers les plus dangereux de Rome; ils allèrent au fort Saint-Ange encore occupé par les hommes de Garibaldi; et quand on pense aux assassinats qui ont eu lieu les jours suivants sur nos soldats isolés, on ne peut que remercier Dieu de les avoir conservés.

Elevé au sacerdoce au mois de septembre dernier, M. l'abbé de Mérode se consacra tout entier à nos soldats malades alors entassés dans les hôpitaux; c'est vers ce temps-là qu'il connut le choix que le Saint-Père avait fait de lui comme cameriere segreto d'onore, dignité qui lui confiait le titre. de Monseigneur ; jaei mais faveur n'avait été moins recherchée. M. de Mérode, malgré son amour filial et dévoué pour le Saint-Père, ne l'avait vu qu'une seule fois, pendant quelques minutes, peu après son arrivée à Rome, pour recevoir sa bénédiction; c'était une occasion pour satisfaire ses pieux désirs et le vénérer une fois encore; mais en même temps Mgr de Mérode avait appris qu'un grand nombre de nos soldats malades se trouvaient réunis dans la petite ville de Civita-Castellana, et que, faute d'un prêtre qui entendit leur langue, ils mourraient sans sacrements. A l'instant il prend son parti; il renonce au bonheur d'aller à Portici recevoir les nouvelles bénédictions du Saint-Père; il renonce au plaisir qu'il avait de revoir ses anciens compagnons d'Afrique attachés à l'armée de Rome; il part pour aller s'enfermer dans l'hôpital de Civita-Castellana; quand les malades y manquèrent, il se rendit à Viterbe pour y continuer cette sainte mission, et cela, non-seulement pendant quelques jours, quelques semaines, mais pendant six mois consécutifs.

"If était revenu à Rome pour y jouir de la rentrée de notre vénéré Pontife, lorsque le Saint-Père lui a conféré, il serait plus juste de dire, lui a imposé l'imstportante fonction de cameriere segreto partecipante.

<< Cette nomination a fait une grande sensation dans l'armée française et dans notre colonie étrangère de Rome; tout le monde s'en réjouit; j'en ai tant entendu parler, que je n'ai pu résister à mon tour au plaisir de vous répéter ce que j'entendais dire autour de moi.

Les uns y voient la juste récompense des éminentes qualités et des vertus de Mgr de Mérode; les autres la considèrent comme une nouvelle preuve de l'affection, de la confiance et des sentiments paternels de Pie IX pour la France.

Il ne m'appartient pas de descendre dans les intentions du Saint-Père, mais pourquoi ces considérations n'auraient-elles pas dirigé son choix? Au reste, si notre Saint-Pontife croit utile d'attacher à sa personne des prélats appartenant aux diverses nations catholiques, il ne pouvait pas faire une nomination qui pût en satisfaire à la fois un plus grand nombre.

"

Mgr de Mérode est belge, il est fils de M. le comte Félix de Mérode, le plus illustre représentant des catholiques de son pays; il est neveu de cet héroïque Frédéric de Mérode, mort en 1850, victime de son dévouement à la liberté de l'Eglise.

«Mgr de Métode a aussi, avec la France, les liens les plus étroits, et par les services qu'il lui a rendus, et par sa parenté: M. le comte Werner de Mérode, membre de l'Assemblée législative, est son frère; et le défenseur laïc le plus autorisé et le plus éloquent de nos intérêts religieux, le véritable chef des catholiques de notre pays, M. le comte de Montalembert est son beau-frère; par sa grandmère, mademoiselle de Noailles, il est petit-neveu du général Lafayette.

En Italie, Mgr de Mérode a pour cousins germains le prince de la Cisterna, l'une des premières familles du Piémont; et le prince de Monaco, duc de Va lentinois.

Je pourrais dire encore qu'il est Romain, non pas seulement par cette affec tion générale que les catholiques ont pour Rome, mais surtout par cette tendresse filiale et dévouée que comprennent bien ceux qui, comme lui, ont eu le bonheur de naître dans ses murs bénis à la vie ecclésiastique, au saint ministère catholi que. Me sera-t-il permis d'ajouter que sa place, en quelque sorte, était retenue d'avance au Vatican par cet intrépide chevalier de Wignacourt, grand-maître de l'ordre de Malte, le seul homme peut-être qui, sans être pape, empereur ou roi, ait été enterré dans la crypte de Saint-Pierre, et dont le dernier neveu a épousé l'autre sœur de Mgr de Mérode.

‹ CH. P. ›

Bulletin de la politique étrangère.

ALLEMAGNE. On écrit de Berlin, le 11 mars :

« On ne s'attendait guère, la semaine passée, à voir réunis ici autant de souverains. La cause de l'unité compte parmi eux de nombreux adversaires, et on présageait, non sans raison, que tel ou tel prince trouverait assez commode de se dispenser d'un rendez-vous peu compatible avec ses intentions ultérieures. L'empressement subit dont on a fait preuve est maintenant interprété d'une manière qui explique bien des choses.

«La question allemande ne serait que le but accessoire ou le prétexte du congrès. Une considération plus grave aux yeux de certains souverains peu partisans de l'Union aurait écarté des scrupules déjà hautement exprimés. L'idée d'une fédération, représentée d'avance comme devant être restreinte, s'il le faut, aux Etats de Thuringe serait, il est vrai, du domaine du congrès, mais les conférences de cette assemblée concerneraient surtout l'ensemble des dispositions a prendre pour le cas d'un danger commun, d'un danger que l'on considère, à tort ou à raison, comme imminent.

«La marche du socialisme en Allemagne et en France, réveillan les appréhensions des princes, les aurait engagés à ne pas se refuser à venir prêter eux-mêmes l'oreille aux propositions de la Prusse, conçues dans la prévision d'un mouvement révolutionnaire dans l'ouest de l'Europe. Les bases de ces propositions se réduiraient à

deux points: 1° réunir une armée considérable dans les provinces occidentales de l'Allemagne, s'abstenir de toute agression, mais se tenir prêt an premier symptôme d'attaque; 2° protéger l'Allemagne contre la démocratie au moyen d'une armée russe d'observation.

« Aussitôt la tâche du congrès terminée, le prince de Prusse doit se rendre à Varsovie pour s'y aboucher avec l'empereur Nicolas. Les conférences du congrès dureront, à ce que l'on prétend, encore huit à dix jours.

« Quant à l'affaire d'Erfurth, les ministres des Etats de Thuringe, après plusieurs pourparlers, semblent parfaitement d'accord. L'adoption sans conditions de la Constitution allemande telle quelle est, dit-on, un fait sinon accompli, du moins arrêté par leurs gouvernements. Une nouvelle convocation de la Diète, si vraiment convocation il y a, n'aura guère d'autre but que la communication de ce résultat assez mesquin, en comparaison de ce que l'on prétendait atteindre. »

SUISSE. Les contributions énormes imposées arbitrairement par le gouvernement de Fribourg aux auteurs et fauteurs du Sonderbund, ont motivé de nombreuses pétitions au conseil fédéral. La discussion a été vive, et M. Druey, président de la Confédération, s'est laissé entraîner à une violence de langage où perce la colère d'un parti qui pressent sa défaite. Selon M. Druey: IL N'Y A PAS DE JUSTICE EN MATIÈRE POLITIQUE; il trouve qu'on a eu un tort dans tout ceci, c'est de ne pas incendier la jésuitière qui se trouve là-bas. A quoi M. le général Dufour répond : « Mais, moi, je ne l'aurais pas permis!» M. Dufour et d'autres honorables conseillers comprendront-ils que s'ils ne veulent pas permettre les conséquences, il ne faut pas autoriser les principes, et que leur résistance sera inutile s'ils ne se hâtent pas de soutenir le mouvement de la nation contre le parti qui l'opprime?

ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE.

Séance du 14 mai.-PRÉSIDENCE DE M. LE GÉNÉRAL Bedeau, vice-pRÉSIDENT. Plusieurs représentants déposent des pétitions contre le projet de la nouvelle loi électorale. Une de ces pétitions provoque des interruptions de M. Bourzat qui est rappelé à # l'ordre ainsi que M. Péan.

M. ROMAIN-DESFOSSÉS, ministre de la marine, présente une disposition additionnelle ainsi conçue :

« Les dispositions de l'article (celui proposé hier par M. Chauvin et adopté par l'Assemblée) ne seront pas applicables aux dépenses faites par les bâtiments de l'Etat hors de France. Adopté. »

Un débat s'engage sur l'article qui décide qu'à partir de la présente loi et jusqu'en 1860, il ne pourra être fait, dans les divers grades de la Légion-d'Honneur, qu'une nomination sur deux extinctions.

M. CHARRAS demande que l'Assemblée oblige le général Rulhière, de rembourser la portion de traitement perçue par le gouverneur actuel des Invalides, en opposition avec les prescriptions de la loi. Cet amendement est repoussé par la question préalable. M. Charras réclame.

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