Page images
PDF
EPUB
[merged small][ocr errors][ocr errors][merged small]

ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE.

Séance du 11 mai.-PRÉSIDENCE DE M. LE GÉNÉRAL BEDEAU, VICE-PRÉSIDENT. M. LE PRÉSIDENT. M. Piscatory demande à adresser des interpellations à M. le ministre des affaires étrangères relativement aux événements qui viennent de s'accomplir en Grèce. M. Piscatory demande surtout le dépôt sur le bureau de l'Assemblée des pièces relatives à cette affaire.

Voix nombreuses: Appuyé! appuyé !

M. DE LAHITTE, ministre des affaires étrangères. Messieurs, il est malheureusement bien vrai que nous avons reçu d'Athènes des nouvelles aussi fâcheuses qu'inattendues. (Mouvement.)

Une voix à gauche : Les Anglais n'en font jamais d'autres! (Silence! silence!)

M. DE LAHITTE. Une demande d'explications a été immédiatement adressée par nous au gouvernement britannique. Nous pensons que la réponse à cette demande d'explications sera ici lundi ou mardi au plus tard.

Je m'empresserai alors de déposer sur votre bureau toutes les pièces relatives à ce qui s'est passé à Londres et à Athènes. Elles prouveront que notre conduite n'a rien qui puisse nous mériter un blâme de l'Assemblée. (Approbation. Murmures à gauche.) M. LE PRÉSIDENT. M. le ministre dit que lundi ou mardi le gouvernement aura reçu la réponse qu'il attend. (Bruit à gauche.) Aux termes du règlement, je dois consulter l'Assemblée. (Nouvelle interruption à la Montagne; plusieurs membres s'entretiennent avec animation.) M. Arago et M. de Beaumont, je vous prie de garder le silence.

M. DE LAHITTE, ministre des affaires étrangères. J'ai eu l'honneur de dire à l'Assemblée qu'aussitôt après la réception de la réponse à notre demande d'explications, je déposerai toutes les pièces qui pourront éclairer votre jugement sur cette affaire.

Je pense que jeudi au plus tard, je pourrai mettre ces pièces sous vos yeux. (A jeudi ! à jeudi!)

L'Assemblée, consultée, fixe les interpellations à jeudi.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du budget du ministre des finances. Sur le chapitre 33 de ce budget M. Sautayra propose une réduction de 468,000 fr. M. BERRYER Combat énergiquement cette réduction, inspirée, s'écrie-t-il, par une folie, une faiblesse, un mauvais sentiment et destinée à tromper le peuple. (Mouvement.)

Croyez bien, continue l'honorable rapporteur, croyez bien que nous sommes prêts à nous associer à tout ce que vous proposerez de sérieux pour les intérêts populaires en France.

Mais quand vous flattez les erreurs du peuple pour le pousser à sa propre ruine, cscomptant le fruit de vos complaisances et de vos flatteries, soyez certains que nous lutterons énergiquement contre vous-mêmes. (Marques de vive approbation.)

M. MAUGUIN. Je ne veux dire que peu de mots; ce n'est pas le moment de discuter sérieusement de pareilles questions.

Voix nombreuses : Pourquoi? pourquoi ?

M. MAUGUIN. Ce n'est pas mon opinion. (Ah! ah!) J'aurais pu vous montrer, je vous montrerai plus tard peut-être qu'on peut, sur le budget du ministère des finances, économiser plus de 120 millions. (Oh! oh! Rires.)

Voix Dites-le donc tout de suite! Comment! comment!

M. MAUGUIN. Je ne me laisserai pas intimider par les rires des personnes qui n'ont pas étudié. (Nouveaux rires.)

Il y des économies à faire sur le chapitre de l'amortissement; (Ah! ah!) il y a à changer l'organisation des finances. (Rires.)

Une voix : Où est donc votre organisation, à vous?

M. MAUGUIN. Qu'avez-vous besoin des receveurs-généraux? (Ah! ah!-Rires.) Fautal vous dire à quelle époque les receveurs-généraux ont été établis?

Voix: Mais ce ne sont que des mots.

M. MAUGUIN. Enfin tout cela prouve (rires) que la commission a tort de se présen

ter comme ayant défendu les intérêts des classes les plus pauvres; ces intérêts n'ont pas été défendus...

Une voix: Il fallait nous donner votre remède il y a un mois... avant la discussion du budget.

M. MAUGUIN. Il y a un mois, j'ai voulu prouver que votre système de douanes faisait perdre tous les ans deux cents millions à la France; vaus ne m'avez pas écouté. Vous êtes dans les questions politiques. Je vous y laisse.

M. BERRYER, rapporteur. Messieurs, les membres de la commission ont dévoué toute l'intelligence qu'ils peuvent avoir à l'accomplissement des économies possibles. Quand la commission aura été illuminée par la révélation des combinaisons mystérieuses... (Approbation et rires) à l'aide desquelles on veut relever nos finances, c'est à d'autres devoirs qu'il faudra nous livrer pour suivre les novateurs sur leur trace lumineuse. (Nouveaux rires approbatifs.)

En attendant, nous ne pouvons pas admettre qu'il suffise de signaler des dépenses qu'on dit inutiles, sans indiquer quelle sorte de bien on veut substituer à ce mal. (Trèsbien !)

Je n'ai entendu parler que d'un mode sérieux d'arriver à une économie : c'est la suppression de l'amortissement.

La commission, Messieurs, en avait délibéré, mais elle a vu dans la Constitution que l'Etat promettait de tenir tous ses engagements envers ses créanciers. La commission a dû respecter la Constitution.

Le moment est mal choisi, du reste, pour parler des grandes économies qui résulteraient de la suppression de l'amortissement, car voilà deux ans que dans ces temps malheureux il n'est rien donné à l'amortissement. Vous le voyez, ce ne serait pas une éco*nomie.]

C'était là le seul mode digne d'examen qui eût été proposé.

Sur tous les autres points, je n'ai qu'à maintenir ce que j'ai dit. Nous avons étudié toutes ces questions, tous ces projets d'économie, sincèrement, de bonne foi, avec tout autant de dévoûment que ceux qui se prétendent exclusivement les hommes dévoués (Vive approbation.)

M. MAUGUIN. Je ne veux pas aborder aujourd'hui (Hilarité) la grande question de l'organisation financière; je l'aborderai au budget de 1851. Aussi, j'abandonne à M. Berryer un triomphe facile. (Nouvelle hilarité.) Mais j'espère prendre ma revanche.

L'orateur termine en annonçant qu'il révèlera de magnifiques plans financiers qu profiteront au pays sans compromettre le Trésor.

M. BERRYER. Je ne veux dire qu'un mot, c'est que l'importance de la remise faite aux receveurs-généraux a diminué de moitié.

M. MAUGUIN. C'est vrai (On rit.) Je vous apporterais bien des chiffres, mais je les ai laissés chez moi. (Nouvelle hilarité.) Si le chiffre de la remise était plus considérable autrefois, c'est que les recettes étaient moins importantes. (L'orateur descend de la tribune au milieu des rires et des murmures.)

M. BENOIT D'AZY. Vous ne connaissez pas le premier mot de la question.
Le chapitre 39 est adopté et la séance renvoyée à lundi.

BOURSE DU 11 MAI.

Le 5 p. 100, 89 05 à 89 40.

Le 3 p. 100, 55 25 à 55 50. — Actions de la Banque, 2,085 00.- Obligations de la Ville, 1,270 00.- Nouvelles Obligatiens, 1,125 00.5 p. 100 belge, 98 118.

Emprunt romain, 79 114.

L'un des Propriétaires-Gérants, CHARLES DE RIANCEY.

Paris, imp. BAILLY, DIVRY et Comp., place Sorbonne, 2.

LUNDI 13 MAI 1850.

(N° 5046.)

L'AMI DE LA RELIGION.

Du retour de l'ordre de Saint-François à Paris.

Toutes les fois que, dans l'Eglise, un affaiblissement de l'esprit chrétien s'est manifesté, Dieu a suscité des hommes doués d'une puissance d'initiative à laquelle rien ne résistait, et qui par des moyens dont la prudence mondaine faisait un objet de risée, ont pénétré la société et renouvelé sa vie. C'est l'histoire des fondateurs d'ordres religieux, et il serait curieux d'étudier comment chacun d'eux a déposé dans son institut, un esprit diamétralement opposé au vice dominant de son époque; esprit qui se développant à travers les siècles et malgré d'apparentes transformations, a toujours poursuivi le même but et porté le remède au même mal. Mais je ne veux pas m'arrêter à présent à ces considérations que m'inspirait, dans les derniers jours du Carême, la vue d'un R. P. Capucin, préchant à NotreDame-des-Victoires. Car, dans cette église bénie de Marie, la sainte quarantaine tout entière a été remplie par deux fils de saint François, les premiers qui aient prêché une station à Paris depuis plus de soixante ans. Que les exercices aient été régulièrement suivis par un constant et nombreux auditoire, que les deux religieux aient amené beaucoup de pécheurs à la réconciliation, nous sommes heureux de le constater, mais est-ce à ce bien purement local et restreint que doit se borner la mission des zélés religieux ?

Nous ne le croyons pas.

Quand leur saint fondateur prit la pauvreté pour sa dame, et l'abjection pour le caractère de son institut, il déclarait la guerre à deux instincts qui ne meurent jamais dans le cœur de l'homme : l'orgueil ou l'amour de soi-même, et l'amour de l'or, parce qu'avec de l'or on peut satisfaire ses appétits : deux plaies qui rongent notre époque, où l'orgueil secoue toute autorité, où le désir de posséder et de jouir va jusqu'à la frénésie. Le mal a gagné si loin, que quelquesuns désespèrent de la guérison, et que d'autres ne la croient possible qu'en appliquant le fer et le feu: nous sommes persuadés, nous, que l'esprit de Jésus-Christ n'a pas perdu de sa vertu, et qu'en voyant pratiquer l'Evangile dans toute la perfection de ses conseils, bien des gens comprendraient encore cette sublime protestation contre le culte de la matière.

C'est le spectacle qu'offre la vie du religieux Capucin. Tout d'abord notre siècle amolli s'étonnera de voir ces hommes cheminer nupieds, couverts d'une robe de bure grossière et rude; il se demandera pourquoi leur demeure est si chétive, pourquoi on en bannit avec une si jalouse rigueur tout ce qui n'est pas absolument nécessaire à la L'Ami de la Religion. Tome CXLVII.

38

vie; pourquoi on semble là se faire honneur de la pauvreté dont ailleurs on rougit comme d'une honte et dont les plus poignantes étreintes se dissimulent sous les apparences d'un luxe mensonger.

Tout cela fera réfléchir. Car, en fréquentant ces religieux éminemment populaires parce qu'ils vivent de la vie du peuple et partagent par choix ses privations, on s'apercevra que le bon sens, l'instruction, l'esprit ne leur manquent pas : on rencontrera sous leur cloître modeste une gaîté simple et franche, et il faudra bien convenir qu'il y a une vérité au fond de cette vie crucifiée qui les rend heureux. Oui, heureux; sans meubles élégants, sans table bien servie, sans appartements commodes, sans plaisirs luxueux, sans tout ce qui surexcite les désirs et remplit d'amertume l'existence rongée d'envie de nos populations à qui depuis si longtemps on prêche le bien-être matériel comme l'unique fin de l'homme.

Il y a là déjà une grande leçon.

Joignez-y les bons conseils reçus avec confiance, les rapports spirituels qui bientôt s'établissent, et vous conviendrez que l'établissement des religieux de Saint-François, à portée de nos quartiers populeux, serait un événement heureux.

A Paris, les Capucins seraient une nouveauté, parce que tout s'y oublie rapidement; les générations s'y suivent sans se succéder: dans ce cœur de la France, les individus affluent de toutes les extrémités, se coudoient, se pressent, s'écrasent quelquefois; puis vainqueurs ou vaincus dans cette inexorable lutte des intérêts, ils sont reflués sur les provinces et font place à d'autres. On compte peu, bien peu de familles parisiennes dont le bisaïeul, seulement, ait été citoyen de Paris. Mais en province, il n'en est pas de même; les traditions se conservent, et nous avons trouvé dans bien des localités le souvenir des Capucins encore vivant.

Le jeune homme vous montre la croix plantée près de la porte de l'humble couvent, et il vous raconte que sa mère y venait souvent prier. Les pauvres savent que cette porte était toujours ouverte autrefois par la charité; on redit dans les chaumières les visites du frère quêteur et on les regrette: car, n'en doutez pas, il y a une intime consolation dans cet échange de bons offices mutuels qu'amène la vie pauvre des Capucins. Celui qui écrit ces lignes a vécu dans des pays où la règle de Saint-François se pouvait suivre dans toute sa simplicité, sans redouter les entraves d'une législation méticuleuse, et il peut affirmer que les rapports fréquents du peuple et des religieux mendiants ont une immense influence moralisatrice.

C'est là un paradoxe aux yeux de bien des gens qui croient à un grand progrès quand ils lisent à l'entrée d'un village: «LA MENDICITÉ EST INTERDITE DANS LE DÉPARTEMENT DE ***. » Il ne serait peutêtre pas bien difficile de démontrer qu'il y aurait quelque chose de mieux à faire que d'interdire la mendicité : la rendre moins nécessaire, par exemple, par une meilleure administration; moins conta

gieuse, par un peu plus de souci des besoins moraux des petits. — Mais, sans entrer dans cette question, qui touche à toutes les questions, nous nous contenterons de constater le bien que nous avons pu apprécier nous-mêmes, et de dire que cette mendicité, dont on a voulu faire un reproche flétrissant aux ordres mendiants, est une belle et utile institution au point de vue chrétien comme au point de vue social. Aussi nous regrettons que, dans les départements où quelques couvents de Franciscains sont établis, le respect dû aux lois ne leur permette pas de parcourir les villes et les campagnes en sollicitant le morceau de pain qu'ils rendent en services spirituels.

Néanmoins leur action, plus limitée, se fait sentir, et nous avons salué avec joie l'espérance qui nous a été donnée de yoir se réaliser à Paris ce cher désir de notre cœur.

Avec l'agrément de Mgr l'Archevêque de Paris, le R. P. Laurent d'Aoste, provincial de l'ordre, a formé le projet d'élever, près du cimetière du Mont-Parnasse, une église desservie par quelques Pères Capucins. Ils auraient pour mission propre de rendre les devoirs religieux aux morts que les paroisses ne peuvent pas toujours faire accompagner par un prêtre à leur dernière demeure; ce serait, en outre, une nouvelle pépinière d'auxiliaires pour le ministère évangélique. Une souscription est ouverte à cet effet (1). Puissent les âmes animées par le désir du bien de leurs frères et de la gloire de Dieu, comprendre tout ce qu'il y a d'avenir dans cette pieuse tentative!

Nous trouvons, dans une correspondance allemande, adressée au Moniteur catholique, des détails intéressants sur les négociations qui ont précédé les actes si heureux par lesquels est inauguré l'affranchissement de l'Eglise en Autriche :

Les Evêques, assemblés à Vienne, avaient choisi trois de leurs collègues, l'Archevêque de Saltzbourg et les Evêques de Brunn et de Seckau, pour entrer, avec le gouvernement, dans les communications nécessaires, relativement aux décisions qu'ils avaient prises à l'unanimité des voix. Le ministère, de son côté, avait choisi, outre le comte de Thun, ministre des cultes et de l'instruction publique, MM. Bacle et de Schmerling, ministres de l'intérieur et de la justice, pour négocier avee les prélats. Plusieurs conférences eurent lieu entre ces six personnes, et la dernière se termina par une rupture complète. Les collègues de M. de Thun ayant voulu marchander encore sur les dernières concessions que les Evêques avaient déclaré pouvoir accorder, ceux-ci se retirèrent. Néanmoins, le comte de Thun ayant exprimé, dans la conférence même, des sentiments beaucoup plus équitables que ceux des deux autres ministres, le CardinalArchevêque de Salzbourg crut devoir lui écrire, tant pour le remercier des bonnes dispositions qu'il avait manifestées que pour récuser, de la part des Evêques, la responsabilité des suites funestes que la rupture arrivée pourrait entraîner à sa suite. Cette lettre paraît avoir produit sur le comte de Thun une profonde im

(1) Chez M. l'abbé DES GENETTES, curé de Notre-Dame-des-Victoires, ou à M. HAMELIN, curé de l'Abbaye-aux-Bois.

« PreviousContinue »