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« Le roi Guillaume, en 1825, n'en a supprimé que cinq (interruption), il a supprimé 5 colléges dirigés par le clergé; et, chose remarquable, parmi ces 5 colléges supprimés par les arrêtés de 1825 et rétablis en 1830, il en est 2 ou 3 qui font partie de ces colléges que les communes unt confiés à direction du clergé et que vous menacez aujourd'hui.›

Ainsi, M. Dechamps a fait ressortir jusqu'à la dernière évidence ce fait incontestable : si le ministère réclame une organisation universitaire, s'il menace les droits et les établissements des communes d'un anéantissement complet, c'est toujours pour combattre l'influence de l'Eglise :

« L'Etat concurrent, dit-il, l'enseignement à titre de souverain, au nom des droits du gouvernement, l'antagonisme entre l'enseignement public et l'enseignement privé; la lutte contre le clergé et les communes complices du clergé, jusqu'à un certain point de vue, la sécularisation légale de l'enseignement public; voilà le système de la loï. »

Ici l'éloquent député aborde de front la grande, la fondamentale question, celle des garanties religieuses que doit présenter, contrairement aux doctrines de séparation et de sécularisation, tout enseignement donné aux frais et sous la responsabilité de l'Etat.

Il faut voir avec quelle précision, avec quelle netteté, l'organe des catholiques belges la pose et la résout.

Les défenseurs de la loi commençaient à reculer; M. Rolin, M. Delfosse avaient admis, quoique vaguement, la nécessité morale de l'enseignement religieux: il les pousse, il les presse :

L'ERREUR dans taquelle vous étes, c'est de croire que l'enseignement est une chose exclusivement LAIQUE, une chose toute civile, et que quand vous appelez le clergé à donner l'enseignement religieux, vous lui faites une concession.

Du moment que vous admettez, Et vous admetteZ TOUS, que l'enseignement religieux, non un enseignement général, mais l'enseignement d'une religion dogmatique conforme aux croyances des populations, doit faire partie de l'enseignement public, l'enseignement n'est plus une chose exclusivement laïque. Il tient à l'Etat par certains liens; il tient au culte par certains autres.

Voici ce que disait un homme qui ne vous sera pas suspect, M. Cousin, en défendant le projet de loi de 1853 à la Chambre des Pairs, et répondant précisément à la même objection à laquelle je réponds; il disait :

« L'autorité religieuse doit être représentée d'office dans l'éducation de la jeunesse, tout comme l'autorité civile. Nous ne voulons pas mêler le moins du « monde la religion aux choses de la terre; mais il est ici question de la CHOSE ♦ RELIGIEUSE ELLE-MÊME. Nous sommes les premiers à vouloir que le clergé reste « dans le sanctuaire; mais l'école publique est un sanctuaire aussi, et la religion y est au même titre (titre d'autorité) que dans l'église ou dans le temple. »>

Eh bien, Messieurs, évidemment lorsque l'enseignement religieux fait partie de l'enseignement public et que le clergé le donne, l'Etat ne lui fait pas une concession, le clergé n'entre pas dans le domaine civil, il reste dans le sien, dans le domaine religieux.

Messieurs, quand l'enseignement religieux n'est pas donné directement par le clergé, comme dans l'enseignement primaire, il doit être donné sous sa surveillance, de concert, en communion avec lui, comme le père d'une famille

croyante le donne; mais jamais il ne peut être donné malgré le clergé ou in dé pendamment du clergé. Voilà notre principe.

Ce principe pourrait se traduire ainsi : Union de l'Eglise et de l'Etat dans l'instruction publique.

M. Dechamps ajoute :

Nous voulons qu'en tête du programme des études, au frontispice de la loi, comme on l'a dit, l'enseignement religieux soit inserit comme matière essentielle.

Nous le voulons, pour que notre loi ne soit pas une déshonorante exception parmi toutes les législations du monde. Nous le voulons pour deux autres raisons: d'abord, pour que l'enseignement religieux y soit donné; ensuite, parce que ce príncipe, écrit au frontispice de la loi, veut dire que rien dans l'enseignement littéraire ne sera en désaccord avec l'enseignement religieux, que jamais dans une autre chaire on n'apprendra aux élèves à douter ou à se moquer de cet enseignement religieux, que jamais le professeur ne détruira l'œuvre du prêtre,»

Il appartenait au rapporteur de la loi de 1835, au collègue de M. Nothomb en 1842, de rappeler que ses principes et ses actes n'avaient jamais varié sur ce point important. Laissons-le invoquer, comme le plus puissant exemple, la loi de 1842 sur l'enseignement primaire :

«La loi de 1842 est la complète antithèse de la loi que nous discutons. Une situation analogue à celle dont on se plaint à l'égard de l'enseignement secondaire existait avant 1842 pour l'enseignement primaire. Un assez grand nombre de communes s'étaient dispensées de fonder des écoles primaires communales que suppléaient des écoles privées, la plupart dirigées par le clergé. D'autres communes, les communes urbaines, avaient engagé contre le clergé une lutte de concurrence. L'antagonisme donc régnait, comme l'antagonisme règne pour l'enseignement secondaire.

Que fit le législateur de 1842? Est-il venu exciter, agrandir cet antago nisme? Est-il venu l'établir en principe, le systématiser ? Non, Messieurs, au contraire; il vint FAIRE CESSER cet antagonisme. En 1842, le législateur est vend réconcilier les communes avec le clergé, sous la haute médiation de l'Etat. Il a fait cesser la lutte qui régnait.

Voici quelles furent les conditions de l'atliance de 1842 : Le clergé soumit ses écoles normales, il soumit depuis les nombreuses écoles primaires qu'il avait fondées à la surveillance, à l'inspection de l'Etat, au régime de la loi; le gouvernement introduisit officiellement le clergé dans les siennes : voilà le concordat, la convention de 1842.

« Voilà la pensée élevée qui a dicté la loi de 1842, qui restera l'honneur du ministre, de l'homme d'Etat éminent qui l'a signée, voilà pourquoi elle a réussi, pourquoi les adversaires de la loi sont forcés de constater ses heureux effets tout en méconnaissant la cause qui les a produits.

<< Ainsi Messieurs, la loi de 1842 est une loi de confiance et de transaction, à un double point de vue; transaction entre l'enseignement libre et l'enseignement public, transaction entre les partis, qui, en 1842, aux jours de nos luttes les plus. vives, acceptaient cette loi par le vote presque unanime des deux Chambres.

Votre loi, au contraire, qu'est-elle? Au lieu d'être une loi d'alliance, c'est une loi d'antagonisme sous un double rapport: antagonisme dans la sphère de l'enseignement, antagonisme dans la sphère politique. »

Est-il un témoignage plus authentique et plus remarquable? Conlestera-t-on encore le caractère et le sens de la principale loi de la Belgique sur l'enseignement public?

Il importe d'insister, comme M. Dechamps, sur la condition de la transaction consentie en 1842 entre les catholiques et l'autre parti. Nous recommandons cette particularité à ceux qui repoussaient l'introduction du même principe dans la loi française, en prenant pour devise: La liberté comme en Belgique!

Voici ce qui s'est passé en 1842 : l'opinion libérale se rattachait plutôt aux idées françaises, elle demandait qu'on fortifiât l'action du gouvernement dans l'enseignement. L'opinion catholique se rattachait plutôt à l'idée anglaise, au système de libre concurrence; elle insistait surtout sur les garanties d'une éducation religieuse que la loi devait donner aux familles.

«Quelle fut la transaction : l'opinion catholique accorda une assez forte organisation de l'instruction primaire, et l'opinion libérale admit l'intervention officielle du clergé dans les écoles publiques. Nous cédions l'enseignement de l'Etat, on cédait l'enseignement religieux légal. Voilà quel fut ce Concordat.

M. Dechamps, on le voit, se sert encore de ce même mot de CONCORDAT, tant reproché à M. de Montalembert! Il l'emploie même à plusieurs reprises.

Et cette pensée de concordat, d'union, de transaction, elle n'a pas apparu pour la première fois en 1842 chez les Belges, en 1849 chez nous, ou à telle autre date en Allemagne ou en Angleterre. En Belgique, en Allemagne, en Angleterre, partout, c'est la règle, c'est la tradition. Et l'orateur, en iuvoquant cet assentiment unanime des peuples modernes, ne manque pas d'ajouter que la France ellemême, après y avoir fait une déplorable exception, commence aujourd'hui enfin à rendre hommage aux vrais principes:

Il est un fait qui m'a toujours frappé et qui devrait vous frapper comme moi: nulle part, dans le monde, excepté en France, et CETTE EXCEPTION VIENT DE CESSER, nulle part on n'a imaginé d'établir un enseignement public, je ne dirai pas en hostilité avec le clergé, je ne dirai pas même en défiance du clergé, mais nulle part on n'a constitué un enseignement public sans avoir les cultes

avec soi.

En Angleterre, en Allemagne, AUJOURD'HUI EN FRANCE, partout la législation de l'enseignement public repose sur la base religieuse, partout c'est un (CON

CORDAT.

«En Belgique, jusqu'en 1847, toutes les lois qui ont été présentées étaient des lois de transaction. Toujours on a voulu que les deux opinions pussent les accepter. La loi de 1834 fut élaboréé par une commission dans laquelle les hommes les plus éminents des deux opinions étaient représentés. En 1840, je l'ai dit déjà, le ministère libéral de 1840 maintenait le système de 1834, avec cette différence qu'il promettait aux catholiques des concessions, et sous le rapport des garanties religieuses, et sous le rapport de l'action du pouvoir civil que l'on consentait à diminuer. En 1842, les Chambres ont voté la loi sur l'enseignement primaire, et en 1846, l'honorable M. de Theux a présenté un projet de transaction dans lequel nous faisions de très-larges concessions, qui pouvaient la faire accepter et par vous et par nous.

<< Messieurs, on sort de ce système, on entre dans une autre voie, et savezvous dans quelle voie on entre? Dans la voie de l'enseignement politique, dans le système français que la France tente de répudier, et que la Belgique recueille et adopte. »

La nouvelle loi de France n'est donc pas aussi méconnue à l'étranger qu'elle l'est encore par quelques esprits au milieu de nous. En Belgique, personne ne conteste les changements radicaux qu'elle opère.

Malgré l'étendue des citations qu'on vient de lire, nous ne saurions résister au plaisir de reproduire encore quelques passages de la magnifique péroraison de M. Dechamps :

«Messieurs, regardons plus haut. Il n'y a plus aujourd'hui dans le monde que deux partis et deux politiques: le parti et la politique de la révolution, le parti et la politique de l'ordre social et du gouvernement. Il n'y en a pas trois : toutes les tendances intermédiaires de jour en jour, vont se perdre dans ces deux conrants opposés.

«Eh bien, je vous le demande, regardez bien ce qui est écrit sur les deux drapeaux.

Cette question de l'enseignement qui nous préoccupe a été agitée, presque en même temps, dans les parlements de France, de Francfort et de Berlin. Demain, elle va l'être en Suisse. Regardez attentivement et voyez en tête de quel programme est écrit ce principe: Centralisation plus ou moins absolue de l'enseignement public aux mains de l'Etat, et sécularisation de cet enseignement, Voyez en tête de quel programme est écrit cet autre priucipe: Liberté de l'instruction, libre concurrence, action modérée de l'Etat et INTERVENTION EFFI CACE, RÉELLE du clergé dans L'ENSEIGNEMent public.

des

<< Constituer un enseignement de l'Etat en concurrence avec l'enseignement du clergé, créer un corps enseignant, une université enseignante, une Eglise laïque en concurrence avec l'enseignement de l'Eglise chrétienne, n'avoir que défiances contre ce clergé et cette Eglise, exclure du parti de l'ordre, dars les circonstances actuelles, et forcer à l'opposition l'élément religieux du pays, est-ce bien défendre la société ?

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« A coup sûr, personne ici ne veut la révolution. Mais, en France, les hommes éminents qui illustrèrent le gouvernement de juillet, étaient certainement des hommes attachés à l'ordre, profondément dévoués à la monarchie. Ils avaient cru aussi pouvoir conserver contre le clergé de leur pays toutes ces défiances, toutes ces jalousies (comme disait M. Thiers). Ils avaient cru qu'il était bon et utile pour l'unité française, comme l'honorable M. Lebeau croit qu'il est bon et utile pour l'unité belge, de confier à l'Etat d'une manière plus ou moins absolue le soin d'élever les jeunes générations.

« Ils ne croyaient pas pousser à la révolution, et cependant ils y poussaient. Aujourd'hui, tous confessent leur erreur. C'est le plus élevé de tous, par le talent et le caractère, c'est M. Guizot qui, du fond de son exil, crie à la France: Laissez donc la religion se déployer grandement et puissamment; ne lui dispu tez pas aigrement son influence! C'est M. Thiers, qul proclame que les défiances, les jalousies qu'il avait contre le clergé, à une autre époque, il ne les a plus.

Une autre voix s'est jointe à celles-ci; c'est celle du chef du constitutionna lisme allemand. M. de Gagern a dit à l'Allemagne : Paix, surtout dans les circon stances actuelles, paix pour les questions religieuses! >

Tout le monde applaudira à ces chaleureuses et éloquentes paroles! Il était difficile de mieux faire ressortir l'importance de la question, de lui rendre avec plus d'éclat toutes ses proportions et sa grandeur.

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(La suite an prochain numéro.)

Nouvelles Religieuses.

ROME. Le R. P. Roothan, général de la Compagnie de Jésus, est retourné de la Sicile à Rome.

DIOCÈSE DE BESANÇon.

On lit dans la Sentinelle du Jura, du 4 mai :

Mgr l'Achevêque de Besançon est passé avant-hier au soir à Lons-le-Saunier, n partant pour Rome. Il porte, de la part de l'épiscopat français, en signe de conngratulation, un présent à Pie IX. C'est un ostensoir qui, nous dit-on, au point de vue de l'art, est d'une grande beauté. ›

DIOCESE DE VERDUN.

Un décret du Président de la République, a autorisé la commune de Géry (Meuse) à accepter la donation à elle faite par M. l'abbé Daussure, de maison et jardins évalués à 6,000 fr. et destinés à l'établissement d'un presbytère.

ESPAGNE.

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On s'attend, à Madrid, à voir très-prochainement les Archevê

ques de Tolède et de Séville promus au cardinalat.

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ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE.

Séance du 8 mai. - PRÉSIDENCE DE M. LE GÉNÉRAl Bedeau, vice-PRÉSIDENT. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur le budget des travaux publics. L'Assemblée, visiblement préoccupée, ne prête aucune attention aux discours prononcés, et vote machinalement. L'eutrée de M. Baroche dans la salle produit une vive sensation.

M. LE PRÉSIDENT. M. le ministre de l'intérieur a la parole.

M. BAROCHE monte à la tribune et donne lecture de l'exposé des motifs cité ci dessus.

M. LE PRÉSIDENT. La question préalable a été demandée et sur la question préalable le scrutin public à la tribune.

L'Assemblée consultée décide que le scrutin public aura lieu à la tribune.

Voici le résultat du scrutin :

Nombre des votants

Majorité absolue

Bulletins blancs

Bulletins bleus

La question préalable n'est pas adoptée.

A droite Voilà notre réponse aux menaces.

650

326

197

453 (Mouv.)

M. LE PRÉSIDENT. M. Michel (de Bourges) a la parole contre la prise en considération de l'urgeuce. (Ah! ah! encore !)

M. MICHEL (de Bourges). Si j'en avais eu le temps, j'aurais jeté des notes sur le papier afin de contenir mon indignation en présence d'une loi au frontispice de laquelle je lis: Mensonge et hypocrisie.

Voix: Ah! vous commencez !

M. MICHEL. Et au bout de laquelle j'entrevois les horreurs de la guerre civile.
Voix : C'est pour provoquer ces horreurs-là que vous parlez.

M. MICHEL (de Bourges). Tout, dans l'urgence, doit être motivé; on ne l'a pas fait. Eh bien! je vais vous dire pourquoi on a présenté cette loi : c'est que la sagesse du peuple fait le désespoir de ses ennemis.

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