Page images
PDF
EPUB

sur la liste des électeurs, quelle que soit la durée de lo peine qu'ils ont encourue?

La loi garde le silence sur le condamné pour rebellion, outrages envers les dépositaires de l'autorité, pour infraction aux dispositions tutélaires des lois qui punissent les attroupements, qui prohibent les clubs et les sociétés secrètes, sur les officiers ministériels destitués en vertu de décisions judiciaires.

S'il est des hommes passibles à juste titre de l'interdiction politique, ce sont ceux qui ont compromis dans leur personne la qualité de citoyen en portant le désordre dans la société en abusant des fonctions qui leur étaient confiées.

La loi garde le silence sur le condamné pour vagabondage et pour mendicité. Est-ce en de telles mains qu'on peut remettre les destinées de notre pays?

Nous vous proposons une énumération nouvelle, et complète cette fois, des incapacités légales. En épurant de plus en plus la liste électorale, vous aurez plns fait pour la cause de l'ordre que vous ne seriez peut-être tentés de l'espérer; vous aurez enlevé aux factions leurs instruments les plus actifs, leurs agents les plus désespérés, les plus infatigables. Après avoir replacé chaque électeur dans sa position natnrelle, au milieu de sa famille, en présence de ses véritables intérêts, vous protégerez son honnêteté, quelquefois son ignorance; vous éloignerez de lui surtout ceux qui tenteraient de l'égarer et de le corrompre.

Le troisième point que nous signalons à votre sollicitude n'est pas moins important que les deux premiers.

Aux termes des articles 65 et 64 de la loi qui nous régit, la majorité relative des voix suffit pour la validité d'une élection, pourvu toutefois que le chiffre de cette majorité ne soit pas inférieur au huitième des électeurs inscrits dans le département. Il suit de cette disposition qu'on peut être élu dans un département dès le premier tour de scrutin sans avoir obtenu la majorité réelle, véritable parmi les votants, et en ayant d'ailleurs contre soi les sept huitièmes de voix parmi les électeurs inscrits.

Cela n'est peut-être pas sans exemple.

Une telle combinaison a pour résultat infaillible d'encourager dans leur indolence, dans leur timidité, les électeurs disposés à s'abstenir, et d'ouvrir à de faibles minorités l'accès de l'Assemblée législative.

Nous vous proposons de déclarer nulle au premier tour de scrutin toute élection qui n'aurait pas été faite à la majorité absolue des votants par le quart au moins des électeurs inscrits. Au second tour de scrutin, la majorité reletive suffirait, mais la nécessité d'obtenir le quart au moins des voix des électeurs inscrits serait maintenue. Au troisième tour, on se contenterait de la majorité relative, quel que fût le nombre des suffrages obtenus.

Nous avons pensé que les inconvénients de scrutins ainsi répétés, étaient moindres que les dangers résultant de la législation actuelle.

La sincérité, la moralité de l'élection, tel est encore ici le but, l'unique but que nous cherchons à atteindre. Vous jugerez, Messieurs, si nous avons réussi.

Il ne nous reste plus qu'à vous entretenir de deux dispositions incidentes et qui ne se rattachent qu'en partie au principe de la loi que nous vous proposons. Dans l'état actuel des choses, lorsqu'une vacance survient dans le sein de l'Assemblée, le gouvernement est tenu de convoquer dans les quarante jours les électeurs afin d'y pourvoir.

Ce délai nous paraît trop court.

Une obligation aussi étroite, imposée au gouvernement, multiplie les crises qui résultent toujours d'une élection, sous l'empire du suffrage universel, et ramène trop souvent dans le pays les causes d'agitation et de trouble.

Nous vous proposons d'étendre le délai à six mois; ce qui permettra souvent de diminuer ces causes d'agitation, en faisant procéder en même temps à un certain nombre de réélections.

Une dernière modification nous a paru essentielle.

Le vote est secret, ainsi le veut la Constitution; et cependant, chacun le sait, à raison de l'organisation actuelle du vote de l'armée, ce vote est public, au moins quant à ses résultats. Il est connu avant même que le scrutin soit ouvert dans les autres sections électorales. C'est un abus auquel il est aisé de porter remède. Nous vous proposons de consacrer dans la loi ce principe que les bulletins des électeurs militaires ne seront plus dépouillés dans les sections où ils auront été reçus, mais transmis après avoir été clos et cachetés en présence du bureau, au préfet de chaque département, et confondus dans les mêmes urnes avec les bulletins des électeurs du chef-lieu; de cette manière, toute distinction, toute constatation séparée des votes de chaque corps, deviendra désormais impossible.

Nous n'entrerons dans aucune explication sur deux ou trois articles transitoires qu'il suffira d'énoncer pour qu'ils soient compris. Le plus important de ces articles est celui qui maintient en vigueur la loi actuelle dans l'Algérie et dans les colonies, jusqu'au moment où ces parties du territoire de la République auront reçu leur constitution définitive. D'après leur organisation actuelle, la loi que nous vous apportons leur serait difficilement applicable.

Telles sont, Messieurs, les modifications graves que nous vous proposons d'introduire dans notre système électoral. Nous avons voulu respecter la Constitution, mais en même temps nous avons usé de tout ce qu'elle nous a laissé de latitude et de liberté pour remédier aux imperfections de notre législation actuelle. Si ces changements obtiennent votre approbation, aurons-nous réussi à rassurer les esprits, à faire naître la sécurité dans les cœurs, à rouvrir pour notre pays les voies de la prospérité?

Tel est notre vœu et notre espoir. S'il en était autrement, ce qu'à Dieu ne plaise, nous aurions au moins la conviction d'avoir tenté loyalement et sans arrière-pensée tout ce que la Constitution nous permettait d'entreprendre pour assurer au suffrage universel sa sincérité et sa moralité, conditions sans lesquelles il ne saurait être l'expression du pays.

Voici, Messieurs, le texte du projet de loi:

« Art. 1er. Dans les douze jours qui suivront la promulgation de la présente loi, la liste électorale sera dressée,pour chaque commune, par le maire.

Art. 2. Elle comprendra, par ordre alphabétique: 1o tous les Français âgés de 21 ans accomplis, jouissant de leurs droits civils et politiques, et domiciliés dans la commune depuis trois ans au moins; 2o ceux qui n'ayant pas encore atteint, lors de la formation des listes, les conditions d'àge et de domicile, les acquerront avant la clôture définitive.

"Art. 3. Le domicile électoral sera constaté: 1o par l'inscription au rôle de la taxe personnelle; 2o par la déclaration des père ou mère en ce qui concerne les fills majeurs vivant dans la maison paternelle, et qui, par application de l'article 12 de la loi du 21 avril 1832, n'ont pas été portés au ròle de la contribution personnelle; 3' par la déclaration des maîtres ou patrons en ce qui concerne les majeurs qui servent ou travaillent habituellement chez eux lorsqu'ils demeurent avec eux dans la même maison; par l'exercice de fonctions publiques dans un lieu déterminé; 5o par la présence sous les drapeaux dans les armées de terre et de mer.

« Art. 4. Les déclarations des pères, mères, maitres ou patrons, seront faites par écrit sur des formules délivrées gratis. Ces déclarations seront remises au maire et renouvelées chaque année, du 1er au 31 décembre. Les pères, mères, maîtres et patrons qui ne pourront faire leurs déclarations par écrit devront se présenter, assistés de deux émoins domiciliés dans la commune, devant le maire pour faire leurs déclarations.

Toute fausse déclaration sera punie correctionnellement d'une amende de 100 fr. à 2,000 fr., d'un emprisonnement de six mois au moins à deux ans au plus, et de l'interdiction du droit de voter et d'être éligible pendant cinq ans au moins ou dix ans au plus.

« Art. 5. Quiconque quittera la commune sur la liste électorale de laquelle il sera inserit continuera à être porté sur cette liste pendant trois ans, à charge de justifier, dans les formes et conditions prescrites par l'article 3 de la présente loi, de son domicile dans la commune où il aura fixé sa nouvelle résidence.

« Art. 6. Ne seront pas inscrits sur la liste électorale : 4o Les individns désignés aux paragraphes 1er, 2, 3, 5, 6, 7 et 8 de l'art. 3 de la loi du 15 mars 1849. 2o Les individus désignés au paragraphe 4 du même article, quelle que soit la durée de l'emprisonnemént auquel ils sont condamnés. 3o Les officiers ministériels destitués en vertu de jugements ou de décisions judiciaires. 4o Les condamnés pour rébellion, outrages envers les dépositaires de l'autorité ou de la force publique, pour délits prévus par la loi sur les attroupements et la loi sur les clubs, pendant cinq ans, à partir du jour de leur condamnation.

«Art. 7. Les militaires, présents sous les drapeaux, continueront d'être répartis dans chaque localité en sections électorales par département. Leurs bulletins seront recueillis et envoyés au chef-lieu du département dans un paquet cacheté, et confondus dans les diverses sections électorales du chef-lieu, avec les bulletins des autres électeurs.

« Art. 8. Nul n'est élu ni proclamé représentant au premier tour de scrutin, s'il n'a réuni un nombre de voix égal au quart des électeurs inscrits sur la totalité des listes électorales du département, et la moitié plus un des suffrages exprimés. Au second tour de scrutin, qui est fixé de droit au second dimanche qui suit le jour de la proclamation du résultat du premier scrutin, nul n'est élu s'il n'a réuni un nombre de voix égal au quart des électeurs inscrits, et la majorité relative. Au troisième tour de scrutin, qui aura lieu le quatrième dimanche qui suivra le jour de la proclamation du résultat du second scrutin, l'élection se fera à la majorité relative, quel que soit le nombre des suffrages obtenus.

« Art. 9. En cas de vacance par option, démission, décès ou autrement, le collége électoral qui doit pourvoir à la vacance est réuni dans le délai de six mois.

« Art. 10. Dans les villes où le contingent personnel et mobilier est payé en totalité ou en partie par la caisse municipale, l'état des imposables à la taxe personnelle dressé par le contrôleur des contributions directes, assisté des répartiteurs, et qui sert à déterminer le contingent de la commune, sera soumis chaque année au conseil municipal L'inscription sur l'état des imposables équivaudra à l'inscription au rôle de la taxe personnelle.

Article transitoire.

« Pour la confection des listes électorales dressées en exécution de la présente loi pour l'année 1850 toutes les règles prescrites par la loi du 15 mars 1849, en ce qui concerne les délais et les réclamations, seront observées et les listes seront closes trois mois après la promulgation de la loi. Les déclarations prévues par l'article 3 seront faites dans les vingt jours de la promulgation. Tout individu qui n'aura pas trois ans de domicile dans la commune où il résidera au moment de la promulgation de la loi, sera inscrit sur la liste électorale de la commune qu'il habitait antérieurement, s'il y justifie de trois an nées de domicile, conformément à l'article 3. La révision annuelle des listes pour les autres années sera faite aux époques et d'après les règles déterminées au titre 2 de la loi du 15 mars 1849. Continueront à être exécutées, pour les élections de l'Algérie et des colonies, les dispositions de la loi du 15 mars 1849, jusqu'à la promulgation des lois organiques prévues par l'article 109 de la Constitution. »>

« La loi organique de l'enseignement n'accorde à l'Eglise AUCUNE des conditions qu'elle a toujours réclamées : elle lui refuse la liberte indispensable pour agir efficacement. Le bien qui se fera, se fera MALGRÉ LA LOI: le bien qui ne se fera pas, la loi l'aura rendu impossible. »

Ces mots sont ceux par lesquels l'Univers termine ce matin un nouvel article sur la commission instituée par Mgr l'Archevêque de Paris.

Voilà comment l'Univers exécute la promesse qu'il avait faite le 17 mars dernier, lorsqu'il s'écriait : « Nos Evêques sont les gardiens des consciences chrétiennes. La loi sera pour nous ce qu'elle sera pour eux. A Dieu ne plaise que nous manquions jamais de docilité et de courage pour accomplir les résolutions qu'ils prendront dans leur sagesse, inspirée par la foi.

[ocr errors]

Nous sommes prêts à marcher d'accord avec les auteurs de la loi, soit pour réformer cette loi si, à l'expérience, elle se trouve décidément mauvaise, ce qu'ils reconnaîtront aussitôt que nous; soit pour en tirer le meilleur parti possible, si elle est exécutable, ce que nous verrons aussi bien qu'eux; SOIT POUR LA DÉFENDRE si décidément nous nous sommes évidemment trompés. Et puisse cette dernière éventualité se réaliser préférablement à toutes les autres! » Voilà de plus l'affirmation que ce journal met à côté des paroles de Mgr l'Archevêque de Paris, qui dit au contraire :

a Ce

que nous avons demandé avec tant d'instances et durant si longtemps, VIENT DE NOUS ETRE ACCORDÉ. Une loi, qui n'est pas parfaile sans doute, nous donne au moins cette faculté, qui est ESSENTIELLE ET QUI EST AU FOND PRESQUE TOUTE LA LIBERTÉ QUE (NOUS DEMANDONS, de fonder des écoles et de les diriger, sans qu'une volonté arbitraire et toute-puissante puisse désormais paralyser nos efforts. » Discussion et vote de la loi sur l'enseignement moyen en Belgique.

DISCOURS DE M. DECHAMPS.

Nous éprouvons un vif regret de ne pas pouvoir analyser les plus importants discours qui ont été prononcés, à la Chambre des représentants belges, après ceux que nous avons cités avant-hier. Mais il y en a deux qui, par leur valeur et par l'autorité des hommes d'Etat auxquels ils sont dus, résument tout le débat, et sur lesquels nous devons appeler particulièrement et concentrer autant que possible l'attention des catholiques de France.

Ces discours sont ceux de M. DECHAMPS et de M. de THEUX.

M. Dechamps, l'orateur le plus éloquent de la Belgique, a eu l'honneur de représenter dans les ministères de conciliation (dans les ministères mixtes, comme on disait), le même parti dont M. de Theux restait toujours le chef principal, soit au pouvoir quand les catholiques en ont été exclusivement dépositaires, soit dans le Parlement quand ils y formaient la plus considérable fraction et le noyau d'une majorité composée de toutes les nuances modérées.

Depuis 1834, MM. de Theux et Dechamps ont toujours eu la plus grande part dans toutes les discussions comme dans toutes les lois et les affaires relatives à l'enseignement.

[ocr errors]

C'est encore au talent supérieur de M. Dechamps et à la parole respectée de M. de Theux que les Catholiques ont remis avec confiance la mission et le soin de porter, dans cette circonstance, les derniers coups à l'œuvre du faux libéralisme.

M. Dechamps a occupé les deux séances du 22 et du 23 avril. Il a merveilleusement caractérisé, dès son début, les prétentions du ministère actuel, qui, dans sa haine contre l'influence religieuse, demande un pouvoir excessif « pour organiser, pour empêcher et pour détruire. >>

[ocr errors]

1° Pour organiser, aux frais de l'Etat, une concurrence mortelle contre la liberté ;

2o Pour empêcher, par les empiétements d'une autorité centralisatrice, la liberté de produire ses fruits et ses développements;

3o Enfin pour détruire des établissements particuliers, qui existent aujourd'hui grâce à la confiance réciproque du clergé, des familles et des communes.

M. Dechamps a signalé et flétri les intentions des auteurs mêmes de la loi, d'après leurs propres déclations :

‹ Le besoin d'une intervention plus efficace du gouvernement dans l'enseignement, a-t-il dit, par quoi est-il motivé d'après l'exposé des motifs? Serait-ce que la liberté a été impuissante à rien fonder, à rien produire? Serait-ce que le nonbre des établissements communaux et des établissements privés serait insuffisant? Serait-ce que, sous le rapport des études, de la discipline, sous le rapport moral et religieux, ces établissements ne présentent que des garanties imcomplètes? Mais c'est le contraire. On demande une intervention de l'Etat plus directe, précisément parce que le nombre des établissements privés est trop grand; parce que la religion, dans une certaine mesure, a été appelée à les diriger; parce que les communes surtout ont été ou trop faibles ou trop complices dans la lutte qu'il fallait engager contre le clergé. Voilà pourquoi on veut intervenir.

«Le mal auquel il faut parer, l'abus contre lequel il faut armer le pouvoir, c'est donc l'efflorescence même de la liberté ; ce sont les fruits abondants qu'elle a produits; c'est surtout l'usagé que le clergé a fait de la liberté! »

Mal étrange! singulier abus!

Et pour atteindre un tel abus, pour armer le pouvoir contre ses dangers, que fait la loi de M. Rogier? Elle ne se contente pas d'altribuer à l'instruction publique non encore existante en Belgique, une extension, une hiérarchie, une dotation incomparablement plus fortes que l'ancienne Université n'en a jamais eues, et qu'elle n'en conserve désormais en France! Cette même loi reprend en sousœuvre le système de destruction inauguré par le roi Guillaume, en attaquant d'abord les colléges communaux :

Vous réclamez, continue l'orateur, le pouvoir de supprimer, par or donnances, les colléges communaux qui pourraient vous gêner dans votre plan d'organisation; et nous savons que cette menace de suppression pèse sur tous les colléges à convention, sur les vingt-deux colléges que protége, selon l'expression de M. Van Hoorebeke, la volonté des communes, et que protége la volonté de familles.

« PreviousContinue »