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« Pourquoi les établissements de l'Etat, notamment sous le régime hollandais, excitaient-ils la défiance? C'est qu'avant 1830 comme dans le projet de loi, on se bornait à l'instruction, et que l'aumônier appelé au sein de l'école ne pouvait exercer son ministère d'une manièrë digne; c'est que des professeurs, très-instruits d'ailleurs dans les sciences, n'inspiraient aucune confiance par leur conduite privée ou leurs principes.

« Pour que l'éducation soit complète, il faut que l'instruction religieuse soit sérieuse, approfondie, qu'elle croisse avec les autres connaissances de l'élève, qu'elle pénètre dans toutes les classes, dans tous les cours; que la religion placée au premier rang, entouréc d'un haut respect, fasse écarter de l'enseignement toute parole, tout principe contraire à la loi de Dieu, qu'elle éclaire l'application des sciences, qu'elle enseigne à en faire un usage conforme à la destinée de l'homme.

« L'enseignement religieux est plus nécessaire même dans les colléges et écoles moyennes que dans les autres, parce que les colléges et athénées ont pour but de former les classes essentiellement influentes de la société, qu'ils les forment à un âge où les principes deviennent décisifs pour la vie entière; qu'enfin plus l'intelligence se développe, plus elle a besoin de frein et d'une direction morale. »

Nous regrettons de ne pouvoir pas donner plus de place aux observations si justes et aux aperçus si ingénieux de M. le comte de Mérode. Nous signalerons seulement quelques passages où il réfute avec bonheur des préjugés trop répandus.

A ceux qui, confondant le Pouvoir civil avec l'Etat, disent que l'Etat est laïque, pour ne laisser aucune place au clergé dans la société temporelle, il répond :

« On a proclamé ici souvent une sorte d'axiome qui ne se trouve pas dans la Constitation: L'Etat est laïque Définissons done exactement ces deux termes : l'Etat, c'es l'ensemble d'une société complète, organisée de manière à constituer une nation. L'Etat se compose de magistrats, de militaires, d'employés divers d'administration publique, de ministres de la religion, puis d'agriculteurs, de commerçants, etc. L'Etat n'est exclusivement ni financier, ni légiste, ni prêtre, ni militaire, ni agriculteur, ni commerçant ou médecin. Il est l'ensemble de toutes ces fonctions ou professions. Le sacer doce fait partic essentielle, indispensable de cette société et figure au budget. L'Etat n'est donc pas exclusivement laïque. »

Il n'admet pas que toute Constitution, par cela seul qu'elle ne proclame pas une religion d'Etat, professe et impose même au Pouvoir l'athéisme pratique. Il rappelle, à cette occasion, ce qu'il écrivait bien avant 1848:

«La charte française de 1830 reconnaît comme étant catholique la majorité du peuple français, et la Constitution du Congrès, sans s'exprimer sur un fait palpable, oblige l'Etat à pourvoir aux besoins matériels du culte catholique et des autres cultes que professent les citoyens belges. Or, de semblables institutions ne peuvent avoir pour base l'athéisme, c'est-à-dire la négation ou l'oubli de Dieu.

« Comment nierait-on l'existence de la Divinité, quand on prend un soin particulier d'assurer la célébration du culte divin qui s'exerce par conviction et librement ? » Enfin, il se résume ainsi sur la question dont il s'agit en ce moment :

« Que doit faire l'Etat selon l'esprit constitutionnel véritable? Il doit, ou renoncer à y prendre une part directe, ou l'organiser conformément aux principes religieux des parents dont les enfants seront confiés à ses écoles; car les enfants ne sont pas les enfants de l'administration, qui ne posséde aucune doctrine propre à elle; ils appartiennent à la famille où ils sont nés. >>

C'est exactement ce que nous n'avons cessé de redire ici.

Ne se croirait-on pas ramené aux débats qui ont eu lieu en France

sur le même sujet? Et n'est-ce pas le cas, à propos de tels principes, de retourner un mot célèbre, en disant: « Ce qui est vérité d'un côté de la frontière, est aussi vérité de l'autre.» Nous consacrerons à ce sujet un dernier article.

ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE.

Séance du 6 mai. - PRÉSIDENCE DE M. DUPIN.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur le budget de la marine, dont les derniers chapitres sont adoptés.

On passe ensuite à la discussion du ministère des travaux publics.

M. NADAUD. En France, l'ouvrier est dans la plus grande misère; il est plus malheureux qu'un esclave. (Murmures.) Moi, je crois que vous devez donner du travail à tous ceux qui sont valides. (Nouveaux murmures.) Honte à ceux qui laissent le peuple le plus laborieux du monde dans la détresse la plus profonde!

Voir Mais vous voulez en faire un peuple de fainéans.

M. LE PRÉSIDENT. Quelle que soit la latitude que je veuille laisser à la discussion, je ne puis laisser proclamer à cette tribune le droit au travail. (Très-bien!) Vous avez dit que le devoir du pays était de donner du travail à l'homme valide. C'est le droit au travail (Oui! oui!) et le droit au travail dégénère bien vite en droit à l'insurrection. Très-bien! très-bien!)

M. CHAUFFOUR. Lisez l'article 13 de la Constitution.

Une voix: Si votre argument était vrai, monsieur Chauffour, cela prouverait que la Constitution est mauvaise.

M. MIOT. Le président interrompt toujours.

M. LE PRÉSIDENT. Je fais mon devoir de président. (Oui! très-bien!)

M. NADAUD. Citoyens, toutes les misères proviennent du fait de la société...
Voix: Et les individus?...

M. NADAUD. Donnez l'instruction à la jeunesse, le travail à l'homme valide, un asile à la vieillesse, et vous n'aurez plus d'insurrection.

Voix: Allez en Icarie!

M. NADAUD fait de grandes phrases sur le paupérisme, l'extinction de la misère et l'abolition du salariat, puis il continue ainsi :

L'honorable M. de Lamartine a demandé, dans son Conseiller du Peuple, qu'on activåt les entreprises de chemins de fer, qu'on fit de grands monuments d'utilité publique, que l'Etat consacrât 500 millions ou un milliard à ces entreprises qui produiraient plus de 4 milliards de travaux privés.

Quand j'ai vu monter M. de Lamartine à cette tribune, je m'attendais à le voir développer cette grande idée à la face du pays. Mais je me suis aperçu depuis un an que les questions de travail ne prêtent pas assez à l'éloquence. (Rires à gauche.) J'en ai conclu que c'était le seul motif qui empêchait les grands orateurs de traiter ces questions à cette tribune.

Citoyens, la faim fait plus de barricades que la politique.

M. DENIS BENOIST. On se plaint de la misère; il y a toujours eu de la misère, même aux époques de la plus grande prospérité, parce qu'auprès du travail et de l'ordre il y aura toujours du désordre. C'est à cela que répond la charité religieuse.

La France a de quoi nourrir tous ses enfants; mais ce qui manque, je le répète pour la vingtième fois, c'est la sécurité.

Au surplus, examinez en détail chacune des propositions qui vous sont faites et voyez si vous avez mieux que nous les moyens d'appeler les capitaux vers les industries auxquelles ils manquent.

Plusieurs chapitres du budget des travaux publics sont successivement adoptés. La séance est levée à six heures.

Chronique et Faits divers.

M. de La Rochejacquelein, président de la commission pour le tombeau de l'empereur, vient d'être nommé rapporteur.

De graves questions de responsabilité sont engagées dans cette affaire, qui a déjà soulevé de grands orages dans l'Assemblée.

-On a distribué le rapport de M. de Laboulie, au nom de la commission chargée de l'examen du projet de loi relatif à la nomination et révocation des maires et adjoints.

-Le chômage recommence pour différents travaux. Depuis quelques jours, on remarque que les places du Châtelet et de l'Hôtel-de-Ville, de même que les quais voisins, s'encombrent encore une fois de travailleurs sans ouvrage. N'est-ce pas la conséquence naturelle de l'élection du 28 avril en faveur du parti socialiste?

-Les représentants de Saône-et-Loire ont marqué aujourd'hui leurs places aux derniers bancs de la Montagne.

La fête de la délivrance d'Orléans par Jeanne d'Arc sera célébrée dans cette ville le mercredi 8 mai.

A onze heures, ce matin, le conseil des ministres s'est réuni au palais de l'Elysée, dans le cabinet du Président de la République; à midi trois quarts il siégeait encore.

Dans la matinée, et avant la séance du cabinet, M. le général Changarnier a eu une conférence avec M. le Président de la République.

-On parle beaucoup d'un conseil de maréchaux qui serait convoqué prochai nement par le ministre de la guerre, pour donner son opinion sur des mesures de la plus haute importance, relativement à des modifications essentielles dans l'organisation de l'armée.

Hier matin, à dix heures, la 11. légion était réunie, en grande tenue, dans la grande allée du jardin du Luxembourg, pour la reconnaissance de M. Guilhem, récemment élu colonel, et de trois nouveaux chefs de bataillon. Cette reconnaissance a été faite en présence de M. le général Perrot, commandant les gardes nationales de la Seine; de M. Berger, préfet, et du maire du 11° arrondissement, accompagné de ses adjoints. Un assez grand nombre de curieux assistaient à cette cérémonie.

ERRATUM.

typographi

Il s'est glissé dans l'article nécrologique, inséré hier, une erreur que, qui change complétement le sens d'une phrase de cet article. A la page 515, ligne 17, on a lu Cette considération lui parut sans doute encore plus puissante qu'une aventure. » Il faut lire : « Après une aventure. »]

BOURSE DU 6 MAI.

Le 5 p. 100, 88 75 à 88 45.- Le 3 p. 100, 55 40 à 55 03. Actions de la Banque, 2,085 00.- Obligations de la Ville, 1,270 00.- Nouvelles Obligations, 1,180.5 p. 100 belge, 100 118.- Emprunt romain, 79 114.

L'un des Propriétaires-Gérants, CHARLES DE RIANCEY.

Paris, imp. BAILLY, DIVRY et Comp., place Sorbonne, 2.

MERCREDI 8 MAI 1850;

(No. 5041.)

L'AMI DE LA RELIGION.

A la suite du Mandement qu'il publie, à l'occasion de la rentrée du Souverain-Pontife à Rome, Mgr l'Evêque de Saint-Flour adresse au clergé et aux fidèles de son diocèse plusieurs avis, parmi lesquels nous lisons avec une respectueuse reconnaissance les lignes suivantes; nous ne pouvions recevoir une plus douce récompense et un plus précieux encouragement :

JOURNAUX RELIGIEUX.

« Nous invitons les ecclésiastiques de notre diocèse à lire avec attention l'admirable lettre de Mgr l'Evêque de Langres à M. de Montalembert, publiée dans l'Ami de la Religion le 21 de ce mois, et reproduite dans d'autres feuilles. Nous leur recommandons de nouveau l'Ami de la Religion, comme l'un des journaux religieux qui a su le mieux se maintenir, spécialement dans la discussion de la loi sur l'enseignement, dans les limites indiquées au journalisme par le vénérable Evêque, et se tenir sans contrainte sous la main paternelle de l'Episcopat comme un simple et docile auxiliaire, au lieu de dicter avee empire la conduite à tenir, de prendre tout d'abord un parti absolu quand l'Episcopat commençait à peine à délibérer, et d'employer les mots de trahison, de sacrilége, d'apostasie; et cela quand Rome, consultée depuis longtemps, gardait le silence. Que les lecteurs de certaines feuilles qui pourraient si utilement servir la cause de l'Eglise, se mettent en garde contre leur tendance à former d'avance l'opinion de leurs abonnés, afin de l'opposer ensuite comme un obstacle aux résolutions plus calmes de l'Episcopat, de même que les révolutionnaires cherchent à passionner les masses afin d'entraîner ceux qui les gouvernent. Nous recommandons aussi la lecture de la lettre adressée à l'Ami de la Religion par le vénérable Archevêque de Toulouse, ce courageux défenseur de la foi et de la liberté de l'Eglise. »

Mandements et circulaires

DE NN. SS. LES EVEques de france, a L'OCCASION DE LA RENTRÉE

DU SOUVERAIN-PONTIFE.

La France catholique a tressailli tout entière de bonheur, à la nouvelle de la rentrée du Saint-Père dans la capitale de ses Etats et du monde. Elle ne pouvait avoir d'interprète plus naturel et plus élevé que NN. SS. les Evêques. Nous sommes heureux de recueillir quelques échos des voix de nos premiers pasteurs, s'unissant au triomphe du Pontife souverain.

L'Ami de la Religion. Tome CXLVII.

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Mgr l'Archevêque de BORDEAUX a démontré, ainsi qu'il suit, la grandeur de l'œuvre opérée par la France; au point de vue providentiel et social:

<«< Les empires, les royaumes, les républiques, toutes les puissances du monde civilisé se sont disputé l'honneur de saluer les premières, par l'organe de leurs représentants à Rome, le père commun de la grande famille, revenu de son exil; à aucune époque, la nécessité de la religion, comme force sociale, ne s'est plus admirablement révélée. Dans cette dissolution universelle à laquelle nous assistons, la voix de l'Eglise pourra seule retremper les peuples, en affermissant l'ordre et la liberté qui ne sont unis et ne peuvent être unis que par elle.

«La simple vue de la transformation opérée dans Rome par le retour de Pie IX, prouve au moins que Rome a besoin du pontife-roi, pour être autre chose qu'un musée ou un tombeau. Bien aveugles, si nous ne savions reconnaître, dans ces protestations de repentir, dans ces acclamations, dans ces chants de triomphe de tout un peuple ivre de joie et de bonheur, la main de celui qui, en posant la pierre angulaire, lui a promis que jamais les portes de l'enfer ne prévaudraient contre elle. »

Mgr Donnet tire ensuite de ce grand événement d'heureux pressentiments pour notre chère patrie et notre sainte Eglise :

« C'est pour nous une conviction profonde et une inébranlable espérance, que le filial empressement dont la France a fait preuve au service du siége apostolique, lui sera compté magnifiquement dans la balance des jugements éternels! Il y avait, en effet, dans l'œuvre confiée à la bravoure de nos guerriers, une grandeur particulière. La papauté est un pouvoir moral sans autre force que le respect qu'on a pour elle et la mîssion qu'elle tient de Dieu. La rétablir, c'était rendre la vie au principe d'autorité, au moment où tous les principes sont contestés, où fléchissent toutes les puissances.

« Oui, N. T. C. F., notre patrie, notre société, reprendront une nouvelle vie; le champ toujours fécond du catholicisme se couvrira d'une riche moisson, et une ère de force, de gloire et de salut se lèvera bientôt sur le monde. C'est là visiblement le dessein de la Providence dans les grands événements qui se passent sous nos yeux. De Rome remise en possession d'elle-même par la chrétienté tout entière, émanera la vivifiante énergie qui, pénétrant les nations jusqu'ici rebelles au catholicisme, réalisera en leur faveur la promesse divine: Et fiet unum ovile et unus pastor. »

Mgr l'Evêque de SAINT-FLOUR expose, dans ses véritables et justes termes, la grande question qui s'agitait naguère dans le monde et que l'épée de nos soldats a résolue avec l'aide de Dieu :

« Sans doute, N. T.-C. F., Dieu n'a pas fait d'immortelles promesses aux sociétés humaines et à leurs formes variables et fragiles comme tout ce qui s'appuie sur un bras de chair. Quand une fois elles ont lassé sa patience et comblé la mesure de leurs crimes, il les brise dans sa colère, les efface du rang des nations et fait surgir de leurs ruines de nouvelles institutions et de nouveaux peuples. La puissance temporelle des Pontifes romains elle-même, quoique fondée sur une possession séculaire et conservatrice de la liberté et des droits de toute la famille chrétienne, n'est pas tellement inhérente à l'autorité divine et impérissable du vicaire de Jésus-Christ, qu'il faille lier les destinées du catholicisme aux vicissitudes d'une principauté providentielle, mais terrestre la voix de l'auguste exilé de Gaëte et de Portici n'en était pas moins la voix de Pierre proclamant au monde les paroles de la vie éternelle et confirmant ses frères; et l'hôte vénéré d'un roi devenu cher à tous les cœurs catholiques n'avait pas cessé d'être la pierre angulaire sur laquelle s'élève ici-bas la cité de Dieu, le prince des prêtres, l'héritier des apôtres et le vicaire visible de Jésus-Christ sur la terre: Ubi Petrus, ibi Ecclesia.

«Toutefois, il est entré dans les vues de la Providence de placer la liberté de la conscience et l'indépendance de la vérité catholique sous la sauve-garde de la liberté et de l'indépendance temporelle du Saint-Siége; et, pour que cette liberté et cette indépendance puissent s'exercer sans entraves au dedans comme au dehors, Dieu a voulu que

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