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que tout le monde connaît; mais qu'on le sache bien, en dépouillant nos prètres, on fera mieux ressortir encore ce que leur zèle et leur dévouement ont de désintéressé; leur parole en acquerra d'autant plus d'autorité au milieu des populations, qu'ils sont appelés à évangéliser.

LUCERNE. La section de l'association patriotique de la ville de Lucerne, réunie sous la présidence d'un conseiller d'Etat, a adopté une pétition rédigée par celui-ci, pour demander au gouvernement l'éloignement de M. Rickenbach, curé de Lucerne. Espérons, dit la Gazette de Lucerne, que le conseil-d'Etat ne prendra pas en considération une demande qui n'émane que de quelques habitants de la ville, et qui est désavouée par l'immense majorité de la population.

Séance de l'Assemblée.

Les préoccupations de l'Assemblée étaient au dehors de la salle des séances. Elles se concentraient toutes sur le projet de loi électorale qu'élabore la commission des dix-sept. Sans sortir de la Constitution, comment modifiera-t-on d'une manière notable les conditions d'exercice du suffrage universel ? Les diverses combinaisons, dont déjà nous avons entretenu nos lecteurs, paraissaient l'objet des commentaires. En somme, la majorité semble très décidée à répondre au sentiment public et à l'appel de ses chefs les plus éminents. Il était fort question de la réunion d'hier soir au conseil-d'Etat, et les discours pleins de courage et d'éloquence que MM. Thiers, de Montalembert et Berryer ont prononcés, avaient produit une vive et profonde sensation. Puisse la majorité comprendre plus que jamais la nécessité de l'union, de la fermeté et de la résolution, dans les graves circonstances où la France est conduite!

La loi annoncée n'a pas été présentée aujourd'hui. Elle ne le sera peut-être pas même demain. Ces retards nous paraissent fâcheux. pays attend il faut répondre à son émotion. Quoi qu'on fasse, il faut faire et faire vite. Chaque délai compromet le présent et l'ave

Le

nir.

On juge bien qu'au milieu d'une telle agitation, les discussions de budget n'avaient pas un grand attrait. La commission elle-même n'était pas présente, à l'ouverture de la séance. C'est ce qui a fait arriver à l'ordre du jour la proposition relative au mode de votation. Il paraît, et certes le temps n'a pas manqué pour cela, que depuis l'an dernier la petite urne mécanique de M. Lanet de Limancey a pris entre les mains de la commission une perfection fort remarquable. M. Cordier et M. Rigal sont venus successivement en donner, -je ne dirai pas des démonstrations matérielles, l'urne n'a pas paru,-mais des descriptions pittoresques et oratoires fort satisfaisantes. L'urne coûtera un peu cher de confection; mais elle épargnera beaucoup de perte de temps, et par suite beaucoup d'argent, le temps des représentants ayant un prix considérable aux yeux du pays.

L'Assemblée, qui avait toute raison d'être confiante envers sa commission, a voté les yeux fermés. Mais surtout que MM. les ques

leurs se dépêchent, et que la construction de l'urne mécanique ne soit pas aussi longue que son invention et son perfectionnement !

Le budget de la marine a ensuite été achevé, et on a commencé celui des travaux publics. M. Nadaud a inauguré la discussion par un de ces discours comme il en a la spécialité, remplis de violentes et haineuses diatribes, si pitoyables par le fond qu'on rougit de les entendre, si odieuses par la passion qui y règne qu'on sent le besoin de les signaler à la réprobation publique. C'est toujours l'exploitation de l'ouvrier, la permanence de la misère, œuvre du gouvernement; c'est le pouvoir qui ne veut pas faire disparaître toutes les souffrances et qui en a pourtant bien le moyen, etc.; en un mot, toutes les folies du socialisme, théories creuses qui, à un jour donnė, peuvent se traduire en coups de fusil! M. Denis Benoist a répondu à M. Nadaud avec ce sincère accent d'honnête homme et de chrétien, avec ce sentiment profond et élevé de la compassion pour les douleurs du pauvre et de l'affection pour le peuple, dont il donne lui-même un si noble exemple. Les indignes attaques de la Montagne et les coupables erreurs qu'elle sème dans les classes laborieuses, auront du moins subi une éclatante réfutation!

Passé cela, et avec les alternatives ordinaires pour les votes du budget, les premiers chapitres ont été adoptés. Pour que rien ne manquât à la similitude, M. Sautayra a été le Charras des travaux publics, avec un peu plus d'ennui encore, s'il est possible.

MM. de Tinguy, Tron et Démarets, ont déposé aujourd'hui la proposition suivante :

«S'il arrivait que les pouvoirs constitutionnels se trouvassent paralysés dans leur action par un événement de force majeure, les conseils-généraux sont autorisés à se saisir immédiatement de l'autorité dans leurs départements, à percevoir les impôts et à disposer de la force publique, jusqu'à la réintégration des pouvoirs réguliers. »

On a distribué aujourd'hui le rapport de M. Monet sur les projets de loi destinés à accorder des pensions aux victimes de février et de juin 1848. La commission conclut à l'adoption du crédit pour les victimes de juin. Quant à celles de février, elle refuse et en voici les motifs :

<< Votre Commission a pensé qu'il ne pourrait qu'être dangereux pour l'avenir du gouvernement désormais établi en France, de sanctionner une mesure qui serait en quelque sorte un encouragement donné à ces hommes qui, ne prenant conseil que de leurs passions ou d'une foi politique trop ardente, s'arrogent trop facilement le droit de changer les destinées des nations, sans calculer les malheurs dans lesquels ils s'exposent à les précipiter, au risque d'en être

eux-mêmes les victimes.

Discussion et vote de la loi de l'enseignement moyen en Belgique.

Un second vote sur la loi de l'enseignement moyen n'a amené que des modifications insignifiantes et qui n'affectent pas le triste résultat dont nous avons hier donné la nouvelle trop bien prévue.

L'appel nominal qui a eu lieu dans la séance du 4 mai, a constaté la présence de cent un députés. Sept étaient absents, parmi lesquels trois qui avaient manifesté des opinions contraires au projet, à savoir MM. de Brouckère, de Chimay, Julliot. Soixante-douze membres on! voté pour la loi, vingt-cinq contre; quatre se sont volontairement abstenus. En somme, trente-deux représentants ont refusé leur adhésion à l'une des lois organiques les plus importantes pour la Belgique.

Les lois d'enseignement, dit le Journal de Bruxelles, doivent toujours être des LOIS DE TRANSACTION, acceptées par tous les hommes modérés. Sans cette condition, elles sont fatales au pays. »

Tels ont été les sentiments et la conduite des catholiques belges tant qu'ils ont eu leurs chefs au pouvoir ou la majorité dans leurs mains. Les mêmes principes ont guidé les catholiques de France, selon l'influence qu'ils ont pu exercer dans les commissions, dans le ministère, dans les assemblées. Les faux libéraux de Bruxelles ont une autre politique. Ils laisseront, pour monument de leur passage aux affaires, une loi de parti, une loi de guerre, une loi funeste à la liberté comme à la religion.

Partout où la foi catholique a pris racine dans les mœurs, dans les Jois, dans les traditions d'un peuple, c'est le privilége de l'Eglise qu'on ne puisse attaquer sa bienfaisante influence et sa divine autorité sans atteindre du même coup les droits les plus chers et les plus précieux à tous les membres de la société civile et politique. C'est ainsi que le ministère belge a dû vaincre l'opposition, non-seulement des catholiques, mais de tous ceux qui ont conservé un attachement sincère pour l'autorité de la famille, pour les franchises municipales, pour les libertés constitutionnelles, pour l'esprit même du pacte fondamental unanimement proclamé en 1831.

Rappelons encore une fois ici les noms des hommes honorables qui, ne se faisant pas un jeu de leur ancien nom de libéraux, ont repoussé les principales dispositions de la loi. Ce sont notamment MM. de Brouckère, Cools, Osy, Van Hoorebeke, Pirnicz, Rousselle, T'Kint de Nayer, elc., etc.

Quant aux catholiques, en face d'une majorité qui avait un parti pris, ils ont soutenu avec la fermeté la plus digne d'éloges une lutte qui ne serapas sans fruit (en Belgique et qui doit avoir du retentissement au delà des limites de ce pays.

La cause défendue par MM. Dechamps, de Theux, de Decker, de Mérode, de Liedekerke, Coomans, Thibault, de T'Serclaës, et tant

d'autres, est la même qui s'agite depuis un siècle en France, en Allemagne, en Suisse, dans toutes les contrées où le philosophisme a prétendu diriger les gouvernements ou régner par les révolutions. Le talent des orateurs a presque toujours été à la hauteur de la question qu'ils avaient à traiter, et leurs efforts, concentrés sur une scène étroite, sont d'un bon exemple, d'un utile encouragement et quelquefois d'une éclatante lumière pour les catholiques des autres contrées, à commencer par nous-mêmes.

Nous l'avons dit, au-dessus de tous les arguments invoqués contre la centralisation pour les franchises communales, en raison du texte et du sens de la Constitution belge, toutes choses que la minorité a fait valoir avec autant de force que de raison, il y a eu, dans tout ce débat un point auquel, d'un côté comme de l'autre, il a toujours fallu revenir, parce que ce point est en effet, en matière d'instruction publique, le point capital, essentiel, supérieur : c'est le principe des garanties religieuses justement réclamées par les familles et par les contribuables dans des écoles instituées, payées et entretenues à leurs frais.

Il ressort de toute la discussion que si les catholiques ont combattu sans hésitation et repoussé unanimement le projet de M. Rogier, c'est principalement pour deux motifs :

Premièrement, c'est parce que ce projet n'a pour but que d'orga niser une concurrence terrible, mortelle peut-être, contre les établissements libres dont le seul tort est d'être soumis à l'influence religieuse;

Secondement, c'est parce que ce projet ne fait pas entrer néces sairement dans la nouvelle organisation de l'instruction officielle cette même influence religieuse que le clergé seul peut exercer.

L'éloignement du clergé! C'est bien là d'ailleurs la pensée que les auteurs mêmes de la loi ont tour à tour affichée ou voilée, mais sans la désavouer jamais absolument; c'est cette pensée que M. Rogier avait exprimée d'abord, et qui, un instant repoussée par l'honorable ministre des finances, a bientôt été reproduite par un autre ministre, M. Kère-Orban, et par plusieurs des défenseurs les plus chaleureux du projet.

C'est aussi cette pensée que tous les adversaires de l'œuvre ministérielle ont eu soin de faire ressortir et qu'ils ont énergiquement condamnée.

Nous avons déjà donné des extraits considérables de l'opinion de M. l'abbé de Haërne. Nous avons fait connaître aussi celle de M. de Decker, consignée dans une note annexée au rapport de la section centrale. M. de Decker est encore monté à la tribune, où il a développé son sentiment avec sa modération et son éloquence ordi

naires :

«Quant à moi, s'est-il écrié, je pose la question comme l'a fait M. Van Hoorebeke. D'une part, je veux l'enseignement sérieux, réel, vrai de l'Etat, dans lequel je com

prends la commune. Comme lui, d'autre part, je ne veux rien qui enchaîne ou entrave la liberté d'enseignement.

« Messieurs, il y a autre chose qui nous divise, et je le dis avec ma franchise ordinaire. Ce qui nous divise, ce n'est pas la portée plus ou moins grande que nous entendons donner à l'action de l'Etat; ce qui nous divise, c'est la portée que nous entendons donner à l'action religieuse dans l'enseignement. Voilà, au fond, ce qui nous divise!

«Je crois sincèrement que ceux qui défendent le projet de loi ne le font pas formellement en haine de la religion. Non; je ne suppose à aucun de mes collègues une pensée aussi coupable. Mais, au fond, ce qui vous fait admettre le projet, ce qui vous guide, c'est la défiance du clergé; ce qui me fait combattre le projet, c'est que j'ai confiance dans le clergé.

"Ainsi, c'est là la question qui nous sépare. Eh bien, c'est aussi là ce qui m'effraye, ce qui m'effraye surtout pour notre Belgique ; c'est là ce qui me faisait dire, en commençant mon discours, que l'avenir de notre patrie est compromis par cette loi que nous discutons en ce moment.

«C'est donc le règne des luttes et des antagonismes qu'on paraît décidé à inaugurer de nouveau dans notre patrie!

« Alors que tout commandait au gouvernement de faire de la conciliation, l'intérêt du pouvoir, l'intérêt de la nation, l'intérêt des familles, l'intérêt du présent, l'intérêt de l'avenir, l'intérêt de l'enseignement officiel méme, vous avez le triste courage de poser un germe de discorde et de haine! >>

Un peu plus loin, M. de Decker ajoutait :

« Le gouvernement devrait s'estimer heureux de voir l'instruction se répandre et tant d'établissements d'enseignement se fonder. Eh bien, non; ces établissements ont le malheur d'être fondés et dirigés par le clergé, et l'on cherche à les dépopulariser, à les ruiner, uniquement parce qu'on y voit, pour le clergé, un moyen d'exercer de l'influence sur les classes bourgeoises, sur les classes supérieures de la société ! »

Et il terminait par cette admirable péroraison:

«Les trônes s'écroulent, les institutions disparaissent; la société chancelle sur ses bases. Plus de direction pour les intelligences! Plus de frein pour les passions! Un esprit de sauvage indépendauce a brisé tous les liens ; l'égoïsme a tari la source de tous les dévouements.

« Les gouvernements s'alarment de ces symptômes. On convoque les académies; on leur demande des lumières pour éclairer les populations, pour combattre l'anarchie des esprits. On fait appel aux plus illustres épées pour dompter l'anarchie des rues, qui n'est que la traduction brutale de l'anarchie des intelligences! Et tous ses efforts communs n'ont abouti qu'à d'universelles impuis

sances!

« Et c'est en présence de ces symptômes, de ces dangers, de ces menaces, que des hommes qui se proclament libéraux, qui se proclament hommes d'Etat, viennent, sinon de bouche, au moins par leurs actes, nous dire : Paix aux barbares! C'est l'Eglise, c'est l'ome, qu'il faut combattre!

« C'est contre cette politique inintelligente, illibérale, antinationale, que je proteste de toutes mes forces!

Il appartenait à ceux à qui la Belgique doit son indépendance et sa nationalité de rappeler au gouvernement actuel, au moment où il entre dans la voie la plus funeste, le principal grief qui a amené la chute du roi Guillaume.

M. de T'serclaës, un des administrateurs les plus habiles de ce pays, l'un des blessés de septembre, a rompu, pour remplir ce devoir, un long silence, et il s'est exprimé en ces termes :

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