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blables rigueurs), mais à quitter temporairement leur pays sous la protection de nos passeports.

Le Saint-Père n'a pas voulu faire usage de cette latitude envers le plus grand nombre de ceux qui étaient légalement atteints. Au lieu de ces deux ou trois cents poursuites que l'on avait à craindre, trente-huit seulement furent signifiées aux parties intéressées et à l'autorité française, dans les mois de septembre, d'octobre et de novembre. La mission de M. de Corcelle finit à cette époque. Il atteste qu'il a donné des passeports à tous ceux qui, après avoir été exceptés de l'amnistie, ont été menacés de poursuites, et qu'il n'a donné que trente-huit passeports. Sur ce nombre, qnatorze ont été accordés avec des subsides.

Aucun autre départ n'a eu lieu par suite des mêmes circonstances politiques, ni par la la voie de terre, ni par la voie de mer. Le vice-consul français à CivitaVecchia était chargé de l'exécution. Voici le résumé de la liste des départs; nous pourrions, au besoin, produire les noms à côté des dates et qualités :

Vingt constituants ont été embarqués pour la France ou pour le Piémont le 1 octobre; quinze autres sont partis par le paquebot du 5 octobre. La catégorie des chefs de corps n'a donné lieu, à la même date, qu'à deux départs, au lieu de huit ou neuf qui auraient pu être la conséquence d'une application plus rigoureuse de l'acte d'amnistie. Celle des amnistiés récidivistes s'est réduite à un seul

cas.

On a prétendu, il est vrai, que le gouvernement pontifical avait imaginé d'accuser de délits ecclésiastiques ou de délits communs un grand nombre d'ennemis politiques, pour avoir un prétexte quelconque de les emprisonner. Nous ne répondrons à la supposition de cette infamie que par les témoignages suivants, qui résultent de recherches officielles faites avec le plus grand soin. Au mois d'août 1849, les prisons de Rome contenaient deux cent soixante-dix individus, sur lesquels cent vingt étaient accusés d'homicide, d'attentat contre les personnes et de vol. Au mois d'octobre, il a été constaté que la moyenne du nombre des prévenus de toute sorte, dans les Etats pontificaux, ne dépassait pas la moyenne des années antérieures à la révolution de 1848.

Quelques délits ecclésiastiques avaient pu se compliquer de délits politiques; mais ceux-ci ne pouvaient être une raison, pour l'autorité française, d'intervenir pour les premiers. Dans tous les cas, sept prêtres seulement étaient alors détenus au fort Saint-Ange, et recevaient trente sous par jour, en attendant leur jugement devant l'autorité ecclésiastique, seule compétente en pareille matière. La fameuse prison du Saint-Office était occupée par un détachement de troupes françaises. Le vicaire et l'assesseur de la congrégation de ce nom étaient, l'un à Gaête et l'autre à Naples. Aucun de leurs agents n'était à Rome et n'a fait acte de pouvoir. Les sept prêtres détenus au fort Saint-Ange ne l'étaient qu'en vertu d'une autre juridiction ecclésiastique, purement disciplinaire, celle du vicariat. On pareit ignorer que le Saint-Office n'a jamais eu le caractère de l'inquisition d'Espagne; elle est chargée de toutes les décisions spirituelles en matière de mariages mixtes, de jeûnes et d'abstinences. U seul prêtre fut trouvé par les agents de la Constituante, dans les prétendus cachots du Saint-Office, quand cette Assemblée en fit ouvrir les portes, et ce prêtre avait été mis dans cette prison pour faux constaté en écriture privée, afin de n'être pas confondu avec les voleurs ordinaires. Nous lisons dans le plus remarquable ouvrage qui ait été écrit sur les Etats-Romains, la Statistique de M. de Tournon, préfet de Rome, de 1810 à 1814, page 47, t. II.

« Les fonctions de la Congrégation du Saint-Office sont bien connues, mais ce « qui l'est moins, c'est la réserve qu'elle met dans ses désisions, et la douceur

actuelle de ses procédés. On en eut une preuve évidente, au moment où les < armées françaises s'emparèrent de Rome, car elles trouvèrent la prison du Saint-Office à peu près vide. La grandeur des pièces destinées aux détenus, leur salubrité, leur propreté, annonçaient des sentiments d'humanité dans ceux qui présidaient à cette prison, dont on put faire, presque sans changement, une maison d'arrêt très-bien disposée.

Rien, assurément, n'a été changé dans cet état de choses, depuis l'époque où il a été constaté par le préfet de l'empire que nous venons de citer, et ce n'est pas Pie IX qui l'aurait aggravé. Ceux qui outragent le Souverain magnanime qui, après de si grandes violences, a promulgué les deux amnisties de 1846 et de 1849, ne le connaissent point. Jamais, ceux qui ont approché le Saint-Père, et il mérite bien ce nom, n'ont surpris à cette àme si douce un seul mouvement de colère, une seule parole d'amertume contre ses plus mortels ennemis.

Quant au vicariat, nous savons qu'une loi nouvelle doit modifier quelques-unes de ses attributions. Nous n'en avons parlé que pour démontrer l'impossibilité de lui attribuer ce nombre immense de victimes dont on a parlé si légère

ment.

Il n'était pas toujours sûr d'intervenir en faveur de certains compromis politiques de la République romaine. Un des directeurs principaux de la défense de Rome, dont nous tairons ici le nom par égard pour sa famille, était menacé de poursuites comme chef de corps. L'autorité française lui donna un passeport dont il négligea de faire usage. Quelque temps après, le chef dont il s'agit fut l'objet de soupçons d'un autre geure; une visite domiciliaire opérée chez lui, en présence de sa famille, fit découvrir la soustraction de deux mille cent trentequatre volumes appartenant à une bibliothèque publique, d'une collection d'armures précieuses enlevées à une princesse étrangère qui habitait Rome, et d'une très-grande quantité de dentelles dérobées aux églises. Sur ces faits, le délinquant a été jugé et condamné dans les formes ordinaires.

Quelque temps après, des démarches étaient faites par l'autorité française en faveur d'un réfugié napolitain que le gouvernement pontifical se croyait obligé de livrer au roi de Naples par suite d'une ancienne convention internationale d'extradition réciproque; cette affaire fut assez facilement arrangée avec la cour de Portici et la cour de Naples. On y reconnut que les extraditions étant interdites par nos lois, notre situation vis-à-vis des réfugiés qui avaient pu se fier à la protection de notre drapeau méritait des égards particuliers; mais au moment où le Napolitain en question s'embarquait, une double plainte était déposée contre lui, en bigamie et en escroquerie.

En résumé, nous croyons avoir prouvé par ces faits, par ces témoignages divers, que l'amnistie pontificale a été plus douce qu'aucune amnistie promulguée en d'autres pays. Nous n'avons pas à justifier ce que les représentants de la France ont fait en cette occasion, en se conformant aux instructions qu'ils aveient reçues, mais nous ne saurions comprendre l'intérêt qu'un aveugle esprit de parti peut trouver dans ces odieuses accusations d'inhumanité dirigées contre la conduite de notre gouvernement et l'honneur sans tache de notre drapeau.

Nos soldats ne s'y sont pas trompés; il y a à la fois de l'intelligence et du patriotisme dans leur vénération pour le Pape. Lorsqu'ils s'inclinent avec respect devant les paternelles bénédictions de Pie IX, elles leur paraissent avec raison comme un couronnement de leur gloire. En pourrait-il être autrement? Ce qui leur apparaît sur le trône pontifical, c'est la bonté réunie à la foi, une immense charité pour les peuples, et avec cela la plus vive sympathie pour la France.

Le très-grande majorité du peuple de Rome, quoi qu'on en ait dit, n'a jamais

été en désaccord avec l'accueil dont nous parlons. Dès le 3 juillet, jour de notre entrée à Rome, M. le général Oudinot fut vivement applaudi par les habitants du Transtevère; c'est un souvenir qu'on aurait pu ajouter au témoignage que l'honorable général invoquait de la part des représentants qui l'accompagnaient dans cette circonstance. A partir de ce moment où les douze à quinze mille étrangers qui opprimaient la ville de Rome, ont disparu, le véritable esprit de ces populations s'est manifesté.

L'espace nous manque pour relater toutes les preuves qui démontreraient que le régime des triumvirs n'a jamais été national ni populaire. Le petit nombre des suffrages sans contrôle (1) qui ont donné naissance à l'Assemblée constituante, la tyrannie des clubs, leurs votes multiples, l'introduction de mineurs et d'étrangers bien connus dans les colléges électoraux qui n'ont pas représenté plus de vingt mille électeurs sur soixante-quinze mille inscrits, les barricades faites à prix d'argent, l'abstention de la plus grande partie de la garde civique et du corps des carabiniers pendant le siége, le principal effort de la résistance soutenu par un bataillon d'artilleurs suisses, le peu de vigueur des deux ou trois sorties tentées par l'armée des réfugiés italiens, polonais et français, l'abandon et l'inutilité complète des barricades dans l'intérieur de la ville, la soumission immédiate et volontaire à l'autorité du Pape de la plus grande partie de l'armée romaine, toutes les fenêtres pavoisées et illuminées sans aucun ordre, ni invitation, le jour où fut célébré, à Saint-Pierre, le Te Deum d'actions de grâces; tous ces témoignages, et bien d'autres encore, ne nous manqueraient pas pour attester la vérité des paroles prononcées par M. le général Oudinot.

ÉLECTIONS DE SAONE-ET-LOIRE.

Résultat définitif des scrutins des 28 et 29 avril, proclamé le 3 mai par le

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En conséquence, MM. Madier-Montjau, Esquiros, Charassin, Dain, Hennequin et Colfavru ont été proclamés représentants du département de Saône-et-Loire, en remplacement de six des condamnés de la haute-cour.

La commission de la loi électorale s'est encore réunie aujourd'hui,

(1) M. Albert de Broglie, premier secrétaire d'ambassade de France, figurait sur les listes électorales quoiqu'il fût absent de Rome depuis plus de six mois. Plusieurs étrangers ont avoué qu'ils avaient été adinis le même jour à voter dans plusieurs colléger:

et l'on croit que le projet pourra être présenté dès lundi à l'Assemblée nationale.

La chambre des représentants belges a voté la loi sur l'enseignement moyen. C'est un résultat qui était prévu et sur lequel nous re viendrons.

Le sénat va être saisi maintenant de la question. Le gouvernement fait bon marché de l'opposition qu'il rencontrera sans doute dans cette seconde épreuve. Les pétitions mêmes qui témoignent chaque jour davantage des mouvements de l'opinion publique, ne l'arrêtent

pas.

Il verra, mais trop tard, où sa victoire doit le conduire.

Nécrologie.

NOTICE SUR LA VIE ET LA MORT DE M. LOUIS DE COURSON,
SUPÉRIEUR-Général de SAINT-SULPICE.

I.

M. Louis de Courson était né à Nantes en 1799.

Issu d'une famille ancienne et si nombreuse, qu'elle a toujours formé comme un véritable clan dans les cinq départements de la vieille province de Bretagne (1). M. de Courson était resté le seul héritier d'une branche qui devait s'éteindre avec lui. Privé, tout enfant, des soins maternels, le jeune Louis devint naturellement pour son père l'objet d'une tendresse toute particulière. Aussi ne fut-ce qu'après de longues hésitations, que M. de Courson put se décider à confier son enfant bien-aimé au petit séminaire de Nantes. Cette maison était alors dirigée par uu vénérable prêtre, M. Delsart, qui, découvrant à première vue, pour ainsi parler, le trésor de foi et de charité que renfermait l'âme si simple et si candide de son nouvel élève, se prit tout aussitôt pour lui d'une affection toute paternelle. Louis de Courson n'était pas ce que l'on a coutume d'appeler un élève brillant. Nonchalant de caractère, éprouvant pour le travail un éloignement naturel, il n'obtint aucun succès dans ses classes. Cependant, il n'avait point échappé à ses maîtres que, chaque fois qu'il s'appliquait un peu sérieusement, ses compositions étaient tout autres, et pouvaient soutenir le parallèle avec celles de bons élèves. Dans les exercices religieux, Louis de Courson eut peu de rivaux. Sa foi vive, son amour des choses de Dieu s'y révélèrent avec éclat, dès l'origine, et M. Delsart fut confirmé dans toutes ses espérances. Louis de Courson avait à peine passé une année, au petit séminaire, que déjà ses maîtres et ses condisciples l'aimaient avec une sorte d'effusion. Il y avait dans cet enfant une piété si vive et si tendre tout à la fois, une candeur et une simplicité si pleines de char(1) Frappez buisson, dit le proverbe breton, il en sort Goyon, Courson ou Ker

sauzon.

me, que quiconque l'approchait ne pouvait échapper à cette douce influence. « On peut assurer, dit l'un des anciens camarades de M. de Courson, dont nous avons les notes sous les yeux, on peut assurer qu'il gouvernait ses condisciples par l'empire qu'il prenait sur eux, sans le rechercher; ses conseils arrêtaient toute démarche qui eût pu affliger le bon supérieur. Sa voix calmait l'effervescence prête à se traduire en actes repréhensibles. Tout ce qui blessait le bon goût, les convenances, les bonnes manières, la simplicité et le naturel, choquait vivement M. Louis de Courson. »

Lorsqu'il eut terminé sa rhétorique, son père le conduisit à Paris et il fut placé dans la pension Massin, pour y faire sa philosophie. Mais il resta peu de temps dans cette institution. Il avait ouï parler par quelques-uns de ses amis, de la manière dont on leur enseignait la philosophie au séminaire d'Issy, et il éprouva un grand désir d'entrer dans cette communauté où il sentait qu'il pourrait mieux servir Dieu, loin des dangers du monde, sous la direction d'hommes si pieux et si sûrs. Cette considération lui parut sans doute encore plus puissante qu'une aventure qui lui arriva dans une rue de Paris. Un soir, il se vit tout à coup entouré par plusieurs malheureuses qui firent tous leurs efforts pour l'entraîner; ce ne fut qu'après de violents efforts que le pieux jeune homme réussit à s'échapper de leurs mains. Le dégoût profond que lui causa cette scène, lui fit prendre la résolution d'éviter tout ce qui pourrait l'exposer au mal, et, peu de jours après, il se dirigeait vers la maison d'Issy. Mais à quel titre se ferait-il admettre dans cette communauté, lui qui n'avait aucune idée arrêtée sur son avenir et ne songeait, pour le moment, qu'à faire une bonne philosophie? Fort heureusement, les amis que M. de Courson avait à Issy trouvèrent le moyen de lever toutes les difficultés. Trop jeunes pour pouvoir espérer que leur recommandation eût assez de poids auprès de M. le supérieur, ils eurent l'idée de prier M. Affre, qui alors était diacre, de vouloir bien leur venir en aide. La requête fut présentée à l'abbé Duclaux, qui, comme on le craignait, refusa d'abord de recevoir le jeune homme; mais M. Affre ayant prié le vénérable supérieur de lui accorder quelques instants d'entretien particulier, M. Duclaux, éclairé sans doute par ce qu'il venait d'entendre, changea de sentiment. Il revint auprès de Louis de Courson, l'embrassa avec tendresse, et lui déclara qu'il le recevait au nombre de ses enfants.

M. Louis de Courson annonçait, peu de temps après, à ses parents, l'intention où il était d'embrasser l'état ecclésiastique; cette nouvelle causa la plus profonde douleur au père du jeune séminariste, Trop chrétien pour vouloir détourner son fils des desseins de Dieu, il le suppliait de réfléchir encore, de rentrer pour quelque temps dans le monde avant de prendre un parti définitif. Mais le pieux jeune homme triompha par la générosité de sa foi et l'énergie de son caractère, de toutes ces difficultés. Entré au séminaire d'Issy en 1817,

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