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« Art. 1er. Le décret du 19 juillet 1848, relatif à la gratuité des Ecoles polytechnique et militaire, est rapporté. »

M. BARBANÇOIS propose un article additionnel ainsi conçu :

« La législation en vigueur concernant les Ecoles polytechnique et militaire continuera d'être en vigueur jusqu'au 1er octobre 1851.

«D'ici au 1er janvier 1851, M. le ministre de la guerre présentera à l'Assemblée un projet de loi portant réorganisation de ces Ecoles. »

Cet amendement n'est pas adopté.

M. LE GÉNÉRAL FARVIER, qui avait déposé un amendement tendant au décasernement de l'Ecole polytechnique, déclare le retirer.

«Art. 2. Le nombre des bourses qui pourront être accordées dans ces Ecoles et à l'Ecole navale de Brest pourra s'élever au quart de l'effectif des élèves de chaque division. »

M. LE PRÉSIDENT. MM. d'Adelswærd et Dufournel ont proposé un amendement ainsi conçu :

« Des bourses et des demi-bourses seront accordées dans ces Ecoles et dans l'Ecole navale de Brest, à tous les jeunes gens qui auront préalablement fait constater l'insuffisance des ressources de leur famille pour subvenir aux dépenses de leur entre

tien. »

M. MONNET défend cet amendement, tout en s'élevant contre le principe de gratuité absolue qui lui paraît une iniquité flagrante.

M. NOEL PARFAIT. Allons donc! (Rires et murmures.)

M. MONNET soutient qu'il est juste de faciliter l'accès des écoles spéciales aux jeunes gens intelligents qui en seraient éloignés par défaut de fortune.

M. LEVERRIER, rapporteur, défend l'art. 2 du projet.

M. DE LAMORICIÈRE Soutient l'amendement.

L'amendement est mis aux voix et adopté.

Art. 3. L'insuffisance de la fortune des parents et des jeunes gens sera, au moment de l'inscription de l'élève, constatée par une délibération motivée du conseil municipal et approuvée par le préfet du département. >>

M. DIDIER demande qu'on rédige ainsi cet article:

L'insuffisance de la fortune des parents et des jeunes gens sera, au moment de l'inscription de l'élève, constatée par une délibération motivée du conseil municipal, et sur l'avis de préfet du département.»

M. LE GÉNÉRAL D'HAUTPOUL, ministre de la guerre. Le gouvernement ne s'est pas opposé à l'amendement de M. d'Adelsword. Il s'y est, au contraire, associé de grand cœur. Mais, avec ce système, il faut conserver des garantics; sans cela, les resSources de l'Etat pourraient être compromises. Voilà pourquoî nous repoussons la proposition de M. Didier.

L'amendement est mis aux voix et rejeté.

« Art. 4. Les bourses et demi-bourses seront accordées par le ministre de la guerre et par le ministre de la marine, sur la proposition des conseils d'administration et d'instruction des écoles. »- Adopté.

« Art. 5. Il pourra être alloué, sur la proposition des mêmes conseils : 1° à chaque boursier ou demi-boursier un trousseau ou un demi-trousseau à son entrée à l'école ; 2o à chaque boursier ou demi-boursier nommé officier après avoir satisfait aux examens de sortio, la première mise d'équipement militaire, attribuée, dans l'arme où il doit entrer, aux sous-officiers passant officiers. »-Adopté.

Art. 6. Les motifs pour lesquels les bourses auront été accordées seront, chaque année, insérés au Moniteur et dans l'un des journaux du département où l'élève boursier et ses parents auront leur domicile. >> Adopté.

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Art. 7. A partir de 1851, l'article 4 de la loi du 14 avril 1832 ne pourra être appliqué qu'aux militaires justifiant de deux ans de service effectif et réel sous les drapeaux. Ce temps de service devra être constaté par des certificats émanant des conseils d'administration des corps auxquels les militaires appartiennent. » — - Adopté.

Art. 8. A partir de la promulgation de la présente loi, nul ne pourra prendre part à plus de deux concours pour l'admission à la même école, » - Adopté. Les articles 9, 10 et 11 sont successivement adoptés.

La commission avait proposé la translation de l'Ecole polytechnique hors de Paris. Cette mesure est rejetée.

On reprend la discussion sur le budget de la marine.

и. SCHOELCHER propose une réduction de 15,000 fr. répondant à la suppression de deux Evêques.

M. BERRYER Combat cette proposition et insiste sur la nécessité de laisser des ministres de la religion auprès des noirs qui, nouvellement nés à la liberté, ont besoin d'être guidés dans la vie nouvelle qui leur est faite. (Vive approbation.)

La réduction proposée par M. Schoelcher est rejetée.

La séance est levée à 6 heures.

Pendant toute la soirée et la nuit dernière, Paris a été sillonné par de nombreuses patrouilles. Le service des estafettes a été fort actif à l'état-major.

VARIÉTÉS.

Œuvres, industries et projets de charité et de zèle. Notice sur l'OEuvre de la jeunesse de Marseille, et sur son vénérable fondateur, M. l'abbé JEAN-JOSEPH ALLEMANT, mort dans cette ville en opinion de sainteté, le 10 avril 1836.

(Sixième article. Voir les nos 4994, 5001, 5013, 5016 et 5021.)

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Clama, ne cesses. Væ canibus mutis! c'étaient là des maximes chères à M. Allemant. « Je suis, disait-il dans son énergique langage, << comme un chien qui ne doit point cesser d'aboyer et de hurler, « dans l'OEuvre de la jeunesse de Marseille. » Il regardait la parole de Dieu comme le puissant levier des âmes avec lequel on les remue et on les soulève; comme l'aiguillon qui les pique et les fait marcher; comme le glaive par le tranchant duquel on les sépare du péché et du monde. Mais pour produire ces grands effets, il tenait que la prédication, sous une forme ou sous une autre, devait être extrêmement fréquente. Et, en ce qui concerne en particulier les enfants et les jeunes gens, dont il avait une expérience si profonde, « qu'il les savait par cœur, » comme il disait, il était d'avis qu'il fallait les prêcher, pour ainsi dire, sans relâche; les tenir toujours en haleine; vaincre leur oublieuse légèreté en leur répétant continuellement les mêmes choses avec une agréable variété; surtout soutenir la fragilité de leur âge si faible contre les assauts des passions naissantes, en leur remontant sans cesse le courage. Cesser de prêcher, ou ne prêcher que rarement ou languissamment dans une œuvre de jeunesse, dans une maison d'éducation, dans un petit séminaire, à son sens c'était cesser de ramer sur un courant rapide; c'était laisser aller la barque à la dérive; c'était tout perdre. Grande vérité, applicable, du reste, aux paroisses aussi bien qu'aux œuvres de jeunes gens; car, de fait, la masse des hommes n'est-elle pas toujours jeune, c'est-à dire toujours légère, oublieuse, faible, passionnée, inconstante, ayant

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i un impérieux et continuel besoin par conséquent d'être sans cesse avertie, éclairée, excitée, soutenue, ramenée ?

Ce qu'il y a de surprenant, c'est que M. Allemant put tant prêcher et toujours devant les mêmes auditeurs, sans s'user et sans fatiguer jamais. Mais bien loin de là, on l'écoutait avec un indicible plaisir, et je puis dire, chose étonnante! que j'ai pu l'entendre presque tous les jours, pendant douze ans, sans me lasser. Cela tenait à sa manière de prédication, qui était simple, instructive, pratique, toujours parfaitement adaptée à l'auditoire, vive, pénétrante, onctueuse, sans tomber dans le doucereux, assaisonnée d'expressions originales, qui piquaient l'attention, pleine de détails de mœurs qui intéressaient; mais par dessus tout apostolique, partant d'un cœur embrasé du zèle des ames, de ce pectus quod facit disertum, et qui seul peut mettre dans les choses, dans le débit, dans le ton, cet inimitable naturel qui plaît toujours, parce que c'est le vrai ! Oh! que cette puissante manière de prêcher est rare! Pour y parvenir, il faut sans doute un certain fonds de doctrine et une assez grande habitude de la chaire; il faut pouvoir parler sans avoir tout écrit, et sans avoir appris par cœur; il faut un zèle ardent et un vif sentiment des choses; mais ce qu'il faut surtout, et ce qui est le plus difficile, c'est de s'oublier tout-à-fait soi-même et d'être entièrement indifférent, comme saint Paul, à la vanité des jugements et des discours humains : Mihi pro minimo est ut à vobis judicer; c'est cette haute et sainte indépendance évangélique que l'humble M. Allemant possédait en un Souverain degré; et c'est, avec son grand esprit de foi et son zèle brûlant, ce qui a le plus contribué à faire de lui, sans qu'il y eût seulement pensé, un orateur chrétien très remarquable, quoique des plus négligés sous le rapport de l'art et du style; c'est aussi ce qui lui donnait cette grande autorité qui fait qu'on ose et qu'on peut tout dire, qui brave avec une prudente liberté tous les respects humains oratoires, et qui, pour n'en citer qu'un exemple, permettait à ce saint prêtre, dans les rares sermons qu'il consentait parfois à prêcher en de grandes assemblées paroissiales, d'employer, sans diminuer la foule empressée de ses auditeurs, des phrases de la rude hardiesse de celle-ci : « Parez-vous, mesdames, parez-vous et faites-vous belles « tant qu'il vous plaira; les vers tout à l'heure vous mangeront. >>

Cette grande autorité, pour prêcher toujours et partout, tanquam potestatem habens, M. Allemant ne la devait pas seulement à la magnanimité et à l'indépendance chrétienne et sacerdotale, effets de la profonde humilité: ce qui lui assujétissait surtout ses auditeurs, c'était la grande vénération qu'inspiraient à tous son éminente vertu, et l'air si frappant de sainteté qui reluisait sur son visage et dans toute sa personne. A la seule différence de la pose et du geste, cet homme de Dieu paraissait, en chaire, aussi recueilli et aussi pénétré de religion, que les plus saints prêtres ont coutume de l'être lorsqu'ils portent le très-Saint-Sacrement. Ce qu'il y avait surtout de remarquable, et ce que je n'ai jamais vu dans aucun autre prédica

teur, c'est que sa physionomie, pendant qu'il prêchait, portait tout à la fois et très-visiblement l'expression d'un homme qui écoute en même temps que celle d'un homme qui parle. C'est qu'en effet, M. Allemant écoutait Dieu, tandis qu'il parlait aux homines: audies ex ore meo sermonem, et annuntiabis eis ex me. Les yeux habituellement fermés, le visage en feu et plein toutefois d'une douce et tranquille dignité, en le voyant et en l'entendant annoncer la parole divine, on croyait voir et entendre un prophète inspiré, en communication actuelle avec le Seigneur, et on se sentait saisi d'un invincible respect qui interdisait la critique, commandait l'attention et la docilité, et ne permettait pas qu'on se choquât de ce qu'il y avait de commun, d'original et quelquefois même d'un peu trivial dans l'expression.

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M. Allemant n'écrivait pas ses sermons. Mais cela n'empêchait pas qu'il ne se préparât toujours fort solidement. Quelque grande que fût sa facilité, il aurait cru tenter Dieu, s'il était monté en chaire sans savoir le fond de ce qu'il devait dire. Il faisait ordinairement des canevas fort courts, dont on a conservé un très-grand nombre. L'indication du sujet, la division toujours claire et naturelle, quelques textes, l'énoncé des pensées principales et de quelques détails de mœurs; c'est tout ce que contiennent ces petits canevas qu'il écrivait très-souvent à genoux, tenant dans la main gauche un livre qui lui servait de pupître, et sur lequel il pressait avec le pouce un petit papier volant, auquel il confiait ses pensées.

Je trouve dans mes vieux papiers le plan d'un des sermons de cet homme de Dieu, que j'avais pris dans le temps et que le lecteur me saura peut-être gré de transcrire ici. On pourra juger des autres par ce spécimen.

:

C'est un sermon sur « l'AMOUR que nous devons avoir POUR NO« TRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST; cet amour doit être 1° domi«nant; 2° crucifiant; 3° zélé. I. AMOUR DOMINANT: Qui amat « patrem suum aut matrem suam plus quam me, non est me dignus. « Exemple de saint Herménégilde, martyr, qui, retenu en prison par « le roi, son père, pour son attachement à la foi, aima mieux mouarir que de recevoir la sainte communion des mains d'un prêtre a arien, que son père lui avait envoyé. Application aux amitiés dan«gereuses un jeune homme fréquente un mauvais ami; on l'a« vertit de rompre avec lui; il persiste. Ce jeune homme n'a pas « l'amour dominant de notre Seigneur. Il préfère un triste ami à « Jésus-Christ. Non Hunc sed Barrabam. - II. AMOUR CRUCIFIANT. « Qui non accipit crucem suam, et sequitur me, non est me dignus. ◄ Amor meus crucifixus est, et ego vivo! Détail des diverses croix. « Bonheur de ceux qui renoncent à tout, pour ne plus connaître que a la croix de Jésus-Christ. III. AMOUR ZÉLÉ. Qui non zelat, non « amat. Le zèle s'exerce surtout par la prière et par la parole. Nos « verò orationi et menisterio verbi instantes erimus. Le ministère de

la parole n'appartient qu'aux prêtres. Mals un jeune homme, qui a l'amour zélé, prêchera par son exemple, qui est une parole « muette; il prêchera aussi par ses discours dans les conversations « particulières. Un petit enfantin de dix ans peut prêcher, en don«nant de bons conseils à ses petits amis, selon son âge. »

E La prédication sur simple canevas a d'incomparables avantages, dont nous avons dit déjà quelque chose ailleurs, entre autres, celuici qu'on ne saurait trop remarquer, et qui est peut-être le plus grand de tous dans cette manière de prédication, la préparation prochaine étant très-facile, on peut prêcher infiniment plus souvent; on est, pour ainsi dire, toujours prêt à annoncer la parole de Dieu, et, chose souverainement précieuse, on peut toujours approprier son sujet aux besoins de l'auditoire, et prêcher précisément le sermon qui va; au lieu que celui qui est obligé d'écrire et d'apprendre tout par cœur, ne peut le plus souvent donner que les sermons qu'il a. Tel ce prédicateur, qui, un jour de Pentecôte, prêcha dans une grande paroisse de Paris, sur la médisance. L'orateur eut beau faire voir que ce sujet se rattachait très-naturellement à la fête du jour, parce que les Apôtres, en sortant du Cénacle, avaient été en butte à la malignité des langues. Il demeura évident qu'il n'avait pas choisi ce sujet-là parce qu'il allait, mais parce qu'il l'avait.

En lisant le canevas de sermon que'j'ai transcrit, quelques uns auront peut-être été surpris de la nature de la doctrine qu'il contient, comparée avec la composition de l'auditoire il leur aura semblé par exemple assez étrange que M. Allemant osât parler d'amour crucifié à des jeunes gens ! Je puis dire que rien ne semblait plus naturel au saint homme. Ce qui lui eût paru vraiment étrange, c'est qu'on eût prêché à des chrétiens, qui sont les disciples d'un Dieu crucifié, sans les entretenir de la croix, et sans s'efforcer de leur en inspirer l'amour. Je touche là un des points les plus saillants et les plus caractéristiques de la prédication de cet admirable prêtre. Sa règle fut constamment de prêcher l'Evangile tout entier, purement, comme Jésus-Christ et les Apôtres le prêchaient. Ces grandes vertus évangéliques, que beaucoup d'esprits superficiels semblent regarder comme de pure perfection, et qui toutes cependant, en une certaine mesure, sont de précepte dans le christianisme, l'humilité, la mortification, le renoncement à soi-même, la haine du monde, l'esprit de sacrifice, l'abnégation de sa propre volonté, l'amour de la croix, etc..., revenaient continuellement dans les sermons et dans les gloses de M. Allemant. Il en parlait sans cesse aux jeunes gens; il les en entretenait dans les instructions publiques, au saint tribunal, jusque dans les conversations particulières. Il leur en inculquait la nécessité; il leur en inspirait le goût, il leur en expliquait la pratique qu'il mettait avec une prudence exquise à la portée de leur faiblesse. Suivant l'âge, le courage, la mesure de la grâce, il était plus ou moins exigeant à l'égard de chacun en particulier. Mais toujours il prêchait et

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