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verses éteintes des siècles passés; elles s'y trouvent pour l'enchaînement de l'histoire et de la science, mais vous y aurez une réponse spéciale pour chaque ramification du protestantisme; pour les objections que font, je ne dis pas les adversaires du dix-huitième siècle, mais les fils de Hégel, de Kant, de Hermès, plus à craindre que les fils de Voltaire. Voilà l'objet général de la collection.

En lisant seulement les ouvrages étrangers que de longues années d'étude ne m'avaient pas encore fait connaître, en omettant ceux sur lesquels le suffrage des théologiens est unanime, j'ai dû consacrer des mois entiers à prendre connaissance des autres. Cette étude m'a inspiré des sentiments de reconnaissance, d'espérance, que je serais heureux de faire partager aux membres pieux et savants du corps auquel j'ai l'honneur d'appartenir.

Voilà donc un homme qui, sans subvention de l'Etat, sans frais d'impression supportés par un ministère, sans fonds votés comme autrefois par les assemblées générales du clergé pour les ouvrages utiles à la religion, ose seul, avec son courage et son zèle pour la science sacrée, dans des temps difficiles, au milieu de la paresse d'esprit, de l'insouciance, quelquefois de l'envie, entreprendre l'impression d'une immense collection dont chaque volume contient plus de deux anciens in-folios! Ce qui semblerait devoir être l'œuvre d'Evêques réunis, de savants associés, un éditeur persévérant, courageux, l'exécute : c'est à lui, et bien à lui seul que le clergé de France doit d'avoir à bon marché le pain substantiel de la science. Grâce à ces publications trop peu connues, le pauvre prêtre qui porte dans les villes ou dans les campagnes le poids du jour, peut se consoler, s'affermir, s'animer par la lecture des plus grands ouvrages dictés par la science et la foi. Voilà le résultat dont nous jouissons: où est notre gratitude? Avons-nous soutenu, avons-nous encouragé, suivant nos moyens, cette grande œuvre? Gardons-nous d'avoir un zèle égoïste, et qui croirait se faire tort en vantant trop une œuvre à laquelle nous ne travaillons pas? Qui sert l'Eglise mieux que nous doit être pour nous l'objet de nos éloges et de notre émulation. Faire connaître ceux qui rendent service à l'Eglise, à la science sacrée, c'est se consoler de ne faire soi-même que rien, mal ou peu.

Ces grandes publications sont une gloire pour la France. Où donc en fait-on autant? Est-ce au Mont-Cassin, par hasard, où, pour réimprimer la seule bibliothèque canonique de Ferrari, ils font paraître quelques livraisons par année! L'étranger visite nos grandes presses catholiques qu'il admire, et nous ne les connaîtrions pas, et nous n'en userions pas ! Les Etats-Unis, l'Angleterre, l'Amérique du Sud, l'Orient enlèvent ces grandes collections, sachons en user.

NN. SS. les Evêques de France, dans les conciles provinciaux, se sont occupés des études ecclésiastiques. S'il en faut croire le généreux mouvement des esprits, le clergé de France veut briller encore d'un nouvel éclat par la science! Le rationalisme frappe à nos portes

coups redoublés; ce n'est pas assez de nous occuper des fidèles, dont les rangs s'éclaircissent, il faut, de par la science soutenue par la vertu, reconquérir les infidèles, reprendre les positions perdues. Ne soyons pas un clergé in partibus infidelium: ne descendons pas de nos chaires humiliés et confondus par la science moderne, la métaphysique hégelienne, le rationalisme contemporain. Disciplinons, organisons tant de forces vives qui existent parmi nous. Prions, étudions: quoi de plus propre à inspirer une invincible confiance que la lecture de ces grands écrits? C'est alors que nous pouvons demander avec Bossuet: qu'ont-ils donc vu ces rares génies de plus que les autres! En polémique, c'est comme à la guerre, l'offensive vaut mieux que la défensive, Montrons la vérité, l'erreur se dissipera comme la nuée devant le soleil. Privé d'ordres savants, notre clergé séculier doit prendre toute la tâche à lui seul. Son courage, Dieu aidant, suffira à sa double mission. Quand c'est la science qui attaque, la science doit défendre. Les Pères firent-ils autre chose?

Les Démonstrations évangéliques sont un vaste répertoire. Je vais les analyser rapidement, omettant ce qui est connu, notant ce qui l'est moins, insistant sur ce qui est plus digne de remarque.

Le premier volume renferme l'Apologétique de Tertullien, ses Prescriptions; le traité d'Origène contre Celse, la Préparation évangélique d'Eusèbe qui n'avait pas encore été traduite en français. L'assemblée du clergé de France, en 1775, avait ordonné, pour répondre à l'Encyclopédie, de réimprimer les premiers apologistes. Aujourd'hui que les efforts de jeunes écrivains de l'Ecole normale cherchent à donner-au christianisme une origine humaine, résultat nécessaire des doctrines, de la marche scientifique des esprits et des systèmes, c'est encore à ces grands hommes qu'il faut revenir pour démontrer la nécessité de la révélation, la divinité de la religion, et caractériser l'influence qu'eurent les systèmes philosophiques, soit sur les hérésies, soit sur les apologistes, et comment la Foi sut ou se servir ou se passer des systèmes philosophiques contemporains. La Démonstration d'Eusèbe est un ouvrage que Scaliger qualifiait de divin, dans lequel le savant Evêque entasse les opinions des philosophes, des historiens païens, pour les faire ensuite tomber toutes en ruines, par une espèce de guerre domestique qu'il excite entre elles. Le 2o volume renferme les Démonstrations d'Eusèbe, de saint Augustin, Montaigne, Bacon, Grotius et Descartes. C'est sur la philosophie et la théologie de saint Augustin qu'a vécu toute la controverse chrétienne. Quand nous rendrons compte des Pères, nous y reviendrons. Montaigne, Bacon, Grotius et Descartes, répondent à toutes les objections du quinzième et du seizième siècle.

Ne croyez-vous pas que Montaigne était un rationaliste décidé, fort peu soucieux de la foi chrétienne? Détrompez-vous : c'est une erreur à ajouter à tant d'autres dues aux savants.

M. Villemain, dans son Eloge de Montaigne, couronné par l'Insti

tut en 1812 et si éloquemment écrit, n'a pas été assez explicite quand il a dit Montaigne n'a jamais douté de Dieu ni de la vertu. Hardi penseur, écrivain qui quelquefois poussa la liberté de la parole jusqu'à la licence, traité rudement par Pascal et Mallebranche, Montaigne, comme l'a prouvé M. de la Bouderie dans son travail sur ce philosophe, fut un sincère chrétien, n'en déplaise à ceux qui voudraient lui donner un brevet d'incrédulité. «Il rudoye l'horrible im«pudence de quoy nous pelottons les raisons divines; il ne veut pas « qu'on se laisse troubler à la merci d'un nouvel argument et à la «< persuasion, non pas de la rhétorique qui fut oncques, mais nous « devons soutenir ces flots d'une fermeté inflexible et immobile, « comme un vaste rocher brise et rejette les flots épandus, et de sa << puissante masse dissipe d'assaut les ondes infinies aboyantes aua tour de ses flancs. >>

Trop souvent les littérateurs ont eu la manie de décerner des certificats de doute à des hommes dont le doute purement méthodique ou scientifique ne porta point sur la religion. Ces insinuations malveillantes prouvent seulement combien certains esprits sont importunés du suffrage des grands écrivains en faveur de la religion. Montaigne, traducteur de la Théologie naturelle de Raymond de Sébonde, est un de ceux que des louanges suspectes nous ont rendus plus suspects encore. On ne connait point assez son respect pour la religion, ses rapports avec Rome, sa fin chrétienne comme celle de son ami La Boétie.

Vient ensuite un travail très-important sur Bacon et sur Descartes dû à M. l'abbé Emery, supérieur général de Saint-Sulpice, qui a démontré jusqu'à l'évidence que la religion voit marcher humblement sous ses enseignes les quatre grands chefs de toute la philosophie moderne: Newton, Descartes, Leibnitz et Bacon.

Dans le troisième volume, on voit la défense des principaux points de la Foi par le Cardinal de Richelieu, vive, animée, altière comme ce fier génie Arnaud, nécessité de la foi en Jésus-Christ, savant, érudit, logique : Choiseul, mémoire contre les déistes: Pascal, ses Pensées qui gênent tant certains philosophes qui se donnent toutes les peines du monde pour l'éditer à leur manière, ou pour nous insinuer encore que, peureux et hypocondriaque, Pascal après tout ne doit pas être trop cru quand il prouve si bien la religion !

Le quatrième volume commence par une dissertation excellente de Robert Boyle sur le profond respect que l'esprit humain doit à Dieu. L'exposition de la Foi de Bossuet, discours sur la divinité de la religion, par Bossuet, Bourdaloue, Locke: accord de la Foi et de la Raison, par François Lami, bénédictin: c'est de la notion de Dieu. mal comprise que l'auteur, avec une grande force de logique, fait sortir toutes les erreurs en fait de religion; et, c'est en rétablissant avec exactitude l'idée de Dieu et de ses attributs, qu'il combat les erreurs contraires. A ce volume Mallebranche fournit ses Conversa

tions chrétiennes, Lesley sa controverse contre les déistes, Leibnitz son système théologique, ses pensées, La Bruyère son chapitre des Esprits forts, Fénelon ses Lettres sur la religion, Liebnitz son accord de la Raison et de la Foi.

Le cinquième volume renferme la Démonstration évangélique de Huet, Evêque d'Avranches, et la Religion naturelle du docteur Clarke. Le premier ouvrage est d'une érudition prodigieuse, et seul il suffirait pour donner l'immortalité à son auteur. Ceux qui ont dit qu'il était faible en raisonnements, avaient très-certainement intérêt à le trouver tel ils n'ont pas considéré que c'était une démonstration historique, un argument de fait, un groupe d'événements où la démonstration se forme d'elle-même sans qu'il soit besoin de la réduire en forme dialectique. Sans admettre tous les raisonnements de détail du savant Huet, son ouvrage traduit en français est encore une réponse anticipée à un grand nombre des objections actuelles de la critique allemande.

Le clergé y trouvera un admirable modèle pour apprendre à mettre la science, l'érudition au service de la foi; et lorsque M. Edgar Quinet cherche à insinuer que l'exégèse allemande a découvert des faits considérables devant lesquels nous devrions abaisser la divinité de l'Evangile, Huet tout seul suffirait pour répondre à la plupart de ces merveilleuses objections. Cependant, dans les lieux qu'illustra ce savant Evêque, un jeune écrivain, M. Chassay, a rajeuni l'érndition et la méthode d'Huet : nous aurons plus tard à insister sur les travaux et les espérances que M. Chassay donne aux amis de la science sacrée. Il a sa place dans les Démonstrations. Clarke termine le volume; son traité, malgré les réserves que nous devons faire contre le protestantisme de l'auteur, n'en est pas moins une des plus fortes, des plus convaincantes réponses que l'on puisse opposer aux erreurs de nos jours sur Dieu.

Quelle collection que celle dans laquelle la Démonstration de Huet, si pleine de recherches, de textes, d'érudition, ne fait qu'un demivolume!

Arrêtons ici notre compte-rendu, que nous achèverons prochainement.

L'abbé PAULIN DU CHESNE,
Directeur du petit séminaire de Paris.

BOURSE DU 1or MAI.

- Le 3 p. 100, 54 à 54 50.

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Le 5 p. 100, 87 à 87 50. Actions de la Banque, 2,080 00.- Obligations de la Ville, 1,265 00.- Nouvelles Obligations, 1,122 50.5 p. 100 belge, 100 [1. — Emprunt romain, 79 114.

L'un des Propriétaires-Gérants, CHARLES DE RIANCEY.

Paxis, imp. BAILLY, DIVRY et Comp., place Sorbonne, 2,

VENDREDI 3 MAI 1850.

(N° 5036.)

L'AMI DE LA RELIGION.

Publication des actes et décrets du Concile de la province de Reims.

Les actes et décrets du concile de la province de Reims viennent d'être mis au jour, par l'ordre des Evêques de cette province, sous le tilre: Acta et decreta Concilii provinciæ Remensis in Sussionenst civitate anno domini MDCCXLIX pontificatus Pii Papæ noni IV celes brati a sancta sede approbata.

Nos lecteurs n'ont pas, sans doute, oublié le bref de Sa Sainteté aux Evêques de la province, et du Cardinal Lambruschini à Mgr l'Archevêque de Reims, que nous avons publiés en leur temps. On se rappelle en quels termes le zèle des PP. du Concile de Soissons y est apprécié. Nous devons ajouter que les corrections prescrites par la sacrée Congrégation, interprète du Concile de Trente, quoiqu'en trèspetit nombre et de peu d'importance, ont été faites avec une atten tion et une exactitude scrupuleuse par les cinq prélats de la province agissant de concert.

Au titre Ior, où se trouvent rapportés les décrets d'usage sur l'ouverture et la tenue du Concile, on remarque dans le décret de mode vivendi in concilio, que les Pères s'étaient proposé de rapporter exactement les saints canons, c'est-à-dire les décrets des Conciles et des Souverains-Pontifes, en se permettant les explications nécessaires ou utiles, sans jamais perdre de vue l'enseignement, l'esprit même dé l'Eglise romaine, la mère et la maîtresse de toutes les autres Eglises. Modo tamen non recedatur unquam a mente ecclesiæ Romanæ, cæterarum ecclesiarum matris ac magistræ. En suivant en tout une règle aussi éminemment catholique, les Pères du Concile de Soissons ne pouvaient manquer d'obtenir les plus heureux résultats.

Le titre II, de fide catholica, est surtout important, parce qu'il fait voir combien fermement les Pères sont attachés au Saint-Siége. D'abord, avec le Concile œcuménique de Florence ils proclament la primauté de l'Eglise romaine et du Pape qui, successeur du prince des apôtres, vicaire de Jésus-Christ, chef de toute Eglise, père et docteur de tous les chrétiens, a reçu de Jésus-Christ le plein pouvoir de paître, de conduire et de gouverner l'Eglise tout entière; puis, reconnaissant dans le Saint-Siége l'entière et la véritable solidité de la religion chrétienne, ils adhèrent de toute leur âme à toutes les constitutions apostoliques qui condamnent les erreurs des novateurs... Cer constitutions doivent être tenues par tous les fidèles comme la règle de la croyance et de la conscience, indépendamment de toute sanction du pouvoir civil. Declaramus easdem constitutiones ab omnibus Christi L'Ami de la Religion. Tome CXLVII.

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