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ministre d'Azeglio et par M. le comte Hohenthal, munis tous deux des pleins pouvoirs de leur souverain respectif.

NAPLES. La division navale, composée des vaisseaux le Friedland, l'Iéna et le Jupiter, des frégates à vapeur le Descartes, le Magellan et le Caton, a été ralliée par le Mogador venant de Toulon, et l'Ariel arrivant de Messine dans la rade de Naples, où elle est à l'ancre depuis quelques jours.

* SUISSE. Il est difficile de dire quel a été le résultat de la grande assemblée de Munsingen; les journaux de diverses couleurs attribuent chacun l'avantage à son parti.

ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE.

Séance du 3 avril. — PRÉSIDENCE DE M. DARU, VICE-PRÉSIDENT.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur le budget des cultes, dont les derniers chapitres sont votés par l'Assemblée sans débats importants.

On passe ensuite au budget du ministère de l'intérieur.

Une demande de réduction de 35,000 fr. sur le personnel du ministère de l'intérieur est votée à une grande majorité.

M. JULES FAVRE demande la parole sur le chapitre V, dépenses secrètes. Il dirige une longue et violente attaque contre M. Carlier, préfet de police.

La droite interrompt vivement M. Jules Favre.

M. JULES FAVRE. Je m'adresse à ceux de mes collègues qui ont la prétention d'être modérés et qui ne justifient pas cette prétention. Je leur demande toute leur indulgence. Je ne veux pas prolonger le débat, et ce n'est pas pour mon plaisir que je suis ici. (Ah! ah!-Rires. Assez ! assez !)

M. JULES FAVRE fait mine de quitter la tribune.

A droite: C'est une comédie.

M. JULES FAVRE reprend sa place à la tribune.

M. DUCHÉ, montagnard, s'approche en ce moment d'un membre de la majorité, M. Chassaigne-Goyon; nous ne savons ce qui se passe entre eux, mais tous les membres qui entourent M. Chassaigne-Goyon se lèvent. M. Piscatory prend brusquement M. Duché par le bras, lui dit un mot à l'oreille et sort. M. Duché est ramené à sa place par un huissier.

Voix nombreuses: A l'ordre, Duché! à l'ordre!

Une très-vive agitation règne dans l'Assemblée. Des groupes se forment de tous les côtés. On s'entretient très-vivement de l'incident, M. Chassaigne-Goyon donne des explications.

M. DENJOY. Couvrez-vous, M. le président!

Voix nombreuses: En place! en place! continuons! l'ordre du jour!

M. DENJOY. Je demande la parole. (Bruit à gauche.)

Voix à droite: Oui! oui! parlez!

M. LE PRÉSIDENT. La parole est à M. Jules Favre. (Rumeur.)

Voix nombreuses à droite: Non! non! C'est bien assez !

M. DENJOY. J'ai demandé la parole pour un rappel au règlement. (Oui! oui! Trèsbien! à droite.)

M. LE PRÉSIDENT. La discussion doit continuer. (Rumeur.)

M. DENJOY. Il y a une application du règlement à demander.

M. LE PRÉSIDENT. J'invite l'Assemblée au silence. La parole est à M. Jules Favre. (Murmures à droite.)

M. JULES FAVRE. Je suis aux ordres de l'Assemblée.

M. J. FAVRE reproduit ses accusations sous de nouvelles formes pendant plus d'une heure.

M. DENJOY. Tout à l'heure un outrage a été fait à la dignité de l'Assemblée. Il faut qu'il soit réparé !

Voici les faits; je viens de remonter à la source. Je suis sûr de ne pas me tromper. L'honorable M. Duché se dirigeant vers la droite...

Une voix à l'extrême Montagne : Vous êtes donc agent de police?

M. LE PRÉSIDENT. Une interruption aussi inconvenante doit être réprimée par l'Assemblée elle-même et non pas seulement par son président. (Très-bien! Très-bien!) Je propose d'appliquer le règlement à l'interrupteur.

Voix Comment se nomme-t-il !

Personne ne se lève à la Montagne. (Murmure prolongé d'indignation à droite.)
M. LE PRÉSIDENT. Je propose d'appliquer le règlement à l'interrupteur...

A droite Qui? qui? Qu'il ait le courage de se nommer.

M. LE PRÉSIDENT. Je vais appliquer la censure à l'interrupteur. Mais auparavant, je suis prêt à lui donner la parole pour qu'il s'explique. (Vive agitation.-Silence à lu Montagne.)

M. SCHOELCHER, se tournant vers la Montagne. Retirez l'expression, retirez-la! M. JULES MIOT se lève et dit: Je demande la parole. (Murmures prolongés.) Quelques voix à droite: Ce n'est pas lui! ce n'est pas lui!

M. LE PRÉSIDENT. Je demande formellement à M. Miot si c'est en son nom qu'il demande la parole, ou comme l'avocat de celui qui a interrompu? (Agitation.) M. JULES MIOT. Je demande la parole en mon nom. (Vives rumeurs.) Voix à droite Ce n'est pas lui!

M. JULES MIOT. Citoyens représentants...
L'orateur s'arrête et balbutie.

A droite Allez donc! allez donc !

M. JULES MIOT. Vous connaissez l'incident regrettable qui s'est produit. M. Duché a été entraîné par un mouvement spontané que chacun de nous doit comprendre..... (Murmure prolongé.) M. Duché avait cru qu'une injure lui était adressée. Il s'est permis un mouvement un peu vif. (Nouveaux murmures.) Plusieurs membres de cette Assemblée ont regardé cela comme une menace. M. Denjoy est monté à cette tribuue; il m'a paru, dans ma pensée, que M. Denjoy voulait signaler M. Duché aux rigueurs de M. le président! Alors, emporté par un sentiment généreux... (Rires prolongés.) Voix Lisez donc l'Assemblée nationale de ce matin.

M. MIOT. Emporté par un sentiment généreux (Oh! oh!) pour un de mes collègues, j'ai demandé à M. Denjoy si c'étaient les fonctions de dénonciateur qu'il venait remplir à la tribune. (Vives rumeurs.)

M. LE PRÉSIDENT. Je propose d'appliquer le 4e paragraphe de l'art. 119 du règlement qui prononce la censure.

L'Assemblée, à la presque unanimité, prononce la censure contre M. Jules Miot. M. Cavaignac a voté pour la censure. A la contre-épreuve, quelques Montagnards seulement se sont levés; les autres se sont abstenus.

Une vive émotion snccède à ce vote.

L'Assemblée reprend la discussion du budget.

M. BAROCHE répond à M. Jules Favre et repousse énergiquement ses attaques contre le préfet de police.

Le gouvernement a-t-il à répondre à des attaques contre une personne absente? A ce sujet, un nom a été prononcé que je ne veux pas répéter, non pas que j'admette que l'homme dont il s'agit doive être considéré comme un vaincu; ce n'est pour moi comme pour vous qu'un homme condamné par la justice. (Très-bien!)

Mais le préfet de police, qu'on a si vivement attaqué, n'est-il donc pas absent aussi? A gauche Vous le couvrez.

M. BAROCHE. Cela est vrai, et j'accepte très-volontiers la responsabilité de tous ses actes.

Comment est-il possible qu'on ait pu dire ici que ce haut fonctionnaire ait été pris dans les basses escouades qui fonctionnent sur la place publique? Le fait n'est pas exact, premier tort; ensuite si M. Jules Favre avait bien réfléchi à cette vérité : que de cette tribune doit descendre le respect de la loi et de l'autorité, il n'aurait pas cherché à di

minuer l'autorité morale dont le préfet de police a tant besoin pour veiller à la sécurité de Paris. (Très-bien! très-bien!)

J'ai dit que je ne voulais pas relever toutes les allusions qui ont été faites à cette tribune. Je dirai seulement qu'avant d'attaquer le personnel de nos administrations, nos adversaires devraient réfléchir sur le personnel de leurs administrations quand ils étaient au pouvoir. (Applaudissements.)

On dit que nous ne sommes pas un grand ministère... que l'on gémit de vivre sous un petit ministère. Vraiment on lui donnerait de la vanité, à ce petit ministère, à voir Facharnement avec lequel on l'attaque. (Très-bien! très-bien!) Et vous lui feriez croire à son importance politique. (Rires.)

Si nous sommes un petit ministère, au moins pas plus que l'Assemblée nous ne voulons ruser la loi. A ce mot de M. Favre, nous avouons que nous n'avons pu contenir notre indignation.

Ruser la loi, Messieurs! ce mot a de l'importance dans la bouche de M. Favre.

Est-ce par des rétractations qu'on en efface l'effet? Messieurs, on devrait peser ses paroles pour n'être pas obligé de les rétracter. (Très-bien! très-bien!)

Oui... vous rétractez vos paroles... mais vous espérez qu'elles seront prises au sérieux par quelques intelligences peu éclairées... Et ces paroles vous échappent.

Voix: Elles ne lui échappent pas.

M. BAROCHE. Le ministère ne se fait pas illusion sur sa propre valeur! Mais il est sur de ses bonnes dispositions. Il veut maintenir la tranquillité publique, combattre les factions, conserver intacte la Constitution.

J'arrive à un dernier reproche. On a dit que le cabinet ne pourrait pas même trouver de successeurs. Vraiment il serait bien malheureux. (On rit.)

M. MASSON. Mais il vous remplacerait, lui. (Hilarité prolongée.)

M. BAROCHE. Oui, le cabinet serait bien malheureux, car en général ce qui a manqué à tous les cabinets, ce ne sont pas les successeurs, ce qu'il y a de certain (Rires), c'est que nous aurons pour successeurs des hommes dévoués à la majorité, des hommes qui voudront le bien du pays, et nous leur dirons: Soyez plus heureux que nous; mais jamais vous ne serez plus dévoués au bonheur de la France. (Applaudissements.) La séance est levée.

Chronique et Faits divers.

On lit dans la Patrie :

• Si nous sommes bien informés, le gouvernement s'est décidé à faire exécuter les règlements de police relatifs aux gens sans aveu ou sans domicile qui surabondent à Paris. Dans la journée d'hier, quinze cents individus appartenant à ceite catégorie ont été expulsés. Nous espérons que ces épurations nécessaires ne s'arrêteront pas là. »>

- On lit dans l'Ordre et la Liberté de Caen :

Les sieurs Gondouin, instituteur à Sainte-Marie-aux-Anglais, et Chipel, in

stituteur à Boissy, viennent d'être révoqués.

« Le sieur Mecheux, cantonnier chef, vient d'être révoqué de ses fonctions, pour avoir pris part à une manifestation anarchique et avoir propagé le journal la Voir du Peuple. »

- Un incendie, que tout porte à attribuer à la malveillance, a éclaté dimanche soir, au Bourg-d'Iré, chez M. de Falloux et s'est prolongé jusqu'au lendemain matin; ce n'est que vers cinq heures qu'il a cédé faute d'aliments.

Le feu avait été mis aux deux points extrêmes d'un immense dépôt de fourrages qui a été consumé en entier. Heureusement que le calme extrême de la température et la promptitude des secours ont empêché le sinistre de s'étendre aux bâtiments et surtout à une grande quantité de bois sec déposé à quelque distance et qui semblait devoir propager indéfiniment la flamme et les désastres.

On vient de découvrir à Metz, rue des Clercs, parmi les décombres de l'hôtel de l'Europe, actuellement en démolition, à sept ou huit mètres sous le sol, des tronçons de colonnes avec leurs chapiteaux, et divers autres débris de sculpture, ainsi qu'une grande quantité d'ossements humains. Ces anciens restes proviennent, selon toute vraisemblance, de la chapelle de Sainte-Reinette, construite en 1558, précisément sur l'emplacement occupé par l'hôtel de l'Europe.

Jean Troadec, un des rares matelots survivants du vaisseau le Vengeur, vient de recevoir la croix de la Légion-d'Honneur avec une solennité toute particulière. La municipalité de Ploujean, commune où se trouve le village de Troudousten qu'habite le vieux marin, se rendit à l'hôtel-de-ville de Morlaix où se trouvaient réunies les autorités civiles et militaires de cette ville, avec un détachement de la troupe de ligne, de la garde nationale tambours et musique en tête. A l'heure indiquée, tout le cortége se mit en marche vers Troudousten. Une foule compacte et silencieuse remplissait la place et le village de Troudousten. Troadec, que ses infirmités forçaient de rester assis, occupait un fauteuil au milieu de l'enceinte.

M. Pesseau, trésorier des Invalides de la marine, après avoir lu le brevet qui nomme TROADEC chevalier de la Légion-d'Honneur, lui a lui-même attaché la croix. Pendant cette opération, le vieillard pouvait à peine retenir ses larmes. Le maire de Ploujean a fait alors au nouveau décoré un petit compliment, que la foule accueillit par le cri de VIVE TROADEC, et auquel le marin répondit en criant trois fois VIVE LA FRANCE. Ensuite, M. le sous-préfet de Morlaix et tous les légionnaires ont donné l'accolade à Troadec.

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MAUBEUGE.-On écrit d'Ilergies, à l'Indépendant, 25 mars :

Hier, par un froid vif, une pauvre petite Flamande, de six à sept ans, marchant pieds nus dans la neige, entrait en pleurant de douleur dans le hameau d'leugnies, commune d'Houdain. Touchée de compassion pour cette enfant, dont les jambes étaient toutes bleues par l'action du froid, dont les haillons étaient raidis par la neige glacée, et dont les petites dents claquaient, une jeune fille du hameau la fit entrer chez elle. Dans cette maison habite le sieur Fischer, préposé et planton du bureau des douanes.

Tandis que ses hôtes charitables prodiguaient à la malheureuse enfant des soins empressés, Fischer, ému de pitié et n'écoutant que les inspirations de son cœur, s'en alla lui-même, bien qu'il marche très-péniblement par suite d'une entorse qui l'a estropié, au village d'llergies, distant d'un quart de lieue, acheter de ses propres deniers, de bons et chauds bas de laine et une solide paire de sabots, qu'il rapporta joyeusement à la pauvre enfant, qui, pour lui exprimer sa reconnaissance, ne put trouver que le signe de la croix! Cette éloquence n'en vaut-elle pas une autre!

Cet acte d'humanité et de dévouement, de la part d'un homme qui n'a, comme on le sait, que de forts modestes appointements, est au-dessus de tout éloge.

••

BOURSE DU 3 AVRIL.

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Actions de la

Le 5 p. 100, 89 40 à 89 50. Le 3 p. 100, 55 à 55 40. Banque, 2,170.-Obligations de la Ville, 1,272 50.-Nouvelles Obligations, 1120.5 p. 100 belge, 98 718. Emprunt romain, 78 114.

L'un des Propriétaires-Gérants, CHARLES DE RIANCEY.

Paris, imp. BAILLY, DIVRY et Comp., place Sorbonne, 2.

VENDREDI 5 AVRIL 1850.

(No 5008.)

L'AMI DE LA RELIGION.

Le gouvernement de Fribourg et les billets de Pâques. (Correspondance particulière de l'AMI DE LA RELIGION.)

Suisse occidentale, mars 1850.

Dans le canton de Fribourg et les autres cantons qui composent le diocèse de Lausanne et Genève, le confesseur donne, au temps pascal, à chaque pénitent, un billet de confession pascale. A l'expiration de la quinzaine de Pâques, ce billet est remis au curé. Dans quelques paroisses, chaque chef de maison porte au presbytère les billets de ses enfants et domestiques; dans d'autres, le curé va personnellement les recueillir de maison en maison. Cet usage immémorial a, en quelque sorte, reçu force de loi. L'autorité ecclésiastique l'a toujours maintenu. Evidemment, le billet de Pâques est, pour le curé, un moyen de s'assurer que toutes ses ouailles ont rempli le devoir pascal.

Or ces petits billets offusquaient les hauts gouvernants de Fribourg, révoltaient leurs sentiments démocratiques, gênaient leur conscience radicale, outrageaient leur despotique dignité. C'en est fait; les sept potentats prononcent l'arrêt de mort contre les criminels billets. Voici textuellement cette terrible sentence:

« Le conseil d'Etat du canton de Fribourg,

« Considérant que l'ordonnance du 21 août 1657, par laquelle le « pouvoir exécutif a prescrit l'usage des billets de confession à Pâaques, sous commination de peines civiles, établit une contrainte a incompatible avec le libre exercice et la dignité du culte catholi« que, et une intervention non justifiée du pouvoir civil en matière « religieuse;

« Sur la proposition du directeur de l'instruction publique et des cultes,

« Arrête :

◄ 1. L'ordonnance du 21 août 1657, obligeant les catholiques à faire preuve de leur confession par des billets sous commination « de peines civiles, est abrogée.

2. Il est interdit de quêter les billets de confession à domicile. 3. Le présent arrêté sera publié dans les deux langues, et affi«ché aux lieux accoutumés.

• Donné, sous le sceau du conseil d'Etat, à Fribourg, le 8 mars 1850. (Suivent les signatures.) » Voilà donc les billets de Pâques foudroyés, exécutés, anéantis! Paix à leurs cendres !

L'Ami de la Religion. Tome CXLVII.

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