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La Gazette de France donne ce soir le relevé des votes de Paris connu au moment où elle mettait sous presse :

VOTE DES DOUZE ARRONDISSEMENTS :

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Le corps diplomatique résidant auprès du Saint-Siége, s'est rendu, le 15, au Vatican pour offrir ses hommages au Saint-Père et le féliciter de son heureux retour.

S. E. M. Martinez de la Rosa, ambassadeur d'Espagne, a prononcé le discours suivant :

Saint-Père,

« Le corps diplomatique, accrédité près de Votre Sainteté, se trouve heureux de lui offrir, dans une occasion si mémorable, ses respectueux hommages et ses félicitations les plus sincères.

Témoins des vertus évangéliques que Votre Sainteté a montrées dans des jours d'épreuve; ayant suivi Votre Sainteté dans une terre hospitalière où les traces d'un hôte aussi vénérable ne s'effaceront jamais, nous devons regarder comme un bienfait de la Providence d'assister au triomphe de la plus sainte des causes, qu'Elle a si visiblement protégée.

« Rome revoit avec joie dans ses murs son Souverain, son Père, dont l'absence y laissait un vide que rien au monde ne saurait combler. Tous les gouvernements salueront le retour de Votre Sainteté dans ses Etats comme un indice favorable, comme un pas d'une portée immense vers le rétablissement de l'ordre, aussi nécessaire au bien-être des peuples qu'à la conservation de la paix; tandis que le monde catholique accoutumé, depuis tant de siècles, à tourner ses yeux vers le tombeau de saint Pierre, pour vénérer sur son siége le Pontife son successeur, bénira la main de Dieu qui vient d'exaucer ses vœux, en réalisant ses espé

rances. »

Le Pape a répondu à peu près en ces termes :

« Vous, Messieurs, qui m'avez accompagné et soutenu dans les jours d'épreuve et d'affliction, vous formez aujourd'hui plus que jamais ma joie et ma couronne. En vous exprimant ma reconnaissance de l'intérêt que vous avez pris à toutes les vicissitudes qui se sont succédé avec tant de rapidité; je vous remercie également de celui que vous prenez aux événements actuels, et je nourris la ferme confiance que votre assistance ne me fera pas défaut pour l'avenir.

« Exprimez à vos souverains et à vos gouvernements combien je suis pénétré de gratitude pour tout ce qu'ils ont dit et fait en faveur du Saint-Siége, et assurezles que je prie Dieu continuellement pour la paix de l'Europe et du monde. Je désire que les bénédictions de Dieu descendent abondantes sur chacun de vous et sur les nations tout entières que vous représentez, afin que, vivifiées par ce don céleste, elles voient au milieu d'elles s'étendre les conquêtes de la foi contre l'esprit d'irréligion, et celles de la tranquillité et de l'ordre contre l'esprit de troubles et d'anarchie.ni

(Correspondance particulière de l'AMI DE LA RELIGION.)

Rome, 18 avril 1850.

Le 17 avril, à midi, tous les officiers de l'armée française étaient réunis, au nombre de sept à huit cents, dans l'immense salle des conférences, au Vatican, où le Saint-Père leur donnait audience. Cette réunion, toute brillante par la diversité des grades et des costumes, empruntait encore à la circonstance un caractère de gravité qui la rendait singulièrement belle. Chaque corps d'officiers disposé sur trois rangs, et placé dans son ordre de bataille, par division et par brigade, offrait, dans un charmant raccourci, l'image la plus complète de notre armée victorieuse.

Avant qu'il allât lui-même prévenir Sa Sainteté que la réunion était prête à accueillir sa présence, le général Baraguay-d'Hilliers prit la parole pour avertir les généraux sous ses ordres qu'ils étaient appelés, dans cette solennelle entrevue, à baiser la maiu du Souverain-Pontife, au nom de toute l'armée; qu'à l'égard des autres officiers, chacun d'eux restait libre de profiter de la même faveur pour sa propre satisfaction. Après quelques avis concernant la parade qui aurait lieu le lendemain sur la place Saint-Pierre, sous les yeux mêmes du Pape, et à l'issue de laquelle le Saint-Père bénirait nos armes et nps drapeaux, le général en chef se rendit auprès de Sa Sainteté, et bientôt après le Pape parut, accompagné du cardinal Dupont, du majordome, et de plusieurs prélats de sa cour.

Sa Sainteté, arrivée sur son trône, y demeura debout et bénit l'Assemblée, après quoi le général en chef s'avança vers le Pape, et lui présenta les officiers.

(Notre correspondant reproduit ici les paroles du général et la réponse du Pape, que nous avons données hier.)

Le Saint-Père a prononcé ces paroles en Italien, mais d'une voix si distincte et si parfaitement accentuée, que la traduction en a été facile à tout le monde. Au reste, j'ai entendu dire à des officiers qui ne savaient pas l'italien, que, dans cette circonstance, ils avaient reçu le don des langues. Je le crois sans peine; le cœur a plus de perspicacité et d'intelligence que l'oreille: or, ici, tous les cœurs étaient de la partie; je n'en veux pas de meilleur témoignage que l'empressement que chacun des officiers a mis à profiter de la permission qu'il avait reçue de baiser la main du Saint-Père. On parle de quelques exceptions malheureuses : trois ou quatre officiers seulement se seraient retirés pour ne pas donner au chef suprême de l'Eglise universelle cette marque de vénération et d'amour. Je les plains! oh! je les plains de mille manières; mais surtout d'avoir servi aux vues secrètes de la Providence, qui veut toujours que le scandale se place à côté des actions édifiantes pour en rehausser le mérite et l'éclat.

Sans la liberté de s'abstenir dont ces Messieurs ont usé dans cette circonstance, on n'eût pas manqué de faire hommage à la discipline militaire de la conduite toute spontanée des autres. Il ne faut donc pas s'attrister d'un fait à peine remarqué, tant il est peu saillant. Le plus habile dans le mal n'en saurait tirer parti pour jeter une ombre, tant soit peu légère, sur le tableau ravissant que nous avons tous aujourd'hui sous les yeux: le Pape et notre armée. C'est-àdire la puissance spirituelle, dans sa plus haute manifestation, et la puissance temporelle dans son expression la plus glorieuse! Désormais ces deux noms sont inséparablement unis: le Pape et l'armée française! L'alliance s'est faite de part et d'autre par l'échange de ce que chacun avait de plus précieux. Voici mon sang, pour vous! - Voici, a dit l'autre, tous les trésors de grâces que le ciel m'a donnés, pour vous. Je ne sais dans ce combat d'amour lequel a été vaincu.

Comme le général en chef l'avait annoncé, le défilé de toute l'armée française eut lieu, le 18, à cinq heures du soir sur la place de Saint-Pierre. Le temps qui menaçait beaucoup, sembla s'éclaircir tout exprès pour sourire à cette fête. Dès les trois heures, plus de dix mille hommes, infanterie, cavalerie et artillerie, dans la plus brillante tenue, et dans le meilleur ordre, occupaient les deux côtés de la place, au milieu de laquelle s'élève, comme on sait, le grand obélisque placé par Sixte-Quint. La multitude du peuple, qui accourait de toute part, refoulée sans cesse par les guides, s'arrangea bientôt au fond et sur les côtés latéraux de la place, de manière à former un immense cadre qui embrassait notre armée, sans nuire à ses mouvements.

L'état major occupait le milieu de la place, en avant de l'obélisque, entre les deux divisions, et se trouvait ainsi en face de l'estrade qui avait été dressée pour le Pape au pied du grand escalier de Saint-Pierre. Cette estrade, tendue des plus riches draperies, faisait suite au parvis de la basilique, en sorte que le Pape pouvait arriver de plain-pied jusqu'à nos troupes, les bien voir, et être parfaitement vu par elle.

A cinq heures, toutes les cloches de la basilique annoncèrent que le Pape s'approchait. Le canon du fort Saint-Ange répondit à ce signal, et bientôt, en effet, le Saint-Père parut sur l'estrade, précédé d'un nombreux clergé et suivi des gardes suisses et de quelques grands officiers de sa maison. Parmi les Cardinaux qui accompagnaient le Pape, on remarquait LL. Em. le Cardinal Dupont et le Cardinal Antonelli, le premier à sa droite et le second à sa gauche. Cependant à l'arrivée du Souverain-Pontife, un roulement de tous les tambours de l'armée à la fois, fut suivi d'un profond silence. Un commandement rapide avait prosterné, comme un seul soldat, tous ces soldats à genoux.

Tout à coup le Pape se lève, étend les bras vers le ciel comme pour aller saisir au foyer même des bénédictions la plus riche, la plus ardente, celle qu'il veut donner à ses libérateurs.....

Rien, non, rien n'approche de ce moment suprême! Par le cérémonial qui l'accompagne, c'est une chose magnifique que la bénédiction solennelle du Pape, plus magnifique encore lorsque le cœur vient à s'en émouvoir et que la foi en révèle tous les bienfaits à la pensée. Mais quand c'est une armée française qui s'agenouille sur la place de Saint-Pierre pour que le Pape la bénisse! oh! alors, oui, c'est quelque chose de véritablement merveilleux qui ravit et transporte; car on se sent à la fois et fier du titre de catholique et orgueilleux d'être Français !

Ajouterai-je que malgré tous les regards humides et tous les cœurs émus, le défilé s'exécuta avec une admirable précision; jamais notre armée n'avait été plus belle, plus fière, plus heureuse: je suis sûre qu'elle était contente d'ellemême. Quant au Saint-Père, il n'interrompait le sourire de satisfaction qui épanouissait sa figure, qu'on sait être fort douce et fort belle, que pour bénir chaque compagnie au fur et à mesure qu'elle passait devant lui.

Après le défilé, le général Baraguay-d'Hilliers s'avança jusqu'au pied de l'estrade pour saluer le Saint-Père. Je suis sûr que lui aussi était content de sa journée.

Autre correspondance.

Docteur BERARD.

Rome, 18 avril 1850.

Nos officiers ont vu le Souverain, mais le Prêtre avait commencé par se

montrer dans son affectueuse charité lors de la visite faite avant-hier à l'hôpital Saint-André. Aujourd'hui nous avons pu vénérer à la fois le Pontife et le Roi dans l'admirable cérémonie qui vient d'avoir lieu sur la place Saint-Pierre pour la bénédiction papale donnée à notre brave armée.

Tout Rome se trouvait là, ainsi que les nombreux étrangers qui l'habitent en ce moment; la place Saint-Pierre, les palais qui l'avoisinent, la terrasse fermée par la colonnade étaient couverts de spectateurs; la tribune destinée au Saint-Père avait été construite au pied du grand escalier qui conduit à la Basilique, sur la ligne où se trouvent les statues colossales de saint Pierre et de saint Paul.

Les troupes, grossies des bataillons cantonnés à Rivoli, à Frascati, à Albano, ont commencé à arriver vers trois heures; à quatre heures elles occupaient les diverses positions qui leur avaient été assignées sur la place; le général en chef est venu peu après en prendre le commandement, et bientôt les cloches de la basilique nous ont annoncé que le Saint-Père quittait ses appartements pour se diriger vers sa tribune.

Dès que le Pape a paru sur le vestibule de la basilique les tambours ont battu au champ, puis un silence profond et religieux a succédé à ce bruit. Tous les regards étaient tournés vers notre Saint-Pontife, il s'avançait lentement ayant à sa drolte S. E. le Cardinal Dupont et à sa gauche S. E. le Cardinal Antonelli ; nos yeux français aimaient à reconnaître parmi ses camerieri segreti partecipanti, M. l'abbé de Mérode, maintenant Mgr de Mérode, et qui nommé hier à ce poste important, exerçait aujourd'hui pour la première fois ses fonctions.

Dès que le Saint-Père eut pris place dans sa tribune, au milieu du silence qui continuait à régner, la voix du général en chef a fait entendre le commandement de genou terre répété par les divers officiers, et toute l'armée, toute sans exception, s'est agenouillée comme un seul homme devant le Pontife.

La voix claire et sonore du Souverain-Pontife, s'est alors élevée vers le ciel. On l'entendait sur toute la place. Aussitôt presque tous les soldats ont fait le signe de la croix. La plupart portaient dans leurs mains des chapelets et des médailles dont ils s'étaient chargés pour les faire bénir par le Saint-Père.

Ce fut alors un moment auguste et solennel. On sentait qu'il y avait là, en présence l'une de l'autre, les deux choses les plus grandes à nos yeux, les plus chères à nos cœurs : L'Eglise représentée par son chef, par Pie IX; la France, la fille aînée de l'Eglise, représentée par sa vaillante armée, libératrice de Rome. Certes, ces courts instants n'ont pas été perdus par les âmes chrétiennes ! Quelles vives et ferventes prières elles ont alors adressées à Dieu! Notre France y aura eu sa grande part, et elle en recueillera, je n'en doute pas, bien des grâces et des secours !

Aussitôt après la bénédiction, le peuple a fait partout retentir les cris de: Viva il Santo Padre!

Le défilé a commencé ensuite et a eu lieu avec un ordre parfait, une précision admirable. Tour à tour le génie, une partie de l'artillerie sans canons, le train, la ligne, le 1er bataillon des chasseurs à pied qui se sont si glorieusement distingués pendant le siége, puis une autre partie de l'artillerie avec ses canons, le 2e bataillon des chasseurs à pied et le 11 régiment de dragons ont passé devant le Pape qui les bénissait tous avec effusion. Chaque fois, il y avait une sensation plus profonde quand se présentait le drapeau.

Cette journée laissera un souvenir ineffaçable parmi la population romaine qui n'a jamais vu nos soldats dans une attitude plus religieuse, et dans les rangs de cette armée qui a pu juger par elle-même de l'enthousiasme et des démonstrations des Romains pour leur Roi et leur père.

Quant à moi, que vous dirai-je de plus? Non, je ne saurais exprimer tous les sentiments qui se sont pressés dans mon cœur et qui l'agitent encore. J'aime du moins, pour suppléer à l'impuissance de ma parole, à répéter ces mots que je lisais sur l'obélisque de la place Saint-Pierre, au pied duquel s'est déroulée cette scène d'un saint et majestueux triomphe :

CHRISTUS VINCIT.

CHRISTUS REGNAT.

CHRISTUS IMPERAT.

CHRISTUS PLEBEM SUAM DEFENDAT.

Hier, dimanche, il y a eu à l'hôtel de la nonciature un dîner diplomatique, donné par Mgr le nonce apostolique, à l'occasion de l'heureux retour du Saint-Père dans la capitale du monde chrétien.

On remarquait à ce dîner M. Dupin, président de l'Assemblée nationale; M. le général de La Hitte, ministre des affaires étrangères; M. le général d'Hautpoul, ministre de la guerre ; M. de Parrieu, ministre de l'instruction publique et des cultes; M. le général Changarnier, commandant général de la garde nationale et de la première division militaire; S. Ex. M. le duc de Sotomayor, ambassadeur d'Espagne; S. Ex. M. le baron d'Antonini, ministre de S. M. le roi des Deux-Siciles; S. Ex. M. de Hubner, ministre d'Autriche; M. le chevalier Paria, chargé d'affaires de Portugal; Mgr Parisis, Evêque de Langres; M. le comte Molé, M. Thiers, M. Berryer, M. le comte de Montalembert, M. le général Oudinot, M. de Corcelles, M. Gustave de Beaumont, M. de la Rozière, M. le colonel Soleille, M. Baciocchi, aide-de-camp du Président de la République.

A la fin du dîner, S. Ex. Mgr le nonce apostolique s'est levé et a porté la santé en ces termes :

«Messieurs, j'ai l'honneur de vous prier de boire à la prospérité « de la France et des autres puissances qui ont concouru au rétablis« sement du Saint-Père, rétablissement que la Providence nous « donne comme gage de la prospérité du monde entier. »

M. Dupin a pris alors la parole pour répondre à Mgr le nonce, et il s'est exprimé en ces termes :

« La France a marché à la délivrance de Rome et au rétablisse«ment de l'autorité du Saint-Siége, comme à l'accomplissement « d'un devoir. Les votes de nos assemblées législatives ont accom«pagné toutes les phases de l'expédition, et elle recevra. bientôt, je « l'espère, une éclatante et dernière sanction. Nous sommes heureux « d'avoir vu les autres puissances de la catholicité concourir à cette << œuvre sainte; et dans cette gloire commune, nous ne réclamons « d'autre part que celle qui appartient naturellement à la France en « vertu de son titre incontesté de Fille aînée de l'Eglise. »

M. Dupin a reçu les plus vives félicitations au sujet de ces nobles paroles, notamment de la part des représentants des puissances catholiques.

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