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Séculariser l'enseignement; — rendre l'enseignement laïque; — arracher l'enseignement de la jeunesse à l'Eglise, telles étaient les formules à l'aide desquelles le philosophisme destructeur et impie de cette époque avait résolu de faire, jusque dans l'âme des enfants, la guerre la plus impitoyable au christianisme.

Et qui se serait trompé sur le sens et sur la portée de ces formules?

Arracher l'enseignement de la jeunesse à l'Eglise! Mais est-ce que l'Eglise avait le monopole de cet enseignement?

Rendre cet enseignement laïque! Mais est-ce que les universités, approuvées et fondées primitivement par le Saint-Siége, ne se composaient que de prêtres et de moines?

Séculariser l'enseignement! Qu'est-ce à dire? Elever les enfants. pour les conditions diverses de la société civile, sans doute. Eh bien! n'avait-elle donc été élevée et instruite que pour les fonctions sacerdotales, cette société au nom de laquelle on voulait émanciper les générations futures?

Non! l'Eglise n'a jamais revendiqué les lettres et les connaissances humaines comme le dépôt et le privilége d'une caste. Jamais elle ne s'est opposée à ce que les lettres et les connaissances humaines fussent enseignées par des professeurs laïques. Jamais elle n'a éloigné de ces lettres et de ces connaissances les hommes du siècle; c'est tout le contraire qui est vrai. Et sur tous ces points le témoignage de l'histoire est aussi manifeste que le jour.

Que poursuivait donc le philosophisme? Le voici.

Y a-t-il une éducation sans morale, une morale sans religion, une religion sans un sacerdoce chargé d'en exercer le ministère? L'enseignement littéraire et scientifique supplée-t-il à tout? suffit-il à l'enfance et à la jeunesse à ce point que l'enfance et la jeunesse puissent ce passer d'enseignement religieux ? L'enseignement religieux peut-il être, soit dans la famille, soit dans les écoles, ou entièrement omis ou donné sans le contrôle, sans la surveillance, sans l'autorité des ministres du culte auquel appartiennent les élèves et leurs fa

milles?

Tel est le système qu'on a prétendu faire prévaloir!

C'est ce système à la réalisation duquel travaillaient le président Rolland, en France, sous Louis XV, et le prince de Kaunitz avec Joseph II en Autriche.

C'est ce système que les démagogues révolutionnaires ont pris tout d'une pièce des mains des princes soi-disant réformateurs.

C'est ce système qui s'est implanté en France, au milieu des ruines de la Révolution, avec le monopole impérial, malgré la volonté formellement exprimée de Napoléon, qui croyait pouvoir, par un décret, imposer pour règle à la corporation universitaire les préceptes de la religion catholique (décret de 1808).

. C'est en vertu de ce système que chez nous l'on est peu à peu parvenu à bannir ou à réduire presqu'à rien l'enseignement religieux dans les écoles publiques, et qu'en même temps on empêchait naguère l'existence des établissements où la religion eût eu dans l'éducation sa part légitime et indispensable.

C'est encore par suite du même système qu'en Belgique le philosophisme réveillé essaie de combattre et d'entraver l'enseignement religieux et libre, et se propose d'organiser une instruction publique dont l'enseignement littéraire, scientifique et professionnel ferait l'unique base; où l'enseignement religieux ne serait pas obligatoire et pourrait être ou supprimé, ou suspendu, ou donné par des professeurs laiques, par des hommes chrétiens ou non, à des enfants et à des jeunes gens catholiques, en dehors, sans le concours, sans le ministère de l'Eglise !

Voilà ce que l'Eglise a toujours repoussé, ce qu'elle repoussera toujours, ce qui est la négation de ses droits inaliénables et de son imprescriptible autorité.

Et qu'on veuille bien le remarquer, la question ici est plus haute que la politique, plus haute que les constitutions et les lois.

Oui, un peuple peut être catholique ou ne pas l'être; mais s'il compte des catholiques dans ses rangs, ceux-ci écouteront la voix de l'Eglise comme celle de leur reine spirituelle, et ils la prendront pour guide et pour maîtresse de leur conduite dans l'éducation de leurs enfants.

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Il peut encore. y avoir, dans un Etat où l'immense majorité des citoyens est catholique, trois situations diverses: ou un monopole d'instruction publique, libres,-ou, enfin, la liberté seule pour tous les cultes et pour tous les citoyens, sans aucune intervention de l'Etat. Mais, dans ces trois cas, les principes seront toujours les mêmes pour les catholiques. Toujours les catholiques devront veiller à ce que leurs enfants reçoivent, soit au foyer domestique, soit dans des écoles privées, soit dans des établissements officiels, une éducation réglée par la religion, un enseignement réellement religieux, donné par l'Eglise, ou, du moins, avec son approbation et sous sa direction.

ou des écoles officielles à côté d'établissements

Qu'il en soit ainsi au sein de la famille, si la famille le veut; les plus absurdes communautaires sont à peu près seuls à le nier.

Que le dévouement et les efforts des particuliers ou des associations mettent en pratique dans les écoles libres les mêmes prescriptions, c'est un droit que nous n'avons pas conquis sans peine, ni depuis longtemps, mais que nous possédons enfin, et dont la Belgique jouit depuis 1830.

Mais que là où l'Etat institue ou maintient en son nom et aux frais des contribuables en immense majorité catholique, des écoles officielles, ces écoles soient tenues de présenter les mèmes garanties

aux familles, les mêmes avantages aux enfants; c'est là ce qui est encore contesté; c'est là ce qui fait encore l'objet principal de tous les débats en Belgique comme en France!

Ces explications étaient nécessaires pour l'intelligence des luttes qui ont eu lieu à la Chambre des représentants de Bruxelles.

Cette Assemblée vient d'entendre encore de magnifiques discours. MM. Dechamps et de Theux ne sont pas restés au-dessous de leur réputation d'orateurs et d'hommes d'Etat. Ils ont dignement et bril⚫ lamment couronné la discussion générale sur le projet de l'enseignement moyen.

Nous avions promis de revenir sur cette solennelle délibération, quand elle serait terminée. Nous commençons aujourd'hui à satisfaire à notre engagement.

I.

En remontant aux séances antérieures, l'opinion à laquelle nous devons nous arrêter d'abord, et parce qu'elle pose très-nettement la question et à cause du caractère et de l'autorité de celui qui l'a émise, c'est l'opinion de M. l'abbé de Haërne.

M. l'abbé de Haërne est le seul ecclésiastique qui fasse partie du Parlement. Il lui appartenait plus qu'à tout autre d'aborder et de traiter à fond le côté religieux ou plutôt antireligieux du projet.

D'ailleurs, M. l'abbé de Haërne était un des hommes éminents du Congrès national où il professait des doctrines très-avancées. Depuis cette époque, il n'a pas cessé de siéger au Parlement belge; et l'ancienne opposition, devenue aujourd'hui la majorité, l'a toujours ellemême trouvé plus dévoué qu'elle aux antiques libertés du pays. A ce titre donc encore, le témoignage de M. l'abbé de Haërne acquiert un nouveau poids.

L'orateur à commencé par une déclaration qui n'a pas rencontré de contradicteur :

Les principes que nous défendons aujourd'hui, a-t-il dit, sont ceux que nous avons toujours soutenus et devant la discussion desquels nous n'avons point à reculer. »

Voyons donc quels sont ces principes. M. de Haërne établit d'abord que l'article 17 de la Constitution belge, en accordant au gouvernement la faculté de fonder et d'entretenir des écoles, lui impose par cela même le devoir corrélatif d'y garantir la foi et les mœurs des élèves :

« Le gouvernement a un DEVOIR à remplir sous le rapport religieux; car, remarquez bien que le deuxième paragraphe de l'article 17, qui impose au gouvernement le devoir de régler l'instruction publique par la loi, s'applique nécessairement à tout ce qui se rapporte essentiellement à cette instruction.

« Or, de deux choses l'une ou bien il faut soutenir que l'enseignement religieux ne se rapporte pas à l'instruction publique, ou bien il faut reconnaître que l'enseignement religieux doit être réglé par la loi.

En d'autres termes, si l'enseignement donné aux frais de l'Etat doit être réglé par la loi, à moins de soutenir que la partie religieuse ne se rapporte pas d'une manière essentielle à l'enseignement public, on doit dire que cette partie doit être réglée également par la loi. »

L'honorable représentant démontre ensuite que, dans les écoles publiques, l'enseignement religieux ne doit pas être seulement facultatif et livré au bon plaisir de l'administration, mais obligatoire et #légal:

«Est-ce sérieusement, s'écrie-t-il, qu'on viendra soutenir qu'on règle par la loi la partie religieuse de l'enseignement lorsqu'on se borne à dire qu'on invitera les ministres du culte à donner cet enseignement dans les établissements publics? Une simple invitation ne peut pas être envisagée comme l'accomplissement du devoir qui incombe au gouvernement, d'après l'art. 17 de la Constitution, devoir qui consiste à organiser ce qui se rapporte à l'instruction publique. › M. de Haërne combat ensuite une autre prétention :

Si l'on considère les explications données à l'appui du projet de loi, continue-t-il, on doit reconnaître que le gouvernement empiète ici sur les droits de la religion. Le gouvernement suppose, dans le cas d'abstention du clergé, qu'il peut donner Ini-même l'enseignement religieux. C'est là une grande et dangereuse errear que je dois combattre de toutes mes forces.

Comment le gouvernement pourrait lui-même donner l'enseignement religieux! Ce n'est pas seulement inconstitutionnel, c'est encore absurde.

Et remarquez, Messieurs, que quand je parle d'enseignement religieux, je ne veux pas dire que le gouvernement ne peut pas enseigner ce qui rapporte en quelque sorte au matériel de la religion; qu'il ne peut pas expliquer les mots et les phrases: mais pour ce qui constitue l'essence, l'âme de l'enseignement religieux, le gouvernement est essentiellement incapable de le donner. Car il s'agit ici d'un enseignement religieux positif, d'un enseignement qui doit avoir sa sanction dans l'autorité religieuse, et cette sanction, le gouvernement ne peut pas l'avoir de lui-même. ▸

Le clergé doit donc prendre part à l'instruction publique réglée par la loi, et cela à titre d'autorité, comme on dit en Belgique ; à titre d'autorité spirituelle, bien entendu.

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L'orateur conclut ainsi :

D'après l'opinion que je viens d'avoir l'honneur d'exposer, il faut de toute nécessité que le principe de l'enseignement religieux donné par les ministres du culte, soit inscrit dans la loi.

Nous ne sommes pas la seule nation dans cette position; des lois semblables à celle qui nous est propoeée, existent partout ailleurs; en France, en Allemagne, en Hollande, le principe de l'enseignement religieux obligatoire est ecrit dans la loi. Si vous vous bornez à la phrase insignifiante qui forme l'art. 8, à cette simple invitation adressée au clergé laquelle abandonne tout à l'arbitraire, à la volonté ministérielle, ne craignez-vous pas qu'une telle loi, commentée presse, ne produise un effet très-préjudiciable à la réputation de la Belgique, qui, dans tout l'univers, passe non-seulement pour une nation éminemment libérale, mais en même temps pour une nation profondément religieuse et catholique avant

tout?

par la

«Je ne crains pas de le dire, la suppression du principe, religieux dans une telle loi sera un scandale européen. »

Au reste, le législateur ne veut rien qui soit impossible. Ses propositions ont déjà pour elles l'expérience :

<«< Quand nous demandons que l'enseignement religieux séit envisagé comme une chose sérieuse et obligatoire, nous n'allons pas jusqu'à vouloir qu'il y ait ici pour l'autorité civile le moindre obstacle à l'exercice des fonctions qui se rapportent à l'enseignement; nous ne voulons produire aucun conflit; ce que nous voulons, c'est que l'enseignement soit religieux avant tout; que ce principe, inscrit au fronton de l'éditice, fasse respecter la religion dans l'établissement: que toute l'instruction donnée soit en harmonie avec ce grand principe.

« Nous voulons, en un mot, que la religion soit enseignée de telle manière que certains professeurs ne puissent pas annuler, par un enseignement contraire, l'enseignement de la religion et de la morale. »

M. l'abbé de Haërne réfute ensuite ceux qui admettent la nécessité de la religion dans l'enseignement primaire et qui ne l'admettent point pour l'enseignement moyen :

Il existe beaucoup de personnes dans cette enceinte et hors de cette enceinte, qui font une grande différence entre l'enseignement moyen et l'enseignement primaire au point de vue religieux.

« Il en existe beaucoup qui croient que l'intervention du clergé dans les écoles primaires est de toute nécessité, et qu'elle ne peut étre réclamée au mémetitre, pour ce qui regarde l'enseignement moyen. Je crois que c'est une erreur, et qu'on doit placer les deux enseignements sur la même ligne sous ce rapport.

« Soyez-en bien persuadés, une fois qu'on aura consacré ce principe dans la loi sur l'instruction secondaire, on ne manquera pas de l'invoquer plus tard pour changer la loi de l'instruction primaire. Alors, ceux qui ont voulu cette garantie dans la loi sur l'instruction primaire et qui veulent la maintenir dans cette loi, ne pourront s'empêcher d'admettre la conséquence du principe posé dans la loi de l'enseignement moyen.

Ne perdons pas de vue les funestes et déplorables conséquences produites dans d'autres pays par suite de l'absence d'enseignement religieux, par exemple, en France, en Allemagne. Voyons ce qu'a produit le monopole irréligieux de la France, monopole devant lequel la nation entière recule en frémissant aujourd'hui.

M. l'abbé de Haërne, hâtons-nous de le dire, n'a pas été le seul champion de ces sages doctrines; tous les catholiques de la Chambre des représentants ont été, comme nous le montrerons brièvement, unanimes sur ce point essentiel et fondamental en matière d instruction publique.

BOURSE DU 26 AVRIL.

Le 5 p. 100, 89 30 à 89 25. — Le 3 p. 100, Banque, 2,105 00.- Obligations de la Ville,

55 55 à 55 50. Actions de la 1,270 00.- Nouvelles Obliga

tions, 1,131 25.5 p. 100 belge, 100 010. Emprunt romain, 79 518.

L'un des Propriétaires-Gérants, CHARLES DE RIANCEY.

Paris, imp. BAILLY, DIVRY et Comp., place Sorbonne, 2,

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