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demander à remplir ce devoir de la vie chrétienne. « J'ai fait à Dieu, dit-il, le sacrifice de ma vie, et j'accepte la mort avec la volonté la plus formelle. > Avant cette cérémonie touchante, il avait déclaré qu'il voulait, si Dieu lui laissait un peu de vie, consacrer solennellement son diocèse au sacré Cœur de Jésus.

Cependant, nous osions espérer que le ciel nous eût conservé cette existence si chère et si précieuse. De tous les points du diocèse, les vœux les plus ardents étaient adressés au ciel, nos prières redoublaient avec les progrès de la maladie, et dans la confiance que nous suggérait notre amour, nous allions jusqu'à espérer un miracle... Dieu ne l'a pas voulu, sa sainte volonté soit faite !!? Dans la nuit du 16 au 17 avril, quelques jours après la rentrée du Père commun des fidèles dans la Jérusalem de la terre, notre Père à Cambrai entrait dans la Jérusalem des cieux. Cette mort a frappé le diocèse comme de stupeur. Les hommes les plus indifférents en religion la déplorent aussi bien que les chrétiens les plus pieux et les ecclésiastiques. Quel malheur, disait-on partout, il commençait seulement à être apprécié. C'est maintenant qu'il allait consolider le bien qu'il a fait depuis qu'il est au milieu de nous!!!

« Le corps du Cardinal fut remis entre les mains de quelques prêtres qui voulurent le garder et lui donner tous les soins dont on environne le corps des Prélats. Provisoirement il fut déposé dans un salon sur un lit, revêtu du rochet et du camail, et les ecclésiastiques, les religieux et les religieuses furent admis à prier près de lui. Le samedi matin, après avoir été embaumé par le docteur Sucquet, il fut transporté dans la chapelle du palais archiepiscopal qui avait été disposée à cet effet. De longs crêpes de deuil recouvraient entièrement les murailles de cet oratoire éclairé par une multitude de bougies placées dans de riches candélabres; sous un dais formé de légères draperies noires constellées d'or et sur un lit en velours violet, était couché le prince de l'Eglise revêtu de la soutane, du camail d'hermine et du grand manteau rouge. Dans ses mains était un crucifix, sur ses pieds le chapeau de Cardinal, devaut lui la croix et la crosse, à ses côtés le pallium, la barette et la mitre. La tête, couverte de la calotte rouge, n'avait souffert aucune altération, grâce à l'embaumement; ses traits avaient recouvré toute leur fraîcheur; le Prélat semblait doucement endormi. Dans la matinée, les prêtres offraient le saint sacrifice sur l'autel ; jour et nuit, des élèves du grand séminaire psalmodiaient l'office des morts.

Pendant trois jours, la foule n'a cessé de traverser la chapelle ardente où les gardes nationaux avaient un poste d'honneur; je dis traverser, car les fidèles qui voulaient rendre un pieux hommage à leur saint Archevêque et considérer ses traits une dernière fois, arrivèrent en si grand nombre qu'il fallut les empêcher de s'agenouiller pour prier un instant, ils allaient faire leur prière dans l'église métropolitaine où se trouvait la porte de sortie de la chapelle. Deux prêtres étaient continuellement occupés à faire toucher au corps les objets de piété qui leur était présentés. Je ne finirais pas si je voulais parler des larmes qui couaient sur les visages et des scènes attendrissantes dont j'ai été témoin.

Dans la nuit du 22 au 23, le corps, revêtu des ornements de Pontife et de Cardinal, fut déposé par des prêtres dans un cercueil de plomb, et la cérémonie des funérailles qui eut lieu le 23, se fit selon toutes les prescriptions du cérémonial des Evêques. Jamais cérémonial funèbre n'a été célébré avec plus de pompe et plus de recueillement. Plus de 400 prêtres, tant du diocèse de Cambrai, que des diocèses voisins, étaient accourus rendre les derniers devoirs à l'illustre Cardinal. Le cortége, dont le programme avait été imprimé, se composait de toutes les classes de la société. On y remarquait surtout MM. les membres de la Confé

rence de Saint-Vincent-de-Paul de notre ville et les députations de cette Association de charité des diverses villes du diocèse. S. Em. Mgr le Cardinal d'Arras, qui avait promis de venir présider la cérémonie et célébrer l'office, retenu par une indisposition, a été remplacé par Mgr l'Evêque de Gand, originaire du diocèse de Cambrai. Nous avons regretté de ne point voir les Prélats dont les diocèses sont limitrophes à celui de l'illustre défunt; en tournée de confirmation, ils ne purent se rendre à l'invitation qui leur avait été adressée par MM. les vicaires capitulaires. Mgr l'Evêque de Soissons seulement arriva au moment où allait commencer la cérémonie; il y assista en chape et en mitre.

Le cercueil placé sur un corbillard, était couvert du grand manteau de cardinal qui se voyait à travers un crêpe noir étoilé d'or. Les cordons du poële étaient portés par MM. le premier président, le procureur-général de la cour d'appel de Douai, le préfet du Nord et le général commandant la division militaire.

Le cortége arriva à midi à la métropole, après avoir parcouru les rues principales de la ville au milieu d'une immense foule, silencieuse et recueillie. La messe du Requiem fut chantée en faux bourdon par deux cents voix et produisit un effet admirable. Après les cinq absoutes faites par les deux Evêques, les deuxl premiers vicaires capitulaires, et M. Bailly, vicaire-général d'Arras, le cercuei fut descendu du catafalque et porté au caveau destiné à la sépulture des Archevêques de Cambrai. C'est là qu'il repose derrière le trône pontifical et devant le monument érigé à Fénelon. Nous avons tous lieu d'espérer que le diocèse de Cambrai sera fidèle à conserver la mémoire du Prélat qui est venu à nous comme un ange de Dieu, et à qui l'histoire décernera une place honorable entre Godefroi de Fontaines, le Cardinal d'Ailly, Vanderburck et Fénelon!

Agréez, Monsieur le Rédacteur,

Cambrai, 25 avril 1850. »

« CAPELLE, Missionnaire apostolique.

Nous avons tenu nos lecteurs au courant de l'affaire du serment exigé des ecclésiastiques par le gouvernement prussien. D'après la lettre des Evêques de la province de Cologne que nous avons publiée il y a peu de jours, les difficultés semblaient aplanies. Voici une lettre de Mgr l'Archevêque de Breslau, au ministre des cultes, qui fait envisager la question sous un point de vue différent :

‹ Breslau, 19 avril 1850.

Le Moniteur prussien de ce jour (no 106) contient un article de Berlin, en date du 18, sur la marche que le ministère prussien se propose de suivre relativement à la prestation du serment à la Constitution, article que je dois considérer, raison de son caractère semi-officiel, comme une réponse à la lettre que j'ai adressée à V. E. le 8 du courant. Cet article me suggère les réflexions suivantes : l'importance de l'affaire exige la plus grande franchise de ma part. - C'est d'abord méconnaître le poiut de vue catholique que d'admettre que par la réserve salvis Ecclesiæ juribus, il est libre à tout membre du clergé catholique qui prête ainsi le serment de trouver, par une interprétation arbitraire et purement subjective, de prétendues contradictions dans certaines dispositions de la Constitution avec les droits de l'Eglise, c'est-à-dire avec la conscience de celui qui a prêté le serment. L'Eglise catholique ne permet pas aux individus de décider de l'étendue de ses droits et devoirs et de l'obligation du serment qui s'y

rattache; elle a pour cela ses organes légaux, savoir: l'épiscopat. Ainsi l'Etat n'a rien à craindre sous ce rapport de la volonté et d'un caprice purement individuel. Le point de vue catholique est également méconnu dans l'instruction du ministère royal, d'après laquelle, si un ecclésiastique refuse, d'après la déclaration épiscopale, de prêter ce serment sans condition, on devra essayer de le détourner de cette résolution par les explications nécessaires.

Une pareille intervention forcée de l'enseignement bureaucratique entre la conscience du prêtre et l'Evêque, parlant au nom de l'Eglise, doit être repoussée par tout prêtre catholique comme une tentation. Car, dans cette circonstance, on lui insinue, relativement à ses devoirs religieux jurés à l'Eglise, ce qu'il ne saurait faire relativement aux mêmes devoirs politiques, qu'il doit contracter suivant l'instruction, c'est-à-dire une restriction purement subjective, renfermant le droit de se délier.

‹ L'instruction ministérielle ajoute : « Si l'ecclésiastique déclare que, d'après sa conviction, la prestation de serment même non conditionnelle ne mettrait pas ses devoirs politiques en opposition avec ses devoirs ecclésiastiques, et que la prescription de l'Evêque l'oblige seule à prêter le serment avec réserve, alors il pourra être admis au serment nonobstant la réserve, et ce serment devra, dans ce cas, être considéré comme un serment absolu. »

Par cette addition, la tentation devient un fait accompli, et celui à qui l'on fait prêter le serment commet un parjure envers son Evêque. La conscience d'un prêtre catholique qui a une conscience catholique, précisément parce que la voix de son Eglise est pour lui une loi plus haute que sa pensée subjective, ne se laisse pas circonvenir et prendre ainsi. Je l'ai dit tout haut dans d'autres circonstances devant le monde entier, et mes paroles ont été écoutées avec faveur. Quand le catholique a des scrupules de conscience, il consulte son Eglise, c'està-dire le corps enseignant établi par Dieu en elle.

Il s'agissait alors de la fidélité envers le roi et l'Etat, et des milliers d'individus que des exemples influents faisaient hésiter, réfléchirent et revint à des idées plus justes, après avoir entendu la parole épiscopale que la bouche de leurs prêtres leur annonça et leur interpréta. - Croit-on réellement que ces mêmes prètres n'oseront pas écouter aujourd'hui cette même voix épiscopale qui les exhorte à rester fidèles à l'Eglise, et qu'ure absolution ministérielle pourrait les dispenser de ce devoir? Mais si ces ecclésiastiques, qui veulent avant tout rester fidèles à leur Eglise, pour demeurer ensuite également fidèles, selon leur conscience pure, à l'Etat, sont déclarés incapables de remplir des fonctions publiques, je dois, comme sujet fidèle, le regretter dans l'intérêt de l'Etat, car mon opinion est que ce qui est honorable, dure le plus longtemps, et, qu'ainsi que l'a dit récemment une bouche énergique à Erfurth, un homme ne peut avoir deux consciences.

Mais, nous dit-on, la Constitution garantit à l'Eglise catholique des droits importants dont elle n'avait pas jusqu'à ce jour joni en Prusse.—Je le reconnais volontiers, et personne n'en a remercié le noble roi plus que moi, convaincu que c'est à sa grandeur d'âme que nous devons surtout cette justice; mais nous autres catholiques, nous avons fait des expériences trop amères en matière de Constitution, pour que quelques paragraphes accompagnés d'assurances vagues puissent nous tranquilliser entièrement. - Le concordat français et la Constitution de la Bavière garantissent aussi par des articles généraux les droits et les intérêts de l'Eglise catholique; le concordat bavarois les a même exécutés dans les points fondamentaux. Et cependant, soit dans les articles organiques du concordat, soit dans les édits postérieurs, on chercha à diminuer ce qui avait été accordé, et

l'on a rétabli les anciennes entraves.

- Après de pareilles expériences, un prêtre qui a prêté serment à l'Eglise peut-il s'engager sans condition envers une Constitution qui laisse attendre encore tant de lois organiques, lesquelles touchent intimement à la sphère de la vie de l'Eglise, et qui même, dans le paragraphe 18, annonce une nouvelle Constitution où l'on pourrait remettre en question tout ce que l'Eglise a obtenu ?

En Bavière, lors de l'introduction de la Constitution, en 1828, on vit s'élever le même conflit, et le roi Maximilien Ier, qui l'avait octroyée, voulant le faire ces→ ser, n'hésita pas à déclarer formellement dans une proclamation datée de Tegernsee, du 15 septembre 1821; que le serment prêté à la Constitution ne fai« sait aucune violence à la conscience des catholiques, et que ce serment ne ⚫ concernait que les rapports civils, et ne contenait en conséquence rien de con> traire aux lois divines et aux traditions de l'Eglise catholique. x Tel est done l'ordre véritable: A Dieu, ce qui est à Dieu; au roi et à l'Etat, ce qui est au roi et à l'Etat.

Je n'ai voulu exprimer que cela et pas antre chose dans la clause que j'ai prescrite d'une manière succinte à mes ecclésiastiques, salvis Ecclesiæ juribus. Finsisterai et je punirai tout ecclésiastique qui y contreviendrait. Par ces motifs et pour que l'article semi-officiel mentionné ci-dessus n'égare personne, je me crois obligé de donner aussi la même publicité à la présente lettre.

Breslau, 19 avril 1850.

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LE PRINCE-EVÊque, M. de Diepenbrock. »

Nouvelles Religieuses.

DIOCÈSE D'AIRE. Mgr l'Evêque d'Aire vient de faire à S. Em. Mgr le Nonce apostolique un dernier envoi de 1,575 fr., qui élève à 8,740 fr. 40 c. l'offrande faite par son diocèse à N. S. P. le Pape Pie IX.

DIOCESE DE TOULOUSE. Le jubilé accordé à l'église Saint-Jérome, par Pie VII, et précédemment à la confrérie des Pénitents--Noirs, par Pie VI, tontes les fois que la fête de l'Invention de la Croix, fixée au 3 mai, se trouve un vendredi, s'ouvrira le 2 mai au soir par une procession du clergé de la paroisse, qui se rendra à Saint-Sernin, et de cette basilique dans l'église métropolitaine.

Les exercices du Jubilé seront prêchés par M. l'abbé Pastand, chanoine de Chartres. L'importance religieuse que depuis plus d'un demi-siècle la population de Toulouse attache au Jubilé de Saint-Jérôme, l'attrait qu'y trouve la piété, les solides enseignements de la foi qu'on y reçoit et la pompe des cérémonies, en font l'objet d'un pieux empressement pour la population de la ville et des campagnes

voisines.

Un autre Jubilé va s'ouvrir aussi, dont le retour n'est pas moins cher aux bons peuples du diocèse c'est celui de Saint Bertrand de Comminges, accordé à cette ville par Clément V.

On sait que Bertrand de Got, nommé Evêque de Saint-Bertrand, par Boniface Vill, promu plus tard à l'archevêché de Bordeaux, et élu Pape sous le nom de Clément V, en 1305, conserva toute sa vie les plus doux souvenirs de son modeste épiscopat de Comminges; it revit avec bonheur la ville épiscopale en 1310, accompagné de cinq Cardinaux et de plusieurs Evêques et Archevêques, et il accorda le Jubilé dont nous parlons.

DIOCESE DE NIMES.

Un service funèbre a été célébré le 19 avril, à Aramon, pour le repos de l'âme du vénérable chanoine, dont le chapitre de Nîmes déplore

la

perte récente.

Pierre-Louis Berton, naquit à Avignon (Vaucluse) en 1766. Jeune encore il entra en qualité de novice dans le couvent des capucins de Nîmes, où se trouvait un de ses oncles. Quand la hache des barbares modernes, aux jours de nos discordes civiles, ensanglanta la demeure de ces pieux cénobites, il échappa, comme par miracle, à leur fureur. N'écoutant que la voix de sa conscience, il préféra les rigueurs de l'exil aux douceurs de la patrie. Déguisé en marchand ambulant, il s'éloigna d'un peuple ingrat et égaré, qui renversait les autels du Dieu de ses pères, chassait ou massacrait ses ministres fidèles, et se dirigea vers le Piémont. Après avoir franchi les frontières, mis le pied sur le sol italien, il tomba à genoux, remercia Dieu de l'avoir délivré des mains de ses bourreaux, foula aux pieds la cocarde tricolore qu'il avait été obligé de prendre pour tromper la rage de ses persécuteurs. Il traversa ensuite le Milanais et se retira à Bologne dans un couvent de religieux de son ordre.

La Providence permit enfin que le calme succédât à l'orage; des jours moins mauvais se levèrent sur la France; nos églises, purifiées des souillures révolutionnaires, se rouvrirent, et le jeune exilé retourna dans la patrie pour remplir les fonctions du saint ministère. Il desservit successivement les paroisses de Montfavet (Vaucluse), Saint-Laurent-d'Aigouze, Aimargues (Gard), et se fit aimer des fidèles confiés à sa sollicitude pastorale par son dévouement, son zèle, et surtout son inépuisable charité pour les pauvres. Le vénérable Mgr de Chassoy voulut récompenser ses rares vertus en lui donnant le camail.

IRLANDE.

Samedi et dimanche dernier, les cloches de Saint-Paul, à Dublin, ont annoncé aux fidèles le retour du Pape dans la sainte cité.

AUTRICHE.- La Gazette de Dusseldorf publie une dépêche télégraphique datée de Vienne, le 21 avril; elle annonce que le décret qui règle les rapports de l'Eglise catholique avec l'Etat venait de disparaître. Outre l'abolition, déjà connue, du droit de placet, le décret accorde au pouvoir ecclésiastique plusieurs concessions, notamment celle de destituer les fonctionnaires ecclésiastiques, et celle d'établir une sanction pénale sur la non observance des jours fériés. La solution de la question de l'enseignement est ajournée. Le décret est conçu dans les termes les plus bienveillants pour l'Eglise catholique.

Séance de l'Assemblée.

Encore les haras, les remontes, les courses et tout l'attirail de la production chevaline. L'Assemblée avait pourtant l'air d'être suffisamment édifiée : à peine voulait-elle entendre M. de Charencey; elle a même fini par le forcer à descendre de la tribune. Le général de Lamoricière a eu beaucoup de difficultés à se faire maintenir la parole. Il est vrai que quand il a pu s'installer à la tribune, il l'a occupée avec tant d'aisance et tant d'esprit; il a mis une si parfaite clarté dans ses explications, une si vive lumière dans sa rapide et franche argumentation, qu'il a captivé l'attention pendant près d'une heure. Il y a dans la parole de ce brave soldat, dans le regard si intelligent et si étincelant de cet orateur, une puissance et un charme remarquables, et certes, nous ne regrettons pas d'y avoir cédé.

Les courses ont triomphé, grâce à lui, et il a été démontré pour tout le monde qu'elles sont la meilleure épreuve des types reproducteurs.

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