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à moitié délabré et presque sans autre ornement qu'un autel et une statue de sa glorieuse patronne, il est déjà devenu le centre béni de la dévotion de la ville de Nantes envers la mère du Sauveur. Le 25 mars, plus de deux mille hommes sont venus y faire leur consécration solennelle à Marie, et la remercier d'une fervente communion pascale qui avait eu lieu, la veille, à la cathédrale.

DIOCÈSE D'ANGERS. -Il s'est formé tout récemment à Angers une association composée d'hommes de tout âge et de tous états, dans le but d'aller, une fois par semaine, passer la nuit en adoration devant le Saint-Sacrement.

DIOCÈSE DE CAMBRAI. On écrit de Lille :

Un temps superbe a favorisé le pèlerinage annuel que notre population fait à Notre-Dame-de-Grâce de cinq heures à midi, une foule immense n'a cessé de se diriger vers Loos, dont l'église, trop exiguë en pareille circonstance surtout, n'a probablement pu recevoir tous les visiteurs, bien que la plupart, heureux de jouir d'une belle journée de printemps, ne soient rentrés que vers le soir en ville.

PIÉMONT. — D'après une correspondance de Turin, le ministère aurait résolu de ne pas présenter au Sénat l'article de la loi concernant la suppression des fêtes, craignant d'échouer sur ce point.

Mgr Fransoni s'étant uni aux Evêques de sa province pour protester contre la loi Siccardi, la Concordia note avec indignation la façon dont le vénérable Archevêque a reconnu L'INCONCEVABLE INDULGENCE que lui a montrée le ministère. L'inconcevable indulgence a consisté à ne plus lui refuser, par une inconcevable injustice, le droit de rentrer dans son diocèse; et y eût-il eu là indulgence, Mgr Fransoni n'en aurait pas moins fait son devoir. Il ne serait pas comme il l'est en butte à la persécution et aux attaques de la secte, s'il n'était connu par son inébranlable attachement aux vrais principes.

-Le gouvernement du Piémont fait une campagne brillante contre les prédicateurs du Carême. Voilà celui de Ceva, religieux Capucin, qui vient d'être mis en prison. On a, il est vrai, entendu des témoins, mais il paraît que ce sont de ceux qui n'assistent pas au sermon, et qu'aucun des chanoines et des prêtres qui n'en perdent pas une syllabe, n'a été assigné.

- Mgr Fransoni devant, comme d'habitude, se rendre de son palais à la cathédrale le Jeudi-Saint, les italianissimi cherchèrent à organiser un petit scandale ad hoc. Ils réussirent, en effet, à faire partir quelques coups de sifflets sur le passage du vénérable Prélat. Mais le peuple, le vrai peuple, montra, par un redoublement de respect et d'empressement, combien il est étranger à ces honteuses manœuvres. Quatre des siffleurs ont été arrêtés; car cette fois le gouvernement a jugé à propos de faire respecter l'ordre public, même au sujet d'un Evêque, et il se trouve que trois d'entre eux sont étrangers et que le quatrième est un tireur de bourse bien connu. Voilà les ennemis de l'Archevêque de Turin !

Séance de l'Assemblée.

Au commencement de la séance d'aujourd'hui, c'était le calme complet. A peine quelques escarmouches sur les derniers chapitres du budget des cultes et sur celui de l'intérieur. M. Crémieux enlève à la facile tolérance de l'Assemblée une petite allocation pour les agents inférieurs du culte israélite. M. le ministre de l'instruction publique voit avec satisfaction son compte de finances réglé avec le parlement, et il s'éloigne.

Mais son collègue n'est pas arrivé, et la séance menace d'être suspendue.

Cependant on passe aux Beaux-Arts, le commissaire du gouvernement étant présent. Y aura-t-il ou n'y aura-t-il pas 1,200 fr. prélevés sur le Conservatoire de musique en faveur d'une succursale dudit Conservatoire à Toulouse?

M. de Castillon, agent des troubadours de l'antique cité, réclame pour ces populations qui ont de si merveilleuses dispositions musicales. M. Gasc, de Toulouse, appuie son compatriote. L'Assemblée rit sous cape et prie M. le ministre de l'intérieur de trancher administrativement ce grave différend.

M. Baroche arrive enfin, et on reprend son ministère par le chapitre premier. La commission veut une réduction sur le personnel : trois ministres anciens s'unissent au titulaire pour défendre les employés; la lutte s'anime: M. Raudot se récrie contre la centralisation, et l'Assemblée prend définitivement parti contre le ministère. La diminution est votée.

On pouvait espérer que la séance se passerait ainsi en discussions de détail. Ce n'était point le compte de M. Jules Favre. Il lui fallait, non pas une revanche on n'en prend pas après avoir été flagellé comme il l'a été par la main de M. Berryer, il lui fallait une occasion nouvelle de scandale. Les fonds secrets la lui ont offerte. A propos de ce chapitre du budget, il a entamé une campagne complète contre le ministère, campagne de déclamation et de perfides attaques. M. Jules Favre en veut au gouvernement de sa nomination de M. le préfet de police et des proclamations de ce magistrat; il lui en veut de l'état de siége de la 6e division militaire; il lui en veut de tout c'est naturel. Mais comment, même M. Jules Favre, s'en va-t-il rechercher jusque dans les nouvelles diverses colportées par la presse démagogique, des armes du plus misérable calibre? Il est vrai qu'il y a entremêlé des invectives et des provocations qui ont à plusieurs reprises soulevé l'Assemblée.

Tout à coup, et au milieu d'un de ces mouvements, une agitation extraordinaire s'est manifestée les représentants sont descendus dans l'hémicycle, et la séance a été complétement interrompue. Un Montagnard, en retournant à sa place, avait adressé des paroles et des gestes menaçants à quelques membres de la droite.

Ce scandale a jeté dans l'Assemblée la plus pénible impression! Il est regrettable que M. le vice-président Daru n'ait pas eu une connaissance assez immédiate du fait pour le réprimer. Il s'est contenté, après avoir rétabli le silence, de maintenir la parole à M. Jules Favre, qui a achevé sans s'émouvoir, au milieu de l'agitation générale, sa longue diatribe.

Immédiatement après ce discours, M. Denjoy est monté à la tribune pour occuper l'Assemblée de l'incident qui venait de la troubler. Nous aurions voulu plus de tact, plus de modération et plus de

netteté dans les paroles de cet honorable représentant. M. de Chassaigne-Goyon, l'un de ceux à qui M. Duché s'était adressé, a expliqué dans des termes pleins de dignité et de mesure, les provocations dont il avait été l'objet. L'Assemblée a vivement approuvé la conduite et le langage de M. de Chassaigne. M. Duché est venu ensuite déclarer que si son geste avait été trop animé, il n'était pas dans ses intentions d'en faire ni une provocation, ni une menace. M. de Chasseloup Laubat, en rappelant l'article du règlement qui laisse au président seul le soin de signaler et de réprimer les scandales qui se manifestent dans l'Assemblée, a mis fin à ce débat pénible et où la dignité du Parlement a trop longtemps souffert.

Il fallait une réponse à M. Jules Favre. M. Baroche la lui a donnée avec une verve, une élévation et un bonheur remarquables. Il est difficile d'être plus digne et plus énergique, et d'être mieux servi par sa présence d'esprit et son courage.

Après quelques ennuyeuses et fatigantes récriminations de M. Baudin, l'Assemblée a fixé à demain la discussion de la loi sur la déportation, et elle a rejeté l'amendement proposé par M. Jules Favre sur les fonds secrets.

Discours de M. Berryer sur le Budget des Cultes.

Nous donnons textuellement, d'après le Moniteur, le magnifique discours de M. Berryer :

M. BERRYER, rapporteur. Messieurs, je ne demande point la parole comme rappor➡ teur, je n'ai pas le droit de parler au nom de la commission. L'amendement qui vous est soumis vient d'être produit au milieu de la séance; il n'a été communiqué à aucnn de nous.

Dans une question que l'honorable orateur qualifiait en commençant de question grave et délicate, il n'a pas cru devoir suivre la forme qui est prescrite par votre règlement, pour toute proposition partant de l'initiative de l'un des membres de cette Assemblée. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas sur la forme dans laquelle la question est introduite devant vous que je viens m'expliquer, je l'accepte telle qu'elle est posée.

On nous parle au nom de la liberté, au nom de l'indépendance, au nom de l'égalité. Ce sont de grands principes qu'on invoque; mais je crains que, faute d'y avoir suffisamment réfléchi, l'honorable orateur ne porte à chacun d'eux une bien profonde atteinte!

Que veut-il dire quand il prend la parole au nom de vingt-neuf ou trente mille de nos concitoyens qui ne jouiraient pas des droits communs à tous, qui n'auraient pas cette indépendance civile et politique qui appartient à tous les Français, qui seraient en quelque sorte dégradés dans leur rang de citoyen parce qu'ils sont investis de la prêtrise et qu'ils ont reçu la collation d'une succursale? Qu'est-ce à dire et quelle étrange confusion? Comment! est-ce qu'il y a quelque rapport entre l'égalité politique et civile et ce que vous regardez comme une condition de servitude et de dépendance, l'acceptation d'une succursale, la qualité de desservant ou succursaliste? Confondrez-vous donc ici l'ordre spirituel et l'ordre temporel? Est-ce que cette inégalité n'est pas toute de conscience? Est-ce que ce n'est pas une subordination de conscience qni a été acceptée, une soumission volontaire? Est-ce que ce n'est pas une autorité, la seule qu'on reconnaisse dans le monde pour la mission qu'on accepte, et devant laquelle on s'est incliné pour recevoir le sacré caractère et pour recevoir la mission? Est-ce que ce n'est pas

cette autorité qui est reconnue sous peine d'abjuration, sous peine de la violation du plus sacré des serments?

C'est ici une subordination toute de conscience; nne hiérarchie, une autorité toute de l'ordre spirituel. Ne confondons point à cet égard: comme citoyen, comme homme privé, comme Français, le prêtre, succursaliste ou non, a tous les droits, a toute la liberté, a toute l'indépendance, a toute l'égalité des citoyens; mais comme prêtre, mais comme exerçant son ministère, comme ayant accepté au fond de la conscience une autorité supérieure qui n'est pas du domaine de la loi, qui n'est pas du domaine des assemblées, il est en dehors de toutes les questions qu'on soulève, de tous les principes qu'on invoque. Le prêtre est citoyen comme vous, il a les mêmes droits que vous; oui, et Dieu veuille qu'en toute occasion, sur toutes les questions, vous lui reconnaissiez tous les droits du citoyen! Je demande qu'en toute rencontre, nous vous trouvions fidèles à ce principe d'égalité à l'égard du prêtre. (Vive approbation à droite.) Je le désire, je le souhaite. Vous ne direz pas un jour que son caractère de citoyen a été altéré par la prêtrise, vous n'aurez plus le droit de le dire; le principe fondamental qui sépare si profondément le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel en France, ce grand principe ne permet pas que nous vous laissions regarder comme une inégalité, comme une dégradation du rang de citoyen, la subordination de l'inférieur ecclésiastique au supérieur accepté, reconnu au fond de la conscience, et en-dehors de votre puissance et de votre domaine. (Vive et nouvelle approbation à droite.)

Maintenant, que me parlez-vous de liberté? Liberté! Il y a une servitude, je l'ai dit tout à l'heure en parlant de l'égalité; oui, il y a, non pas une servitude, mais une obéissance, une obéissance volontaire, je vous prie de le reconnaître. Je sais bien qu'il y a quelques exceptions que l'on peut à peine compter, qu'on peut à peine additionner, et qu'il y a quelques hommes qui, ayant reçu leur caractère sacré, leur mission toute spirituelle de l'Evêque, ont réclamé une indépendance qui, par la collation du titre qui leur était donné, ne leur appartenait pas; mais je sais bien aussi quelle a été l'issue de quelques-unes de ces prétentions. Je sais bien que ceux qui supportaient si impatiemment le joug de l'Evêque, d'abord invoqué, réclamé par eux, sont sortis violemment de l'Eglise....

A droite Très-bien! très-bien!

M. LE RAPPORTEUR. Je sais bien aussi que ceux qui s'étaient mépris, qui avaient fait sur les temps la confusion que vous faites, sont rentrés en leur conscience, ont compris le nouvel état de l'Eglise, la constitution qui lui est propre aujourd'hui, et ont publiquement, aux yeux du pays entier, fait réparation de leurs erreurs et fait amende honorable de la violation qu'ils avaient faite d'une position et d'une obligation librement acceptées.

A droite Très-bien! très-bien!

M. LE RAPPORTEUR. Vous invoquez la liberté. Eh! messieurs, il n'est personne qui ait l'âme plus généreuse que moi, je le dis hautement. (Exclamations à gauche. — Vif assentiment à droite.)

Je ne me crois supérieur à aucun de mes concitoyens, mais je sais bien, et je sens là, en moi, dans ces qualités de loyauté, de générosité, de sincérité, à toutes les époques de ma vie, oui, je le sens, j'ai eu une telle attitude en face de mon pays, que je puis parler avec l'arrogance que je me permets en ce moment. (Bravos à droite.)

Vous parlez de liberté; mais respectez celle qui émane, je ne dirai pas seulement de la constitution écrite, mais de la constitution naturelle de toute société humaine; respectez la première et la plus auguste de toutes les libertés, la liberté de l'Eglise, c'est-àdire la liberté de la conscience même.

Qu'est-ce que l'Eglise ? C'est la société des hommes liés par leur conscience devant Dicu. C'est ce qu'il y a de plus noble, de plus pur, qui constitue la société que nous appelons Eglise. L'étymologie, le sens, la consécration du mot, indiquent que cette société, par son caractère, par sa nature, par son objet, est au-dessus de toute autre société; ses libertés, elle les revendique, c'est son domaine, et dans son domaine elle doit être libre, libre, au-dessus de vos attaques; vous devez la respecter.

A gauche On ne l'attaque pas.

K. LE RAPPORTEUR. Vous l'attaquez profondément.

Vous invoquez le droit canonique. Je veux croire que vous l'avez sérieusement étudié (Rires ironiques à droite), mais vous en faites une bien fausse et bien irrégulière application. J'en dirai un mot tout à l'heure, puisque vous le voulez; mais j'achève sur ce point.

Quelle est, dans une société d'intelligence, la liberté la plus indispensable, sous peine de dissolution de cette société? C'est l'autorité sur le dogme qui forme ce lien des consciences, c'est l'autorité sur la discipline entre les membres, entre les ministres de cette autorité toute spirituelle et toute de conscience.

Aussi, dans tous les temps, au témoignage de tous ces Pères que vous avez cités, dont vous avez prononcé le nom, l'Eglise est souveraine dans toutes les questions de dogme et dans toutes les questions de discipline. Sa discipline n'appartient qu'à elle. Vous pouvez la proscrire si sa discipline vous importune. (Exclamation à gauche.)

Une voix à gauche : On n'y songe pas.

M. LE RAPPORTEUR. J'aime à le croire. Un exemple assez fatal a été donné dans notre pays; vous ne songez pas à le reproduire : tant mieux !

Oui, il fut un jour, en France, où une assemblée de législateurs crut ne pas violer les piincipes, en intervenant dans le gouvernement de l'Eglise, en voulant régenter la discipline de l'Eglise ; oui, il fut un jour où une réunion de législateurs voulut faire la constitution de cette société spirituelle. Eh bien, vous avez vu les résultats déplorables de la constitution civile; vous avez vu les victimes; vous avez horreur des conséquences affreuses du combat qui s'est livré. Quand les hommes qui portaient dans leur cœur et dans leur conscience les droits de l'Eglise, ont voulu résister à la violation de ces droits, violation émanée d'une assemblée politique, vons avez vu dans ces luttes quelle en a été l'issue sanglante; vous en avez horreur, vous ne voulez pas les renouveler, vous ne voulez plus même ce divorce entre l'Etat français et l'Eglise chrétienne, l'Eglise catholilique je vous crois; mais je vous dis que vous faites invasion dans le domaine de la société spirituelle quand vous voulez régler sa discipline, et que ce règlement ne vous appartient pas. (Vive approbation à droite. - Bravo! bravo!)

Vous me parlez des lois organiques.

Messieurs, si nous avions à examiner ce qui est dans notre domaine, les lois organiques, complément dégagé de ce qu'il ne nous appartient pas de modifier, c'est-à-dire du concordat, car nous ne pouvons modifier ce qui n'appartient pas à nous seuls, nous ne pouvons pas modifier, nous sculs, le contrat passé entre deux pouvoirs, le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel...

Un membre à gauche : Ce n'est pas la question.

M. LE RAPPORTEUR. Comment! je ne suis pas dans la question! Mais je l'aborde dans ses entrailles, c'est précisément là la question. (Oui! oui! Parlez !)

Messieurs, en écartant les passions, qui n'amènent jamais que des violences, de quelque part qu'elles viennent, et en raisonnant avec bon sens, logique, sincérité, la question des articles organiques est-elle débattue sérieusement en ce moment? Viendrezvous me dire que vous voulez retrancher un des articles organiques? On examinera les autres, ou demandera la réformation de beaucoup d'autres. Je l'avoue, c'est une question qui appartient à une assemblée politique, car les lois organiques, prises en ellesmèmes, sont l'œuvre d'un pouvoir politique, agissant spontanément; c'est un acte dirions-nous, nous autres jurisconsultes, unilatéral; mais quelles qu'elles soient, quels que soient leurs principes, vous ne voudriez pas mettre en question tout ce que les lois organiques ont décidé, tout ce qui existe encore en vertu des lois organiques; vous n'accepteriez pas le combat sur tous les points.

Cependant, je suppose que le combat fût engagé pour la question qui nous occupe; permettez-moi une observation :

Les Evêques ont nommé des desservants depuis cinquante ans : les 29 ou 30,000 desservants qui existent maintenant en France sont institués par les Evêques dans cette limite de pouvoir, dans cette limite d'autorité qui était déterminée par la loi sous l'empire de laquelle s'est faite leur institution : à l'Evêque seul appartient le droit d'instituer un desservant. Or, que feriez-vous par votre décret ou par votre amendement ? Vous vous substitueriez à l'autorité de l'Evêque, et vous vous y substitueriez d'une manière absolue. (Mouvement à gauche.)

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