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Citons encore :

• Dans ma conviction, l'avenir de la Chine est aux mains des missionnaires; la morale seule manque aux Chinois pour être un grand peuple: or, qu'est la morale sans la religion? Ils possèdent tout le reste énergie, intelligence, industrie, fertilité de territoire, et abondance de produits dont aucun pays d'Europe ne peut donner idée. Population nombreuse et animée d'un fort esprit de nationa ité, abondance de mines d'or et d'argent, de cuivre, etc. L'industrie européenne s'étonne quelquefois des productions de l'industrie chinoise, sans pouvoir les imiter; tandis que la patience des Chinois parvient à imiter presque tout ce que nous leur apportons, et le vend ensuite à de vils prix. —Que leur manque-t-il donc? Je le répète, la religion, qui en secouant la fange de vices, de crapule et de superstition qui abrutit ce peuple de 170.000,000 d'habitants, les relèvera en leur faisant connaître leur dignité d'hommes chrétiens. »

L'avenir de la Chine est entre les mains des missionnaires. Les mandarins eux-mêmes, dit encore M. Des Cars, le reconnaissent, et voilà pourquoi ils redoutent tellement les progrès de la foi ! Les populations en ont l'instinct, et voilà pourquoi elles accueillent avec tant de bienveillance et de joie ceux qui ne viennent pas en marchands et en ennemis comme les Anglais, mais qui se présentent en amis des missionnaires, et par conséquent comme les appuis et les coopérateurs de l'œuvre d'où dépendent leur régénération et leur salut! Puissent donc, et c'est par cette pensée que nous terminerons, -puissent les nations européennes, civilisées autrefois par le souffle vivifiant de l'Eglise, puisse notre France, cette société formée comme à plaisir par la main du catholicisme, comprendre toute l'étendue de leurs devoirs envers ces antiques populations depuis tant de siècles assises à l'ombre de la mort! Peut-être, dans les éternels desseins de la Providence, l'Asie, aussi bien que l'Afrique et l'Océanie, doit-elle se relever un jour de sa honteuse et séculaire dégradation. Peut-être la moisson du Seigneur mûrit-elle aussi sous ces cieux lointains, et déjà les ouvriers évangéliques y sont accueillis avec confiance et avec bonne volonté ! Que serait-ce si l'Europe, que serait-ce si la France, libres enfin et abjurant leurs discordes fratricides, secondant les efforts des apôtres de la foi, venaient joindre à leur héroïsme et à leurs pacifiques bienfaits le prestige de la puissance et de la civilisation au service de la croix ?

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L'un des Propriétaires-Gérants, CHARLES DE RIANCEY.

Paris, imp. BAILLY, DIVRY et Comp., place Sorbonne, 2.

(MERCREDI 24 AVRIL 1850.

(N° 5027)

L'AMI DE LA RELIGION.

Mandement

de S. E. Mgr le Cardinal-Archevêque de Lyon
Qui ordonne un Te Deum en actions de grâce du retour de
Sa Sainteté dans la ville de Rome.

Quand on relit l'histoire de Rome, nos très-chers frères, pendant les buit mois de dur et honteux esclavage qui ont pesé sur cette reine des cítés, on croit entendre le récit des calamités qui inspiraient à Jérémie ses inconsolables douleurs, lorsqu'il racontait la dévastation de la ville sainte, demandant au ciel et à la terre, ce qu'était devenue la félicité d'un peuple que Dieu avait comblé de ses bienfaits, et qu'il chérissait au-dessus de toutes les nations.

Depuis les temps plus anciens, l'erreur a jeté sur Rome un œil de le convoitise; elle aspira toujours à y dresser son trône, pour propager de là ses doctrines dans tout l'univers. Elle semblait enfin toucher au lerme de ses espérances, et elle célébrait déjà, par anticipation, ret l'accomplissement de ses vœux. Comme cet empereur romain qui eravit à Jérusalem vaincue les objets de son culte, et pour donner Te plus d'éclat à sa marche triomphale, fit porter devant lui le Chandedelier à sept branches, la Table des pains de proposition et les Tromespettes sacrées; de même insultant aux promesses divines, et persuadée que la pierre fondamentale de l'Eglise cèderait sous ses coups Laredoublés, l'impiété se préparait à mettre au rang des trophées de sa victoire le Flambeau qui, du haut des saintes collines, éclaire les nations chrétiennes, la Table du pain eucharistique, et la Chaire d'où retentira jusqu'à la fin des temps, la parole évangélique. L'hérésie ne se promettait rien moins que de placer l'idole du libre examen sur le siége où règnent sans interruption, depuis tant de siècles, l'enseignement infaillible de la vérité et l'unité de la foi. Et après avoir porté l'abomination de la désolation dans le lieu saint, sans doute elle eût essayé de relever, sur le tombeau des apôtres, la colonne menteuse de Dioclétien, pour apprendre aux nations étonnées que c'en était fait du nom catholique.

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Mais Dieu s'est levé, N. T. C. F., pour soutenir sa promesse d'être avec son Eglise jusqu'à la fin des temps, et il a encore confondu les folle espérances de ses ennemis. Réduit à l'extrémité par l'ingratitude de ses enfants et par les noires machinations de l'impiété, le Pontife suprême a tourné ses regards vers la France, et lui a rappelé des Souvenirs pleins de gloire pour elle, pleins d'espérance pour Rome. On dirait le Pape Etienne II, lorsque pour implorer le secours de Pepin, il empruntait au langage ses formes les plus hardies, et supposait L'ami de la Religion. Tome CXLVII.

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saint Pierre écrivant de sa main au monarque ces éloquentes paroles :

« Je vous regarde, vous autres Français, comme mes enfants a adoptifs; et, comptant sur l'amour que vous me portez, je vous << exhorte et vous conjure de délivrer ma ville de Rome, mon peu«ple et la basilique où je repose selon la chair, des violences que « les Lombards y commettent. Car cette perfide nation opprime « cruellement l'Eglise qui m'a été confiée. Défendez la ville éternelle «< contre les Lombards, de peur que ces persécuteurs ne profanent « mon corps qui a été immolé dans les tourments pour Jésus-Christ, << et ne souillent l'Eglise où il repose... On sait que parmi toutes les « nations qui sont sous le ciel, c'est la nation française qui a mona tré le plus d'attachement pour moi Pierre, Apôtre. »

La France a entendu cet appel, N. T. C. F. Fille aînée de l'Eglise, devait-elle voir d'un œil insensible les angoisses de celui qu'elle vénère comme le Pasteur universel! Devait-elle lui refuser le secours de sa vaillante épée, elle qui l'avait si souvent prêtée au Siége apostolique pour soutenir son indépendance menacée? Elle eût abjuré un passé trop glorieux pour elle; elle eût dégénéré de ce dévouement si noble et si chrétien, l'exemple et l'admiration des siècles. Aussi fidèle à la foi qu'intrépide sur les champs de bataille, elle a ouvert les portes de la capitale du monde catholique au. Pontife qui y siége bien plus en père qu'il n'y règne en souverain.

C'est donc avec joie que nous vous annonçons, N. T. C. F., le retour de Pie IX dans ses Etats. Il rentre dans la ville éternelle avec ces sentiments que rien n'a pu altérer dans son cœur; avec le désir de travailler sans relâche au bonheur de son peuple; avec la ferme résolution d'alléger les charges publiques, et de fermer tout accès au retour des abus qu'il a réformés. En rendant de solennelles actions de grâces au Seigneur pour un événement si impatiemment désiré, nous demanderons au ciel, pour notre Pontife, le courage qui fait surmonter tous les obstacles, et le discernement des esprits qui lui fera choisir les hommes les plus capables de seconder avec droiture et habileté ses intentions magnanimes, ses desseins généreux. La prière est plus que jamais le grand levier dans les choses d'ici-bas. Le monde ne comprend pas son action; mais le chrétien qui en a le secret, doit y recourir sans hésitation, parce qu'il sait que la prière pénètre les cieux, pour arriver au cœur du Dieu infini dans sa puissance et dans sa miséricorde.

Suit le dispositif.

Rentrée de N. S. P. le Pape à Rome.
(Correspondance particulière de l'AMI DE LA RELIGION.)
Rome, 12 avril 1850.

Malgré l'émotion et la fatigue de la journée qui va bientôt finir, je

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ne veux pas tarder à vous écrire; c'est d'ailleurs pour moi un vrai plaisir de donner à cette lettre la date désormais historique et si consolante du 12 avril 1850.

Il est dix heures du soir: Rome est inondée de lumière, de mouvement et de joie; Saint-Pierre, les églises, les palais, toutes les maisons, toutes les fenêtres sont illuminés; comme coup d'œil, c'est la plus magnifique chose que l'on puisse voir en ce genre; du reste, l'emplacement de Rome, ses collines, qui se donnent en spectacle l'une à l'autre, semblent avoir été choisis exprès pour de pareilles fêtes; il faut ajouter que les illuminations dans ce pays sont un art véritable; elles savent conserver dans les monuments la correction des formes et la pureté des lignes, et ce soir encore, à Saint-Pierre, c'est d'après les dessins de Michel-Ange que la coupole, sous les feux qui l'éclairent, apparaît comme une tiare colossale enrichie de pierres étincelantes.

Mais je vous avouerai qu'aujourd'hui, ce ne sont pas ces belles choses qui ont le plus attiré mon attention; il ne s'agissait plus ici d'un spectacle, il s'agissait de la manifestation des sentiments de tout un peuple, et, sous ce rapport, mon attente, mes désirs ont été dépassés. J'ai parcouru les rues les plus étroites de la ville, j'ai vu partout le même empressement; les dernières mansardes avaient deux lampions; on en voyait jusque sur les toits, et les malheureux, dont les chambres n'ont pas de croisées, mettaient leurs petites lumières dans la rue, snr le pas de leur porte. Chacun voulait exprimer, autant qu'il dépendait de lui, son amour, sa reconnaissance pour son vénéré Pontife. Oui, sous quelque régime que ce soit, les peuples ont toujours eu, et ils auront toujours le moyen de manifester leurs sentiments; le suffrage universel n'est pas né hier; on lui a donné souvent une forme plus dangereuse, mais jamais il n'exprimera d'une manière plus unanime et plus sûre le sentiment de toute une population.

Rien ne peut exprimer l'enthousiasme et les démonstrations d'amour avec lesquels le Saint-Père a été reçu; dès que sa voiture a paru sur la place Saint-Jean, l'immense population qui la couvrait, soldats, peuple, sont tombés à genoux, en faisant entendre les cris mille fois répétés: Santo Padre, la benedizione! Viva il Santo Padre! Viva il Papa! Et en même temps toutes les cloches de la ville

se sont mises en branle.

Le Saint-Père est entré dans son église de Saint-Jean, cette église mater et caput de toutes les autres églises de la ville et du monde. Il a prié quelque temps devant le Saint-Sacrement; puis il est monté dans sa voiture de demi-gala, et il s'est dirigé vers Saint-Pierre par la rue del Colosseo, la place dei Santi Apostoli et la strada Papale. Les acclamations et les démonstrations qui avaient accueilli le Pape à son arrivée, se sont reproduites sur toute la ligne suivie par cortége; le canon du fort Saint-Ange a annoncé son approche de

la place Saint-Pierre; je me trouvai en cet endroit. L'émotion de la population était au comble; un grand nombre de personnes fondaient en larmes; le Saint-Père donnait sa bénédiction avec une bonté admirable, et tous la recevaient à genoux, nos soldats comme le peuple qui était présent.

Quand le Saint-Père a mis le pied sur le seuil de Saint-Pierre, nos commandements français de genou terre ont reten!i sous les voûtes de l'immense basilique; les tambours ont battu au champ, et lorsque le silence a été rétabli, la chapelle a entonné l'admirable antienne Ecce sacerdos magnus... Il n'y a que la voix de l'Eglise qui soit en harmonie avec les émotions d'une semblable scène.

Le Saint-Père a donné la bénédiction du très-Saint-Sacrement, et cette grande et mémorable journée s'est terminée par le chant du Te Deum. Le Pape a été suivi dans ses appartements par le corps diplomatique, à qui il a fait un discours que je ne connais pas encore. Le Saint-Père habitera le Vatican.

Je regrette vivement que le temps m'empêche de vous donner d'autres détails; j'aurais surtout voulu vous peindre l'émotion et l'enthousiasme de notre armée, aussi bien des généraux que des soldals; tous comprennent maintenant pourquoi ils sont venus à Rome, et ils peuvent faire la part de la terreur qui a si longtemps pesé sur cette ville. J'ai entendu un grand nombre de cris: Vive l'armée fran çaise! vivent les Français!

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P. S. 14 avril. Hier au soir, la ville a été illuminée avec autant d'unanimité que la veille.

Aujourd'hui, des Te Deum ont été chantés dans toutes les églises, le peuple y assistait en foule. Toute la ville est pavoisée, on fait de toutes parts des préparatifs pour ce soir.

Nous recevons encore de Rome la lettre suivante :

Nous

Rome, le 14 avril 1830, dimanche du Bon Pasteur. Hæc Dies quam fecit Dominus; Exsultemus et Lætemur in ea. l'avons vu luire, enfin, ce 12 avril, qui a si heureusement éclairé le retour da Saint Père dans son Vatican! g'a été, de tonte manière, une bien belle et bonne journée, embellie encore au delà de l'imagination, et sanctifiée même, on peut le dire. Il fallait voir le religieux enthousiasme de notre admirable armée, de nos admirables soldats; je les ai vus, en haie, le long de ce touchant cortége, agenouillés et pleurant de joie, le fusil à la main, devant le Père des chrétiens, qui les bénissait au premier rang de son penple; et dans l'immense basilique du Vatican, dix mille baïonnettes de la République française s'abaissant, avec un seul, immense, rapide, électrique frémissement d'acier, sous la bénédiction de la victime catholique d'amour et de paix...... Cela me donne confiance pour mon pays qui, nonobstant soixante années d'ardente et aveugle impiété, est toujours, quand on veut, quand on sait vouloir, la terre des Croisés, féconde, inépuisable, grand désespoir des démolisseurs, des ineptes ou pervers de toute notre triste Europe.

ad

A Saint-Louis, nous allons avoir aussi notre Te Deum très-solennel, où toute l'armée française sera représentée, et remerciera Dieu de l'heureux succès de sa

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