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des soupes qu'on leur distribuait aux casernes, mais bien sur la mendicité, souvent avec menaces, que ces individus exerçaient sur les passants et dont la plup art allaient ensuite dépenser le produit dans les cabarets des barrières.

(Moniteur du soir.)

Le Journal du ministère de l'intérieur, de Saint-Pétersbourg, rapporte que, le 28 janvier dernier, douze individus partirent de Port-Baltique à pied sur la glace, pour aller porter des vivres, des vêtements chauds et des médicaments à l'équipage d'un navire qui se trouvait engagé dans les glaces flottantes, à dix verstes du phare de Packerort; une barque montée par cinq hommes, et chargée également de vivres et d'objets divers, quitta la côte après eux pour tâcher de pénétrer jusqu'au même navire à travers les glaçons.

Mais, après être parvenus en mer jusqu'à environ sept verstes du phare, les deux partis furent contraints de revenir sur leurs pas, la violence de la tempête, de la neige et du froid qui réguaient, ne leur ayant pas permis, malgré tous leurs efforts, d'atteindre le navire; toutefois, sur les dix-sept hommes, il n'en revint que dix, neuf dans la barque et un à pied. Les sept autres, qui se trouvaient sur un grand glaçon, avaient été entraînés à la mer par la violence du vent, et quoique aussitôt après leur retour au rivage deux de leurs compagnons eussent pris une barque pour aller à leur secours, il n'a pas été possible d'en avoir de nouvelles, et l'on doit supposer qu'ils auront péri.

VARIÉTÉS.

Notice sur M. de Feletz,

DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE.

Ce fut une noble pensée que celle de quelques écrivains pleins de talent, qui se réunirent, au commencement du 19e siècle, pour faire, dans des feuilles périodiques, une guerre courageuse à tous les faux systèmes, défendre les principes tutélaires de l'ordre social, célébrer la gloire du grand siècle, rappeler les lois éternelles du goût, et remettre en honneur, avec les saines doctrines littéraires, les doctrines morales et religieuses.

Parmi les écrivains qui se dévouèrent à cette œuvre réparatrice, on doit surtout distinguer M. de Feletz. Tout ce qui lit en France a goûté, apprécié la critique aussi solide et élevée que spirituelle et agréable, de cette plume ingénieuse et féconde. On se rappelle l'impatience avec laquelle le public attendait chaque jour les arrêts de ce juge dont il n'était jamais tenté d'appeler. Ceux qui l'ont vu de près et qui ont vécu dans son intimité, ont encore plus admiré la noblesse de son caractère, la loyauté et la fermeté de ses sentiments, la sûreté de son commerce, le charme de ses entretiens, l'aménité de ses manières, l'intérêt doux et affectueux qu'il portait à ses amis, et surtout son attachement profond à la religion qu'il n'a jamais cessé de défendre pendant sa longue carrière, et dont les consolations ont adouci les cruelles souffrances de sa dernière maladie. Ce double tableau d'une vie honorable excite l'intérêt. En rappelant quelques traits de l'homme d'esprit et de talent, je suis assuré de

n'avoir point de contradicteurs. Ce que je dirai des qualités de son cœur, sera également ratifié par ses nombreux amis.

Charles Marie Dorimond de Feletz, de l'Académie française, naquit le 3 janvier 1767, à Gumont, près Brives-la-Gaillarde, d'une fa- rnille distinguée par sa noblesse. Il étudia d'abord en province chez 1 les Pères de la Doctrine chrétienne qui avaient un collége à Brivesla-Gaillarde. A quatorze ans, il avait achevé sa rhétorique; et trois ans après, il comptait deux ans de philosophie et un de théologie.

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En 1784, ses parents l'envoyèrent à Paris au collège de SainteBarbe, maison célèbre par la sévérité de sa discipline, la force de ses études classiques, et d'où sont sortis tant d'excellents huma- . nistes. Comme M. de Feletz était fort jeune, on lui conseilla de refaire sa philosophie; il acheva ensuite ses études théologiqnes auxquelles il consacra quatre années. Pendant qu'il était maître de conférences, il fut reçu bachelier, il se disposait à entrer en licence, et en même temps il faisait ses preuves pour être chanoine-comte de Lyon. On sait que le chapitre de l'église primatiale de Saint-Jean était le plus illustre de France. Pour y entrer, on était obligé de prouver seize quartiers de noblesse, huit du côté paternel et huit du côté maternel. M. de Feletz avait presque terminé ses preuves, quand, effrayé du progrès de la Révolution, il écrivit à M. de Castellar, chanoine de Lyon, pour lui demander s'il n'était pas à craindre que cette fureur révolutionnaire, qui menaçait de tout détruire, n'anéantit aussi le noble chapitre. Le bon chanoine, qui ne se piquait pas de deviner l'avenir, lui répondit que rien n'était plus solidement établi que le chapitre de Lyon.

Bientôt les jours devinrent plus mauvais, tous les établissements d'instruction publique tombèrent; l'antique patrimoine du clergé fut envahi, la Constitution civile décrétée et le serment prescrit à tous les ecclésiastiques en fonctions, sous peine de déchéance. M. de Feletz se montra, dès le commencement, opposé à toutes les innovations politiques et religieuses et il s'éleva hautement contre le schisme déplorable qui devait déchirer l'Eglise de France. Cette noble conduite l'exposant à trop de dangers dans la capitale, il fut obligé de se retirer au sein de sa famille. Mais la haine des révolutionnaires sut le découvrir dans ce nouvel asile. Il subit deux détentions: l'une à Excideuil, l'autre à Périgueux, d'où il fut déporté sur les vaisseaux dans la rade de Rochefort. Pendant dix mois que dura cette horrible captivité, 530 ecclésiastiques moururent à ses côtés, de mauvais traitements, de privations de toute espèce, et surtout de défaut d'air et de nourriture. En vain il s'était flatté que la chute de Robespierre mettrait un terme à ses cruelles infortunes. La Révolution qui avait peine à se dessaisir de ses victimes et qui ne lâchait qu'à regret sa proie, le retint prisonnier à Saintes jusqu'au mois d'avril 1793. Il n'évita une seconde déportation, après le 18 fructidor, qu'en échappant à Orléans, avec autant d'adresse que de bonheur,

aux mains de trois gendarmes qui dressaient déjà procès-verbal de son arrestation. Il s'occupait alors de l'éducation du jeune marquis de Vence.

En 1801, il vint à Paris pour obtenir la radiation d'un de ses frères rentré de l'émigration. Cette affaire, qu'il croyait terminer en six semaines, traîna en longueur. Pendant tout ce temps, il nous ap prend lui-même que sa société la plus habituelle fut celle de ses anciens camarades de collége, et entre autres de Bertin l'aîné, qui venait de fonder le Journal des Débats. M. de Feletz y entra comme traducteur des journaux anglais, et ce fut à cette occasion qu'il apprit en peu de jours cette langue qu'il ne connaissait pas auparavant. Le premier article qui parut de lui dans cette feuille, fut sur le Sentiment considéré dans ses rapports avec la littérature et les arts, ouvrage de Ballanche. Cet article eut du succès, et engagea Bertin à associer son ancien condisciple à Geoffroy et à Dussault. Hoffman ne fut leur collaborateur que plus tard. Ce fut une fortune pour le Journal des Débats. « M. de Feletz, dit M. Nettement, jeta, par la nature de son << talent, sur la rédaction habituelle des Débats, une variété qui est « partout nécessaire, et qui l'est surtout dans les journaux qui ont « besoin de se faire pardonner le plus grand de tous les torts, celui « de parler tous les jours. C'était un critique plein de finesse. Moins

âpre, moins emporté, moins vigoureux que Geoffroy, il avait cette « élégance du monde et cet atticisme de style qui manquaietn sou« vent au rude censeur, qui faisait un peu trop de classe dans son << feuilleton. Tout se passait dans ses articles comme dans un salon; « et, à la manière dont sa main tenait la plume, on voyait qu'elle « n'avait jamais tenu la férule. Malicieux sans être méchant, sa<< chant critiquer sans amertume, attaquer sans animosité, blâmer • sans emportement, il y avait dans tous ses arrêts littéraires un « parfum de bonne compagnie qui n'abandonnait jamais l'écrivain. «Son style jetait un reflet d'aristocratic et d'élégance qui était une « nouveauté, à cette époque où la France venait de se débarrasser de <«< la carmagnole et des sales livrées de la République. On sentail, à « la première phrase, que l'on avait affaire, comme on disait alors, « à un ci-devant. En effet, M. de Feletz était royaliste de naissance « comme de cœur. Il appartenait à une famille dévouée aux Bour« bons; et, à travers tant de vicissitudes et de catastrophes, il avait « conservé, à cette grande race, des sentiments de respect et de dé« vouement que rien n'avait pu affaiblir. » Il est impossible de mieux peindre le talent gracieux de M. de Feletz; pour juger l'éminent critique, M. Nettement semble lui avoir emprunté le charme de sa manière et l'élégance de son langage.

Après le Concordat de 1802, M. Bailly, Evêque de Poitiers, voulu! l'emmener avec lui comme son grand vicaire. M. de Felelz, qui déjà faisait servir ses communications journalières avec le public à l'appui de la religion, de la morale et d'une bonne philosophie, crut devoir

poursuivre une carrière dont les débuts avaient été si éclatants. Nous ne devons pas dissimuler le tort qu'il eut, à cette époque, de quitter l'habit ecclésiastique et de renoncer à remplir certaines fonctions importantes du saint ministère. Le monde au milieu duquel il vivait, était un monde brillant et même un peu profane: il eût été plus digne de ses antécédents de se préserver tout à fait des influences de sa société. Il fut cependant très-exact à réciter tous les jours son bréviaire, c'est un fait que nous pouvons affirmer avec certitude; et plus tard, quand, malgré les offres les plus brillantes, il refusa de remplir le vide laissé dans le feuilleton par la perte de Geoffroy, il fut mu par des considérations qui font honneur à la pieuse délicatesse de ses sentiments. S'étant trouvé un jour avec le fameux Lalande, il lui demanda ce qui l'avait porté à inscrire parmi les athées Bossuet et Fénelon : « Aucun passage de leurs ouvrages, répondit le bizarre astronome; mais c'étaient des hommes de génie, et tous « les hommes de génie doivent être athées. Vous-même, vous avez a beaucoup de talent et je vous ferai figurer dans la nouvelle édition a de mon Supplément au Dictionnaire de Maréchal. »-« Faites, lui répondit le spirituel critique, je ne serai pas embarrassé de prou« ver au public que je suis chrétien, et que vous n'avez pas le sens

a commun. »

Sous l'Empire, M. de Feletz resta fidèle au culte du malheur, ne s'occupant que de questions littéraires auxquelles il ne manquait pas cependant de rattacher de temps en temps, avec un tact merveilleux, ses souvenirs, ses regrets et ses espérances. Il refusa la chaire d'éloquence sacrée que lui offrait Maury,. et il désigna pour cette place M. Frayssinous, ce qui eût été un excellent choix. Quand les Bourbons reparurent, il s'associa avec tous les bons français aux transports et aux acclamations qui saluèrent leur retour. Ses articles furent alors souvent politiques, et tous sans exception établissent les bons principes et réfutent les mauvaises doctrines. Malte-Brun qui, au commencement de la seconde restauration, s'était brouillé avec ses anciens collaborateurs des Débats, prétendait que parmi eux tous il n'y avait qu'un seul royaliste, M. de Feletz: arrêt qu'on peut trouver trop rigoureux, mais qui n'est que vrai à l'égard de celui qu'il excepte si glorieusement. La politique des Débats changea lors de la scission de M. de Villèle et de M. de Châteaubriand. M. de Feletz par la constance de ses opinions. Il ne se reprochait, il nous l'a répété souvent, qu'un seul article qu'il n'avait pas cru pouToir refuser à un de ses amis, l'auteur de l'Histoire de l'Eglise au diz-laitième siècle. « Il y avait dans ce mauvais ouvrage, disait-il, quelque chose de contagieux ; je n'y échappai point, et les défauts de cet écrivain âpre et dur se répandirent sur mon compte-rendu.» Aussi s'abstint-il de le reproduire dans ses Mélanges. ll contribua en 1809 et 1810, à la rédaction du Mercure, où il donna quelques articles très-bien faits, et entre autres un sur l'Itinéraire de Pa

s'honora

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ris à Jérusalem. « J'en fus heureux, c'était un chef-d'œuvre, » nous disait peu d'années avant sa mort M. de Châteaubriand. Nous fùmes d'autant plus frappés de ces expressions, qu'elles formaient un contraste singulier avec l'amertume des jugements qu'il portait sur quelques grands écrivains de notre époque, amertume qui faisait pressentir celle des Mémoires d'Outre-Tombe.

Depuis 1809, M. de Felelz était un des conservateurs de la Bibliothèque Mazarine. Il perdit sa place pendant les Cent-Jours. Carnot l'accusait d'avoir écrit contre son fameux Mémoire. « L'empereur ne veut être servi que par des amis, » lui dit le ministre qui avait déjà disposé de sa place en faveur de Delisle de Salen. Cet emploi fut rendu à M. de Feletz après le second retour de Louis XVIII. Il fut compris en 1816 parmi les gens de lettres pensionnés par le roi. En 1810, il avait été nommé par Fontanes membre de la commission des livres classiques de l'Université, et en 1820 l'abbé Nicole l'appela aux fonctions d'inspecteur des études de l'Académie de Paris.

Ses talents littéraires marquaient naturellement sa place à l'Académie française, qui l'admit enfin malgré une violente opposition dont Raynouard était le chef. « Le corps académique, disait un journal du temps, fit preuve de générosité en recevant dans son sein un candidat qui avait criblé de coups plusieurs de ses membres. » Ce ne furent pas sans doute les membres atteints par les traits de M. de Feletz, qui lui donnèrent leurs voix. M. de Quelen, M. de Châteaubriand, M. de Bonald, M. Frayssinous se distinguèrent entre ceux qui favorisèrent son élection.

il

L'année suivante, en 1828, il répondit victorieusement à ceux qui l'accusaient de n'avoir fait aucun ouvrage, par la publication de ses Mélanges de philosophie, d'histoire et de littérature, répertoire que consulteront toujours ceux qui cultivent les lettres et qui aiment une critique élégante, polie et spirituelle. «Une table analytique, a dit un écrivain qui ne partageait pas toutes les opinions de M. de Feletz, est tout ce qui manque à cet ouvrage devenu classique. » Moins didactique que le recueil des articles de Dussault et d'Hoffman, offre une lecture plus variée, plus instructive, plus agréable et en même temps plus philosophique; car M. de Feletz a souvent traité les matières les plus élevées. Depuis longtemps Fabry avait recueilli plusieurs de ses articles dans le Spectateur français au dix-neuvième siècle, dont ils sont un des plus agréables ornements. Il faut joindre aux Mélanges, les Jugements historiques et littéraires sur quelques écrivains et quelques écrits du temps, publiés en 1840. Cet ouvrage, dans sa variété, offre une lecture très-attachante. Il est précédé d'une préface qui rappelle les meilleurs temps de l'auteur, et qui est un vrai modèle de grâce et d'atticisme. Les événements de 1830 affligèrent profondément M. de Feletz, et il se hâta d'envoyer sa démission d'inspecteur des études à M. le duc de Broglie; le ministre ne voulut pas d'abord l'accepter, mais il dut se rendre aux vives

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