Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

lons au fond des choses; allons au fond des crimes politiques. Qu'y voyons-nous le plus souvent? Des réputations tarées au point de vue privé. (Très-bien! c'est cela!) Des ambitions ardentes sans foi ni loi, entraînant à l'émeute de malheureux citoyens. (Trèsbien! très-bien!)

M. MATHIEU (de la Drôme`. Messieurs, nous sommes divisés sur des questions politiques, soyons d'accord sur les questions d humanité. Les grandes pensées politiques viennent du cœur. (Aux voix ! aux voix !)

L'amendement de M. Jules Favre est mis aux voix et rejeté à une immense majorité.
M. le général Cavaignac a voté contre l'amendement.

La commission a décidé que les déportés seraient soumis à un régime disciplinaire.
Cette disposition est attaquée par M. Charamaule et par le général Lamoricière.
La discussion a été renvoyée à demain.

Chronique et Faits divers.

Le président de la République, accompagné des ministres de la guerre, des travaux publics et de ses officiers d'ordonnance, est parti aujourd'hui à une heure pour Angers.

Il a emporté vingt-quatre brevets de la Légion-d'Honneur pour récompenser les traits de dévouémet.

- On lit dans le Courrier de Lyon, du 11:

Un des jours de la semaine dernière, le 13° de ligne venait prendre ses cantonnements à Caluire et dans les environs. Un pauvre soldat de ce régiment, accablé de fatigue et en proie à une fièvre ardente, ne pouvant suivre le corps, avait été obligé de s'arrêter sur la route; il est rencontré par un ouvrier de la Croix-Rousse qui, le voyant aux approches de la nuit étendu, sans mouvement, lui adressa la parole, puis l'aida à se relever et le conduisit jusqu'à l'auberge la plus rapprochée.

Après l'avoir recommandé à l'hôtesse en payant d'avance les soins de celleci, il quitta son protégé en lui promettant de revenir le lendemain s'informer de son état. Il revint en effet. Le malade allait beaucoup mieux; mais touché de tant de charité, l'aubergiste n'a pas voulu être en reste avec l'ouvrier, elle lui rendit l'argent qu'elle en avait reçu la veille, et cet argent passa immédiatement dans la poche du pauvre soldat.

C'est là de la vraie fraternité; l'honnête et brave ouvrier de la Croix-Rousse qui la pratique ainsi, peut servir d'exemple à ceux d'entre ses frères qui la pratiquent d'une autre manière. »

- Une ordonnance du pro-ministre de la guerre du Saint-Père règle que les officiers reprendront, comme marque de service, l'écharpe blanche et jaune, à laquelle on avait substitué le hausse-col.

Une autre défend d'accorder à l'avenir aux personnes étrangères à l'armée l'autorisation de porter les insignes militaires.

On lit dans l'Impartial de Bruges :

De temps à autre on découvre encore une œuvre d'art, un tableau de maître égaré dans les combles de quelque antique bâtiment, d'une chapelle ignorée; c'est ainsi que le supérieur de l'institut de Saint-François-Xavier de notre ville, a trouvé parmi des objets de peu de valeur relégués au grenier, deux volets de tableau que les amateurs ont reconnus être peints par notre célèbre Memling. Des agents du duc d'Aremberg ayant appris cette nouvelle intéressante pour les arts, se sont transportés à l'Institut de Saint-François, et ont fait l'acquisition de cette heureuse trouvaille, pour une somme de neyf mille francs, de sorte qu'un Memling, dont on ignorait l'existence, fait aujourd'hui un des principaux ornements d'un des plus riches cabinets de tableaux de la Belgique.

-L'Etoile du Texas rapporte que plusieurs momies ont été découvertes dans les environs de Durango, dans l'ancienne province de Zacatecas (Mexique). Elles sont dans une position assise, mais les enveloppes, les bandelettes et les ornements sont les mêmes que pour les momies égyptiennes.

Dans le nombre, on trouve quelques figures sculptées, des poignards en cristal de roche, des ornements de tête en plumes, des colliers de grains coloriés et alternés, des fragments d'ossements polis comme l'ivoire, des tissus élastiques d'un beau travail, des mocassins ouvrés comme ceux des indiens modernes, des squelettes de vipères, etc. On doit désirer que ces intéressantes recherches se poursuivent. Ces reliques ont évidemment une très-haute antiquité, et il serait curieux que la science pût constater un jour que les ancêtres de Montezuma ont vécu sur les bords du Nil. (Echo de la Marine.)

-

On assure qu'un fabricant de Barcelone a découvert un procédé chimique dont l'emploi donne au coton l'apparence du fil de lin. Il a fabriqué des pièces dont la trame seule est en fil, et où on ne peut reconnaître le mélange du coton même en les effilant. Si cette nouvelle est vrai, voilà une révolution dans l'industrie des tissus.

On dit aussi qu'une compagnie se charge d'amener des eaux à Madrid. Ce serait un bienfait réel pour la ville qui possède un beau pont, sans doute, mais sur un filet d'eau presque à sec pendant tout l'été.

VARIÉTÉS.

Œuvres, industries et projets de charité et de zèle.

Nous recevons la lettre suivante que nous sommes heureux de communiquer à nos lecteurs :

<< Monsieur le directeur,

« Bordeaux, le 11 avril 1850.

Faire connaître le bien imitable, c'est presque toujours un moyen infaillible de le propager, écrivait votre honorable correspondant. En voici la preuve : depuis que ma lettre a paru dans l'Ami de la Religion, de nouvelles demandes d'affiliation à l'archiconfrérie de l'OEuvre des bons livres m'arrivent tous les jours. Mais on ignore qu'il y a des formalités préalables que je dois faire connaître, ce qui prend du temps et entraîne des retards. Auriez-vous donc la bonté d'avertir qu'en m'adressant une demande, il faut, 1° l'accompagner de l'autorisation de Mgr l'Evêque diocésain; 2o désigner le vocable de l'église ou chapelle dans laquelle l'association est ou doit être érigée.

‹ Agréez, etc.

« J. H. TAILLEFER, ch. »

BOURSE DU 18 AVRIL.

Le 5 p. 100, 88 80 à 89 35. Le 3 p. 100, 55 40 à 55 05. Actions de la Banque, 2,125 00. Obligations de la Ville, 1,270 00. Nouvelles Obligations, 1,130 50.5 p. 100 belge, 99 114. Emprunt romain, 78 112.

[ocr errors]

L'un des Propriétaires-Gérants, CHARLES DE RIANCEY.
Paris, imp. BAILLY, DIVRY et Comp., place Sorbonne, 2.

SAMEDI 20 AVRIL 1850.

(N° 5023)

L'AMI DE LA RELIGION.

De la question d'association dans ses rapports avec

l'Eglise.

La société actuelle est travaillée par une plaie dangereuse, si elle n'est pas mortelle. C'est l'individualisme poussé à ses dernières limites. Chacun vent ou avancer ou s'enrichir à tout prix. Nul frein moral ne vient modérer ces convoitises de l'ambition ou de la cupidité. L'anarchie des croyances favorise et accroît encore cet immense désordre tous les liens se relâchent; le moi survit seul dans ce naufrage général. Et si la guerre civile cesse parfois au sein de nos villes et de nos campagnes, c'est pour qu'une guerre intestine presque aussi funeste règne partout, dans le commerce, dans l'industrie, enfin dans la carrière des fonctions publiques.

Que si ces sombres tableaux avaient été seulement l'ouvrage d'écrivains catholiques, on les aurait traités de fanatiques ou de rêveurs. Les hommes d'Etat soi-disant libéraux les eussent renvoyés au moyen âge, comme rétrogrades et ennemis du progrès. Mais les critiques les plus vives et les plus acérées contre notre société moderne ont été formulées par les plus audacieux novateurs, par les seclateurs d'Owen, de Fourrier et de Saint-Simon. La voix de ces hommes a été plus écoutée, dans la critique du temps présent, que ne l'eût été celle des chrétiens qui auraient semblé ne vouloir que réhabiliter et rétablir le passé.

Le socialisme a surtout employé une verve intrépide et entraînante à altaquer ces maximes fondamentales de l'économie politique du dix-huitième siècle : laissez faire, laissez passer.

Il a traité de désorganisatrice et d'anarchique cette liberté indéfinie et absolue du commerce et de l'industrie, qui nous a été transmise comme un dogme par la révolution de 1789.

Suivant lui, ce principe entraîne un mauvais emploi des forces productives, les répartit inégalement, met les unes en action et laisse les autres dans l'inertie. De plus, il en résulte une passion de concurrence qui surexcite les plus mauvais penchants de l'homme, et se traduit en calomnies contre les rivaux, en mauvaises fabrications, contrefaçons et fraudes de toute espèce.

D'après la même école, à ces maux extrêmes, il faut des remèdes extrêmes; l'individualisme, poussé à de tels excès, ne peut être guéri que par un remède absolument contraire, l'association.

Quelques philosophes, désespérant d'amener la société, par leur scul ascendant, à accepter ces réformes radicales, n'ont pas craint d'appeler à leur aide toutes les forces vives qui existent en elle. En L'Ami de la Religion. Tome CXLVII.

18

la scrutant avec attention, ils ont cru s'apercevoir, chose merveilleuse, que l'Eglise, qui avait fait de si grandes choses dans le passé, pouvait bien avoir encore quelque peu de vie et de puissance pour le présent et pour l'avenir; alors ils se sont avisés de la convier à s'intéresser à leur œuvre, à en faire même son affaire à elle, si bon lui semblait.

Telle est, si nous ne nous trompons, la tendance de plusieurs philanthropes, découragés pratiquement de toute tentative d'organisation sociale en dehors de l'idée chrétienne, et effrayés peut-être des progrès toujours croissants du communisme.

Or, notre dessein principal n'est pas d'agiter aujourd'hui l'immense question de savoir dans quelle mesure et à quelles conditions l'association pourrait être parmi nous une chose utile et praticable : nous voulons particulièrement examiner s'il peut convenir aujourd'hui à l'Eglise de prendre l'initiative d'une organisation sociale, totale ou partielle, radicalement différente de celle qui existe.

I.

Dans tous les temps de sa vie terrestre, l'Eglise procéda moins dans son action civilisatrice par voie d'autorité que par voie de conseil; elle inspira plutôt qu'elle n'imposa ces améliorations dont l'ensemble tendit à donner, jusqu'au quinzième siècle, une sorte d'unité à l'Europe chrétienne.

Les vrais principes d'égalité et de fraternité chrétiennes étaient alors au fond de toutes les croyances et tendaient à trouver tout naturellement leur expression dans les principaux actes de la vie publique et privée.

Quand saint Louis engagea Etienne Boyleau à faire rédiger les us et coutumes des corporations de marchands de la cité, il ne le faisait pas pour déférer à quelque réclamation du Pape ou même du clergé de France; l'histoire ne fait mention de rien de semblable; on ne voit pas même qu'il ait appelé à conseil, à cet effet, ni moine ni clerc. Ce n'étaient pas là des matières spirituelles ou mixtes qui parussent être, même alors, de la compétence ecclésiastique. Pour recueillir les us et coutumes, Etienne Boyleau, investi comme prévôt des marchands, de toute la confiance du saint roi, se contenta de faire appe⚫ler et interroger le plus ancien de chaque métier. La loi donnée aux corporations ne fut que leur tradition écrite, améliorée graduellement par l'esprit du christianisme qui, à cette époque, déposait partout son empreinte.

Les corps des marchands de Paris, bien avant le travail législatif d'Etienne Boyleau, avaient pour devise ces mots : « Vincit concordia fratrum. D

« Le style même, dit un auteur moderne, se ressentit de l'influence dominante de l'esprit chrétien. Souvent la compassion pour le pauvre, la sollicitude pour les déshérités de ce monde se font jour

a

à travers la concise rédaction des règlements de l'antique jurande. • Quand les maîtres et jurés boulangers, y est-il dit, iront par la • ville, accompagnés d'un sergent du Châtelet, ils s'arrêteront aux « fenêtres où est exposé le pain à vendre, et si le pain n'est pas sufa fisant, la fournée pourra être enlevée par le maître. » Mais le pauvre n'est point oublié, et les pains qu'on trouve trop petits, on les distribue au nom de Dieu: « ceux que l'on trouvera trop petits, li a juré feront doner por Dieu le pain (1). »

« Et si, en pénétrant au sein des jurandes, on reconnaît l'empreinte du christianisme, ce n'est pas seulement parce qu'on les voit, dans les cérémonies publiques, promener solennellement leurs dévotes bannières et marcher sous l'invocation des saints du paradis ; ces formes religieuses cachaient les sentiments que fait naître l'unité des croyances. Un sentiment qui n'est plus aujourd'hui ni dans les mœurs ni dans les choses publiques, rapprochait alors les conditions et les hommes, la charité.

• Protéger les faibles était une des préoccupations les plus chères au législateur chrétien. Il recommande la probité aux mesureurs ; il défend aux taverniers de jamais hausser le prix du gros vin, commune boisson du menu peuple; il veut que les denrées se montrent en plein marché, qu'elles soient bonnes et loyales, et afin que le pauvre puisse avoir sa part au meilleur prix, les marchands n'auront, qu'après tous les autres habitants de la cité, la permission d'a-cheter des vivres....

« Ainsi l'esprit de charité avait pénétré au fond de cette société naïve qui voyait saint Louis venir s'asseoir à côté d'Etienne Boyleau, quand le prévôt des marchands rendait la justice....

« La vie du travailleur n'était pas troublée par d'amères jalousies, par le besoin de haïr son semblable, par l'impitoyable désir de le ruiner en le dépassant. Quelle union touchante, au contraire, entre les artisans d'une même industrie! Loin de se fuir, ils se rapprochaient l'un de l'autre pour se donner des encouragements réciproques et se rendre de mutuels services. Dans le sombre et déjà vieux Paris du treizième siècle, les métiers formaient comme autant de groupes. Les bouchers étaient au pied de la tour Saint-Jacques. La rue de la Mortellerie rassemblait les maçons. Les tisserands donnaient son nom à la rue de la Tixeranderie qu'ils habitaient. Les changeurs étaient rangés sur le Pont-au-Change, et les teinturiers sur les bords du fleuve. Or, grâce au principe d'association, le voisinage éveillait une rivalité sans haine. L'exemple des ouvriers diligents et habiles engendrait le stimulant du point d'honneur. Les artisans se faisaient en quelque sorte l'un à l'autre une fraternelle

concurrence.

(1) On peut consulter à l'appui le Livre des métiers d'Etienne Boyleau, titre Ier des Talemeliers, et la préface de M. Depping.

« PreviousContinue »