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VENDREDI 19 AVRIL 1850.

(N° :022)

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L'AMI DE LA RELIGION.

La rentrée du Saint-Père dans la capitale du monde catholique est un des plus grands événements de ce siècle. Jamais peut-être consolation plus intime et plus profonde n'a été réservée aux cœurs fidèles voir l'auguste Pie IX, après de si redoutables et de si amères tribulations, ramené en triomphe par le dévouement et le courage de la France, et reprenant possession de son trône apostolique au milieu des plus magnifiques transports de la joie et de l'enthousiasme : c'est là un de ces spectacles devant lesquels le chrétien se prosterne dans une muette contemplation, adorant au fond de son âme les desseins merveilleux de la Providence, qui veille à jamais sur son Eglise, et qui sait plier les instruments les plus rebelles en apparence à l'accomplissement de ses éternelles volontés.

Certes, qui eût osé prédire, au commencement de 1848, que, en présence de l'Europe bouleversée par la tourmente révolutionnaire, ce serait la France, la France républicaine, la France placée sous la présidence du neveu de l'empereur Napoléon, qui viendrait, en se couvrant de gloire, étouffer la République romaine et restaurer au Vatican le successeur de Pie VII?

Il en a été cependant ainsi, et les applaudissements de l'Europe et de la chrétienté récompensent aujourd'hui notre patrie de son zèle et de sa bravoure. Bien aveugle qui ne reconnaîtrait dans cette date mémorable du 12 avril 1850, la main même de celui qui, en posant la pierre angulaire, lui a promis que jamais les puissances de l'enfer ne prévaudraient contre elle !

Mais la restauration du Saint-Père n'est pas seulement un sujet de bénédiction et de reconnaissance pour les catholiques; elle est une gloire incomparable pour la France. « La France, dit un ancien chroniqueur, est un chevalier armé, toujours prêt à saisir sa lance et à monter à cheval pour courir à l'aide de notre mère la sainte Eglise de Rome! » Et il y a pour nous, enfants du dix-neuvième siècle, un sentiment ineffable de légitime orgueil à nous répéter que nous n'avons pas dégénéré de nos aïeux, et que nos soldats sont les dignes fils des compagnons de Saint-Louis et de Charlemagne.

D'ailleurs, et en nous élevant à des considérations plus hautes, combien ne devons-nous pas rendre de grâces au Seigneur d'avoir été choisis pour cette œuvre de pacification, de justice et de foi? Les nations chrétiennes sont dans la main de la Providence: si elle les châtie quand il lui plaît, elle sait aussi leur donner l'immortel honneur de les prendre pour les exécutrices de ses conseils. Et qui refuserait de voir dans cette complaisance divine un gage de miséricorde et une aurore de salut? C'est l'expérience constante des siècles, que L'Ami de la Religion. Tome CXLVII.

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les peuples qui cèdent aux volontés providentielles et qui les secondent s'attirent des droits spéciaux à la protection et à l'indulgence d'en haut. Plaise au ciel que le filial empressement dont nous avons fait preuve au service du Siége apostolique nous soit compté dans la balance des jugements éternels! Pour nous, c'est là une conviction profonde et une inébranlable espérance.

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Qu'on nous permette d'ajouter que l'honneur fait à notre patrie prend des circonstances présentes un caractère plus touchant encore et qui nous impose de grands devoirs. Lorsque, dans d'autres temps, la Papauté exilée a été remise en possession de ses Etals, ces restaurations ont été l'œuvre ou d'un souverain ou d'un peuple dont le dévouement particulier se consacrait à la défense et à la protection du Saint-Siége tel Innocent II ramené par les armes de l'empereur Lothaire; tel Eugène III revenant avec l'aide de Roger, roi de Sicile; tel Alexandre I rentrant à la suite de la paix de Venise. Mais il y a dans le retour de Pie IX quelque chose de plus remarquable et de plus solennel. Le magnanime exilé est rappelé, non pas seulement comme Pie VII par une convention diplomatique qui considère dans la restitution de son pouvoir un acte de justice politique et la réparation d'une violence toute politique: Pie IX rentre appuyé sur le bras de la France, et pressé par les instances de toutes les nations européennes, catholiques et non catholiques, qui jugent que sa souveraineté est une garantie essentielle de son indépendance; qu'il y va de la sécurité de deux cents millions d'àmes et de consciences; et que la cause du Saint-Père est la cause de l'autorité, de l'ordre, de la société elle-même !

Quel hommage rendu à cette puissance suprême dont le Vicaire de notre Seigneur Jésus-Christ cst le dépositaire! Quelle magnifique confession du monde entier venant offrir son secours à cette autorité, symbole et source de tout pouvoir, au moment même où toutes les autorités sociales et politiques fléchissent et tremblent, où tous les pouvoirs s'ébranlent, où tous les principes sont contestés!

Et par un décret spécial, quelle est de toutes les nations celle qui représente ses sœurs dans cette scène mémorable? Celle-là même qui a donné le signal des révolutions, celle qui a perdu la première le respect et la soumission,. celle qui a ouvert la carrière des périls et des hasards, du désordre et de la licence! C'est elle qui a dû prendre l'épée pour la réparation la plus solennelle des folies et des crimes de la révolution. C'est elle qui a versé son sang pour la plus haute expiation des iniquités de la démagogie. C'est elle vers qui le plus doux et le plus généreux des souverains, le type le plus sacré de l'autorité ici-bas, vient avec une héroïque confiance, comme pour consacrer son repentir en bénissant son courage. Puisse cet enseignement n'être pas perdu pour nous!

L'année 1850. est inscrite dans les fastes de l'Eglise comme une

année jubilaire. Un des plus savants interprètes de la Bible (1) veut que ce mot hébreux signifie rappeler ou reconduire. D'autres le font dériver d'une étymologie qui représenterait l'idée de la renaissance, de la germination (2). Qu'on nous permette d'accepter et de célébrer ce double augure. Pour nous, pour l'Europe, pour l'Eglise, oui, le Jubilé de 1830 sera l'époque du retour et l'ère de la renaissance! Oui, notre patrie, notre société, notre foi, reprendront en cette année sainte une force et une vie nouvelles! La terre de France, le vieux sol de l'Europe, le champ immortel du catholicisme, se couvriront d'une moisson renouvelée, et après les sombres orages de ces derniers temps, après cette froide et triste saison de la peur et de la violence, une ère féconde se lèvera sur le monde régénéré!

Rapport de M. Gustave de Beaumont sur la question romaine.

C'est un grand sujet de confiance pour les chrétiens que de voir au sein même des pouvoirs publics les sentiments les plus généreux reprendre leur légitime empire, et se traduire en hommage de fidėlité, de respect et d'amour pour Pie IX, pour le Saint-Siége et pour l'Eglise.

Au moment même où Pie IX rentre dans sa capitale, la question romaine, à propos du vote des crédits destinés à notre expédition, va revenir à la tribune de l'Assemblée nationale. Le rapport de M. Gustave de Beaumont vient d'être déposé; nous extrayons quelques passages principaux de cel important document.

L'honorable rapporteur rappelle d'abord en termes précis quel a été le but de notre intervention :

« Ce but, c'est la restauration de l'autorité temporelle du Saint-Père dans les Etats pontificaux, et le maintien de notre légitime influence en Italie. Le caractère de notre intervention, c'est le respect de la sainte autorité que nous sommes allés rétablir, devant laquelle nous nous inclinons avant même de l'avoir relevée, dont l'indépendance, patrimoine commun du monde chrétien, est la première condition de vie, et qui cesserait d'être puissante parce qu'elle cesserait d'êtro libre, si elle subissait aucune contrainte, et si nous-mêmes nous pouvions exercer sur sa volonté d'autre influence que celle des conseils respectueux que nous lui adressons, et qu'elle reçoit avec le même sentiment de confiance qui nous les inspire.

Jusqu'à quel point, comment et dans quelle mesure, le but que se proposait la France, ce qui était à faire, a-t-il été accompli? C'est ce que M. Gustave de Beaumont explique en des termes admirables de vérité et de sentiments.

Il s'exprime ainsi :

Les détracteurs de l'expédition française en Italie prédisaient naguère en

(1) Dom Calmet. Jobil, rappeler, reconduire.

{2, Jubal, germe:

core, du haut de la tribune nationale, qu'aussi longtemps qu'il y aurait une garnison française dans Rome, le Saint-Père n'y rentrerait pas. Cependant, à l'heure où nous traçons ces lignes, le Saint-Père a quitté Portici; il a déjà franchi les frontières du royaume de Naples; déjà il foule de ses pieds le sol de ses Etats; il marche directement vers Rome; et quelques jours, quelques heures peut-être restent à s'écouler avant que le successeur de saint Pierre soit rentré dans les murs de la ville éternelle.

« Félicitons-nous, Messieurs, félicitons le gouvernement de la République française d'un événement qui est bien plus qu'un succès pour nous, qui est un sujet de joie pour le monde catholique tout entier, et dans lequel, au milieu de toutes les significations qu'il implique, nous voyons surtout le grand témoignage de confiance que le Saint-Père donne à la France, et que la France méritait.

Ce fnt, quoi qu'on en ait dit, une grande et généreuse pensée que celle qui conduisit nos soldats sous les murs de Rome pour y secourir la personne menacée et le pouvoir méconnu du pieux Pontife, que l'Eglise catholique avait naguère acclamé, et dans lequel se personnifiaient toutes les espérances de l'Italie. Une pareille entreprise était surtout digne de la France, qui est en droit de se montrer plus sensible qu'aucun autre pays à toute atteinte portée à l'autorité du Saint-Père, parce qu'elle est plus profondément, plus uniformément catholique qu'aucun autre parce que si toutes les nations catholiques ont été jalouses de porter secours à leur chef spirituel, c'était la France qui pouvait l'offrir avec le plus de puissance et d'autorité.

Tandis qu'en France on oublie quelquefois le caractère et la grandeur de notre entreprise, pour ne l'envisager que par les côtés qui prêteraient à la critique et au blâme, à l'étranger, Messieurs, on l'approuve plus entièrement, plus résolument, et l'on se montre plus équitable envers nous que nous ne le sommes nous-mêmes. On nous honore à l'étranger d'avoir exécuté l'expédition de Rome. Les peuples catholiques en sont fiers pour nous et pour eux-mêmes. Ils considèrent que notre entreprise est la leur. Il y a longtemps que, dans la pensée du monde chrétien, le catholicisme et la France se confondent; et il est vrai de dire qu'à l'heure qu'il est, dans tous les pays de l'univers, quel que soit le gouvernement, la race, le climat, pourvu qu'il y existe un catholique, il y a un sentiment français, c'est-à-dire un sentiment reconnaissant pour la France qui a rétabli dans sa dignité le pouvoir outragé du Père commun des fidèles. Ce sentiment est universel en Europe, et se manifeste hautement par le langage le plus sympathique pour la France. »>

Il appartenait à l'organe éminent d'une commission nommée par l'Assemblée souveraine, de relever ainsi l'honneur de la France. Un peu plus loin, son langage n'est pas moins digne de l'homme d'Etat plein de vénération et de dévouement pour l'Eglise !

Ainsi il s'écrie: « Il est certain que le retour du Saint-Père à « Rome y aura déjà la valeur d'une institution. » Il ajoute encore : « Ce n'est pas seulement le Pape qui rentre à Rome, c'est Pie IX... « Pie IX ne sera pas indépendant et souverain sans être libéral et clé«ment. Pour être tel que l'Italie le veut, Pie IX n'a besoin que de « rester lui-même. »

<< Ah! sans doute, s'écrie l'honorable représentant, il importe que le SaintPère conserve, avec son autorité entière, la plénitude de son indépendance, et bien loin d'y vouloir porter atteinte, la France n'a rien plus à cœur que de voir

tout le monde respecter cette indépendance comme elle la respecte elle-même. A ses yeux, la meilleure influence à exercer à Rome serait peut-être qu'il n'en fût pratiqué aucune; et peut-être aussi la plus utile intervention serait celle qui tendrait à ce que nul n'intervînt. Reconnaissons-le, Messieurs, le Saiut-Père, souverain spirituel et temporel, cesserait de l'être, s'il pouvait être contraint de faire dans ses Etats des changements qu'il jugerait funestes. Mais aussi, parce qu'il est souverain, il doit être libre d'accomplir les innovations qu'il croit bonnes. Et s'il est vrai de dire qu'on ne pourrait, sans violer son indépendance, l'obliger de faire ce qu'il ne veut pas, il faut reconnaître que ce serait porter une égale atteinte à sa souveraineté, que de l'empêcher d'accomplir ce qu'il veut. Ce que la France désire, ce qu'elle poursuit, ce qu'elle a le droit de demander, c'est le respect absolu de cette indépendance du Saint-Père, d'où sortiront, comme d'ane source naturelle, les décrets de justice et de grâce, les institutions d'ordre et de liberté. ›

Décret de la sainte Congrégation de l'Index.

Samedi, 23 mars 1850.

La sainte Congrégation, etc., condamne les ouvrages suivants : Bilder aus Italien von I. H. Willimann M. C. « Hoc est » Italorum Imagines. Decr. 23 martii 1850.

Conforti all'Italia, ovvero preparamenti all'insurrezione. Decr. eod.

Lettere filosofiche della marchesa Marianna Florenzi Waddington. Decr. eod.

Le Christianisme expérimental, par Athanase Coquerel, un des pasteurs de l'Eglise réformée de Paris. Decr. eod.

La Scomunica del Popolo italiano al Papa e ai suoi Ministri, scritta da Carlo Arduini. Decr. eod.

Sulla Costituente romana, discorso preparatorio alla elezione, ossia programma di dessiderj dell'Avv. Francesco Carancini, Presidente del Tribunale di prima istanza in Ferrara, diretta al Circolo popolare di Recanati sua patria. Decr. S. Officii 21 februarii 1850.

La ricuperazione delle due Sovranità, Orazione scritturale all' Assemblea romana. Decr. S. Officii 21 februarii 1850.

Auctor « Die Kirchlichen Zustande der Gegenwart: Hoc est: Præsens status Ecclesiæ, von I. B. Hirscher.» Prohib. Decr. die 25 octobris 1849. Laudabiliter se subjecit, et opus reprobavit.

Auctor & Das Kirchliche Synodal - Institut: Hoc est: Institutum Synodale ecclesiasticum, von D. F. Haiz. » Prohib. Decr. die 25 octobris 1849. Laudabiliter se subjecit, et opus reprobavit.

Auctor « Natura ed effetti del dominio Temporale de' Papi, discorso di Domenico Morgana.» Prohib. Decr. die 12 januarii 1850. Laudabiliter se subjecit, et opus reprobavit.

Auctor « Concordia della ragione con alcune importantissime verità cattoliche, ossia « Propagazione del peccato originale, e prova diretta dell' immacolato Concepimento della Vergine santissima,

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